Déclaration de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes, Paris le 30 janvier 2007.

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Circonstance : 2ème Conférence annuelle sur la dépendance à Paris le 30 janvier 2007

Texte intégral

Monsieur le Directeur (David GUIRAUD),
Mesdames, Messieurs,
L'année dernière, vous avez décidé d'organiser tous les ans un grand rendez-vous sur ce défi majeur que constitue pour notre société la dépendance. A cette occasion, j'avais tracé devant vous un plan d'action pour préparer notre pays à la révolution de la longévité.
En un an, beaucoup a été fait. Des moyens considérables ont été dégagés pour accroître l'effort engagé par le Gouvernement en 2003. J'ai présenté en juin dernier le Plan Solidarité Grand - Âge. Il mobilise 2,3 milliards d'euros sur cinq ans pour adapter notre dispositif de prise en charge des personnes âgées à domicile, en établissement et à l'hôpital. Jamais un investissement aussi important n'avait été engagé.
Il faut maintenant poursuivre cette action en relevant le défi du financement de la dépendance pour alléger le fardeau pesant sur les familles. Ce sera désormais l'une des principales priorités de l'action en faveur des personnes âgées, à côté du développement de l'offre de places et de services et de l'augmentation des personnels des maisons de retraites. Ces trois défis doivent être relevés simultanément.
- Le premier défi, c'est de développer l'offre de services et de soins, tant à domicile qu'en établissement. C'est le Plan Solidarité Grand - Age.
· Pour donner le libre choix à toutes les personnes âgées de rester chez elles, si elles le souhaitent et que leur état de santé le permet, j'ai voulu amplifier notre effort pour ce qui est des services à domicile.
- Dès 2006, 6 000 places supplémentaires en services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ont été créées. 6 000 le seront encore cette année et ce rythme sera poursuivi jusqu'en 2010, date à laquelle il passera à 7 500 places nouvelles par an. C'est bien plus que les 4 250 places créées tous les ans depuis 2004. Il s'agit de permettre un véritable choix entre le maintien à domicile - souhaité par la plupart des personnes âgées, mais aujourd'hui souvent encore trop difficile - et l'entrée en établissement.
- Il faut aussi développer l'hospitalisation à domicile. Le nombre de places a été accru de 5 000, en 2002, à 8 000 fin 2005. D'ici à 2010, ce nombre sera presque doublé pour atteindre 15 000 places.
- Outre l'offre de soins à domicile, j'ai voulu maintenir à un niveau élevé les aides ménagères dont bénéficient les personnes âgées qui vivent chez elles. J'ai voulu que ces aides soient également plus diversifiées. Parce qu'une personne âgée a besoin d'aide pour le ménage de son appartement. Mais elle a souvent besoin, également, d'être accompagnée pour faire une course, aller à la poste ou recevoir des soins. Elle a besoin que quelqu'un s'occupe de l'entretien de son jardin ou fasse un peu de bricolage dans son logement. C'est le sens des nouveaux plans d'aide personnalisée proposés par l'aide sociale de la branche Vieillesse, à travers les CRAM.
· Pour les personnes qui ne peuvent pas rester chez elles, il est impératif de continuer à créer des places supplémentaires en établissement.
- Dès ma prise de fonction, j'ai décidé de doubler le nombre de places créées chaque année en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le Plan Vieillissement et solidarité prévoyait la création de 2 500 places par an. Sur les années 2005 et 2006, nous en avons réalisé 10 000 en deux ans.
- De 2007 à 2012, nous poursuivrons ce rythme de création de places très soutenu, avec la création chaque année de 5 000 places supplémentaires en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
- Et nous continuons de développer des modes d'hébergement plus souples qui s'adaptent aux besoins des familles. 2 125 places nouvelles d'accueil de jour et 1 125 places d'hébergement temporaire seront créées tous les ans pendant la durée du Plan Solidarité Grand - Âge. Nous inventons peu à peu ensemble la maison de retraite de demain.
- Le deuxième défi, c'est d'augmenter les personnels soignants dans les établissements.
· C'est une priorité si nous voulons que les personnes âgées soient accueillies et soignées dans les meilleures conditions. La France était à la queue du peloton des pays européens dans ce domaine. J'ai décidé un effort important et continu pour rattraper ce retard.
· Les conventions signées depuis le début des années 2000 entre l'établissement, l'assurance maladie et le département donnent les moyens aux établissements de se médicaliser, c'est-à-dire concrètement de recruter de nouveaux personnels soignants pour s'occuper des personnes accueillies. Les dernières années, chaque convention s'est traduite, en moyenne, par un renfort de 8 agents par établissement.
- Aujourd'hui, nous voulons faire mieux. Mon objectif, c'est de passer d'un ratio moyen de 0,57 pour 1 résident, tous personnels confondus, à 0,65 pour 1 résident. Dès cette année, au fur et à mesure que les conventions seront et sont renouvelées, c'est cette norme qui est maintenant adoptée, ce qui permet de recruter plus de personnel.
- Pour les personnes âgées les plus malades et les plus dépendantes, j'ai voulu engager tout de suite un effort plus important encore. Le ratio dans ces établissements passera donc à 1 professionnel par résident sur la durée du Plan
Ces établissements bénéficient ainsi dès cette année d'encore plus de moyens pour
augmenter le personnel.
- Le troisième défi, c'est celui de l'avenir, celui du financement durable de la dépendance.
Je crois indispensable d'expliciter ce que nous entendons par « cinquième branche de la protection sociale ». Et le mot "protection" sociale doit nous guider. Il ne s'agit pas de créer de toutes pièces à côté de l'assurance maladie, de l'assurance vieillesse, des caisses d'allocations familiales et du régime des accidents du travail un nouveau réseau national d'organismes de sécurité sociale, c'est-à-dire des caisses, dédié à la prise en charge de la dépendance.
Il s'agit au contraire de partir de l'existant pour le compléter et améliorer une couverture qui, malgré les progrès réalisés, est encore loin d'être suffisante.
Partir de l'existant, c'est d'abord confirmer le rôle des départements dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes. A eux, dans la proximité, de mesurer la perte d'autonomie de la personne âgée et de prendre en charge sa dépendance à travers l'allocation personnalisée d'autonomie et le financement du forfait dépendance des établissements. Partir de l'existant, c'est aussi reconnaître tout le rôle de l'assurance maladie dans la prise en charge des soins en établissement ou à domicile des personnes âgées dépendantes.
Partir de l'existant, c'est encore donner toute sa place à la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie pour l'organisation et le financement, à travers le produit de la Journée de solidarité et les autres ressources qui lui sont affectées, ou qui pourront l'être demain, de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Mais partir de l'existant, c'est aussi mesurer tout ce qui nous manque encore aujourd'hui :
- un financement de l'allocation personnalisée d'autonomie qui a, heureusement, été complété à partir de 2003 mais qui laisse à la charge directe des départements une part qui s'accroît d'année en année. Cela pose à l'évidence la question des ressources complémentaires qui ne pourront être apportées que par une réforme de l'assiette de la fiscalité locale ou par le redéploiement de ressources en provenance de l'Etat, qui devra désormais rendre de l'argent aux Français en accélérant sa modernisation car nous ne pourrons pas à l'avenir financer les nouveaux besoins sociaux par de nouveaux prélèvements. Ce financement de la partie soins est aujourd'hui convenablement assuré par l'assurance maladie et la Journée de solidarité mais il appellera à partir de 2008 la mobilisation de crédits accrus en provenance de l'assurance maladie. Cela suppose que nous sachions mener à bien et accélérer la réforme de l'assurance maladie pour permettre l'amplification des redéploiements réalisés depuis deux ans et qui ont dégagé au cours de ces deux années autant de ressources supplémentaires pour les personnes âgées dépendantes que la Journée de solidarité, c'est-à-dire plus de 2 milliards d'euros annuels.
- Un reste à charge encore trop élevé pour la personne âgée ou pour sa famille en cas d'hébergement en établissement, qui appelle la création d'une couverture complémentaire fondée sur la solidarité. Certes, il n'appartient pas à la collectivité de prendre à sa charge le gîte et le couvert des personnes âgées dépendantes, mais lorsque les charges d'hébergement en viennent à dépasser régulièrement le montant d'une retraite moyenne, il y a là un problème grave qu'il nous faut absolument résoudre. Car c'est un problème d'accès à la prise en charge de la dépendance.
C'est en apportant une solution à ces trois difficultés essentielles - financement de l'APA, financement des soins des personnes âgées dépendantes, couverture complémentaire solidaire de leurs charges d'hébergement - que nous achèverons de construire cette cinquième branche de notre protection sociale; c'est un tout dont il faut que chacune des parties se construise simultanément.
· Nous savons en effet que nous devons anticiper les besoins de financement importants auxquels nous allons être confrontés dans les années à venir.
- Il y a en France plus d'un million de personnes de plus de 85 ans. Elles seront deux millions dans dix ans. La majorité de ces personnes âgées vont vieillir dans de bonnes conditions de santé. Mais dans son rapport public de 2005, la Cour des Comptes a estimé qu'au total, le nombre de personnes dépendantes pourrait atteindre un million en 2020, et 1,2 à 1,3 million en 2040.
- C'est un enjeu crucial pour les familles. Parce que, je le disais il y a un instant lorsque un de leurs proches dépendants est accueilli dans un établissement, ce qui reste à la charge de la famille représente un coût élevé. L'assurance maladie prend à sa charge les dépenses de soins. L'Allocation personnalisée à l'autonomie versée par le département permet de financer les deux tiers des coûts de l'aide quotidienne dont la personne dépendante a besoin. La différence reste à la charge de la personne âgée et de sa famille, tout comme les coûts d'hébergement proprement dits. Ce reste à charge représente en moyenne la moitié du coût total de la dépendance, soit de 1 000 à 1 500 euros par mois. C'est bien souvent supérieur au montant de la retraite perçue par la personne hébergée.
- C'est aussi un enjeu crucial pour les départements. Car lorsque la famille n'a pas les moyens d'assumer cette charge, l'aide sociale des départements apporte sa participation. Si on ne fait rien, cette dépense va à terme peser lourdement sur leurs comptes.
· Nous avons bien sûr déjà agi pour empêcher une augmentation trop importante des coûts d'hébergement.
- J'ai d'abord décidé que les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes pourraient bénéficier d'un taux de TVA réduit pour les travaux de rénovation. Jusqu'à présent, ces structures devaient acquitter une TVA de 19,6% pour ce type de travaux. Il n'était pas normal que les personnes accueillies paient un taux de TVA différent de celui qu'elles auraient acquitté pour les mêmes travaux effectués à leur domicile. Désormais, ce taux est abaissé à 5,5%. - J'ai aussi voulu aider les établissements à se moderniser, sans avoir à augmenter le prix de journée qu'ils facturent aux résidents.
- Grâce à un plan ambitieux de 500 millions d'euros engagé en 2006 pour moderniser et humaniser les établissements accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées. C'est dix fois plus en un an que sur les cinq dernières années ! Et cet effort sera poursuivi en 2007 avec un nouveau plan de modernisation de 100 millions d'euros.
- Grâce, également, à la mise en place d'un prêt à taux zéro pour les établissements. Décidés dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, ce prêt à taux zéro va permettre un flux d'investissement de 400 millions d'euros par an dans les établissements.
- Enfin, je rappelle que les personnes hébergées en établissement peuvent désormais bénéficier d'une réduction d'impôt pour leurs frais d'hébergement et de dépendance.
· Ces mesures permettent de modérer aujourd'hui les charges qui pèsent sur les familles. Mais il faut aussi assurer l'avenir en recherchant les moyens de pérenniser le financement, sur le long terme, de la dépendance, compte tenu de l'augmentation prévisible du nombre de personnes concernées.
- Je recevrai dans les prochaines semaines les conclusions du rapport de Mme Hélène GISSEROT. Je lui ai confié la mission d'examiner les pistes de financement qui pourront être explorées à long terme, en réunissant un groupe de travail que j'ai voulu très large : des professionnels de la prise en charge des personnes dépendantes, des experts de l'action sociale et des finances publiques, des représentants des organismes de sécurité sociale, des experts issus du monde des assurances et des mutuelles. C'est sur la base de ce travail que je proposerai au Premier ministre le moment venu des décisions.
- Avec la Journée de Solidarité et la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, nous avons effectivement engagé la création d'une cinquième branche de la protection sociale prenant en charge le risque de la dépendance. En mettant en place une couverture complémentaire solidaire du risque dépendance pour contribuer au financement de la part actuellement laissée à la charge de la personne âgée ou de sa famille, nous franchirons une étape essentielle.
Mesdames, Messieurs,
La dépendance est un enjeu majeur. Notre capacité à y répondre sera déterminante pour la cohésion et l'avenir de notre société.
C'est un véritable défi politique pour notre pays. Le Plan Solidarité Grand - Âge permet d'y répondre en mettant à niveau notre offre nationale de services aux personnes âgées. C'était le plus urgent. La prise en charge des dépenses incombant aux familles appelle à son tour des réponses concrètes.
Je veux, pour ma part, aller jusqu'au bout de ce que j'ai entrepris en proposant, dans les prochaines semaines, les décisions qui me paraîtront importantes compte tenu des conclusions de la mission GISSEROT.
La dépendance est l'un des enjeux les plus importants des temps actuels. La France est aujourd'hui en situation de le relever !Source http://www.personnes-agees.gouv.fr, le 30 janvier 2007