Interview de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, dans "Le Figaro-Economie" le 19 décembre 2000, sur l'aide financière accordée à l'Argentine et sur l'évolution des relations commerciales franco-argentines.

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Média : Le Figaro Economie

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Q - La France est l'un des principaux partenaires économiques de l'Argentine. Quelle est notre participation à l'aide financière dirigée par le FMI ? Pourquoi, contrairement à l'Espagne, qui a débloqué un milliard de dollars, n'y a-t-il pas de ligne de crédit française ?
R - Nous avons participé très activement à ce programme qualifié de "blindage financier", selon l'expression employée à Buenos Aires, qui doit permettre à l'Argentine de retrouver la confiance des marchés financiers et de renouer avec la croissance. La France considère que le FMI doit jouer un rôle central dans la régulation internationale et plus précisément dans la prévention des crises financières. Nous avons milité pour une augmentation des quotes-parts des pays membres au FMI, ce qui permet aujourd'hui à ce dernier d'accroître ses interventions. Par ailleurs, nous avons toujours préconisé que le secteur privé soit impliqué dans la résolution des crises. D'où l'importance des lignes de crédits ouvertes par les banques dans le cadre du programme piloté par le FMI.
Q - Vous venez de rencontrer les principaux dirigeants argentins, dont le président de la République De la Rua. Qu'attendent-ils du plan du FMI ?
R - Ils le considèrent comme un préalable à la relance de leur économie confrontée à une crise financière à cause de la volatilité des taux d'intérêt. L'Argentine, dont la monnaie est strictement indexée sur le dollar, a souffert des excès que les marchés des changes ont enregistrés ces derniers mois. L'aide internationale contribuera à regagner la confiance des marchés et à remettre l'économie sur une orbite de croissance de 3 % à 5 % l'an. De son côté, le gouvernement fédéral, en accord avec les gouvernements des provinces a décidé des mesures fiscales et budgétaires de nature à rétablir un climat de confiance. Les fondamentaux de l'économie sont bons ; l'inflation est maîtrisée, les déficits publics correspondent tout à fait, pour faire bref, aux critères de Maastricht.
Q - Les Argentins se plaignent que l'Europe n'est pas assez ouverte à leurs produits notamment agricoles. Que leur avez-vous répondu ?
R - Des négociations sont en cours entre l'Union européenne et le Mercosur (NDRL : la zone de libre-échange entre l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay), et le Chili. C'est la première fois que l'Europe a engagé de telles discussions avec une autre union commerciale, et nous tenons le calendrier. Les questions non tarifaires ont déjà été examinées et la prochaine étape sera consacrée aux problèmes tarifaires à partir de juillet prochain.
Q - La crise de la vache folle n'offre-t-elle pas des arguments supplémentaires pour l'Argentine vis-à-vis de l'Europe ?
R - J'ai expliqué à mes interlocuteurs que l'Europe n'est pas la forteresse protectionniste que l'on décrit trop souvent. Nous sommes les premiers importateurs au monde, y compris pour les produits agricoles. En outre, la Politique agricole commune s'est engagée depuis longtemps dans la voie d'une réduction des subventions et de restitutions à l'exportation. Que les Argentins aient des revendications pour vendre plus de leur viande, qui est d'excellente qualité, peut se concevoir. Mais l'Europe en achète déjà et son contingent est même le plus important de tous les pays importateurs.
Quant à la crise de la vache folle, les Argentins ont compris qu'elle s'est traduite par une chute de la demande en Europe ; ce n'est pas en y apportant une offre supplémentaire que les choses s'amélioreront, d'autant que nous avons des devoirs vis-à-vis de notre propre filière bovine, actuellement malmenée./.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 décembre 2000)