Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, à La Chaîne Info LCI le 6 mars 2007, sur la réponse des candidats à l'élection présidentielle à la crise d'Airbus et la campagne électorale.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

QUESTION - Les Régions françaises au capital d'EADS, S. Royal le propose. D. de Villepin n'a pas l'air contre. Qu'en pensez-vous en tant que ministre délégué aux Collectivités territoriales, donc aux Régions ?
Brice HORTEFEUX - D'abord, autour de N. Sarkozy, nous ne voulons pas que les difficultés d'aujourd'hui masquent une réalité concernant Airbus ; c'est une magnifique société, c'est une société qui rassemble 55.000 salariés, qui a devancé Boeing, qui a vendu, vous le savez certainement, 430 Airbus l'année dernière. Donc, il faut avoir au coeur cette réalité. Et puis aussi, il faut être lucide. Et donc, il faut que l'ensemble des candidats à l'élection présidentielle, et N. Sarkozy l'est tout particulièrement, soient lucides. Il y a une crise de croissance, il y a des crises de technique, puisque vous savez que sur la construction de l'A380 il y a des surcoûts qui sont de 4 milliards d'euros, et puis il y a une crise de gouvernance. Alors, face à ces difficultés, dans lesquelles il convient d'ailleurs d'inclure les conséquences du passage à l'euro, mais face à ces difficultés, que proposent les uns et les autres ? Il y a ceux qui rêvent. Alors, par exemple, la première initiative de Mme Royal, c'était effectivement que les Régions, huit Régions, rentrent dans le capital. On a commencé d'ailleurs par vouloir rentrer à hauteur de 10%, et puis tout d'un coup, ils ont découvert que 10% c'était 2 milliards d'euros ! Alors, là, on est retombés sur terre, et on a revu une autre proportion, c'est en réalité 0,6%, c'est-à-dire, un investissement de 150 millions d'euros.
QUESTION - Cela ne sert à rien ou c'est utile ?
Brice HORTEFEUX - Cela ne sert strictement à rien puisque on n'a pas de droit de vote avec ces 0,6%. Si vous voulez, c'est l'exemple même d'une proposition bâclée, totalement inefficace, et inutilement coûteuse pour les contribuables.
QUESTION - S. Royal rêve peut-être, mais est-ce que N. Sarkozy ne tergiverse pas ? Mercredi dernier, il disait "l'Etat n'est pas l'actionnaire le plus avisé" et hier il a donné l'impression qu'il fallait renforcer le rôle de l'Etat. Il danse d'un pied sur l'autre !
Brice HORTEFEUX - Mais je termine juste sur les régions, parce que j'ai entendu pendant des mois, que les Régions étaient exsangues, que les conséquences de la décentralisation faisaient qu'elles n'avaient aucune marge de manoeuvre, et tout d'un coup, par un coup de baguette magique, on trouve sans difficulté, ou on trouverait sans difficulté 150 millions d'euros ! Donc, soit, on n'a pas d'argent, et dans ce cas-là on ne le fait pas. Soit, on a de l'argent et on dit effectivement que la politique qui a été menée par l'Etat était une bonne politique puisqu'elle laisse des marges de manoeuvre aux Régions.
QUESTION - Alors, pour Sarkozy, moins d'Etat ou plus d'Etat ?
Brice HORTEFEUX - Mais, alors pour N. Sarkozy, c' est très simple, il a au coeur la préoccupation industrielle d'Airbus, mais aussi, parallèlement, simultanément et concomitamment, la préoccupation pour les salariés d'Airbus. Et il dit une chose simple, il dit : "l'Etat ne peut pas rester en dehors de tout cela". L'Etat, ce n'est pas à lui de créer des emplois, c'est à l'Etat de créer les conditions pour que les emplois soient construits ou préservés. Et donc, il avance des propositions, qui sont des propositions raisonnables, c'est-à-dire, notamment, participer à une recapitalisation d'Airbus, et sans doute, une réflexion sur la gouvernance, puisque le système de codirection, à l'évidence, ne fonctionne pas.
QUESTION - Alors, on susurre qu'il est favorable à l'entrée du Qatar, par exemple, au tour de table, dans le capital de EADS. C'est vrai ?
Brice HORTEFEUX - Non, mais, il n'est pas favorable à tel ou tel, il dit : il faut réfléchir à d'autres partenaires, et donc il faut accueillir toutes les propositions qui seront faites. Celle que vous évoquez en est une. Mais on n'a pas d'autres informations que ce qui est aujourd'hui communiqué à la presse.
QUESTION - Et les autres Etats européens, comme le propose, F. Bayrou, c'est une bonne idée ?
Brice HORTEFEUX - Mais il y a effectivement cette structure originelle de EADS en 1999, qui est une structure où il y avait une dominante franco-allemande. Mais comme vous le savez, les salariés existent, sont présents dans d'autres pays, puisqu'on parle des modifications qui interviendraient en France ; je rappelle que ce ne sont pas de licenciements mais des suppressions de postes, des modifications qui interviendraient en Allemagne, 3700 ; mais il y a aussi l'Italie, 600 ; l'Espagne, 400. La réflexion peut être naturellement élargie.
QUESTION - N. Sarkozy, veut se battre pour que J.-M. Le Pen, mais aussi O. Besancenot puissent se présenter à l'élection présidentielle. C'est un appel clair aux élus de droite, aux élus UMP pour donner leurs parrainages à Le Pen ?
Brice HORTEFEUX - Evidemment, il y a une réalité qui doit être rappelée : c'est que, accorder un parrainage, ce n'est pas exprimer un soutien, c'est simplement...
QUESTION - Tout de même quand on parraine un candidat, généralement...
Brice HORTEFEUX - Non ! C'est faire vivre...c'est vouloir faire vivre la démocratie. L'ensemble des petits candidats, quand je dis petits candidats, ce n'est pas en fonction de leur nombre de votes, mais c'est en fonction de leur représentation au Parlement national, ou à l'Assemblée nationale et au Sénat. L'ensemble des petits candidats en 2002 a rassemblé près de33% des suffrages.
QUESTION - Crise de la démocratie ?
Brice HORTEFEUX - Et donc ça veut dire que, il y a un risque que les électeurs qui se sont portés - un électeurs sur trois - sur ces petits candidats, ne puissent pas se retrouver dans le débat présidentiel. Il faut donc bouger les choses, les aérer, et dire simplement une réalité, c'est qu'il y a aujourd'hui 36 553 maires dans notre pays, par exemple, ce que les maires peuvent parrainer, eh bien il y en a 26 401 qui n'ont pas d'étiquette politique, ils sont donc totalement libres d'aller soutenir, d'aller soutenir si ils le souhaitent, et d'aller parrainer sans que ça soit un soutien si ils en ont aussi envie pour faire vivre la démocratie.
QUESTION - N. Sarkozy a sans doute plusieurs milliers de parrainages à son nom, pourquoi ne désigne-t-il pas certains élus UMP pour aller aider Le Pen ?
Brice HORTEFEUX - Non, mais, vous avez raison de souligner cela, puisque c'est une grande différence avec le parti socialiste qui verrouille, qui cadenasse, qui ferme. Nous, nous disons qu'il y a une liberté, mais j'imagine tout naturellement les élus UMP voudront par conviction, par affection, d'abord soutenir N. Sarkozy. Mais je dis, il y a 26.000 maires, c'est-à-dire, en réalité, près de 73% des maires qui n'ont pas d'étiquette politique, et donc ceux-ci peuvent, à l'évidence, s'engager sans que ça soit considéré comme un soutien.
QUESTION - Avouez aussi que la tactique Besancenot affaiblira Royal au premier tour, tandis que Le Pen, ça vous fait un réservoir pour de voix pour le second ?
Brice HORTEFEUX - Non, il y a une conviction, c'est une conviction qui est très ancienne, vous qui êtes particulièrement érudit, vous le savez : Voltaire, avait magnifiquement dit cela "je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire", eh bien, c'est la réalité de cette situation.
QUESTION - N. Sarkozy, propose un test d'intégration pour réguler le regroupement familial. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant, il est ministre de l'Intérieur depuis près de cinq ans ?
Brice HORTEFEUX - Parce qu'on progresse, les résultats en matière de politique d'immigration sont très spectaculaires, il y a eu près de 85.000 reconduites de sans papiers à la frontière, c'est donc le signal que ça marche, que ça fonctionne. On peut aller un petit peu plus loin, il a pris l'exemple d'ailleurs des Pays-Bas, ce n'est pas une proposition révolutionnaire, c'est une proposition qui existe ailleurs, qui fonctionne ailleurs, et il s'en inspire, ce qui me paraît être une bonne chose.
QUESTION - F. Bayrou est à 20% d'intentions de vote, selon un sondage LH2. Vous avez peur de la montée irrésistible de F. Bayrou ?
Brice HORTEFEUX - Mais pourquoi vous me parlez des candidats qui sont derrière ?
QUESTION - Parce qu'ils montent.
Brice HORTEFEUX - Il faut parler d'abord de ceux qui sont en tête. Aujourd'hui, N. Sarkozy est en tête. Si il n'est pas le favori, comme il le dit lui-même, il est dans la position du challenger, c'est comme le joueur de football qui ne regarde jamais le tableau de buts, mais qui avance et qui se bat. Je considère qu'il est intéressant de s'interroger : pourquoi y en a-t-il un qui est en tête constamment depuis maintenant de nombreuses semaines ? C'est N. Sarkozy.
QUESTION - On est plutôt dans une course de vélos ! F. Bayrou est en train de grignoter son retard.
Brice HORTEFEUX - Non, mais vous pouvez me parler du second, du troisième, du quatrième, les sondages ne sont pas une Bible, ce ne sont pas des pythies, mais vous m'interrogez sur ces sondages, et j'observe que N. Sarkozy est en tête. Il y a certainement des raisons à ça. D'abord, c'est celui qui est capable de rassembler, observez, qu'il est le seul de tous les candidats principaux à avoir rassemblé toute sa famille et au-delà. Tous les autres, il y a des problèmes, il y en a qui s'en vont, il y en a qui discutent, il y en a qui contestent. N. Sarkozy a rassemblé et unifié toute sa famille, et même au-delà. C'est un signe qui a certainement des raisons, c'est une exception.
QUESTION - Mais F. Bayrou monte, est-ce que ça vous inquiète ?
Brice HORTEFEUX - Attendez, ensuite, N. Sarkozy est en tête parce qu'il a démontré qu'il était capable de construire un programme, et il a aussi démontré qu'il était capable de protéger. Il l'a fait notamment pour le consommateur, en se battant pour la baisse des prix à la consommation ; il l'a fait pour les salariés à Alstom, à Sanofi-Aventis, ce sont des bons exemples, notamment pour Airbus aujourd'hui. Maintenant, quand...
QUESTION - Pas de peur de F. Bayrou ?
Brice HORTEFEUX - Maintenant, quant à F. Bayrou, je suis un peu surpris. Son discours, c'est l'ouverture, mais dès qu'il y en a un qui n'est pas d'accord, il le dégage, l'exclut ou le met au ban. Et je suis aussi un peu surpris parce qu'il n'a pas encore aujourd'hui de véritable programme. Quant à sa proposition institutionnelle, grosso modo, c'était de s'inspirer de ce que faisait R. Prodi, j'observe d'ailleurs qu'il en parle beaucoup moins. R. Prodi, vous savez, c'est une coalition, ça ne fonctionnait pas, il a été renversé, il est revenu au pouvoir. Et vous savez comment ? En composant un Gouvernement de 100 personnes ! Eh bien c'est une grande différence avec N. Sarkozy qui, lui, propose un Gouvernement de 15 personnes.
QUESTION - J. Chirac annoncera à la fin de la semaine qu'il ne se représente pas. Vous souhaitez qu'il ajoute : "Je soutiens N. Sarkozy " ?
Brice HORTEFEUX - Eh bien, ce que dira le président de la République, sera par définition bien dit. Mais naturellement, nous avons tous, les uns et les autres, l'espérance d'un soutien.
QUESTION - J.-L. Debré, n'a jamais lésiné sur les critiques envers N. Sarkozy, il est président du Conseil constitutionnel. Si Sarkozy est président de la République, il peut le démettre, en faire un membre normal du Conseil, il le fera ?
Brice HORTEFEUX - Non, non, ça je ne crois pas que ça soit dans les idées de N. Sarkozy. Il y a une tradition, le président de la République a nommé le président du Conseil constitutionnel, vous savez que sous la Vème République ce sont généralement les personnalités qui sont proches du président, on l'a vu avec D. Mayer, avec R. Badinter il y a quelques années. Eh bien ce sera J.-L. Debré.
QUESTION - Ce sera Debré si Sarkozy est président ?
Brice HORTEFEUX - Donc, pas de commentaire, supplémentaire.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 mars 2007