Texte intégral
Q - Le projet FNSEA/JA fixe comme priorité de vivre de son métier. Un objectif difficile à atteindre pour le syndicalisme ?
Jean-Michel Lemétayer. Je crois qu'il y a deux façons d'exister. La première, c'est de se résigner et de vociférer. Ce n'est pas la nôtre ! La seconde, c'est de croire qu'ensemble nous pouvons influer sur le cours des choses. Alors, bien sûr, la tâche est ardue mais jamais, nous n'avons baissé les bras face à la difficulté. Ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer ! La responsabilité ne rime ni avec la résignation ni avec la démagogie, bien au contraire. Nous sommes, plus que jamais, ambitieux pour les paysans et nous entendons faire bouger les choses !
Q - Quelle est votre ambition pour les agriculteurs ?
Philippe Meurs. Pour nous, notre revenu doit provenir du prix de vente de nos produits. Cela semble une évidence, mais nous en sommes loin ! Quant aux interventions publiques, elles devraient garantir le bon équilibre des marchés, compenser les handicaps naturels notamment en montagne ou en zones défavorisées, ou encore rémunérer notre rôle social (par exemple en terme de gestion de l'espace ou d'animation du milieu rural).
JML. Oui, les soutiens directs sont nécessaires dans le contexte actuel pour compenser les baisses de prix. Mais ils dévalorisent l'image de notre métier et nous enferment dans un carcan bureaucratique. Ce que nous voulons, c'est une politique agricole dont l'objectif est de permettre aux agriculteurs de vivre du fruit de leur travail. Ni plus, ni moins !
Q - Mais comment faire ?
PM. Le premier combat à mener c'est celui de la préférence communautaire. C'est notre priorité ! Il faut que les « politiques » comprennent enfin que nous ne pourrons jamais être compétitifs si l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) n'a qu'un but : aligner les prix vers le bas.
JML. La préférence communautaire dépasse la seule problématique agricole. L'enjeu, c'est l'identité alimentaire, c'est la diversité de notre alimentation : du produit standard au produit haut de gamme, en passant par les produits sous label ou bio. Mais c'est aussi la volonté des citoyens européens d'assurer leur souveraineté alimentaire, leur sécurité sanitaire, et la préservation de leur modèle social. Il faut en avoir conscience !
Q - Vivre de son métier implique également une répartition plus juste de la valeur ajoutée au profit des agriculteurs ?
PM. Tout à fait. Nous en avons assez de voir des productions où la valeur ajoutée est confisquée par des transformateurs ou des distributeurs. Face à des opérateurs d'aval de plus en plus concentrés, nous devons mieux nous organiser. Nous devons rechercher des accords interprofessionnels afin d'établir des relations loyales et équilibrées au sein des filières. Il faut dépasser le stade des beaux discours. C'est la seule façon d'affirmer notre pouvoir économique et d'obtenir un juste retour aux producteurs.
Q - Et que proposez-vous pour donner un peu de stabilité aux revenus agricoles ?
JML. Il n'y a pas trente-six solutions : il faut développer des mécanismes de gestion de l'offre et des risques. Les réformes de la PAC ont cassé les outils de gestion de marchés. Aujourd'hui, il est impératif de mettre sur pied une gestion de l'offre qui maîtrise les volumes : une maîtrise pendant la campagne, afin de résorber les éventuels excédents conjoncturels, mais surtout une maîtrise en amont, y compris dans le cadre de politiques contractuelles.
PM. Attention, il n'y a pas que les aléas de marchés. Les mécanismes de protection contre les aléas climatiques doivent aussi être renforcés et développés. Les agriculteurs doivent être en mesure de résister aux aléas qu'ils soient économiques ou climatiques. C'est pourquoi nous demandons la modernisation du fonds des calamités, l'amélioration de l'encouragement fiscal à la constitution d'épargnes dé précaution, la mise en place de systèmes d'assurance récoltes soutenus par les pouvoirs publics, comme c'est le cas en Espagne ou aux États-Unis.
Q - Comment voyez-vous l'avenir en terme de revenu ?
JML. J'ai confiance en l'avenir. A nous de poursuivre l'investissement dans les filières de qualité valorisant l'origine des produits et le savoir-faire des agriculteurs, à nous de nous organiser pour ne pas nous laisser imposer des marques de distributeurs qui ne sont valorisantes que pour eux-mêmes. Face aux géants de la transformation et de la distribution, la seule réponse c'est l'organisation de l'offre.
PM. Et puis avec la fin programmée des énergies fossiles, de nouveaux horizons s'ouvrent à l'agriculture. Depuis trop d'années, nous n'entendions parler que d'excédents, de surproduction, de gel des terres. Aujourd'hui, il est question de nouveaux débouchés, de nouveaux produits. A nous de saisir cette chance et de relever les défis des biotechnologies, de la chimie verte et des nouveaux matériaux.
source http://www.electionschambres2007.com, le 16 janvier 2007