Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le plan gouvernemental d'aide aux viticulteurs du Beaujolais, Paris le 23 février 2007.

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Circonstance : Rencontre avec les viticulteurs du Beaujolais, à Paris le 23 février 2007

Texte intégral

Monsieur le député (Bernard PERRUT)
Messieurs les Présidents et Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Avant toute chose, permettez-moi de vous remercier pour votre invitation. Je sais que vous vous mobilisez avec passion pour développer ce territoire et défendre les intérêts de la viticulture. Vous avez l'amour de la vigne et du vin, l'attachement à un terroir, le goût du métier, et c'est grâce à votre passion que le nom de Beaujolais est universellement connu.
Le nom de Beaujolais est intimement associé à la culture du vin en France. Avec le temps, et grâce au succès considérable des ventes médiatisées de Beaujolais primeurs, le nom de Beaujolais est aussi associé au Beaujolais nouveau. Sa célébrité est acquise.
Pourtant, derrière ces symboles de réussite et de savoir faire, se cache une crise profonde. Je souhaite porter avec vous un diagnostic, et vous proposer une feuille de route pour sortir de la crise.
1. Le Beaujolais connaît une crise qui ne doit pas compromettre l'avenir.
La plus grande partie des vignobles du Beaujolais est en AOC et revendique l'appellation régionale « Beaujolais ». Malgré tout la crise touche cette appellation prestigieuse, comme beaucoup d'autres. Comme vous, je sais que la référence AOC ne suffit pas toujours aujourd'hui. En France la consommation de vin diminue. Cette diminution est liée à l'évolution des modes de vie. Les efforts de tous doivent maintenant tendre à stopper cette spirale à la baisse.
J'ai la conviction qu'une meilleure connaissance des qualités du vin est nécessaire, associée à une éducation plus attentive aux risques :cela ne peut pas se régler seulement par des lois d'interdiction de publicité. Le Gouvernement et le Parlement ont préféré le dialogue et la pédagogie. C'est ainsi qu'a été créé le Conseil de la modération et de la prévention, présidé par Michel ROUGER. Depuis six mois maintenant, des parlementaires se réunissent avec les représentants du secteur de la santé et les producteurs de vins et d'autres alcools : l'enjeu est de définir plus précisément ce qu'est la modération, de rappeler les normes de recommandation publiées par l'Organisation Mondiale de la Santé, et d'examiner les campagnes d'information sur les produits alcoolisés. Je crois beaucoup en ce travail de pédagogie et de concertation, qui en est à ses débuts, mais sur lequel les uns et les autres doivent pouvoir nous appuyer.
Pendant que le marché national de vin est en retrait, la consommation de vin dans le monde augmente et ouvre des perspectives considérables. Premier producteur mondial de vin, la France doit conserver sa place d'excellence. Dans ce but, elle doit savoir s'adapter aux nouveaux marchés, sans perdre son identité. C'est l'objet de toute mon action au Ministère de l'Agriculture et de la Pêche.
2. Un plan pour assurer l'avenir du Beaujolais
C'est dans ce cadre général que je vous propose aujourd'hui un plan d'avenir, afin de remettre le Beaujolais et tous ses viticulteurs sur la voie du succès.
Ce plan a été élaboré en concertation avec vous tous, représentants de la filière, producteurs, syndicats généralistes et spécialisés, négociants, coopératives, Chambre d'agriculture, interprofession. Il va sans dire que toutes les énergies sont mobilisées. A la demande des Parlementaires, et notamment de Bernard PERRUT, et du sous-préfet de Villefranche-sur-Saône, j'ai désigné l'ingénieur général du GREF Alain BOLLIO pour vous aider à construire ce plan, dans le cadre de la politique des bassins que j'ai mise en place en décembre 2005. Ce travail de synthèse, qui est le résultat des concertations menées avec la filière, sert de base à ce travail : qu'il en soit remercié chaleureusement.
Ce Plan que je vous propose est ambitieux, mais réaliste. Il repose sur trois grands axes.
Tout d'abord, il faut travailler au repositionnement des vins du Beaujolais en termes de qualité et de compétitivité. Vous avez défini très précisément les différentes évolutions des cahiers des charges de votre appellation régionale : les propositions que vous faites en termes de densité, de rendements, et de récolte mécanique me semblent de tout premier intérêt.
En juillet 2004, la filière avait décidé la réécriture des décrets INAO. Ces procédures sont longues et complexes, ce qui est légitime, mais elles doivent aboutir. Je l'ai indiqué au nouveau Président du comité « vins et eaux de vie » de l'INAO, Yves Bénard, que j'ai désigné en janvier.
J'ai proposé par ailleurs au Conseil national de la viticulture de France, au mois de novembre, une nouvelle segmentation. Son objet principal est de simplifier certaines procédures pour l'identification géographique, en passant, notamment pour les appellations régionales, par les conseils de bassin. La consultation des bassins sur ce projet de réforme a montré un large accord, sur les objectifs de simplification des procédures pour une partie de la segmentation. Un désaccord subsiste principalement sur les dénominations. Je sais que de leur coté les professionnels du Beaujolais n'ont pas perdu de temps et qu'ils ont très vite décidé des suites à donner à cette proposition en souhaitant clairement que puisse être créé, dans leur bassin de production, un vin de pays de cépage Gamay. Le travail engagé doit être poursuivi, afin que pour la prochaine réforme de l'Organisation Commune de Marché, d'ici un an, la segmentation française et les cahiers des charges des différentes catégories de vin retenues soient opérationnelles, adaptées à la qualité et aux conditions de production, et compétitives pour que vous puissiez lutter sur le marché mondial . La réforme de l'INAO devrait y contribuer.
Le deuxième axe de ce plan d'avenir consiste à mettre en place une restructuration du vignoble de Beaujolais. Cette restructuration passe par des mesures d'adaptation des entreprises, notamment coopératives mais pas uniquement. Vous savez que j'ai ouvert une enveloppe de 5 millions d'euros pour ces actions. Par ailleurs, les mesures de restructuration des coopératives seront éligibles au fonds que la Confédération nationale de la coopération viticole est en train de constituer, avec l'appui de mes services, en préparant un tour de table financier.
La restructuration du vignoble passe aussi par sa reconversion. Or, vous le savez, le règlement communautaire ne permet pas d'aider à la restructuration quand celle-ci ne répond pas à des critères de changement de cépages ou de pratiques. Comme vous, je suis favorable à l'arrachage temporaire, notion que j'ai défendue à Bruxelles dès le début de la négociation de réforme de l'OCM. En attendant l'aboutissement je vous propose de regarder attentivement, avec les organisations et les administrations du Languedoc et avec Viniflhor, comment nous pourrions mettre en place, pour le Beaujolais, un plan de restructuration du vignoble compatible avec les règles communautaires. Cette reconversion qualitative différée du vignoble de Beaujolais permettrait de financer les replantations. Les services du Ministère vous aideront à mettre au point ce projet. Enfin le changement de densité de plantation que vous prévoyez de mettre en place pour l'AOC correspond selon moi à une reconversion du vignoble et devrait être éligible à ce titre aux aides communautaires.
Enfin, le plan d'avenir du Beaujolais doit reposer sur un nouveau dispositif d'aide aux viticulteurs qui connaissent le plus de difficultés. Le Gouvernement a arrêté un dispositif de report ou d'exonération partielle de charges, notamment de cotisations sociales. Le Beaujolais a bénéficié de ce dispositif pour 1,5 millions d'euros de reports de charges sociales (dont 1 million d'euros sont encore mobilisables) et plus de 600 000 euros de prises en charge partielles de cotisations sociales. De même, votre vignoble a bénéficié de crédits de reconversion , d'audits ou de préretraites pour les viticulteurs en difficulté, notamment à travers les mesures AGRIDIFF. Il faut continuer ces actions. Je vous confirme en outre qu'à ma demande, le dispositif des préretraites sera revalorisé en particulier pour les cultures pérennes et notamment pour la viticulture. Le texte réglementaire est en cours de finalisation.
Conclusion
On peut qualifier de dramatique la situation actuelle de nombreux viticulteurs du Beaujolais. La représentation professionnelle, les collectivités territoriales et le Gouvernement ne sont pas restés indifférents, loin de là. Je tiens à remercier chacun pour son engagement.
Aujourd'hui l'Etat s'engage à vos côtés comme il l'a fait en garantissant l'emprunt pour l'arrachage du vignoble de Beaujolais, pour mettre tous les moyens dont il dispose pour assurer la réussite d'un plan pour l'avenir du Beaujolais.
Notre ambition est de disposer de tous les éléments pour réussir la modernisation du vignoble. La viticulture est un des piliers et une des forces de cette région. Le Gouvernement continuera à vous apporter son appui pour en assurer le succès.