Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France et candidat à l'élection présidentielle de 2007, à France-Inter le 19 février 2007, sur la collecte des parrainages, le statut pénal du chef de l'Etat et l'abolition de la peine de mort, le "patriotisme économique" et l'Union européenne.

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Média : France Inter

Texte intégral

N. Demorand : C'est donc P. de Villiers qui se met en quatre ce matin sur France Inter. Bonjour monsieur.
R - Bonjour.
N. Demorand : Président du "Mouvement Pour la France" et candidat à l'élection présidentielle. Vous êtes dans nos murs depuis l'aube pour préparer le marathon radio qui vous attend jusqu'à 9 heures et dont je vous rappelle les quatre étapes principales : 8 heures 15, interview au long cours sur votre programme politique dans cette campagne ; quelles idées, quelles valeurs vous défendez, on le verra. Avec moi pour vous interroger, H. Jouan chef du service politique de France Inter. 8 heures 30, vous nous proposerez votre revue de presse écrite ce matin dans la salle de rédaction de France Inter. 8 heures 40, l'invité de l'invité. C'est la troisième étape. Vous nous présenterez quelqu'un dont vous vous sentez proche, vous nous direz qui tout à l'heure. Et 8 heures 50, les auditeurs de France Inter vous interrogent, c'est "Inter Activ" jusqu'à 9 heures... Quelques questions sur le contexte politique avant de débattre de votre programme. Je vous ai présenté comme candidat à la présidentielle mais avez-vous les 500 signatures nécessaires à la chose ?
R - Pas encore.
N. Demorand : Combien là, pour l'instant ?
R - 440 à peu près. Et je voudrais dire à tous les maires qui nous écoutent - nous sommes à quelques centaines de mètres de la fin du marathon - les maires vont recevoir les formulaires et je lance un appel solennel aux 36.000 maires de France afin que le 20 mars prochain, je puisse être candidat à la présidence de la République.
N. Demorand : Appel donc solennel. C'est plus dur que par le passé cette année ?
R - C'est plus dur que par le passé mais je suis vigilant et confiant et je pense que je serai candidat. Mais c'est difficile et c'est la raison pour laquelle, je lance cet appel solennel à tous les maires de France.
N. Demorand : Et pour quelle raison c'est plus difficile, d'après vous ?
R - Pour deux raisons. D'abord parce que les noms sont publiés et les maires le savent. Ils en ont pris conscience en 2002. Et parce que l'élection présidentielle a lieu un an avant le renouvellement municipal.
N. Demorand : Et donc votre nom sent trop le souffre pour qu'on vous soutienne publiquement ? C'est quoi l'enjeu, c'est quoi le problème ?
R - L'enjeu c'est que la facilité pour beaucoup de maires, c'est de parrainer l'UMP ou le PS. Et le problème que je rencontre, tout le monde le rencontre. Tous les candidats qui vont défiler à votre micro, vous diront la même chose.
N. Demorand : Aujourd'hui, le Congrès se réunit à Versailles - autre question d'actualité - notamment, la réforme du statut pénal du chef de l'Etat sera à l'ordre du jour. En substance, c'est l'immunité temporaire du Président qui est confirmée et la possibilité de la destitution qui est ouverte. Votre point de vue sur cette réforme ?
R - Je pense que c'est une réforme inutile et dangereuse parce qu'on avait dans la Constitution, les outils juridiques nécessaires en cas de haute trahison et là on va politiser la destitution éventuelle à l'américaine du président de la République. Je pense qu'on va rabaisser un peu plus la fonction présidentielle qui est déjà mutilée.
N. Demorand : Et vous défendez, pourtant, dans votre programme, la suppression de l'immunité parlementaire et l'interdiction politique à vie pour les élus condamnés pour corruption. Pour quelle raison donc ? Deux poids, deux mesures.
R - Ca n'a rien à voir. Le président de la République pendant qu'il est en fonction, il a à sa disposition le code nucléaire et donc il ne peut, à aucun moment, sous aucun prétexte, être inquiété. Qu'il le soit avant ou qu'il le soit après, c'est un autre problème. Quant aux parlementaires français, il n'est pas normal qu'ils bénéficient d'avantages que n'ont pas les citoyens. Et cette histoire d'immunité parlementaire que moi je n'ai jamais comprise, elle est absurde. Il faut supprimer toute forme d'immunité parlementaire, toute forme d'amnistie politique, ça a beaucoup choqué les Français au moment de l'affaire Urba. Et pour moi, un homme politique condamné pour corruption alors même qu'il a l'honneur de gérer les deniers publics, doit être inéligible à vie et ne plus jamais revenir dans la vie politique.
N. Demorand : Et votre point de vue sur l'inscription dans la Constitution également à l'ordre du jour aujourd'hui, de l'abolition de la peine de mort ?
R - Je pense que c'est une imprudence parce que moi je m'en tiens à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme qui dit qu'en cas de péril imminent, en cas de légitime défense, il faut que l'Etat puisse se défendre, il faut qu'un pays puisse se défendre. Et c'est donc un affichage symbolique dont la France va se priver à quelques semaines du moment où le peuple français va lui-même s'exprimer.
N. Demorand : Et vous êtes pour ou contre la peine de mort ? Dans votre programme, il y a l'idée qu'il faut aussi, par référendum, consulter les Français pour un certain nombre de crimes.
R - Selon moi, si vous voulez, la peine qui devrait être infligée aux grands criminels, c'est la perpétuité. D'ailleurs on a bien vu que monsieur P. Bidart qui a été relâché récemment, il a été condamné à perpétuité, il n'a pas fait la perpétuité. Donc s'il y avait la perpétuité, on résoudrait une grande partie du problème. Quant à la peine de mort, c'est un affichage symbolique au sommet des peines. C'est un peu comme la dissuasion, c'est l'arme de dissuasion. Ca consiste à dire...
N. Demorand : Mais ça ne dissuade personne, on le sait.
R - Ça ne dissuade personne, je veux dire, pour l'instant évidemment.
N. Demorand : Il y a des pays où la peine de mort fonctionne et où il y a autant de criminels. Et en plus des erreurs judiciaires.
R - La peine de mort n'est plus appliquée pour les criminels mais elle est toujours appliquée pour les innocents. La preuve c'est que les criminels continuent à courir et à narguer la société. Et donc je pense qu'il est important qu'il y ait au sommet des peines, un affichage symbolique pour dire : attention voilà la ligne rouge de l'abominable, de l'innommable.
N. Demorand : M. Papon, lui, est mort dans son lit.
R - Oui absolument mais ça n'a strictement rien à voir.
N. Demorand : Ce n'était pas les frontières de l'abominable ça ?
R - C'est évident. D'ailleurs, il y a d'autres gens qui pendant la dernière guerre ont eu un comportement douteux sous prétexte qu'ils étaient hauts fonctionnaires ou hommes politiques. Par exemple, F. Mitterrand qui s'est comporté d'une manière telle, qu'il a suivi ou...
N. Demorand : Il n'a pas été complice de crimes contre l'humanité, il faut quand même pas exagérer.
R - Non, absolument mais il y a eu durant cette période, des comportements qu'on peut juger aujourd'hui scandaleux. Simplement, je parle en tant que fils d'un Résistant, ce n'est pas la France. La France, elle, demeure comme un môle de Résistance et à tous les racismes, à toutes les oppressions. La France a résisté à la botte allemande. On ne peut pas évoquer le mauvais souvenir de tel ou tel haut fonctionnaire défaillant en faisant comme si c'était le visage de la France.
N. Demorand : J. Chirac a eu, d'après vous, raison de reconnaître que la France avait été précisément complice dans la politique d'extermination ?
R - Je pense qu'il a eu tort de dire que c'était la France. Il y a eu un régime mais un régime qui n'est pas la France. La France, elle, pour demeurer, doit rester au-dessus des défaillances individuelles, collectives ou même institutionnelles. Et la France, elle a eu pendant la dernière guerre, le visage de ceux qui ont dit "non" sous la torture et qui jusqu'au bout, ont imposé une vision de la France qui est celle de son avenir et de sa survie. La France ne peut pas être occupée. On ne peut pas collaborer avec quiconque. Et il y a toujours eu dans l'histoire de France le parti de ceux qui ont voulu l'affaiblir, aujourd'hui comme hier.
N. Demorand : La Légion d'honneur de M. Papon pour son enterrement, polémique ?
R - Ecoutez, moi je rejoins le point de vue de M. Alliot Marie : la justice a été rendue. Maintenant, c'est une affaire personnelle, familiale d'une famille. N'ajoutons pas à la justice la haine, ça ne sert à rien. Laissons les morts enterrer les morts.
N. Demorand : Alors le sommaire, je l'ai sous les yeux, de votre programme qui tient en cent propositions, décline un certain nombre de chapitres : économie, immigration, famille, Etat, ruralité, Union européenne, défense et politique étrangère. Commençons par la tête de chapitre économie. On voit dans cette campagne que les questions de chômage préoccupent énormément les Français. Comment comptez-vous vous y prendre pour faire reculer, enfin, le chômage de masse ?
R - Je crois qu'il y a deux choses à faire immédiates. La première, c'est libérer le travail, la deuxième c'est protéger le travail. Et naturellement baisser les impôts. Alors libérer le travail, une mesure simple : là aussi, affichage symbolique, la suppression des 35 heures. Pourquoi ? Il faut dire à la société française, on apporte de la liberté, celui qui veut travailler plus pourra travailler plus, celui qui veut gagner plus pourra gagner plus, notamment les bas salaires. Et si on veut demain augmenter le pouvoir d'achat, il faut que la France puisse se remettre au travail. Donc pas de demi-mesure. La politique ce sont les symboles. Deuxièmement, protéger le travail. A quoi servirait-il de revaloriser le travail si le travail devait partir en Chine, ce qui est le cas actuellement. En préparant la revue de presse, je regardais tout à l'heure Alcatel, Moulinex, Batinville (phon.). Quand S. Royal met la main en visière sur la muraille de Chine et qu'elle dit " Oh c'est immense et c'est tout neuf ", évidemment c'est tout neuf, c'est nos usines. La nouvelle frontière de la France, dit-t-elle. Donc les hommes politiques ne veulent pas voir qu'on n'a aucune protection. L'outil de travail français et européen, aucune protection. Moi je préconise un protectionnisme européen et naturellement une protection juridique et parfois fiscale nationale. Un protectionnisme européen, je vais vous donner un seul exemple. Votre pull-over a peut-être été fabriqué en France...
N. Demorand : Je ne sais pas, on va regarder l'étiquette pendant la revue de presse.
R - ... ou peut-être il vient de l'Inde, comme ma veste, ma cravate etc. Mais dans les deux cas, ce n'est pas la même chose. C'est-à-dire que si un fabricant d'un pull-over veut exporter en Inde, en Chine, aux Etats Unis, il se heurte à des droits de l'ordre de 60%. Et si c'est les écrans plats, c'est encore plus. Alors que si le pull-over vient d'Inde, il se heurte à des droits chez nous, vous savez de combien ? 1,8%. En d'autres termes, l'Union européenne qui devrait être pour nous un écran de protection, devient le chausse-pied du mondialisme sauvage. Et on ne peut pas continuer à accepter de sacrifier notre outil de travail. Je voyais l'autre jour F. Bayrou à la télé qui répondait à un responsable de la CFDT d'Alcatel : "il faudra qu'on voie ça au niveau européen". Non, il ne suffit pas de voir ça, il faut maintenant taper du poing sur la table et exiger une protection européenne. De même que le Premier ministre de la France, D. de Villepin, a voulu prendre un décret pour protéger les entreprises françaises des secteurs stratégiques contre les OPA hostiles.
N. Demorand : Le fameux patriotisme économique.
R - Exactement que moi, je revendique. Le mot me paraît d'ailleurs...
N. Demorand : Il a fait "pschitt" le patriotisme économique. Donc comment on le met en place dans la mondialisation, c'est un point important, ce protectionnisme-là ?
R - De deux manières. D'abord en protégeant juridiquement nos secteurs stratégiques contre les OPA hostiles, ce que font les Américains, très bien. Et là, la Commission de Bruxelles nous a dit : vous n'avez pas le droit de le faire. Deuxièmement, le patriotisme économique, on le met en place en déplaçant l'impôt qui pèse aujourd'hui sur celui qui produit en France avec des travailleurs français, sur celui qui importe. Un fabricant de jouets de Lisieux ou d'Autun qui fabrique des jouets français avec des travailleurs français, il paie plein pot. Et ça le conduit à faire faillite bien souvent. Par contre, s'il importe des jouets chinois, il fait fortune. Ca ce n'est pas normal.
N. Demorand : Question d'H. Jouan.
H. Jouan : Travailler plus pour gagner plus, ça me rappelle un slogan de N. Sarkozy. En quoi, vous êtes différent de lui aujourd'hui ?
R - Il y a une double différence sur ce sujet, sur le sujet du travail par exemple. C'est que lui veut une réformette sur les 35 heures qui n'aboutira à rien. D'ailleurs, entre parenthèses, il pouvait le faire, qu'est-ce qu'il a attendu ? Et deuxièmement...
H. Jouan : Elle est déjà effective de fait, il y a un droit effectivement aux heures supplémentaires qui est donné aux entreprises.
R - C'est une réformette, c'est ce qu'on appelle une bidouille. Ce n'est pas avec une réformette qu'on va résoudre le problème. Et pourquoi ? Parce que ce n'est pas à l'Etat de fixer la durée légale du travail. C'est aux salariés, aux branches professionnelles, aux entreprises et à la limite, à chacun de fixer sa durée du travail. Cet arbitrage ne doit pas être fait par l'Etat. Quant à la protection de l'outil de travail français, N. Sarkozy est comme S. Royal, euro mondialiste. Il veut nous refiler la Constitution européenne qui, de manière explicite, élimine toute forme de préférence communautaire. Quant à mes autres différences avec N. Sarkozy, j'en ai trois. Donc premièrement sur l'Europe : c'est considérable ; son cadre politique à lui, c'est l'Europe. Moi, c'est la France, la souveraineté populaire.
H. Jouan : La différence, c'est que l'Europe existe effectivement. Même si vous étiez élu président de la République, elle continuerait à exister.
R - Absolument oui. Moi je veux une Europe qui soit européenne, démocratique et une Europe protectrice. C'est toute la différence avec la Constitution qui nous a été proposée et qui a été refusée par le peuple français. La deuxième différence avec N. Sarkozy concerne la famille. Il est favorable à un mariage homosexuel bis qui conduira à l'adoption, moi pas. Je suis favorable à une grande politique familiale mais pas au contrat d'union civile qui conduira à l'adoption. Et troisième différence : sur l'immigration ; il est pour le financement public des mosquées, la discrimination positive, le droit de vote des étrangers. Et moi, je suis tout à fait... et je constate d'ailleurs que les problèmes de sécurité et d'immigration n'ont pas évolué. Enfin, dernier point, mais je m'aperçois qu'au fil de la campagne, il cherche plutôt une ouverture à gauche, plutôt que de rester à droite et donc ça sent Chirac et Giscard à plein nez. C'est à dire, petit à petit on nous prépare à l'idée d'un gouvernement droite/gauche parce que...
N. Demorand : Et vous c'est la droite de droite ?
R - Moi c'est la droite garantie.
N. Demorand : Label "Droite".
R - Vous pouvez la qualifier sur le plan esthétique. La droite qui fait la politique de la droite.
N. Demorand : Label, L-A-B-E-L...
R - D'accord.
N. Demorand : Ce n'est pas la "jolie" droite. Ça c'est votre inconscient qui parle plus vite que les mots. J'aurais dû prendre...
R - Je voulais voir si vous alliez relever.
N. Demorand : On est quand même réveillé. Et depuis aussi longtemps que vous.
R - Je prends par exemple le droit opposable au logement. Moi je pense que si on s'appuyait sur l'idée de liberté, l'idée de propriété avec une assurance mutuelle obligatoire sur tous les loyers pour les loyers impayés, il y a deux millions de propriétaires français de logements vacants qui remettraient leur logement sur le marché du logement aujourd'hui. Alors que le droit opposable au logement, c'est une mesure typiquement collectiviste qui va conduire à une multitude de procès et qui ne résoudra pas le problème. Au contraire, qui conduira à la pénurie.
source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 19 février 2007