Conférence de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les relations et la coopération bilatérales franco-koweitiennes, les dossiers irakien, libanais et nucléaire iranien, Koweit le 10 mars 2007.

Prononcé le

Circonstance : Voyage de Ph. Douste-Blazy au Koweït le 10 mars 2007

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais, tout d'abord, remercier Son Altesse, l'Emir du Koweït, Cheikh Sabah Al Ahmed Al Jaber Al Sabah, le Premier ministre, Cheikh Nasser Mohammed Al Ahmed Al Sabah, ainsi que mon homologue, Cheikh Mohammed Al Ahmed Al Salem Al Sabah, et l'ensemble des autorités koweïtiennes pour la qualité de l'accueil qu'elles ont bien voulu me réserver et l'amitié qu'elles m'ont témoignée.
Cette visite s'inscrit dans une relation bilatérale très solide entre nos deux pays, illustrée par les déplacements officiels effectués en France par le ministre du Diwan, Cheikh Nasser Sabah Al Ahmed Al Sabah, au mois de juillet, puis ensuite le Premier ministre du Koweït, au mois de septembre - je me souviens du dîner que nous avons eu avec lui au Quai d'Orsay -, et enfin l'Emir, Cheikh Sabah Al Ahmed Al Jaber Al Sabah, à la fin de l'année dernière.
Ces différentes visites ont montré, avant tout, que les deux pays s'entendaient profondément bien et que le témoignage de cette amitié, en définitive, c'était la proximité de nos deux pays, l'étroitesse de nos liens et l'importance que nous attachons, à Paris comme à Koweït, au dialogue confiant et constructif qui existe depuis toujours entre la France et le Koweït. Le rythme de nos rencontres, le rythme de nos échanges, la convergence de nos points de vues sur l'ensemble des questions régionales et internationales, témoignent de la richesse et du caractère exemplaire de cette relation.
Lors de nos entretiens, j'ai tout d'abord tenu à rappeler à nos interlocuteurs le soutien de la France en cette période troublée que connaissent aujourd'hui les différents pays du Moyen-Orient et leur dire que la France oeuvrait, plus que jamais, en faveur de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans cette région. Ce soutien passe par l'intensification de nos échanges politiques, mais aussi par le renforcement de notre coopération, notamment dans les domaines stratégiques de la sécurité et de la défense. A ce titre, je vous rappelle que la France et le Koweït sont liés, depuis 1992, par un accord de défense.
Dans le domaine de la coopération éducative et scientifique, nous souhaitons promouvoir les échanges universitaires avec le Koweït en favorisant l'accueil d'étudiants koweïtiens en France. Des discussions se poursuivent sur la reconnaissance des diplômes universitaires français. Nous souhaitons également promouvoir l'enseignement du français au Koweït. Un département de langue et de culture françaises doit être ouvert prochainement au sein de l'Université du Koweït, à la faculté de lettres, où existe, par ailleurs, une antenne du réseau de coopération universitaire Eurogolfe.
Une Alliance française devrait ouvrir ses portes au Koweït dès cette année.
D'autre part, vous le savez, le Koweït est, pour la France, un partenaire économique et commercial important au Moyen-Orient. Nos échanges commerciaux ont fortement cru au cours des derniers mois et des dernières années. Les investissements koweïtiens en France sont considérables. De même, plusieurs grands groupes français - je pense en particulier à BNP Paribas, à Air Liquide et à Lafarge -, ont fait le choix d'investir et de s'implanter au Koweït. Les entreprises françaises se montrent de plus en plus intéressées par les perspectives offertes par le marché koweïtien et mesurent l'avantage qu'elles ont à y être présentes et à proposer des offres compétitives afin de répondre aux besoins exprimés par les Koweïtiens. Il existe, comme le montre la création, l'an dernier, d'un club d'affaires franco-koweïtien, une véritable demande de coopération et de partenariat dans le domaine économique.
Enfin, nous avons abordé l'actualité régionale et internationale, comme mon homologue vient de le dire : le dossier irakien, bien sûr, extrêmement préoccupant et auquel le Koweït attache une importance particulière. La question du Liban, également, sur laquelle nous avons constaté encore une fois l'importance de la mobilisation de la communauté internationale pour préserver la souveraineté de ce pays. Je tiens, à cet égard, à saluer l'importance de l'aide koweïtienne en faveur du Liban. Nous avons aussi évoqué les relations de la communauté internationale avec l'Iran, si importante pour la stabilité du Moyen-Orient dans son ensemble. Enfin, nous avons fait le constat d'un sentiment commun concernant la nécessité du Processus de paix israélo-palestinien plus que jamais indispensable.
Sur tous ces dossiers, j'ai trouvé avec mon ami, qui me reçoit aujourd'hui, une parfaite entente, une vision identique. Et d'ailleurs nous avons commencé notre dîner en disant que le Koweït, comme la France, partage cette vision du monde qui est celle du respect de l'autre. Ce caractère multiconfessionnel, multiculturel, ce respect et cette connaissance de l'autre, pour éviter tout choc de civilisation, c'est peut-être la chose la plus importante entre nos deux pays et ce qui explique notre vision identique dans la région.
Q - L'Irak revêt une importance régionale et internationale très grande aujourd'hui. Le Koweït et la France ont participé tous les deux à la conférence qui a eu lieu aujourd'hui à Bagdad. Je voudrais savoir quelle est votre évaluation de ce qui s'est passé aujourd'hui ?
R - La France a toujours souhaité qu'il y ait une conférence régionale pour aider toutes les énergies afin de ramener la paix en Irak. Elle se félicite de l'initiative du gouvernement irakien de réunir, en présence des ambassadeurs des pays membres permanents du Conseil de sécurité, ses voisins qui, tous, manifestent une inquiétude légitime sur l'évolution de l'Irak. Cette réunion doit, à mon sens, envoyer un message de solidarité et d'espoir à tous les Irakiens qui vivent, chaque année, chaque jour, tant de souffrances. J'espère que cette réunion marque une étape dans le renforcement des relations de confiance entre l'Irak et ses voisins.
Il y a là l'adoption de mesures concrètes pour conforter l'intégrité de l'Irak et l'insertion dans son environnement. L'Irak ne doit pas devenir le champ clos des rivalités régionales. L'ampleur et la complexité du conflit ne peuvent que nous inciter à la modestie sans pour autant nous conduire à la résignation. La solution aux problèmes de l'Irak est avant tout politique et ne peut donc venir que des Irakiens eux-mêmes. Elle requiert une relance du processus de réconciliation nationale afin de dégager les termes d'un consensus de l'ensemble des composantes de la société irakienne sur les institutions et sur l'avenir du pays. Cette mobilisation intérieure des Irakiens devra nécessairement être accompagnée, au niveau régional, de l'engagement des pays voisins en faveur de l'unité et de la stabilité de l'Irak, au niveau international, mais aussi au niveau de la communauté des nations.
Q - L'Union européenne a annoncé hier qu'elle reprenait le dialogue avec la Syrie et ce, après une rupture qui a duré deux ans à la suite de l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais, Rafic Hariri. Qu'est-ce qui s'est passé, précisément, pour que cela reprenne aujourd'hui ? Est-ce qu'il y a une crainte qu'il y ait un marché, si l'on peut dire, conclu entre les Etats-Unis et la Syrie ?
R - Notre position n'a absolument pas varié. Comme le président Chirac l'a toujours dit, et l'Union européenne derrière lui, nous soutenons l'idée d'un Liban souverain, indépendant et d'un Liban qu'il faut aider à deux niveaux : d'abord dans son unité et nous sommes pour que le Liban puisse le plus vite possible se doter d'un gouvernement d'union sans minorité de blocage et, ensuite, dans la lutte contre l'impunité, la lutte contre l'injustice : il n'y a aucune raison que, qui que ce soit, déstabilise le Liban, pour quelque raison que ce soit. Pourquoi cette position : parce ce que la France défend des valeurs universelles d'indépendance, d'union nationale et d'intégrité territoriale. C'est la raison pour laquelle, nous souhaitons, en effet, que les Libanais puissent mettre en place un tribunal à caractère international pour juger les assassins de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, ainsi que les auteurs des autres assassinats, que ce soit d'hommes politiques, de députés, comme de journalistes de la société civile, qui ont été perpétrés depuis pratiquement deux ans. M. Solana va, au nom des 27 membres de l'Union européenne, à la demande du Conseil mais aussi de la France, parler avec la Syrie, pour transmettre un message de fermeté à la Syrie parce que M. Solana s'y rend avec la feuille de route décidée politiquement par le Conseil européen. C'est une bonne chose qu'il y aille.
Q - Monsieur le Ministre Douste-Blazy, vous avez dit, il y a quelques jours, que vous attendiez une résolution rapidement au Conseil de sécurité. Les choses traînent au Conseil. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée sur l'état des discussions et sur quel point précis le Conseil bute ?
R - Notre position est connue. C'est à la fois d'une position de fermeté et de dialogue vis-à-vis de l'Iran. De fermeté d'abord parce que, après avoir voté la résolution 1737, le 23 décembre dernier, à l'unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies, M. El Baradeï, directeur général de l'Agence internationale de l'Energie atomique, a présenté un rapport négatif montrant que l'Iran n'avait pas mis en oeuvre les demandes de la résolution 1737. A partir de là, il nous paraît important de nous réunir à six, le groupe des trois Européens, les Allemands, les Britanniques et les Français, associés, bien sûr, aux Américains, aux Russes et aux Chinois, pour voir quelle est la conduite à tenir. Nous avons pensé, ensemble, qu'il est important de faire une deuxième résolution sous le chapitre 7, article 41 de la Charte des Nations unies, afin d'expliquer à l'Iran qu'il n'y a que deux solutions stratégiques : l'isolement vis-à-vis de la communauté internationale ou la suspension des activités nucléaires sensibles.
Je dois dire que depuis le 23 décembre, je sens en Iran une modification du débat. Un débat se crée entre ceux qui sont les tenants d'un discours radical, comme celui du président Ahmadinejad, et ceux qui commencent à remettre en cause le radicalisme du discours du président Ahmadinejad ; je pense à M. Rafsandjani, à son frère, l'ancien président Khatami.
A partir de là, vous dites que cela doit se faire vite et ce n'est toujours pas fait. Mais les directeurs politiques se sont rencontrés, il y a quatre ou cinq jours, et nous sommes en train de mettre au point une résolution.
Permettez-moi de vous dire une chose, c'est que l'efficacité d'une telle résolution peut venir, d'abord du niveau économique parce que les Iraniens ne comprendraient pas qu'il y ait une suspicion de plus en plus importante des investisseurs économiques en Iran, mais aussi du niveau politique et si vous voulez avoir l'efficacité sur le plan politique, alors il faut l'unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies. Vous savez bien que la France joue ce rôle d'équilibre entre, d'un côté, les Russes et les Chinois et, de l'autre, les Américains et nous pensons que l'unanimité est la clé de l'efficacité.
Je vous rappelle également que le président Chirac a été le premier, en septembre, à New York, à proposer le principe de la double suspension : suspension des activités nucléaires sensibles de la part des Iraniens, suspension des sanctions de la part de la communauté internationale au Conseil de sécurité des Nations unies. Malheureusement les Iraniens n'ont pas répondu positivement à cela et je le regrette.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2007