Texte intégral
Avec un «ami» comme Sarkozy,
les travailleurs n'ont pas besoin d'ennemis
«Je veux redonner au beau mot de travailleur le prestige qu'il a perdu...» Sarkozy, qui vient de prononcer ces fortes paroles, sait choisir ses mots: c'est du prestige qu'il promet, pas une hausse des salaires... Mais enfin, depuis quelques jours, il veut convaincre qu'il les aime, les travailleurs ! À en juger par la politique du gouvernement dont il fait partie, il les aime surtout bien exploitables. Les gouvernements Raffarin et Villepin, pendant les cinq ans de leur pouvoir, sont certainement parmi ceux qui ont porté le plus de coups aux travailleurs.
L'âge de la retraite repoussé, les pensions diminuées, l'assurance-maladie affaiblie, la précarité généralisée, voilà quelques hauts faits d'armes de ces gens qui, aujourd'hui, ont le culot de se présenter en amis des travailleurs.
Et ce n'est pas fini. Sarkozy promet un contrat de travail unique calqué sur le CNE, c'est-à-dire autorisant les patrons à licencier comme ils veulent pendant deux ans. Un de ses seconds couteaux, Xavier Bertrand, promet une limitation du droit de grève. Sans parler des suppressions d'emplois dans la fonction publique également annoncées, ce qui signifiera en clair moins d'enseignants, moins de postiers, moins d'infirmières.
Mais, promis-juré, l'«augmentation du pouvoir d'achat» sera sa «priorité de politique économique après vingt-cinq ans de sacrifice». Comment ? Par les heures supplémentaires. En somme, si vous voulez gagner un salaire à peu près convenable, vous n'avez qu'à faire des heures supplémentaires. Pour les travailleurs que Sarkozy aime tant, c'est le droit de se crever au travail pour avoir un salaire à peu près normal. Et pour le patron, c'est le droit de ne payer aucune charge sociale sur la part du salaire censée payer les heures supplémentaires. C'est un beau cadeau, mais il est pour les patrons. C'est un encouragement pour les inciter à allonger la journée de travail de leurs effectifs déjà embauchés plutôt que d'embaucher du personnel supplémentaire... si toutefois ils en ont besoin: car de toute façon ce sont eux qui décident, pas leurs travailleurs. Et, accessoirement, ces heures supplémentaires sur lesquelles on ne paie pas de cotisations sociales ne sont pas comptées pour la retraite.
Ces discours destinés à séduire le monde du travail, c'est, bien sûr, du cynisme, venant de la part d'un homme comme Sarkozy. Mais s'il ose draguer des électeurs jusques y compris dans la fraction la moins consciente de l'électorat populaire, c'est parce que la gauche, lorsqu'elle a été au pouvoir, a mené une politique tellement éloignée des intérêts des classes populaires qu'elle a déçu et dégoûté son propre électorat.
Aux travailleurs, les phrases; aux patrons, les espèces sonnantes et trébuchantes. Un document officiel, dont le quotidien Le Figaro a publié les conclusions, chiffre à 65 milliards d'euros les «aides publiques aux entreprises», c'est-à-dire les sommes versées à fonds perdus à leurs propriétaires et actionnaires. Cette somme représente plus que le budget de l'Éducation nationale, à peu près autant que le total des dépenses hospitalières et plus de six fois le trou de la Sécurité sociale. Autant dire que ces «aides aux entreprises», qui sont devenues le premier poste de dépenses de l'État, sont prises sur de l'argent qui devrait être consacré aux services publics, aux hôpitaux, à l'Éducation nationale.
Alors, pour les faire reculer sur cette politique qui vide les poches des travailleurs pour remplir les coffres-forts des actionnaires, il faudra l'action collective de tous ceux qui en souffrent. Mais puisque élection présidentielle il y a dans moins de trois mois, il faudra au moins que l'électorat populaire exprime, en se prononçant pour les idées que je défends, qu'il en a assez de cette politique et qu'il n'acceptera pas qu'elle continue, quel que soit le nom de celle ou celui qui s'installera à la présidence de la République.
source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 février 2007
Des phrases creuses pour les uns, des espèces sonnantes pour les autres
À l'approche de chaque élection présidentielle, les candidats de droite redécouvrent l'existence des travailleurs, histoire d'essayer de glaner quelques voix de ce côté-là. En 1995, Chirac avait placé sa campagne sous le signe de la lutte contre la «fracture sociale»... et une fois élu avait chargé son Premier ministre Alain Juppé de mener une attaque en règle contre le monde du travail, la Sécurité sociale et les retraites.
Aujourd'hui, Sarkozy fait mine de découvrir, comme s'il n'était pas ministre depuis cinq ans, que le niveau de vie des salariés est insuffisant et il prétend défendre la «valeur travail». Mais derrière ces discours hypocrites, il y a seulement «pour gagner plus il faut travailler plus», ce que Sarkozy appelle le «libre choix».
Mais les salariés à temps partiel imposé, l'immense majorité des 800000 hommes et des 3 500000 femmes qui travaillent à temps partiel, n'ont pas le «libre choix». Et ils sont d'autant plus nombreux que la loi, en accordant des exonérations de cotisations sociales à leurs employeurs, encouragent ces derniers à utiliser largement cette formule.
«Travailler plus pour gagner plus», c'est injurier les travailleurs qui, sur les chaînes de montage ou les chantiers, sont brisés par des cadences de travail insupportables, et tous ceux qui croulent, même dans les hôpitaux, les administrations et les bureaux, sous des surcharges de travail.
La semaine dernière, ce sont les enseignants qui ont eu droit à la sollicitude de Sarkozy. Celui-ci a reconnu que «leur pouvoir d'achat s'est dégradé» et a promis que, s'il était élu, il leur rendrait «la considération qui leur est due» et revaloriserait leurs carrières. Comme si lui, Sarkozy, n'était pas ministre d'un gouvernement qui ferme des écoles, qui supprime des milliers de postes d'enseignants, au détriment, non seulement de ceux-ci, mais de tous les enfants mal scolarisés.
En revanche, quand il s'agit des plus riches, grands et petits, Sarkozy sait faire des promesses précises. Aux travailleurs, il demande de faire des heures supplémentaires... si leur patron le veut bien. Mais, aux patrons, il promet qu'ils n'auront même pas de majoration à payer sur celles-ci. Entre Chirac et lui, c'est à qui promettra le plus aux riches: diminution de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, suppression des droits de succession, mise en place d'un «bouclier fiscal» destiné à limiter ce que les plus riches auraient à payer. Et les bénéficiaires peuvent avoir confiance, parce que c'est déjà la politique menée depuis des années.
Oui, on ne peut que souhaiter que cette droite aussi effrontément au service des possédants reçoive, lors de l'élection présidentielle, la réponse qu'elle mérite de la part des électeurs populaires.
Mais la candidate du Parti Socialiste, Ségolène Royal, est bien loin de s'engager à annuler toutes les mesures prises depuis cinq ans par la droite au gouvernement. Et ce n'est pas surprenant, parce que les aides de plus en plus importantes accordées aux entreprises sans contrepartie en matière de création d'emplois, les attaques contre la Sécurité sociale, le gouvernement socialiste en a été aussi largement responsable. Le Parti Socialiste, au gouvernement entre 1997 et 2002, n'a rien fait pour revenir sur les décisions prises par son prédécesseur de droite.
Alors il faut qu'en avril prochain, au premier tour de l'élection présidentielle, les travailleurs rejettent cette droite qui mène une politique ouvertement au service des plus riches, mais en même temps qu'ils affirment qu'ils ne font pas confiance à Ségolène Royal pour mener une autre politique, et qu'elle devra tenir compte du mécontentement accumulé depuis des années au sein des classes populaires.
C'est pour permettre à l'électorat populaire de rejeter la droite, mais aussi de dire sa méfiance envers les politiciens de gauche qui ont gouverné la moitié du temps depuis l'élection de Mitterrand en 1981, que mon parti, Lutte Ouvrière, me présente à cette élection.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 9 février 2007Celui qui est ouvertement au service du grand patronat
et celle qui n'ose pas y toucher
Ségolène Royal a tenu à affirmer, dans son discours-programme, qu'elle s'adressait à tous les Français sans exception. Mais il est impossible de satisfaire tout à la fois les exigences du grand patronat et celles des classes populaires.
Ségolène Royal dit vouloir réconcilier les Français avec les entreprises. Mais elle ne dit rien de la façon dont elle compte réconcilier les entreprises avec les Français, les obliger à consacrer aux investissements créateurs d'emplois les profits extravagants qu'elles réalisent.
Elle a dénoncé «le règne sans frein du profit financier», considérant insupportable que «la moitié des salariés du privé touchent moins de 1400 euros par mois, que 4 millions de salariés sont payés au smic au bout de 20 à 30 ans de travail». Allait-elle dénoncer les responsables des bas salaires, les patrons ? Non, pour elle, c'est «comme une forme moderne de malédiction». Que propose-t-elle pour y remédier ? Le smic à 1500 euros, sans préciser s'il s'agit du net ou du brut, et des augmentations de salaires négociées par la suite. Mais rien que pour rattraper le retard pris par le pouvoir d'achat, il faudrait une augmentation immédiate de 300 euros pour tous !
Elle se déclare pour un plan de rattrapage des petites retraites, en annonçant généreusement 5% de relèvement. Les retraités qui devront, même compte tenu de cette augmentation, vivre avec 658,35 euros par mois, auront de quoi être reconnaissants jusqu'à leur mort à Ségolène Royal !
En revanche, elle maintient les 65 milliards d'aides que l'État consacre aux entreprises, plus de six fois le trou de la Sécurité sociale. Tout au plus a-t-elle l'intention d'augmenter la part qui est consacrée à la recherche.
Tout en dénonçant l'état catastrophique du logement, elle propose la construction de 120000 logements par an. À ce rythme, pour satisfaire les quelque un million deux cent mille personnes déjà en listes d'attente pour un logement social, il faudra dix ans, sans parler des trois millions de mal-logés !
Pour les jeunes, elle propose «les emplois-tremplins que les régions ont mis en place avec un objectif de 500000 emplois-tremplins». Cela ressemble aux emplois-jeunes qui ont, certes, dépanné quelques jeunes mais qui n'ont jamais été pérennisés. «Emplois-tremplins» veut bien dire ce que cela veut dire, le tout est de savoir où on tombe après avoir sauté. En outre, Ségolène Royal n'a pas dit si l'État financera ce projet ou en imposera le financement aux Régions.
Devant la grande misère de l'Éducation nationale dans les quartiers populaires, elle propose «le soutien scolaire gratuit» confié à «un corps nouveau de répétiteurs» alors qu'il faudrait embaucher le nombre d'enseignants nécessaire et construire les locaux indispensables pour assurer une éducation adaptée pour tous.
Il y a certes la promesse de la gratuité totale des soins pour les moins de 16 ans et la contraception gratuite pour les femmes de moins de 25 ans. C'est déjà ça, mais c'est une mesure prudente pour ne rien coûter au patronat !
Sur les problèmes essentiels des classes populaires, le chômage, le pouvoir d'achat, il n'y a rien qui puisse réellement changer l'avenir, aucun engagement concret. Ce n'est pas un programme, c'est d'abord une simple description et, pour l'avenir, une incantation !
Les classes populaires ont toutes les raisons de rejeter Sarkozy, dont le programme se résume à des attaques contre le monde du travail, comme le nouveau contrat qui donne aux patrons toute possibilité de licencier comme ils veulent, les restrictions au droit de grève, les suppressions d'emplois dans les services publics. Mais elles ne peuvent pas espérer de Ségolène Royal la fin du chômage, des salaires corrects et le fonctionnement convenable des services publics, même si elle tient ses promesses. Ce qui reste à prouver et, peut-être à imposer.
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 16 février 2007
Grand serviteur de l'État et sinistre crapule.
Emportées par la volonté de convaincre les électeurs que, dans la présidentielle, seul compte le deuxième tour et qu'il se jouera obligatoirement entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, la presse et la télévision donnent dans le superlatif pour qualifier l'enjeu de ce choix. Entre le candidat de l'UMP et la candidate socialiste, c'est plus qu'une opposition politique, a écrit un grand quotidien, c'est une « opposition de société ». Ben voyons !
Il faut bien que la télévision et la presse s'extasient pour donner aux électeurs l'impression qu'avec leur bulletin de vote, ils ont entre leurs mains l'avenir du pays comme leur propre sort, alors pourtant que les deux partis que représentent les deux candidats se relayent au pouvoir depuis un quart de siècle sans que les alternances changent la vie des classes populaires, si ce n'est chaque fois en mal.
Changer la société en changeant de président ? C'est une plaisanterie. D'abord parce que, dans le domaine économique, ce n'est ni le président de la République ni le gouvernement qui commandent. Ce sont les grands groupes financiers. Ils peuvent licencier, délocaliser ou supprimer des emplois comme ils veulent, comme sont en train de le faire deux des plus puissantes entreprises du pays, Alcatel-Lucent et Airbus.
Mais, même dans le domaine politique, si on élit le président de la République, on n'élit pas les hauts fonctionnaires qui exécutent les hautes et basses oeuvres de l'État et en assurent la continuité.
L'homme qui vient de mourir, Papon, est un bel exemple de ces hauts fonctionnaires qui traversent les mandatures présidentielles et même les régimes, représentant l'État sous les uns comme sous les autres. Haut fonctionnaire déjà au temps du gouvernement du Front populaire, il s'était mis sans état d'âme au service du régime de Pétain. La guerre terminée, pourvu d'un certificat de résistance, il avait entamé une belle carrière sous la quatrième puis sous la cinquième République. Préfet en Algérie en pleine guerre, préfet de police de Paris, il était devenu député et ministre sous Giscard.
Papon n'avait fini par être condamné pour son rôle dans la déportation de Juifs lorsqu'il était, sous Pétain, secrétaire à la préfecture de Bordeaux, qu'à la suite d'une infinité de procédures. Mais il n'avait pas accompli sa peine de dix ans car il avait été libéré pour raisons de santé en 2002. Il n'était pourtant pas à l'agonie, il était même sorti sur ses jambes.
Papon avait sur la conscience non seulement les Juifs déportés, mais aussi on n'a jamais su combien d'Algériens massacrés lors d'une manifestation, interdite certes mais tout à fait pacifique, le 17 octobre 1961 à Paris, lorsqu'il était préfet de police. Il était aussi responsable de la mort de neuf manifestants communistes, du fait de sa police, au métro Charonne en février 1962.
C'est dire qu'autant la justice que tous les dirigeants politiques qui ont couvert et employé Papon après la guerre ont fait preuve d'une grande mansuétude vis-à-vis de lui. On ne peut pas dire qu'ils font preuve de la même vis-à-vis de Nathalie Ménigon qui a subi deux attaques cérébrales et est devenue hémiplégique et à laquelle on refuse toujours d'aller mourir chez elle. Bien sûr, elle a assassiné le patron de Renault et le général Audran. Mais, à côté de tout ce qu'a fait Papon, cela n'est vraiment pas comparable.
Deux poids et deux mesures, mais cela montre aussi l'indulgence de nos dirigeants envers ceux qu'ils appellent les loyaux serviteurs de l'État avec, par contre, une haine éternelle envers ceux qui ont eu le tort de s'opposer à l'État.
Tous les hauts fonctionnaires n'ont évidemment pas le passé de Papon car c'est aussi une question d'âge. Mais, au moment où on nous jette de la poudre aux yeux pour nous convaincre que le choix d'un président est déterminant pour l'avenir, il est utile de se rappeler que les présidents passent, les régimes se succèdent, mais l'appareil d'État et ses hauts fonctionnaires restent.Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 26 février 2007
les travailleurs n'ont pas besoin d'ennemis
«Je veux redonner au beau mot de travailleur le prestige qu'il a perdu...» Sarkozy, qui vient de prononcer ces fortes paroles, sait choisir ses mots: c'est du prestige qu'il promet, pas une hausse des salaires... Mais enfin, depuis quelques jours, il veut convaincre qu'il les aime, les travailleurs ! À en juger par la politique du gouvernement dont il fait partie, il les aime surtout bien exploitables. Les gouvernements Raffarin et Villepin, pendant les cinq ans de leur pouvoir, sont certainement parmi ceux qui ont porté le plus de coups aux travailleurs.
L'âge de la retraite repoussé, les pensions diminuées, l'assurance-maladie affaiblie, la précarité généralisée, voilà quelques hauts faits d'armes de ces gens qui, aujourd'hui, ont le culot de se présenter en amis des travailleurs.
Et ce n'est pas fini. Sarkozy promet un contrat de travail unique calqué sur le CNE, c'est-à-dire autorisant les patrons à licencier comme ils veulent pendant deux ans. Un de ses seconds couteaux, Xavier Bertrand, promet une limitation du droit de grève. Sans parler des suppressions d'emplois dans la fonction publique également annoncées, ce qui signifiera en clair moins d'enseignants, moins de postiers, moins d'infirmières.
Mais, promis-juré, l'«augmentation du pouvoir d'achat» sera sa «priorité de politique économique après vingt-cinq ans de sacrifice». Comment ? Par les heures supplémentaires. En somme, si vous voulez gagner un salaire à peu près convenable, vous n'avez qu'à faire des heures supplémentaires. Pour les travailleurs que Sarkozy aime tant, c'est le droit de se crever au travail pour avoir un salaire à peu près normal. Et pour le patron, c'est le droit de ne payer aucune charge sociale sur la part du salaire censée payer les heures supplémentaires. C'est un beau cadeau, mais il est pour les patrons. C'est un encouragement pour les inciter à allonger la journée de travail de leurs effectifs déjà embauchés plutôt que d'embaucher du personnel supplémentaire... si toutefois ils en ont besoin: car de toute façon ce sont eux qui décident, pas leurs travailleurs. Et, accessoirement, ces heures supplémentaires sur lesquelles on ne paie pas de cotisations sociales ne sont pas comptées pour la retraite.
Ces discours destinés à séduire le monde du travail, c'est, bien sûr, du cynisme, venant de la part d'un homme comme Sarkozy. Mais s'il ose draguer des électeurs jusques y compris dans la fraction la moins consciente de l'électorat populaire, c'est parce que la gauche, lorsqu'elle a été au pouvoir, a mené une politique tellement éloignée des intérêts des classes populaires qu'elle a déçu et dégoûté son propre électorat.
Aux travailleurs, les phrases; aux patrons, les espèces sonnantes et trébuchantes. Un document officiel, dont le quotidien Le Figaro a publié les conclusions, chiffre à 65 milliards d'euros les «aides publiques aux entreprises», c'est-à-dire les sommes versées à fonds perdus à leurs propriétaires et actionnaires. Cette somme représente plus que le budget de l'Éducation nationale, à peu près autant que le total des dépenses hospitalières et plus de six fois le trou de la Sécurité sociale. Autant dire que ces «aides aux entreprises», qui sont devenues le premier poste de dépenses de l'État, sont prises sur de l'argent qui devrait être consacré aux services publics, aux hôpitaux, à l'Éducation nationale.
Alors, pour les faire reculer sur cette politique qui vide les poches des travailleurs pour remplir les coffres-forts des actionnaires, il faudra l'action collective de tous ceux qui en souffrent. Mais puisque élection présidentielle il y a dans moins de trois mois, il faudra au moins que l'électorat populaire exprime, en se prononçant pour les idées que je défends, qu'il en a assez de cette politique et qu'il n'acceptera pas qu'elle continue, quel que soit le nom de celle ou celui qui s'installera à la présidence de la République.
source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 février 2007
Des phrases creuses pour les uns, des espèces sonnantes pour les autres
À l'approche de chaque élection présidentielle, les candidats de droite redécouvrent l'existence des travailleurs, histoire d'essayer de glaner quelques voix de ce côté-là. En 1995, Chirac avait placé sa campagne sous le signe de la lutte contre la «fracture sociale»... et une fois élu avait chargé son Premier ministre Alain Juppé de mener une attaque en règle contre le monde du travail, la Sécurité sociale et les retraites.
Aujourd'hui, Sarkozy fait mine de découvrir, comme s'il n'était pas ministre depuis cinq ans, que le niveau de vie des salariés est insuffisant et il prétend défendre la «valeur travail». Mais derrière ces discours hypocrites, il y a seulement «pour gagner plus il faut travailler plus», ce que Sarkozy appelle le «libre choix».
Mais les salariés à temps partiel imposé, l'immense majorité des 800000 hommes et des 3 500000 femmes qui travaillent à temps partiel, n'ont pas le «libre choix». Et ils sont d'autant plus nombreux que la loi, en accordant des exonérations de cotisations sociales à leurs employeurs, encouragent ces derniers à utiliser largement cette formule.
«Travailler plus pour gagner plus», c'est injurier les travailleurs qui, sur les chaînes de montage ou les chantiers, sont brisés par des cadences de travail insupportables, et tous ceux qui croulent, même dans les hôpitaux, les administrations et les bureaux, sous des surcharges de travail.
La semaine dernière, ce sont les enseignants qui ont eu droit à la sollicitude de Sarkozy. Celui-ci a reconnu que «leur pouvoir d'achat s'est dégradé» et a promis que, s'il était élu, il leur rendrait «la considération qui leur est due» et revaloriserait leurs carrières. Comme si lui, Sarkozy, n'était pas ministre d'un gouvernement qui ferme des écoles, qui supprime des milliers de postes d'enseignants, au détriment, non seulement de ceux-ci, mais de tous les enfants mal scolarisés.
En revanche, quand il s'agit des plus riches, grands et petits, Sarkozy sait faire des promesses précises. Aux travailleurs, il demande de faire des heures supplémentaires... si leur patron le veut bien. Mais, aux patrons, il promet qu'ils n'auront même pas de majoration à payer sur celles-ci. Entre Chirac et lui, c'est à qui promettra le plus aux riches: diminution de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, suppression des droits de succession, mise en place d'un «bouclier fiscal» destiné à limiter ce que les plus riches auraient à payer. Et les bénéficiaires peuvent avoir confiance, parce que c'est déjà la politique menée depuis des années.
Oui, on ne peut que souhaiter que cette droite aussi effrontément au service des possédants reçoive, lors de l'élection présidentielle, la réponse qu'elle mérite de la part des électeurs populaires.
Mais la candidate du Parti Socialiste, Ségolène Royal, est bien loin de s'engager à annuler toutes les mesures prises depuis cinq ans par la droite au gouvernement. Et ce n'est pas surprenant, parce que les aides de plus en plus importantes accordées aux entreprises sans contrepartie en matière de création d'emplois, les attaques contre la Sécurité sociale, le gouvernement socialiste en a été aussi largement responsable. Le Parti Socialiste, au gouvernement entre 1997 et 2002, n'a rien fait pour revenir sur les décisions prises par son prédécesseur de droite.
Alors il faut qu'en avril prochain, au premier tour de l'élection présidentielle, les travailleurs rejettent cette droite qui mène une politique ouvertement au service des plus riches, mais en même temps qu'ils affirment qu'ils ne font pas confiance à Ségolène Royal pour mener une autre politique, et qu'elle devra tenir compte du mécontentement accumulé depuis des années au sein des classes populaires.
C'est pour permettre à l'électorat populaire de rejeter la droite, mais aussi de dire sa méfiance envers les politiciens de gauche qui ont gouverné la moitié du temps depuis l'élection de Mitterrand en 1981, que mon parti, Lutte Ouvrière, me présente à cette élection.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 9 février 2007Celui qui est ouvertement au service du grand patronat
et celle qui n'ose pas y toucher
Ségolène Royal a tenu à affirmer, dans son discours-programme, qu'elle s'adressait à tous les Français sans exception. Mais il est impossible de satisfaire tout à la fois les exigences du grand patronat et celles des classes populaires.
Ségolène Royal dit vouloir réconcilier les Français avec les entreprises. Mais elle ne dit rien de la façon dont elle compte réconcilier les entreprises avec les Français, les obliger à consacrer aux investissements créateurs d'emplois les profits extravagants qu'elles réalisent.
Elle a dénoncé «le règne sans frein du profit financier», considérant insupportable que «la moitié des salariés du privé touchent moins de 1400 euros par mois, que 4 millions de salariés sont payés au smic au bout de 20 à 30 ans de travail». Allait-elle dénoncer les responsables des bas salaires, les patrons ? Non, pour elle, c'est «comme une forme moderne de malédiction». Que propose-t-elle pour y remédier ? Le smic à 1500 euros, sans préciser s'il s'agit du net ou du brut, et des augmentations de salaires négociées par la suite. Mais rien que pour rattraper le retard pris par le pouvoir d'achat, il faudrait une augmentation immédiate de 300 euros pour tous !
Elle se déclare pour un plan de rattrapage des petites retraites, en annonçant généreusement 5% de relèvement. Les retraités qui devront, même compte tenu de cette augmentation, vivre avec 658,35 euros par mois, auront de quoi être reconnaissants jusqu'à leur mort à Ségolène Royal !
En revanche, elle maintient les 65 milliards d'aides que l'État consacre aux entreprises, plus de six fois le trou de la Sécurité sociale. Tout au plus a-t-elle l'intention d'augmenter la part qui est consacrée à la recherche.
Tout en dénonçant l'état catastrophique du logement, elle propose la construction de 120000 logements par an. À ce rythme, pour satisfaire les quelque un million deux cent mille personnes déjà en listes d'attente pour un logement social, il faudra dix ans, sans parler des trois millions de mal-logés !
Pour les jeunes, elle propose «les emplois-tremplins que les régions ont mis en place avec un objectif de 500000 emplois-tremplins». Cela ressemble aux emplois-jeunes qui ont, certes, dépanné quelques jeunes mais qui n'ont jamais été pérennisés. «Emplois-tremplins» veut bien dire ce que cela veut dire, le tout est de savoir où on tombe après avoir sauté. En outre, Ségolène Royal n'a pas dit si l'État financera ce projet ou en imposera le financement aux Régions.
Devant la grande misère de l'Éducation nationale dans les quartiers populaires, elle propose «le soutien scolaire gratuit» confié à «un corps nouveau de répétiteurs» alors qu'il faudrait embaucher le nombre d'enseignants nécessaire et construire les locaux indispensables pour assurer une éducation adaptée pour tous.
Il y a certes la promesse de la gratuité totale des soins pour les moins de 16 ans et la contraception gratuite pour les femmes de moins de 25 ans. C'est déjà ça, mais c'est une mesure prudente pour ne rien coûter au patronat !
Sur les problèmes essentiels des classes populaires, le chômage, le pouvoir d'achat, il n'y a rien qui puisse réellement changer l'avenir, aucun engagement concret. Ce n'est pas un programme, c'est d'abord une simple description et, pour l'avenir, une incantation !
Les classes populaires ont toutes les raisons de rejeter Sarkozy, dont le programme se résume à des attaques contre le monde du travail, comme le nouveau contrat qui donne aux patrons toute possibilité de licencier comme ils veulent, les restrictions au droit de grève, les suppressions d'emplois dans les services publics. Mais elles ne peuvent pas espérer de Ségolène Royal la fin du chômage, des salaires corrects et le fonctionnement convenable des services publics, même si elle tient ses promesses. Ce qui reste à prouver et, peut-être à imposer.
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 16 février 2007
Grand serviteur de l'État et sinistre crapule.
Emportées par la volonté de convaincre les électeurs que, dans la présidentielle, seul compte le deuxième tour et qu'il se jouera obligatoirement entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, la presse et la télévision donnent dans le superlatif pour qualifier l'enjeu de ce choix. Entre le candidat de l'UMP et la candidate socialiste, c'est plus qu'une opposition politique, a écrit un grand quotidien, c'est une « opposition de société ». Ben voyons !
Il faut bien que la télévision et la presse s'extasient pour donner aux électeurs l'impression qu'avec leur bulletin de vote, ils ont entre leurs mains l'avenir du pays comme leur propre sort, alors pourtant que les deux partis que représentent les deux candidats se relayent au pouvoir depuis un quart de siècle sans que les alternances changent la vie des classes populaires, si ce n'est chaque fois en mal.
Changer la société en changeant de président ? C'est une plaisanterie. D'abord parce que, dans le domaine économique, ce n'est ni le président de la République ni le gouvernement qui commandent. Ce sont les grands groupes financiers. Ils peuvent licencier, délocaliser ou supprimer des emplois comme ils veulent, comme sont en train de le faire deux des plus puissantes entreprises du pays, Alcatel-Lucent et Airbus.
Mais, même dans le domaine politique, si on élit le président de la République, on n'élit pas les hauts fonctionnaires qui exécutent les hautes et basses oeuvres de l'État et en assurent la continuité.
L'homme qui vient de mourir, Papon, est un bel exemple de ces hauts fonctionnaires qui traversent les mandatures présidentielles et même les régimes, représentant l'État sous les uns comme sous les autres. Haut fonctionnaire déjà au temps du gouvernement du Front populaire, il s'était mis sans état d'âme au service du régime de Pétain. La guerre terminée, pourvu d'un certificat de résistance, il avait entamé une belle carrière sous la quatrième puis sous la cinquième République. Préfet en Algérie en pleine guerre, préfet de police de Paris, il était devenu député et ministre sous Giscard.
Papon n'avait fini par être condamné pour son rôle dans la déportation de Juifs lorsqu'il était, sous Pétain, secrétaire à la préfecture de Bordeaux, qu'à la suite d'une infinité de procédures. Mais il n'avait pas accompli sa peine de dix ans car il avait été libéré pour raisons de santé en 2002. Il n'était pourtant pas à l'agonie, il était même sorti sur ses jambes.
Papon avait sur la conscience non seulement les Juifs déportés, mais aussi on n'a jamais su combien d'Algériens massacrés lors d'une manifestation, interdite certes mais tout à fait pacifique, le 17 octobre 1961 à Paris, lorsqu'il était préfet de police. Il était aussi responsable de la mort de neuf manifestants communistes, du fait de sa police, au métro Charonne en février 1962.
C'est dire qu'autant la justice que tous les dirigeants politiques qui ont couvert et employé Papon après la guerre ont fait preuve d'une grande mansuétude vis-à-vis de lui. On ne peut pas dire qu'ils font preuve de la même vis-à-vis de Nathalie Ménigon qui a subi deux attaques cérébrales et est devenue hémiplégique et à laquelle on refuse toujours d'aller mourir chez elle. Bien sûr, elle a assassiné le patron de Renault et le général Audran. Mais, à côté de tout ce qu'a fait Papon, cela n'est vraiment pas comparable.
Deux poids et deux mesures, mais cela montre aussi l'indulgence de nos dirigeants envers ceux qu'ils appellent les loyaux serviteurs de l'État avec, par contre, une haine éternelle envers ceux qui ont eu le tort de s'opposer à l'État.
Tous les hauts fonctionnaires n'ont évidemment pas le passé de Papon car c'est aussi une question d'âge. Mais, au moment où on nous jette de la poudre aux yeux pour nous convaincre que le choix d'un président est déterminant pour l'avenir, il est utile de se rappeler que les présidents passent, les régimes se succèdent, mais l'appareil d'État et ses hauts fonctionnaires restent.Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 26 février 2007