Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur les résultats de la campagne de contrôle concernant les produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (produits CMR), Paris le 8 février 2007.

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Dès mon arrivée au ministère du travail en avril 2004, j'ai fait de la santé et de la sécurité au travail une priorité de mon action et j'ai lancé l'élaboration du Plan santé au travail adopté en février 2005 en conseil des ministres. La réalisation de campagnes de contrôles ciblées s'inscrit dans le cadre de ce plan, dont un des objectifs est d'améliorer l'application de la réglementation.
En novembre 2005, je vous ai présenté les résultats de la campagne de contrôles qui avait été conduite sur les chantiers de désamiantage par l'inspection du travail, avec les CRAM et l'INRS. De la même façon, j'ai souhaité aujourd'hui vous faire part du bilan des deux campagnes de contrôles conduites en 2006, dans un esprit de transparence et de continuité de mon action en santé au travail, domaine qui a été, et demeure, une de mes priorités.
Si la campagne amiante est la 3ème du genre et permet de mesurer - avec prudence - les progrès de l'application de la réglementation dans les chantiers de désamiantage, c'est en revanche la 1ère campagne de contrôles pour les produits chimiques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (appelés aussi produits « CMR »).
Vous allez le voir, certains résultats sont encourageants, d'autres sont préoccupants. C'est pourquoi, au-delà de la simple communication de résultats, je souhaite que l'on sensibilise davantage les chefs d'entreprise et les salariés au respect des mesures de prévention.
L'enjeu n'est pas mince, il en va de la prévention des cancers de demain et de la prévention des effets sur la reproduction (fertilité et développement de l'embryon) :
* Selon l'étude SUMER que le ministère de l'emploi a réalisée en 2003 pour faire l'état des lieux des expositions professionnelles : à des degrés plus ou moins importants, 2,3 millions de salariés sont exposés à des produits cancérogènes et 370 000 sont exposés à des produits mutagènes et toxiques pour la reproduction.
* Selon l'inventaire publié début janvier, réalisé par l'INRS à la demande du ministère du travail, 4,8 millions de tonnes de produits chimiques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction circulent en France.
* Enfin, selon une estimation épidémiologique de l'Institut de veille sanitaire (InVS), entre 11 000 et 23 000 nouveaux cas de cancers chaque année pourraient être liés à une origine professionnelle.
Jean-Denis COMBREXELLE, Directeur général du travail, va rappeler la réglementation en vigueur et ses récentes évolutions et expliquer comment ces campagnes de contrôles ont été organisées. Intervention de Jean-Denis COMBREXELLE
RESULTATS ET PRIORITES 2007
Merci M. COMBREXELLE, de nous avoir rappelé le contexte et l'organisation de ces deux campagnes de contrôles.
Je veux aussi remercier M. EVRARD, Directeur des risques professionnels à la CNAM-TS et M. JANDROT, Directeur délégué de l'INRS, qui sont ici à mes côtés. Je le rappelle, la CNAM-TS et l'INRS sont nos partenaires dans cette opération : il s'agit de contrôles coordonnés pour lesquels les experts des CRAM et de l'INRS apportent une expertise technique et une connaissance fine des secteurs industriels concernés.
Les résultats de la campagne de contrôles sur les produits chimiques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR)
Tout d'abord, deux aspects positifs méritent d'être soulignés :
* La mobilisation de l'inspection du travail
Je voudrais saluer l'importante mobilisation des services de l'inspection du travail : presque 2000 entreprises ont été contrôlées en deux mois !
Les agents de contrôles ont bénéficié de l'appui scientifique et technique des équipes d'ingénieurs et de médecins qui ont été déployées auprès des directions régionales du travail, au sein de cellules régionales pluridisciplinaires. Conformément à l'engagement que j'avais pris en 2005 dans le Plan santé au travail, toutes les régions vont être couvertes cette année. Pour les 15 régions déjà dotées de cellules opérationnelles, ce sont près de 150 agents qui sont impliqués et apportent leurs connaissances techniques et médicales aux inspecteurs généralistes sur le terrain. La mobilisation de l'inspection du travail sur ces deux campagnes de contrôles très techniques de l'année 2006 montre que cet appui commence à porter ses fruits.
* Un effort de substitution
Un deuxième motif de satisfaction : le principe de substitution qui vise à remplacer les produits CMR par d'autres produits moins dangereux, est plutôt bien intégré.
Sur l'ensemble des établissements qui utilisent ou ont utilisé des agents CMR de catégorie 1 ou 2, en moyenne 2 agents CMR sur 3 ont fait l'objet d'une recherche de substitution et cette recherche a abouti dans la moitié des cas à un remplacement effectif.
Viennent ensuite les résultats qui font apparaître la nécessité de poursuivre et de renforcer les actions engagées :
* L'évaluation des risques est encore insuffisante.
Seulement 40 % des établissements utilisant des agents CMR ont réalisé à ce jour une évaluation des risques, pourtant obligatoire, spécifique à cette utilisation. La situation est cependant contrastée selon la taille de l'entreprise : le taux de réalisation de l'évaluation du risque CMR passe ainsi du quart aux deux tiers en passant de la TPE à la grosse PME.
Les mesures techniques de prévention mises en oeuvre sont trop souvent encore insuffisantes.
Il faut d'abord rappeler que les équipements de protection collective doivent être privilégiés car ils permettent de protéger l'ensemble des salariés, par exemple les systèmes d'aspiration à la source. Or les contrôles ont permis de constater que ces dispositifs sont trop peu souvent mis en oeuvre et quand ils existent, ils ne sont pas toujours régulièrement vérifiés alors que leur entretien est essentiel pour assurer la fiabilité de la protection.
Quant aux protections individuelles (les masques par exemple), elles ne sont pas toujours adaptées ou pas toujours portées. On note même une absence totale de moyens de protection dans 9 % des cas !
Mesures d'organisation et d'hygiène
Il demeure un tiers des établissements qui ne respectent pas encore les mesures d'hygiène (nettoyage des zones de travail et des vêtements de travail) ou les obligations de signalisation et de restriction d'accès. Les obligations d'étiquetage des produits CMR utilisés ne sont respectées que dans 1 cas sur 2 alors que l'étiquetage est évidemment primordial pour informer les salariés du risque lié à l'usage des produits. Les salariés bénéficient à ce jour d'une information ou formation adaptée au risque chimique, dans un établissement sur deux seulement.
Suivi des expositions
Le quart des établissements contrôlés seulement effectue des mesures de concentration des produits CMR utilisés dans l'air des ateliers. Le tiers des établissements tient une liste des salariés exposés aux agents CMR, ce qui est pourtant obligatoire. Les fiches individuelles d'exposition, qui permettent de suivre dans le temps l'exposition de chaque salarié, n'existent que dans 1 établissement sur 5. Une attestation d'exposition n'est remise aux salariés exposés au risque CMR, au moment de leur départ de l'établissement, que dans 1 entreprise sur 10.
La situation de la prévention des risques CMR, en tout cas dans les 904 entreprises contrôlées, est donc déficiente et appelle une réaction volontariste de tous les acteurs concernés et en premier lieu les chefs de ces entreprises.
Certes, il faut relativiser les constats dressés par l'inspection du travail : les insuffisances constatées ne signifient pas que les salariés des entreprises concernées sont exposés à un risque élevé, mais que la réglementation est encore mal connue, mal comprise et mal mise en oeuvre. Cela signifie aussi qu'un important travail de pédagogie est encore nécessaire. J'y reviendrai tout à l'heure s'agissant des actions 2007. Mais d'ores et déjà, je souhaite saluer la présence des fédérations professionnelles avec lesquelles nous avons ensemble la volonté de mettre en oeuvre des conventions d'objectifs : l'UIC (chimie), l'UIMM (métallurgie), la FIPEC (peintures, colles, vernis).
Les résultats de la campagne de contrôles « amiante »
La campagne 2006 a, elle aussi, été marquée par une forte mobilisation des agents de contrôle. 936 chantiers ont été visités par l'inspection du travail et les services prévention des CRAM que je souhaite remercier.
Les agents de contrôle ont appliqué les instructions que j'avais données à l'issue de la campagne 2005. Ils ont en effet systématisé les sanctions en cas d'écart à la réglementation et ont renforcé leur niveau d'exigence. Ce qui explique que des anomalies ont été constatées dans 76 % des cas et qu'elles ont donné lieu à davantage de sanctions qu'en 2005 : 68 procès-verbaux, 86 arrêts de chantier, 4 mises en demeure, 8 injonctions et 521 observations (contre 41 procès verbaux, 84 arrêts de chantier, 390 observations en 2005).
Par ailleurs, je note avec satisfaction une amélioration de la situation sur des aspects majeurs de la prévention et cela concerne tous les types de travaux sur amiante. Vous en avez les détails dans le dossier de presse.
Par exemple, des progrès ont été constatés en matière de protection respiratoire : le choix des équipements est désormais adapté au risque dans 93 % des cas pour les chantiers de retrait de canalisation d'amiante ciment.
Ces résultats encourageants montrent que les campagnes de contrôles coup de poing organisées depuis 2004 ont permis une réelle prise de conscience et que l'appel que j'avais lancé en novembre 2005 a été entendu. Le renforcement des contrôles et de la réglementation a « mis la pression » et conduit à une amélioration de la qualité au sein de la profession : depuis 2005, une trentaine d'entreprises se sont vu retirer leur qualification par les organismes certificateurs ou n'ont pas demandé le renouvellement de leur certification.
Les suites données à ces campagnes et les priorités pour 2007
L'inspection du travail va bien sûr poursuivre ses contrôles tout au long de l'année mais au vu des résultats, nous pensons en effet qu'il faut relancer l'action sous une autre forme, en utilisant en 2007 d'autres outils qu'une nouvelle campagne de contrôles ciblée sur les CMR ou sur l'amiante.
Mobiliser les entreprises sur les produits chimiques CMR
Au regard des résultats préoccupants de la campagne CMR, je veux donner la priorité à la sensibilisation des chefs d'entreprises. Je souhaite que des conventions sectorielles d'objectifs entre mon ministère, la CNAMTS et certaines fédérations professionnelles particulièrement concernées par le risque CMR soient établies, avec le support technique de l'INRS. Ces conventions fixeront des objectifs en matière de prévention du risque CMR, en particulier sur la réalisation de l'évaluation des risques et sur la substitution. Il me paraît également nécessaire que ces conventions intègrent la protection des sous-traitants de ces industries. La direction générale du travail a d'ores et déjà contacté deux fédérations importantes, l'UIMM et l'UIC, qui ont été invitées à prendre part à la démarche partenariale que nous leur proposons. Je suis convaincu que nous avons intérêt à travailler en commun pour envoyer, ensemble, un signal fort aux entreprises qu'elles représentent. D'ailleurs, je note avec satisfaction que l'Union française de l'industrie du pétrole (Ufip) vient de signer, avec 5 fédérations syndicales de salariés, un accord sur la santé au travail dans les industries pétrolières et portant précisément sur l'évaluation des risques et le suivi des expositions.
Nous allons aussi engager des actions de sensibilisation à destination des acteurs de la prévention en entreprise (CHSCT, employeurs de PME, salariés). Une brochure de sensibilisation sur l'obligation de substitution, réalisée par l'INRS, sera diffusée au premier trimestre 2007 par l'intermédiaire des CRAM. Cette information sera également relayée par les agents de contrôle de l'inspection du travail. Les CRAM et l'INRS vont renforcer la mise à disposition, auprès des entreprises, de documents de sensibilisation et d'aide à la maîtrise du risque (spots vidéo, brochures, CD Rom et dossiers sur le site Internet de l'INRS). De plus, les premiers résultats de l'expertise de l'AFSSET, prévue par le plan santé au travail, sur les possibilités pratiques de substitution des agents chimiques CMR devraient être disponibles fin 2007 et mis à la disposition des entreprises.
La sensibilisation des entreprises passe aussi par la sensibilisation et la formation des services de l'Etat. Des actions d'information et d'échanges entre les services déconcentrés et l'administration centrale sur la thématique du risque chimique et CMR, notamment sur les circulaires du 24 mai 2006, seront menées en 2007 et 2008 par la direction générale du travail (DGT).
Compléter l'arsenal réglementaire de la prévention
En 2006, la règlementation sur les produits chimiques a été renforcée. En 2007, ce travail va être poursuivi, en s'appuyant sur le retour d'expérience de ces contrôles.
De nouvelles valeurs limites d'exposition professionnelle vont être fixées pour une quarantaine de substances chimiques, dont les fibres céramiques réfractaires (FCR).
Je mets également en chantier une nouvelle procédure d'arrêt d'activité en cas de risque chimique, qui permettra à l'inspection du travail de prononcer un arrêt temporaire d'activité en cas de dépassement réitéré d'une valeur limite d'exposition entraînant une situation dangereuse pour les salariés.
Ce sont autant de nouveaux outils mobilisables pour la protection de la santé des salariés.
Concernant l'amiante, la priorité 2007 sera d'encadrer la certification des entreprises et les travaux à risque.
En 2006, la réglementation de 1996 sur la protection des travailleurs exposés à l'amiante a été complètement révisée par le décret du 30 juin 2006. Les exigences concernant l'amiante non friable, la formation des salariés et la compétence des entreprises ont été renforcées.
En 2007, deux arrêtés vont être élaborés pour préciser les catégories de travaux à risques concernant l'amiante non friable et pour encadrer la certification des entreprises intervenantes.
Accélérer la connaissance des risques des produits chimiques
La nomination du nouveau conseil d'administration de l'AFSSET désormais ouvert aux partenaires sociaux et la nomination de son nouveau président, Paul VIALLE, sont intervenues par décret publié avant-hier mardi 6 février. L'installation de la nouvelle agence est donc achevée. Le Département Santé au Travail créé fin 2005 dans cette agence comprendra cette année 30 scientifiques. La priorité qui leur est assignée est d'expertiser les risques des produits chimiques, en lien avec la mise en oeuvre du règlement européen REACH sur les produits chimiques, règlement que le ministère du travail a beaucoup soutenu, notamment concernant l'intégration du principe de substitution.
D'autres campagnes de contrôles
Avec la CNAM-TS et l'INRS, nous avons décidé de consacrer nos prochaines campagnes de contrôles à d'autres thématiques en 2007 :
- une campagne de communication et de contrôle sur les TMS (en lien avec l'agence européenne de Bilbao qui en a fait son thème 2007) : la prévention des TMS est un objectif important du Plan santé au travail ; les affections péri-articulaires représentent en effet 28 000 maladies professionnelles reconnues en 2005 et continuent de progresser.
- une campagne de contrôle sur les grues afin de vérifier à nouveau l'application de la réglementation, deux ans après la campagne de contrôles coup de poing que j'avais organisée en 2005 suite à plusieurs accidents mortels répétés.
En 2008, il est envisagé de réaliser une campagne sur les poussières de bois. C'est en effet la 2ème cause de cancer professionnel en France après l'amiante ! D'après l'enquête Sumer organisée par le ministère du travail en 2003, 380 000 salariés sont exposés à l'inhalation de poussières de bois. Cette campagne permettra de vérifier l'application de la nouvelle réglementation sur les poussières de bois (valeur limite de 1 mg/m3 depuis le 30 juin 2005).
CONCLUSION
Voilà donc des exemples d'actions concrètes que nous menons et que nous conduirons encore en 2007 dans le cadre du Plan santé au travail.
Depuis 2 ans, ma volonté n'a pas faibli. Elle s'est au contraire renforcée.
Au-delà de l'amiante, qui reste un sujet prioritaire, la prévention de tous les risques au travail, en particulier ceux liés aux produits chimiques, est la raison d'être du Plan Santé au Travail. Il fallait en effet tirer les enseignements du drame de l'amiante. La prévention des cancers professionnels de demain et la prévention des effets sur la reproduction, c'est un combat qui doit se mener aujourd'hui, tous ensemble !
Je suis maintenant prêt, avec le directeur général du travail et les représentants de la CNAM-TS et de l'INRS, à répondre à vos questions.Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 14 février 2007