Déclaration de M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, sur la réforme du Conseil pour la promotion et la protection des Droits de l'Homme et sur la lutte contre les discriminations, Genève, le 12 mars 2007.

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Circonstance : 4ème session du Conseil des Droits de l'Homme, à Genève (Suisse), le 12 mars 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Haut Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Délégués,
C'est un honneur pour moi de me présenter devant vous après un an de fonctionnement du Conseil des Droits de l'Homme, dont les travaux me concernent directement en tant que ministre délégué à la Promotion de l'Egalité des chances.
A cette même tribune l'année dernière, la France appelait le Conseil des Droits de l'Homme, qui se réunissait alors pour la première fois, à se montrer volontariste et ambitieux, oeuvrant au service du droit et visant à mieux protéger les victimes de toutes violations des Droits de l'Homme à travers le monde.
Cet appel conserve toute sa signification aujourd'hui, au moment où notre nouvel organe travaille activement à se doter d'institutions, de mécanismes et de règles qui doivent lui permettre de fonctionner de façon plus efficace pour les objectifs qui lui ont été assignés par l'Assemblée générale des Nations unies.
Dans cet édifice, le futur examen périodique universel représentera le poste de guet de la communauté internationale sur la situation des Droits de l'Homme dans tous les pays. La France se fera un point d'honneur de compter parmi les premiers pays à s'y soumettre.
Nous savons que ce mécanisme d'examen doit être en même temps le lieu du dialogue et de la coopération. Mais, lorsqu'il s'agit de respect et de promotion des Droits de l'Homme, tout dialogue doit être exigeant. Pour cette raison, nous aurons besoin de la contribution de tous les acteurs : les Etats concernés bien sûr, tous les Etats parties au processus d'examen, les représentants de la société civile, les institutions nationales des Droits de l'Homme, ainsi que les mécanismes indépendants d'expertise qui sont et doivent rester un pilier du système des Nations unies de promotion et de protection des Droits de l'Homme.
Il est indispensable de conclure dans une perspective globale une réforme qui va engager pour longtemps tous les Etats membres des Nations unies. Le succès de cette réforme serait le signal majeur attestant de l'ambition du Conseil pour la protection et la promotion des Droits de l'Homme. Ces institutions et ces mécanismes seront en effet jugés à la lumière des progrès réalisés partout dans le monde en matière de Droits de l'Homme et au regard du niveau de protection qu'ils offriront aux victimes de violations.
Pour ces raisons, le succès de cette réforme ne pourra résulter que d'un consensus au sein du Conseil, afin de refléter les exigences de toute la communauté internationale. La crédibilité de notre organe est à ce prix.
Depuis un an, parallèlement aux discussions en cours sur la mise en place de ses mécanismes et procédures, le Conseil des Droits de l'Homme a déjà pris des décisions importantes. L'adoption du projet de Convention internationale contre toutes les disparitions forcées, qui a été ouverte à la signature à Paris le 6 février dernier, en est un exemple. Les 57 signatures recueillies à cette occasion permettent d'envisager une entrée en vigueur rapide ce nouveau texte fondamental, et, ce faisant, de nous attaquer à cette pratique encore trop répandue, comme l'attestent les 41 mille cas encore non élucidés depuis 1980. C'est pourquoi, j'appelle les Etats ayant d'ores et déjà signé ce texte à lancer le processus interne qui leur permettra de le ratifier et encourage également les non-signataires à nous rejoindre et à signer la convention.
Sur le terrain, les violations graves des Droits de l'Homme en Corée du Nord, en Birmanie, en Biélorussie, en Iran et au Proche-Orient notamment méritent une attention particulière de la communauté internationale. La France sera attentive à l'évolution de la situation des Droits de l'Homme à Sri Lanka. Le Conseil s'est ainsi engagé dans un suivi continu de la situation des Droits de l'Homme dans le monde et s'est doté d'une réelle réactivité.
La session spéciale sur la situation, très préoccupante, du Darfour, qui s'est réunie en décembre dernier, a montré la capacité du Conseil à se saisir de situations graves dans un esprit constructif. La France se félicite que le Conseil ait décidé, par consensus, l'envoi d'une mission d'experts de haut niveau au Darfour, où la situation demeure très préoccupante en raison notamment de la culture d'impunité. Elle examinera avec toute l'attention requise le rapport qui sera présenté lors de la présente session.
Nous regrettons cependant que la mission d'experts de haut niveau n'ait pas été en mesure de se rendre au Darfour et rappelons l'obligation incombant à tous les Etats membres de collaborer avec les procédures spéciales. Ces dernières, par leur expertise et leur indépendance, constituent la clé de voûte d'un système reposant sur l'information exhaustive, la coopération mutuelle et la force de propositions dans le sens d'une amélioration constante de la situation des Droits de l'Homme dans le monde. J'encourage dans cet esprit tous les Etats à leur adresser une invitation ouverte. Il est en effet particulièrement indispensable de leur marquer notre confiance. Le Conseil des Droits de l'Homme ne pourra jouer le rôle que l'on attend de lui s'il ne dispose pas à tout moment d'éléments concrets sur les politiques, les pratiques et les faits observés sur le terrain.
Le Conseil des Droits de l'Homme est encore dans la phase cruciale de détermination de ses mécanismes, il est donc important de contribuer activement à ses travaux. Nous devons nous engager tous ensemble pour permettre au Conseil de fonctionner pleinement. En effet, les enjeux auxquels la Communauté internationale doit faire face dans le domaine des Droits de l'Homme sont immenses. Permettez-moi d'insister sur quelques sujets qui me semblent prioritaires.
Je pense tout d'abord à toutes les formes de discrimination. Outre le fait qu'elles constituent une violation grave des Droits de l'Homme, elles représentent également un obstacle majeur à la mise en oeuvre effective des tous les autres droits. Je pense en particulier aux discriminations à l'encontre des femmes.
Je voudrais insister sur une évidence : la discrimination raciale est un problème auquel sont confrontés tous les pays. C'est la raison pour laquelle la communauté internationale doit avancer unie. La mise en oeuvre efficace de la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales est une condition première de la lutte contre le racisme au niveau mondial. La Conférence d'examen de la Déclaration de Durban prévue pour 2009 doit être conduite à haut niveau dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations unies. Elle doit avoir pour but de se concentrer sur l'application de la Déclaration et son plan d'action dans un esprit positif et constructif, que nécessite toute discussion sur un sujet grave.
La lutte contre toute forme de discrimination ou de violence fondée sur la religion ou la conviction est également essentielle au combat plus global contre les discriminations. La défense de la liberté de religion ou de conviction mérite que la question de la discrimination religieuse soit dissociée de celle de la discrimination raciale. En effet, la discrimination dont sont victimes certains individus est parfois fondée sur plusieurs motifs, qui se renforcent. Cependant, si nous souhaitons lutter efficacement contre toutes les formes de discrimination, il est indispensable de faire apparaître les causes profondes de chaque forme de discrimination sur lesquelles notre action doit porter.
D'autres motifs inacceptables de discrimination doivent faire l'objet d'une attention nouvelle de la part de la communauté internationale. Je prendrai l'exemple de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Nous, membres des Nations unies et plus particulièrement membres du Conseil des Droits de l'Homme, ne pouvons tolérer que des personnes soient assassinées, torturées ou diffamées parce qu'elles sont lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles ou trans-genres. Ou simplement parce qu'elles défendent les droits de ces personnes. J'appelle ainsi tous les Etats qui sanctionnent encore pénalement l'homosexualité, à faire un premier pas en abolissant ce qui est trop souvent considéré comme un crime ou un délit. Alors que c'est qu'un choix individuel relevant de la sphère privée.
Une autre priorité en faveur de la protection de la dignité humaine que je veux souligner est la nécessaire abolition de la peine de mort. Le Congrès mondial contre la peine de mort, organisé par des ONG à Paris du 1er au 3 février dernier, a une nouvelle fois montré que l'abolition peine de mort ne s'accompagne pas d'une augmentation de la criminalité. La France appelle dans ce cadre tous les Etats à abolir complètement et définitivement la peine de mort, et à défaut de mettre en place un moratoire sur les condamnations et les exécutions. Dans un message à l'occasion Congrès mondial, le président de la République, Jacques Chirac, a encouragé les pays concernés à commuer les peines capitales prononcées en peines d'emprisonnement, pour soustraire des centaines d'individus à ce sort inhumain qu'est l'attente, parfois durant des décennies, dans les sinistres "couloirs de la mort".
Enfin, la France défend fermement les principes essentiels d'universalité et d'indivisibilité des Droits de l'Homme. Cela implique un engagement de la communauté internationale pour la promotion de tous les droits, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels à travers une approche fondée sur l'équilibre entre ceux-ci. La protection du droit à un logement convenable, du droit à l'accès à l'eau et, plus généralement, la lutte contre l'extrême pauvreté, qui recouvre une violation flagrante de toutes les catégories de droits, sont autant de thèmes sur lesquels nous devons avancer tous ensemble au bénéfice des droits des individus, pour l'égalité des chances de tous.
Dans cet esprit, la situation des enfants doit être pour nous tous un sujet majeur de préoccupation. La France a organisé à Paris les 5 et 6 février derniers, la conférence sur les enfants associés aux groupes et forces armés, intitulée "Libérons les enfants de la guerre". Je me félicite donc que le Conseil des Droits de l'Homme se penche tout particulièrement sur la question des violences contre les enfants durant la présente session.
En conclusion, je souhaiterais rendre hommage aux défenseurs des Droits de l'Homme. C'est la lutte quotidienne de ces femmes et de ces hommes qui permet des progrès, essentiels, sur le terrain. Nous, Etats, leur devons protection mais aussi soutien et écoute, puisque leur combat est celui de chacun d'entre nous. Ainsi, les ONG et les représentants de la société civile, en porte-parole des victimes de violations des Droits de l'Homme et témoins de l'attention que cette enceinte accorde à ces victimes, doivent continuer à tenir toute leur place au sein du Conseil des Droits de l'Homme.
Notre action dans le domaine des Droits de l'Homme sera jugée à l'aune des avancées concrètes, sur le terrain, que nous aurons pu obtenir grâce à l'esprit coopératif et constructif dans ce nouvel organe. C'est dans ce sens qu'ensemble, nous devons travailler.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mars 2007