Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à France Info le 1er mars 2007, notamment sur Airbus Industrie et sur la campagne électorale.

Prononcé le 1er mars 2007

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Média : France Info

Texte intégral

Q- On va parler politique dans un instant et campagne, mais d'abord un mot de la situation chez Airbus. Qu'est-ce qu'a voulu dire exactement N. Sarkozy, hier, il suggère qu'il manque un opérateur industriel ? Est-ce qu'il faut changer aujourd'hui les statuts d'Airbus ?
R- Je crois d'abord qu'il faut répondre à une situation d'urgence. C'est le plan qui est présenté par L. Gallois puisque aujourd'hui, effectivement, Airbus qui est une grande et très belle entreprise, c'est le premier ou le deuxième avionneur mondial, se trouve en grande difficulté après les problèmes de l'Airbus A380 qui ont montré, justement, qu'il y avait des problèmes qui sont à la fois des problèmes industriels et des problèmes de management. Donc, aujourd'hui, il y a une urgence pour permettre à la société de faire face à la situation, cela entraîne un certain nombre de drames humains et il ne faut pas les sous-estimer parce qu'il est vrai que des suppressions d'emplois même si elles ne se traduisent pas par des licenciements secs, comme l'a affirmé monsieur Gallois, c'est quand même quelque chose de très perturbant pour les intéressés. Ceci dit, il est aussi nécessaire parfois de mener ces opérations pour permettre aux 80 % des personnes qui vont rester dans Airbus d'avoir des perspectives et des perspectives de développement. Donc, à partir de là il y a cette situation d'urgence, ensuite il est vrai qu'il faudra sans doute regarder pour que ne puisse pas se reproduire ce qui s'est produit, c'est-à-dire ces dysfonctionnements, en quelque sorte, dans le montage et cela peut amener à un certain rééquilibrage effectivement des choses. Ceci dit, n'oublions pas que tout ceci a été fait avec d'une part une participation de l'Etat, des Etats français et allemand, mais qui est une participation réduite, c'est d'ailleurs ce a été fait du temps de monsieur Jospin notamment. Et je crois qu'aujourd'hui il faut aussi tenir compte des différents actionnaires pour essayer d'avoir quelque chose de plus efficace.
Q- Mais, pour l'avenir, justement, à l'UDF on demande que les Etats passent davantage de commandes militaires, EADS souffrirait de n'avoir qu'un quart de son activité dans le militaire alors que Boeing a plus de la moitié de son activité dans le secteur militaire. Est-ce que c'est une piste à suivre ?
R- Je crois que le problème n'est pas là. Il est évident que les défenses de chacun des pays vont d'abord s'occuper de trouver les matériels qui correspondent aux missions qu'elles doivent assurer. On ne décide pas comme ça de commander un avion qui existe ou qui n'existe pas et qui ne correspondrait pas aux besoins. Alors, ensuite, c'est peut-être à EADS de faire des propositions qui soient importantes. Je voudrais quand même rappeler une chose, c'est que la filiale d'EADS, qui s'appelle Eurocopter, celle qui fabrique des hélicoptères, est justement une des filiales qui
fonctionnent très bien. Nous avons passé en commande les hélicoptères de transport NH90, nous commandons également les hélicoptères de combat, ce sont des programmes qui sont des programmes européens. Et sur les avions eux-mêmes, l'A400M qui est un programme que j'aie réussi à relancer en arrivant au Ministère de la Défense, là aussi c'est un programme européen et qui correspond à des commandes passées à EADS.
Q- La campagne électorale. Dans les sondages, S. Royal semble rattraper son retard sur N. Sarkozy. Vous expliquez comment ce changement de climat ? Est-ce qu'il y a un tournant en ce moment ?
R- Je ne sais pas s'il y a un tournant, il est vrai que le début de campagne de madame Royal a été surtout marqué d'une part par une absence totale de programme, elle ne nous disait rien, on ne savait pas où elle allait. Je pense que les Français s'interrogeaient, ils s'interrogeaient d'autant plus qu'il y a eu un certain nombre d'erreurs en matière de politique étrangère et je dirais de "gaffes" en matière de défense, qui font peser un soupçon sur sa capacité à répondre à des sujets qui sont au coeur de la campagne présidentielle, parce qu'au coeur de la mission du président. Alors, depuis, il est évident qu'elle a présenté un programme, un programme que je n'approuve pas, mais qui est un programme qui reprend le programme du Parti socialiste, ce qui contribue très certainement à ressouder autour d'elle le socle socialiste. Ce qui est d'ailleurs sans doute aussi conforté par l'arrivée des anciens du PS autour de... monsieur Jospin, par exemple. Alors, ça n'est pas le renouveau, certainement, mais je pense que du côté de son électorat, ça le rassure en quelque sorte et ça le mobilise davantage.
Q- Et vous parliez des gaffes, S. Royal s'est fait torpiller par la droite, on peut dire, quand elle s'est trompée sur le nombre des sous-marins nucléaires...
R- ... non, non, ce n'est pas simplement ça.
Q- ... vous aviez aussi fait une mise au point plutôt sèche à l'époque. Depuis, N. Sarkozy s'est un peu emmêlé lui aussi dans les chiffres sur les sous-marins. Vous allez faire la même mise au point alors pour N. Sarkozy ?
R- Je voudrais d'abord préciser que ce n'est pas tout à fait la même chose puisque N. Sarkozy a interverti simplement les chiffres entre les sous-marins nucléaires d'attaque et les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. Donc, là, qu'il y ait... il a parlé de quatre d'un côté quand il y en avait six, et réciproquement, que madame Royal ne sache pas que nous avons plus qu'un sous-marin nucléaire, c'est quand même une différence de taille considérable.
Q- Il y a combien de sous-marins à la mer en permanence dans les sous-marins nucléaires ?
R- C'est un secret défense.
Q- Hier, N. Sarkozy, s'est lui expliqué assez longuement sur son projet présidentiel sur les questions internationales, sur la défense. Pas de rupture dans ce domaine, plutôt la continuité. Sur l'Irak par exemple, un hommage remarqué aux décisions de J. Chirac, tellement remarqué que la gauche l'accuse même d'un virage à 180°. Il a tellement changé ?
R- Je crois d'abord que sur l'Irak il n'a pas changé, et la position courageuse qu'a prise J. Chirac sur l'Irak, qui a été critiquée par un certain nombre de Gouvernements étrangers à l'époque, apparaît aujourd'hui comme la position de la sagesse et tout le monde lui rend hommage. Et je crois que nous pouvons que nous en réjouir. Maintenant, en ce qui concerne la politique étrangère, c'est un sujet dont je me suis longuement entretenue avec N. Sarkozy en lui faisant part de mes convictions au moment où nous parlions du soutien que je lui apporterais lorsque j'ai décidé de ne pas me présenter moi-même à l'élection présidentielle. Je me réjouis de voir aujourd'hui que N. Sarkozy fait siennes mes convictions essentielles, et notamment sur l'indépendance nécessaire de la France.
Q- Vous l'avez trouvé gaulliste, hier, vous êtes très attachée au gaullisme ?
R- J'ai trouvé, effectivement, que ce qu'il disait hier, comme ce qu'il a dit d'ailleurs dans son discours du 14 janvier sur la politique étrangère, correspondait tout à fait à mes convictions et également ce qu'il a dit sur la défense nationale, bien entendu, puisqu'il a rappelé qu'il s'engageait au maintien de l'effort de redressement de notre défense nationale indispensable dans la situation du monde telle qu'elle est et qui avait été fortement mise à mal sous le Gouvernement de monsieur Jospin qui avait baissé de 20 % les ambitions financières que nous aurions dû avoir à l'époque.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er mars 2007