Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, à RTL le 30 janvier 2007, sur la position de Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sur la fiscalité et sur l'attribution à TF1 d'un canal supplémentaire.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Les sondages montent pour vous : 14% [selon] LH2 pour "20 Minutes". Faut-il croire aux sondages, F. Bayrou ?
R- J'ai toujours été très réservé à l'égard des sondages et vous ne me verrez pas changer aujourd'hui.
Q- Même si ça marche bien pour vous, visiblement ?
R- Même si ça marche bien, parce que ce qui compte, ça n'est pas ces présentations d'enquête très spectaculaires et agréables, quand on les reçoit. Ce qui compte pour moi, c'est le mouvement de fond qui se passe parmi les Français et dont le "monsieur" dont vous avez passé à l'instant la bande, est un des témoins.
Q- On l'avait bien choisi celui-là...
R- Oui, enfin vous ne l'avez pas choisi, vous l'avez pris.
(Rires)
Et donc ce qui compte c'est que les Français par millions sont parfaitement lucides au scénario de cette campagne électorale. Ils ont très bien vu qu'on veut leur imposer ou en tout cas, les enfermer dans un choix N. Sarkozy/S. Royal - S. Royal/N. Sarkozy, et que sur tout sujet, on présente uniquement ces deux candidats comme les deux voies obligatoires pour la France. Et ils savent très bien, eux : 1) que ce n'est pas le cas ; et que 2) ce débat n'est pas un débat juste. Vous prenez les impôts, par exemple. N. Sarkozy annonce qu'il va baisser ce qu'on appelle les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire l'ensemble des impôts, Taxes. Il va les baisser, dit-il, de 70 milliards d'euros. Dans le même temps, il annonce 60 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Est-ce que vous croyez dans un pays aussi endetté que la France l'est, qu'on va faire comme ça 130 milliards d'euros - c'est un chiffre absolument astronomique - de déficits nouveaux. Ca n'aura pas lieu.
Q- Spontanément...
R- Et les Français le savent très bien. J'ai presque fini. S. Royal, le PS,
annoncent qu'ils vont augmenter massivement les impôts et ceci n'aura
pas lieu non plus parce que nous sommes déjà le pays du monde dans
lesquels les prélèvements obligatoires sont les plus hauts. Et donc, ces
deux voies sont deux impasses.
Q- Spontanément, F. Bayrou, vous expliquez que si les sondages montent pour vous, c'est parce que les deux autres ne sont pas crédibles. Ca n'est pas une adhésion à F. Bayrou et à son programme ?
R- Non. Les sondages, si vous aviez écouté là encore le bobino que vous
avez choisi...
Q- J'ai dû mal écouter. J'étais concentré sur notre conversation, F. Bayrou.
R- Vous avez bien fait ! Et donc, si ça monte c'est que les Français voient qu'il existe une approche politique différente, une démarche politique différente qui au lieu de s'enfermer dans l'ancien éternel clivage qui explique tout par droite contre gauche, il existe un candidat qui dit : "Elu président de la Rrépublique, je ferai travailler ensemble au sein d'un Gouvernement d'union, de rassemblement des gens compétents qui viendront des deux camps, qui auront été ou qui seront aux yeux des Français la garantie que les décisions qu'on leur proposera de prendre, elles ne seront pas faites dans l'intérêt des uns, d'un camp, ou dans l'intérêt de l'autre camp, que ce seront des décisions d'intérêt général". Et jusqu'à il y a peu, on pouvait considérer que c'était un rêve ou un idéal ; mais il suffit désormais de passer le Rhin pour voir qu'en Allemagne, le plus grand pays de l'Europe, ce choix a été fait et que ce choix aujourd'hui conduit à un redressement spectaculaire et que tout le monde salue.
Q- G. de Robien, qui était à votre place il y a quelques jours, ministre UDF de l'Education nationale, disait pour expliquer votre succès : "Rouspéter, hurler avec les loups, cela rend populaire".
R- Oui, ce n'est absolument pas la peine qu'on se perde dans des querelles de cet ordre. Il y a des gens, il y a des gens...
Q- Votre critique à TF1 sans doute vous a rendu plus populaire que votre programme, F. Bayrou.
R- Oui, d'abord, vous n'en savez rien. Alors, nous allons discuter...
Q- Non. C'est une hypothèse. C'est une hypothèse.
R- Non, mais... Vous voyez, c'est tout de même un problème que vous prononciez au micro une phrase de cet ordre comme une affirmation, alors que ça n'est qu'une pure spéculation de votre part.
Q- Oui, bien sûr.
R- Eh bien dites-le... Et ceci clarifiera les choses.
Q- Mais ce n'est pas un peu vrai ?
R- Je dis qu'il y a des gens - vous parliez de G. de Robien - il y a des gens qui croient que le monde est définitivement condamné à se trouver coupé entre ces deux camps-là, à cette guerre de gan..., à cette guerre de meutes, gauche contre...
Q- Ce ne sont pas des gangs quand même !
R- Ca dépend. Quelquefois !... A cette guerre de meute gauche contre droite. Et moi, je dis : ce n'est pas vrai. Vous pouvez échapper à cette manière que l'on a de vous enfermer dans un affrontement qui, aujourd'hui, n'est plus l'affrontement principal. Il y en a d'autres. On vient de parler du climat, voilà un affrontement qui dépasse, et de loin, gauche et droite.
Q- Vous redoutez les mauvais coups, F. Bayrou, parce que vous dites "Quand vous montez dans les sondages, il y a 1.000 manoeuvres pour essayer de vous nuire" ? Vous parlez d'expérience. Pourquoi vous dites çà ?
R- Mille et une... Mille et une...
Q- Vous redoutez quelque chose, F. Bayrou ?
R- Je ne redoute rien du tout. Je sais très bien ce qu'est la logique d'une campagne électorale.
Q- Et justement, à ce propos, vous disiez tout à l'heure en entrant : "Ah quand même ! l'ADN ! le scooter ! Sarkozy !" Vous trouvez que N. Sarkozy bénéficie trop des moyens de l'Etat dans cette
campagne ?
R- C'est exactement la même question que celle que vous avez commencé de me poser sur TF1.
Q- Ah oui, j'avais oublié !
R- ... Eh bien, voilà, je suis là - heureusement - pour vous rappeler à votre interview. Nous vivons dans la France des deux poids, deux mesures. Et toute ma proposition au pays, c'est "Sortons des deux poids, deux mesures". Elu président de la république, je ferai que les règles qui s'imposent aux uns, s'imposent aux autres. Pourquoi vais-je, ce soir, monter à la tribune pour TF1 ? Pour discuter d'une loi dont personne ne parle et qui consent à TF1 des avantages que personne d'autre n'a eus dans le paysage audiovisuel français...
Q- A TF1, à Canal Plus et à M6...
R- ... Non, à TF1 d'abord parce que TF1...
Q- Et aux deux autres chaînes. Un canal supplémentaire...
R- Pas seulement à canal supplémentaire. On a voté une loi en 1986 disant à TF1 : vous avez le droit d'émettre sur le canal le plus important, le plus populaire de toutes les télévisions françaises, gratuitement. Gratuitement. On vous donne ce droit-là contre le respect d'un certain nombre de Cahiers des Charges. Et on vérifiera - on est en 1986 - on vérifiera dans dix ans : 1996-1997, et puis, tous les cinq ans, en faisant un appel d'offre publique que ce Cahier des Charges est respecté. Et depuis lors, Gouvernements de droite et Gouvernements de gauche, on n'a cessé d'effacer cette règle qui était la règle de droit d'usage, la règle de respect de principes de la République, on n'a cessé de l'effacer pour prolonger, et cette fois-ci pour prolonger jusqu'au delà des années 2020. C'est ainsi qu'entre 1986 et 2022, cette grande chaîne n'aura pas eu à s'exposer aux comptes qu'elle devait au pays. Eh bien, la France des deux poids, deux mesures, quelle que soit la dimension de l'événement, moi je veux qu'elle appartienne au passé et qu'il y ait un président de la République qui soit capable de faire respecter l'égalité de tous devant les principes républicains.
Q- D'un mot, F. Bayrou, hors micro, visiblement l'information que révèle "Le Parisien" : une recherche d'ADN pour savoir qui a volé le scooter du fils de N. Sarkozy, ça vous a amusé.
Pourquoi ?
R- Deux poids, deux mesures... C'est évident que ce genre de petit événement est révélateur de la manière dont selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour, en tout cas l'attitude de la police, de la justice ne sera pas exactement la même.
Q- Si je perds mon scooter, il n'y aura pas de recherches ADN ?...
R- Je ne sais pas si vous avez un scooter...
Q- J'en ai un...
R- ...mais je pense qu'il y a tous les jours, en France, des événements de cet ordre qui ne donnent pas lieu à des déploiements policiers de cette ampleur.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 janvier 2007