Texte intégral
-.Vous avez obtenu les 500 parrainages. Face à vous, à côté de vous, pendant cette élection présidentielle, il y aura neuf, dix, peut-être onze candidats. Finalement, ce système aussi décrié marche plutôt bien ?
R-.Moi j'ai trouvé que ça marche plutôt mal. Mais enfin, vous n'avez pas le même point de vue que moi parce que vous, ça ne vous a rien coûté ni en effort, ni en argent. Vous êtes un observateur neutre.
Q-.Mais pour être candidat à la présidence de la République, il faut bien faire des efforts ?
R-.Mais pas des efforts de ce type-là. Alors, normalement, un candidat à la présidence de la République a pour objectif d'exposer son programme et ses intentions à ses concitoyens et pas de courir les routes, indéfiniment, pour recueillir des signatures qui se récusent les unes après les autres.
Q-.J. Bové cherche, après vous, les derniers parrainages pour pouvoir être candidat au nom du pluralisme. Lui souhaitez-vous de réussir ?
R-.Mais, bien sûr, que oui. Monsieur Bové est une des personnalités pittoresques du paysage politique français. Il nous manquerait.
Q-.Pourquoi ? Il y a un peu de mépris dans votre voix. Pourquoi dites-vous ça ?
R-.Mais pourquoi me prêtez-vous des sentiments qui doivent être les vôtres ? Chacun juge les autres à partir de soi-même. Vous savez bien.
Q-.En 2002, le principal thème de campagne fut la sécurité. D'après vous, dans les cinq semaines qui viennent, quel est le thème qui va s'imposer ?
R-.Je pense que l'ensemble du désastre français va être envisagé si toutefois, on veut bien cesser la pratique hagiographique de réserver l'ensemble des médias aux trois idoles de la politique française.
Q-.Vous avez l'air de mauvaise humeur, ce matin ?
R-.Comment ?
Q-.Vous avez l'air de mauvaise humeur, ce matin ?
R-.Non, pas du tout. Je suis très objectif, moi. Très calme. Le calme des vieilles troupes, vous savez bien. C'est normal. C'est au moins un des avantages de l'âge, ça.
Q-.Pourquoi vous dites "les trois idoles". On vous a beaucoup entendu aussi dans cette pré-campagne ?
R-.Non. Non, soyons sérieux, je vous prie ! Non. Vous plaisantez ! Je vais vous donner un exemple. Le CSA, je crois, a relevé - c'étaient les six premiers mois de 2006 dans les passages, ses citations, dans le 20 heures des six stations de télévision - ça donnait ceci : Sarkozy : 176. S. Royal : 172. Bayrou déjà : 44. Le Pen : 4.
Q-.Vous pensez que, selon les chiffres que vous citez, que je ne connais pas exactement...
R-.Mais qui sont des vrais, je vous assure. Ce sont ceux du CSA.
Q- D'accord ! Vous pensez, puisque les sondages donnent N. Sarkozy, S. Royal et F. Bayrou nettement en tête de cette compétition pour 2007...
R- J'en doute, en ce qui concerne le résultat !
Q-.Vous pensez que cette répartition médiatique a eu une influence sur les sondages ?
R-.Oui, je soupçonne qu'il y a une connivence qui a consisté à empêcher Le Pen d'être le troisième homme. C'est la réédition, d'ailleurs, d'une manœuvre qui s'était déjà produite en 2002. Là, il est vrai que je n'étais que cinquième alors que je suis arrivé second. Et voyez-vous, c'est pourquoi je soupçonne d'ailleurs, je vais d'ailleurs, je crois que cette semaine, la semaine prochaine, porter plainte contre deux des dirigeants d'organismes de sondages français...
Q-.Lesquels ? ...
R-. qui, en public, ont déclaré, qui se sont vantés de ne pas avoir accepté, éventuellement, la commande d'un sondage par le Front national ou par Le Pen ; et l'un d'eux a même dit : "J'ai d'ailleurs eu des demandes dans ce sens d'organismes parallèles. J'ai surfacturé volontairement mes devis de façon à les écarter". Cela tombe sous le coup de la loi, et je pense que M. Cayrol, en particulier, devra en répondre.
Q-.Ecoutez, la campagne commence bien !
R-.Oui, c'est pas mal ! Pugnace !
Q-.Vous avez souvent dit qu'en fait, cette élection de 2007 se présenterait bien pour vous parce que, pronostiquiez-vous, J. Chirac serait candidat et la droite serait affaiblie...
R-.Non. Je n'ai jamais dit ça.
Q-.Erreur de jugement ?
R-.Je n'ai jamais dit ça. J'ai dit que J. Chirac brûlait sans doute d'être candidat, mais qu'il ne pourrait l'être que si une opportunité de politique étrangère le lui permettait. Alors, je n'ai jamais dit qu'il serait candidat. J'ai dit que c'était une des hypothèses crédibles.
Q-.Votre pronostic, c'était une droite divisée ? La droite est apparemment réunie derrière N. Sarkozy.
R-.Elle est réunie ?... Ah c'est parce que monsieur Bayrou, à votre avis, c'est un homme de gauche ? Moi, je croyais que c'était le chef de l'UDF, un des deux piliers de la majorité, depuis trente ans, n'est-ce-pas, c'est a droite depuis trente ans. Je sais bien que M. Bayrou veut passer pour le chevalier blanc, n'est-ce-pas, une espèce de Don Quichotte solitaire menant le combat contre les moulins à vent de la République, alors qu'il est un des piliers de ce système, qu'il a été cinq ans, ministre d'un ministère d'ailleurs dans lequel il n'a pas particulièrement brillé. Mais enfin, il a été cinq ans ministre et il a soutenu...
Q-.Quatre ans... ...
R-.ou quatre ans, si vous voulez.
Q-.Ah pour être précis.
R-.Ne pinaillons pas à un an près ! On ne prête qu'aux riches, vous savez bien.
Q-.Mais oui, mais enfin il a été ministre quatre ans. Et certains disent... C'est l'analyse qui dit ça. Je ne sais pas vous comment vous ressentez les choses, que F. Bayrou, par son discours anti-système, capte beaucoup de vos électeurs ?
R-.Mais je ne le crois pas, voyez-vous, parce que j'ai vu que dans les sondages, 17% d'électeurs refusaient de donner le nom de leur candidat. Et il m'étonnerait que ce soient des électeurs de F. Bayrou, voyez-vous !
Q-.Et donc, c'est 17% d'électeurs du Front national ?
R-.Ecoutez, ça ne serait pas impossible.
Q-.Ah donc, vous ferez donc aussi bien en 2007 qu'en 2002 ?
R-.Vous battrez votre coulpe, je l'espère ?
Q-.On m'invite tous les matins à le faire, je finirai bien par le faire ! Ce matin, dans l'actualité, le procès de Périgueux suscite beaucoup de réactions : l'euthanasie ?
R- C'est tout de même un sujet très important, sur tous les plans et en particulier sur le plan moral.
Q-.Quelle est votre opinion sur ce sujet ?
R- C'est le problème de la vie et de la mort. Est-ce qu'on a le droit de donner la mort à quelqu'un d'autre ? Eh bien, ça, je crois qu'il y a une grande interrogation. La morale dit "non". La loi, pas encore "oui". Je ne sais pas. J'attends, pour ma part.
Q-.Vous attendez, c'est-à-dire ? Vous n'avez pas d'opinion sur le sujet ?
R-.Ah, j'ai une opinion. Je suis partagé comme beaucoup de gens, parce que je crois qu'il faut des règles solides aux sociétés. Faute de quoi, elles dérapent dans le laxisme quelquefois criminel. Mais je crois aussi qu'il faut prendre en compte le problème de la douleur. Et je crois que là, il faut agir de façon à essayer de supprimer la douleur, en particulier dans les périodes terminales de la vie où il n'y a plus d'espoir, que cette douleur puisse éventuellement être surmontée et redonner, en quelque sorte, la possibilité de vivre quand tout espoir est perdu et qu'il ne reste plus que la douleur. A ce moment-là, se pose la question de limiter celle-ci au maximum ; et je crois que ça, c'est la voie dans laquelle on doit s'engager.
Q-.Donc, en tant que responsable politique, vous êtes plutôt favorable à des pratiques d'euthanasie encadrées ?
R-.Non, je n'ai pas dit ça. Je viens de vous dire exactement l'inverse. Mais vous n'êtes pas du matin, me semble-t-il !
Q-.Donc, en tant que responsable politique, vous êtes contre une pratique d'euthanasie encadrée ?
R-.Comment ?
Q-.Vous êtes contre, donc ?
R-.Je suis...
Q-.Si vous m'avez dit l'inverse alors que je vous ai dit que vous étiez pour...
R-.Je suis plus subtil que ça... Moi je n'ai pas une âme raide comme la vôtre. J'ai des doutes. Je m'interroge.
Q- D'accord. Donc : ni pour, ni contre l'euthanasie. Voilà.
R-.Ni-ni.
Q-.Ni-ni, voilà ! Donc puisque vous l'avez dit, Jean-Marie Le Pen, de bonne humeur ce matin, au micro de RTL.
R-.Mais parfaitement.
Q-.Parfaitement. Candidat pour la cinquième fois à l'élection présidentielle. Bonne journée.