Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier chacune et chacun d'entre vous, l'équipe enseignante, la Fédération Française d'Echecs [F.F.E.], pour votre accueil et votre mobilisation pour l'éducation des jeunes aux règles.
Il s'agit d'une vraie éducation citoyenne que vous avez réussi à faire vivre de façon extrêmement originale et fructueuse.
Vous avez montré que l'éducation aux règles comprend bien sûr ce qu'on appelle à proprement parler l' « éducation civique », c'est-à-dire l'éducation aux règles de la vie sociale.
Et cette éducation comporte la connaissance des lois, des symboles de la République, la connaissance des règles fondamentales de la vie démocratique.
Bref, l'acquisition de toutes ces connaissances qui sont désormais inscrites dans le socle commun de connaissances, et qui doivent être maîtrisées dans le cadre de la scolarité obligatoire.
Cette éducation civique suppose aussi la mise en pratique de ces connaissances. Et la première de ces mises en pratique, c'est le respect des règles de la vie scolaire, le respect du règlement du collège.
Et c'est justement pour valoriser les comportements respectueux des règles que j'ai mis en place, dès cette année, la note de vie scolaire, pour tous les collégiens de France.
Son but n'est pas de punir ! Non : son but, c'est d'inciter les jeunes à adopter un comportement respectueux. C'est de leur montrer que le respect des règles, eh bien cela compte tout autant que d'avoir de bonnes notes en maths !
Mais si j'ai voulu venir aujourd'hui, avec François Baroin, au collège Pierre Brossolette, c'est parce que l'équipe enseignante a adopté une démarche particulièrement innovante d'éducation citoyenne.
Une démarche qui place le jeu au coeur de l'éducation.
Je suis heureux de pouvoir signer aujourd'hui, ici, à Troyes, une convention avec la Fédération Française d'Echecs qui va favoriser le développement de ce jeu, dès le plus jeune âge à l'école. Merci, Monsieur le Président de la F.F.E., pour ce partenariat qui peut nous mener loin, comme ont été loin de grands pays qui ont su faire du jeu d'échecs une pratique scolaire courante.
Et merci à toi aussi, cher François, d'accueillir une telle innovation dans ta ville, toi qui pratiques, m'a-t-on dit, assidûment ce jeu.
Nous savons qu'une telle pratique est bonne intellectuellement pour l'enfant. Nous savons aussi qu'elle est une excellente méthode d'apprentissage des règles de comportement : de respect, de concentration, de fair-play.
Car il y a un point commun entre l'éducation civique et l'exercice d'un jeu : c'est justement le respect de la règle.
C'est même bien plus que le respect de la règle : c'est le respect de l'autre ! Car on ne peut jouer avec un partenaire que si l'on considère l'autre comme un égal, et si l'on partage des règles communes.
Monsieur le Ministre, mon cher François, toi qui connais si bien l'Outre-Mer, tu connais sans doute ce beau texte de Félix Eboué, ce premier résistant de la France d'Outre-Mer, dont la dépouille a rejoint le Panthéon :
Le 1er juillet 1937 au lycée Carnot de Pointe-à-Pitre, il adressait à la jeunesse d'Outre-Mer un célèbre discours.
« Jouer le jeu, disait-il, c'est être désintéressé
Jouer le jeu, c'est piétiner les préjugés, tous les préjugés et apprendre à baser l'échelle des valeurs sur les critères de l'esprit.
Jouer le jeu, c'est mépriser les intrigues et les cabales, ne jamais abdiquer, malgré les clameurs ou menaces, c'est poursuivre la route droite qu'on s'est tracée.
Jouer le jeu, c'est savoir tirer son chapeau devant les authentiques valeurs qui s'imposent et faire un pied-de-nez aux pédants et aux attardés.
Jouer le jeu, c'est aimer les hommes, tous les hommes et se dire qu'ils sont tous bâtis sur une commune mesure humaine ».
Il y a dans ces paroles une grande leçon : elles nous rappellent que l'éducation aux règles, même aux simples règles d'un jeu, n'est pas une simple soumission.
C'est au contraire la preuve de la capacité à entrer en relation avec l'autre, sur la base d'un cadre commun.
C'est la preuve d'une volonté de fonder le succès sur le talent et les capacités physiques ou intellectuelles - et il en faut une bonne dose pour jouer aux échecs !
Bref, il y a beaucoup à apprendre de la pratique d'un jeu tel que les échecs, quand il est pratiqué dans le respect des règles et de son adversaire.
Et je pense volontiers, comme vous l'avez pensé vous-mêmes en concevant ce parcours éducatif, qu'il s'agit là d'une complément original et utile à l'éducation civique proprement dite.
Je voudrais justement conclure en disant un mot de l'éducation civique.
Au début de cette année, le socle commun a mis en place, entre autres, les « compétences sociales et civiques » que tous les collégiens doivent maîtriser au terme de leur scolarité obligatoire.
Au début de cette année, j'avais aussi annoncé que les programmes scolaires allaient être modifiés, pour les adapter au contenu du socle commun. C'était tout l'objet des groupes d'experts que j'ai nommés au mois de novembre dernier.
Aujourd'hui, je voudrais vous annoncer que le travail concernant les compétences civiques et sociales est sur le point d'aboutir.
Le groupe d'experts présidé par Madame Dominique Schnapper, membre du Conseil constitutionnel, a formulé des propositions concrètes, qui seront suivies d'effet avant la fin du mois de mars.
Cela veut dire que les programmes de l'école et du collège seront modifiés, pour créer, comme le demande le texte du socle commun, un véritable parcours civique, de la maternelle à la fin de la scolarité obligatoire.
Ce parcours civique signifie une véritable progressivité des savoirs et des comportements civiques. Il faut à la fois bien connaître les règles de notre République mais aussi, bien se comporter concrètement au quotidien.
Ce savoir, cette attitude, il faut les exercer et les évaluer comme les autres savoirs et autres attitudes. Dans l'approche du socle commun de connaissances, cela signifie que l'on doit s'assurer de l'évolution de l'élève par palier. Et lorsque au moment des évaluations, on se rend compte que l'élève n'est pas au niveau, on y mettra les grands moyens.
Les grands moyens, ce sont les Programmes personnalisés de réussite éducative. Je vous annonce aujourd'hui que nous les appliquerons en matière d'éducation civique.
Quand un élève n'aura pas le niveau attendu en éducation civique, notamment au moment de son évaluation en CE1 et en CM2, l'enseignant pourra préconiser pour cet élève un tel programme personnalisé.
J'en suis convaincu, dans un monde qui peut angoisser et désorienter, dans un monde qui semble autoriser tous les possibles, il est plus que jamais indispensable de rappeler aux jeunes les règles de la vie en commun.
C'est notre devoir, c'est notre responsabilité d'éducateur, d'homme politique, de parents.
Pas pour brider la jeunesse ! Mais au contraire pour lui permettre de vraiment grandir, car on ne peut grandir, se construire, qu'en trouvant sa place dans la société. Et pour cela, il faut en connaître les règles, et les respecter.
Il faut connaître l'hymne national, comme le prévoit la loi, il faut connaître la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il faut que la connaissance du droit se développe dans l'enseignement secondaire. Et, à l'avenir, je souhaite que le lycée joue un rôle important pour préparer les jeunes aux cérémonies d'accession à la citoyenneté à 18 ans qui vont se développer dans les communes de France au cours des prochains temps.
Voilà, en quelques mots, l'horizon de notre action sur le plan national.
Mais je me réjouis de voir qu'au collège Pierre Brossolette, la démarche est bien engagée.
Aussi, je vous en félicite très sincèrement.
Je vous remercie.Source http://www.education.gouv.fr, le 20 février 2007