Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la politique territoriale de l'éducation artistique et culturelle, Paris le 23 janvier 2007.

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Circonstance : Séminaire sur l'éducation artistique et culturelle à Paris le 23 janvier 2007

Texte intégral

Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sont intervenus devant les cadres de l'éducation nationale et les directeurs régionaux des affaires culturelles, réunis les 22 et 23 janvier à la Cité Universitaire pour un séminaire sur l'éducation artistique et culturelle.
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui, et si je regrette que les contraintes de mon emploi du temps m'aient amené à intervenir en cours de séminaire plutôt qu'en clôture avec mon collègue, Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication, j'ai tenu absolument à faire en sorte de pouvoir m'adresser à vous.
Ce séminaire, en effet, je le souhaitais. Je m'y étais d'ailleurs engagé, il y a un peu plus d'un an, à l'occasion du lancement du Haut-Conseil de l'Education artistique et culturelle, où j'avais demandé au Directeur général de l'enseignement scolaire de me proposer un programme de formation des cadres.
C'est désormais chose faite, chose bien faite même, si j'en juge par la qualité du programme qui m'a été présenté. Vous aurez conduit, au terme de ces deux jours, une réflexion de fond sur des enjeux toujours plus décisifs, et mon vœu est que l'ensemble de la communauté éducative puisse être destinataire de la synthèse de vos débats.
1. Pourquoi une politique territoriale d'éducation artistique et culturelle ?
Avant de m'arrêter sur les sujets spécifiques qui ont structuré vos travaux, j'aimerais vous proposer une très rapide mise en perspective qui vous explique comment nous en sommes arrivés à la question qui préside à ce séminaire : pourquoi l'Etat, et notamment le ministère de l'Education nationale, a-t-il décidé de se mobiliser en faveur d'une politique territoriale d'éducation artistique et culturelle ?
Le point de départ a été la décision de porter un regard à la fois rétrospectif et prospectif sur 30 années d'éducation artistique, avec :
la volonté de s'appuyer sur les acquis des pratiques et des expérimentations de terrain, relayées ou relancées par des orientations nationales ;
avec le souci de tirer les leçons de cette histoire pour dépasser les clivages ponctuels et garantir la continuité des politiques publiques ;
avec, enfin, l'envie d'aller plus loin dans l'objectif de toucher tous les élèves, tout en veillant à la diversification des parcours pour rester attentif aux besoins de chacun.
Quel bilan tirer de ces 30 années d'éducation artistique ?
J'en tire un bilan contrasté, marqué par d'incontestables réussites, mais aussi par des insuffisances.
Grâce à la complémentarité des enseignements et des dispositifs d'action culturelle, le système actuel a fait ses preuves. Il constitue une base de grande qualité qui suffit pour faire des envieux dans de nombreux pays d'Europe.
Le symposium international sur l'évaluation de l'éducation artistique et culturelle qui s'est tenu, il y a deux semaines, au centre Georges Pompidou à Beaubourg nous l'a bien montré.
Mais il peut être amélioré et développé dans plusieurs directions :
pour prendre en compte la grande variété des formes artistiques ;
pour mieux coordonner les actions, en évitant l'éparpillement ;
pour mieux garantir la continuité des actions.
Par ailleurs, les nouveaux cadres de l'action publique nous imposent une double mise en cohérence de l'éducation artistique :
cohérence avec les lois de décentralisation, d'une part, avec l'importance accrue donnée aux territoires et la montée en puissance des collectivités ;
cohérence avec la mise en œuvre de la LOLF, d'autre part, avec un accent mis sur la programmation et la performance, et la déconcentration accélérée qui en résulte en termes de choix d'orientation et de gestion.
Cette double volonté de cohérence et d'efficacité a conduit le ministère de l'Education, en concertation avec le ministère de la Culture, à proposer un nouveau cadre s'appuyant sur deux axes :
le renforcement du pilotage territorial ;
la généralisation sur le terrain.
Pour réaliser le pilotage territorial, les ministères ont demandé aux recteurs et aux DRAC de mettre en œuvre une politique territoriale d'éducation artistique concertée et cohérente avec l'ensemble des acteurs ;
pour généraliser sur le terrain l'action artistique, il a été demandé aux équipes pédagogiques d'inscrire la dimension artistique et culturelle dans tous les projets d'école ou d'établissement.
J'ai pu cependant constater que la mobilisation des acteurs éducatifs pouvait varier considérablement d'une académie à une autre. Si certains d'entre vous se sont d'ores et déjà appliqués à décliner les préconisations du Plan de relance, d'autres en revanche tardent à les mettre en œuvre.
L'inscription des politiques publiques dans la réalité des territoires n'est pas un choix, elle est aujourd'hui une nécessité ; et, pour ce qui est de l'éducation artistique et culturelle, elle s'impose à tous.
Je voudrais donc revenir sur ces deux grands axes, le pilotage territorial, et la généralisation sur le terrain, en insistant sur les moyens dont vous disposez pour avancer dans chacune de ces deux directions.
2. Un pilotage territorial renforcé
Pour renforcer l'éducation artistique au niveau local, il est d'abord nécessaire de renforcer le pilotage territorial, pour proposer une offre plus cohérente, plus équitable et plus dynamique.
Le garant de la cohérence, c'est le comité associant les rectorats, les DRAC et les collectivités de façon à proposer un pilotage stratégique entre l'ensemble des acteurs concernés.
Ce comité, désormais indispensable dans chaque académie, devra d'abord procéder à un bilan des initiatives prises en matière de développement conjoint par les services déconcentrés de l'État et les collectivités concernées ; il pourra alors, sur la base de cet état des lieux, proposer une analyse de besoins, une définition d'objectifs concertés et une déclinaison d'actions conjointes en matière d'éducation artistique et culturelle.
Plus cohérente, l'offre en matière d'éducation artistique se doit aussi d'être plus équitable. A cet égard l'une des priorités de l'action académique au sein du comité de pilotage doit être de faciliter l'accès des publics scolaires défavorisés aux arts et à la culture, en harmonisant les partenariats entre les acteurs du secteur culturel et ceux du champ éducatif et social.
Cet objectif pourra conduire notamment à :
systématiser les liens entre les réseaux « Ambition Réussite » et les structures culturelles de proximité ;
à renforcer la dimension artistique et culturelle des dispositifs Ecole ouverte, notamment dans le premier degré ;
à développer la mise en œuvre de projets artistiques pour les scolaires dans les zones sensibles, en soutenant des projets associatifs dans une perspective d'intégration culturelle et citoyenne ;
à proposer enfin un schéma de développement de l'offre culturelle en milieu rural, en favorisant la mise en œuvre de projets partenariaux dans le cadre de regroupements pédagogiques et de réseaux d'écoles.
Garantir à tous les élèves une éducation artistique et culturelle de qualité passe enfin par un suivi renforcé des équipes engagées dans les actions.
Je demande donc, à tous les cadres de nos services déconcentrés, de mettre en oeuvre dans leur académie des actions d'information et de mobilisation visant à mobiliser l'ensemble des personnels sur la mise en œuvre de cette politique. Je mettrai pour ma part en exergue trois pistes privilégiées :
1 - des actions de formation, initiale et continue ;
2 - la mise à disposition de ressources qui déclinent les orientations nationales en outils applicables au niveau local ;
3 - enfin, des expérimentations permettant aux équipes éducatives de développer des projets artistiques et culturels fédérateurs, à condition bien sûr que soient valorisées et diffusées les initiatives originales et les expériences réussies.
3. Développer l'éducation artistique et culturelle au niveau local
Voilà, en quelques mots, les moyens de renforcer le pilotage territorial de l'éducation artistique.
J'en viens au second grand axe de développement de l'éducation artistique : la généralisation des pratiques de terrain.
La réussite d'une politique d'éducation artistique et culturelle ancrée dans les territoires tient aussi à la capacité des acteurs de terrain à s'en saisir et à la faire vivre de façon dynamique dans leurs structures respectives.
La circulaire interministérielle de 2005 a donné un élan très fort en ce sens, en formalisant dans deux demandes nouvelles le surcroît de cohérence et d'ouverture demandé aux acteurs locaux.
Ainsi les missions d'action éducative des structures artistiques et culturelles sont renforcées, avec l'obligation d'inscrire une dimension éducative dans les contrats d'objectifs qu'elles signent avec les DRAC.
Parallèlement, toutes les écoles et tous les établissements (collèges et lycées) doivent inscrire une dimension artistique et culturelle dans leur projet.
Ce dernier point est pour moi fondamental, et j'ai à cœur d'aider en ce sens toute la communauté éducative.
C'est pourquoi vous avez trouvé dans le dossier qui vous a été remis au début de ce séminaire la circulaire Education nationale que je viens de signer et que j'assume pleinement et qui porte sur la dimension artistique et culturelle du projet d'école ou d'établissement. De même, mes services sont en train de mettre la dernière main à un guide méthodologique spécifiquement consacré à cette question ; un exemplaire en sera adressé à l'ensemble de nos 80 000 structures scolaires.
L'éducation artistique et culturelle doit dès lors être considérée comme une responsabilité
collective :
cela passe notamment par une meilleure interaction entre les disciplines artistiques obligatoires, les autres dominantes artistiques et l'ensemble des enseignements toutes disciplines confondues ;
cela suppose d'organiser la complémentarité des dispositifs d'action culturelle avec ces enseignements ;
cela suppose aussi de développer les interactions entre les structures scolaires et les structures culturelles de proximité ;
cela nécessite enfin de favoriser l'ouverture de l'Ecole sur son environnement, en prenant en compte les politiques locales en matière d'éducation et de diffusion culturelle.
4. Le rôle de l'Etat
Je voudrais terminer en insistant sur le rôle de l'Etat.
La territorialisation des politiques publiques en matière d'éducation artistique et culturelle ne veut pas dire que l'Etat se désengage, bien au contraire.
L'Etat et le ministère de l'Education nationale conservent une mission fondamentale en termes d'orientation et d'impulsion :
Je pense au Plan de relance, qui fixe depuis 2005 un nouveau cadre à la fois conceptuel, méthodologique et pédagogique ;
Je pense aussi au socle commun de connaissances et de compétences, qui, dans son pilier n°4, fait de l'éducation artistique et culturelle un des axes de la formation dont doivent bénéficier les jeunes au cours de la scolarité obligatoire ;
Et je pense, enfin, à l'effort de mobilisation et de formation des cadres. Ce séminaire en est un exemple, un exemple qui doit faire école ! Voilà pourquoi j'ai demandé qu'un module de formation à l'éducation artistique soit intégré à la formation des cadres dispensée par l'Ecole supérieure de l'Education nationale (l'ESEN).
Mais d'autres impulsions sont encore à venir : un ensemble de circulaires d'orientation sont en cours de finalisation.
Je pense notamment à des textes sur des sujets qui participent étroitement de la territorialisation des actions :
la question des partenariats, avec un texte de cadrage sur les modalités de contractualisation partenariale et la place des chartes de pratique artistique et culturelle;
le thème de l'action éducative des structures culturelles sera lui aussi pris en compte, pour aider les établissements scolaires et les structures culturelles à mieux travailler ensemble tout en respectant leurs prérogatives propres ;
la question des ressources, enfin ne sera pas négligée, pour faire évoluer les Pôles nationaux de ressources vers des pôles mieux inscrits dans le cadre des politiques territoriales.
L'Etat a aussi un rôle d'information et d'accompagnement.
Vous connaissez déjà le portail interministériel, que j'ai ouvert en octobre 2005, pour mettre à la disposition de tous des ressources éducatives plus riches et mieux organisées.
Son originalité est de s'adresser à l'ensemble des acteurs concernés (enseignants, artistes, parents d'élèves) et de couvrir toutes les classes.
Je me réjouis de constater que cet effort répond pleinement à vos attentes, puisque les statistiques de fréquentation sont en augmentation permanente depuis le lancement, avec plus de 120 000 pages par mois.
Mais nous avons également en cours de réalisation diverses ressources opérationnelles pour les acteurs de terrain, et en particulier :
le guide méthodologique dont je vous ai déjà parlé ;
un glossaire de l'éducation artistique et culturelle, produit à l'échelle européenne avec d'autres pays partenaires ;
et enfin, un DVD d'initiation à l'histoire européenne des arts pour les collégiens, projet que j'ai proposé avec Renaud Donnedieu de Vabres à nos partenaires européens. Ce DVD sera un vecteur très efficace de l'éducation artistique dans notre pays, et aussi une contribution majeure à la construction d'un sentiment d'appartenance à une culture européenne commune.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, nous avons encore bien des choses à faire ensemble. Nous avons déjà fait beaucoup, mais nous avons encore des progrès à accomplir, pour créer une éducation artistique plus moderne, plus efficace, et plus proche des territoires.
Je vous demande de tous vous mobiliser pour cette entreprise difficile et exaltante, et je vous remercie par avance de votre détermination, passée et à venir.
Je vous remercie.

Source http://www.education.gouv.fr, le 25 janvier 2007