Extraits de l'entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec France 5 le 10 février 2007, sur la question de l'immigration sud nord et l'islam.

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Média : France 5

Texte intégral

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Q - Dans votre livre, j'ai bien vu que vous vous posiez régulièrement en anti Le Pen. Il y a d'ailleurs quelque chose de frappant dans la dernière phrase de votre livre : "ne cessons jamais d'accueillir".
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R - S'agissant de l'immigration, je suis moi aussi contre l'immigration irrégulière, contre ces abominables filières d'immigration. On fait miroiter à ces gens des choses extraordinaires lorsqu'ils quittent leur pays d'origine. En même temps, je pense qu'il serait terrible que la France soit totalement fermée.
Vous parliez de l'Algérie tout à l'heure. Ne regardons pas ce pays avec un rétroviseur. Regardons l'Algérie telle qu'elle est : 70 % de la population a moins de 25 ans. L'Algérie est un partenaire à part entière, un pays qui prévoit des privatisations pour un montant de 90 milliards dans les cinq ans à venir et avec lequel il faut travailler. Les Américains, les Italiens, les Espagnols sont présents en Algérie. Il faut y être, il faut travailler avec eux. Vous savez que, parmi les meilleurs mathématiciens du monde, figurent des Algériens. Il est important d'avoir une vision ouverte du monde.
S'agissant de l'immigration, aucune loi ne permettra de régler le problème de l'immigration parce qu'aujourd'hui, les pays du Nord sont de plus en plus riches et les pays du Sud demeurent aussi pauvres. Quand vous ne pouvez pas soigner votre enfant qui meurt de la tuberculose, alors que la rifampicine a été découverte en 1954 chez nous et qu'il n'y a toujours pas de médicaments antituberculeux dans les pays du Sud, eh bien, vous venez chercher ces médicaments dans les pays où ils sont disponibles.
Il faut donc aujourd'hui travailler à une mondialisation équitable. C'est ce que j'écris dans ce livre, au cinquième chapitre, à propos d'UNITAID, cette facilité d'achat de médicaments mise en oeuvre pour essayer de soigner les Africains, en particulier, qui subissent 95 % des nouvelles maladies infectieuses - un enfant africain meurt toutes les trente secondes. Il faut donc être à leurs côtés et s'abstenir de stigmatiser ces populations.
Q - Votre thèse, c'est que rien ne peut arrêter l'immigration. Vous allez même plus loin en parlant de migrations climatiques en raison du réchauffement planétaire.
R - En effet, pour prendre un exemple, le Bangladesh pourrait être à moitié inondé. Pauvreté, dérèglement climatique, maladie sont trois facteurs communs d'immigration. La question de l'immigration n'appelle pas uniquement de réponse nationale mais doit être traitée au niveau international avec une mondialisation plus équitable et solidaire. C'est la seule solution parce qu'on ne peut pas toujours considérer que quelqu'un qui n'est pas de la même race et de la même religion que la vôtre est un ennemi.
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Q - Vous dites dans votre livre que l'islam est "une religion de tolérance, d'ouverture, d'effort et de dépassement de soi".
R - L'islam, comme d'autres religions, est une religion d'amour. Il faut combattre les fondamentalistes et les intégristes. Tout l'intérêt de ce livre justement est d'en appeler à l'esprit des Lumières. Qu'est-ce que l'esprit des Lumières ? C'est d'abord le progrès de l'homme par l'éducation - c'est Ali qui dit que le pire ennemi de l'homme est l'ignorance -, c'est ensuite le progrès de la société par la science, c'est le progrès de l'humanité par la raison. Quand M. Ahmadinejad, président de l'Iran, dit qu'il faut faire une croix sur Israël et qu'il appelle tous les musulmans à se lever, il y a là intégrisme et fondamentalisme. C'est la même chose lorsque d'autres qui sont aussi à leur manière des extrémistes expliquent que tous les musulmans sont des terroristes. C'est cela qu'il faut éviter. Il ne faut pas faire d'amalgame. La religion, c'est une chose. La politique en est une autre.
(...).source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 février 2007