Interview de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, dans "Le Figaro" le 28 février 2007, sur les premiers effets des pôles de compétitivité notamment en matière de création d'emploi.

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Q - Les Français sont sceptiques face à la mondialisation. Les chiffres leur donnent-ils raison ou montrent-ils au contraire qu'elle est bénéfique à la France ?
R - La France tire très largement parti de la mondialisation. En 2006, elle a attiré 58,4 milliards d'investissements directs étrangers (rachats de sociétés et opérations financières compris), nous plaçant au 3ème rang mondial. Et 40 000 emplois ont, l'an dernier, été créés ou maintenus grâce à l'argent investi sur notre territoire par des entreprises étrangères - dont 80 % correspondent à des créations pures. C'est un chiffre en hausse de 33 % sur un an. Or, le nombre d'opérations ayant abouti, 665, n'est en hausse que de 2 % par rapport à 2005. Cela signifie que les projets sont de plus en plus créateurs d'emplois.
L'Allemand Arvato Bertelsmann, par exemple, a créé 500 postes dans un centre d'appel au Havre, le canadien Modulex 450 dans les Vosges, le suisse Jet Aviation 400 à Mulhouse ou encore le finlandais Fonecta 350 à Reims. L'an dernier, 64 % des emplois ont été créés dans l'industrie. La part de ceux des centres de recherche augmente, celle des sièges sociaux est en revanche en recul.
Q - Y a-t-il eu un effet pôles de compétitivité ?
R - Sans aucun doute. La montée en puissance des créations d'emplois dans certaines régions montrer qu'il y a une amorce de corrélation entre notre attractivité et les pôles. En région Paca, par exemple, où l'on trouve deux pôles mondiaux, les emplois créés par les investisseurs étrangers ont été multipliés par deux en un an. En Picardie par quatre, pour atteindre 1 300 emplois ; en Champagne-Ardenne, qui accueille le pôle industrie-agro-ressources, par neuf.
Plus encourageant encore, les patrons que je rencontre sont satisfaits de l'articulation entre les Régions, les collectivités locales et l'Afii. Nos points forts - qualité des équipes, de la main-d'oeuvre, des formations... - nous les connaissons. Nous savons aussi qu'avec un peu plus de fluidité et de souplesse, notamment dans le marché du travail, on attirerait plus d'investissements !
Q - Doit-on s'attendre à d'aussi bons résultats pour cette année ?
R - 2007 est une année présidentielle. Je comprends que les investisseurs attendent de voir ce qui va se passer en mai. D'ici là, les chiffres de l'investissement risquent donc d'être un peu faibles. La perception est aussi importante que la réalité. A l'étranger, le retour de la gauche serait synonyme de généralisation des 35 heures. Une catastrophe en termes d'image.
Q - N'y a-t-il pas un paradoxe à se donner du mal pour attirer les investisseurs étrangers tout en tentant de dresser des barrières autour de nos entreprises ?
R - Notre réputation est excessive. La France n'est pas un pays protectionniste ! La fusion Mittal Arcelor a bien eu lieu, alors que de l'autre côté de l'Atlantique, le Congrès s'est tellement agité pour empêcher le rachat d'Unocal par le chinois Cnooc que ce dernier a fini par baisser les bras. Le problème chez nous, c'est le décalage entre la parole et la réalité économique. Cela suffit à donner une image exécrable. En définissant une liste de secteurs sensibles sur lesquels l'Etat a droit de regard, on s'expose aussi à la critique, alors que les Etats-Unis font la même chose en restant plus flous. Mais, au final, notre environnement légal est plus transparent donc plus sécurisant puisque les entreprises savent à quoi s'attendre.