Texte intégral
Monsieur le Président, cher Henri BRICHARD,
Messieurs les Présidents, cher Jean Michel LEMETAYER, Cher Luc GUYAU,
chère Christiane LAMBERT, Cher Pierre CHEVALIER, Cher Gérard BUDIN,
cher Olivier PICOT
Monsieur le Député-Maire, Cher Louis GUEDON
Monsieur le Sénateur, Cher Bruno RETAILLEAU
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je viens clôturer les travaux de votre 63ème assemblée générale, dont je mesure encore plus cette année l'importance et les enjeux à la veille de la période de réserve gouvernementale.
Depuis votre dernier congrès à Dijon, que de chemin parcouru ! Si les obstacles restent nombreux, vous avez tracé avec détermination la voie de l'avenir par un dialogue interprofessionnel renforcé par l'accord du 26 janvier 2006, auquel vous connaissez mon attachement.
Dès mon arrivée au Ministère de l'Agriculture et de la Pêche, j'ai souhaité fixer des objectifs clairs en matière d'orientation de la politique laitière : maintenir le maximum d'exploitations laitières viables sur tout le territoire, renforcer la compétitivité de la laiterie France tout en préservant l'emploi, notamment par le service de remplacement, et développer l'innovation, la création de valeur ajoutée. Je ne puis que me féliciter de l'excellent travail que vous avez conduit. J'y reviendrai, en évoquant successivement :
- La défense de notre modèle laitier français, en Europe et dans les négociations internationales ;
- Dans le cadre international qui doit être ainsi stabilisé jusqu'en 2014, l'Etat doit faciliter la volonté des acteurs de la filière d'engager des réformes importantes de modernisation ;
- Pour réussir ces changements, vous pouvez compter sur le soutien déterminé du Gouvernement.
I - La défense de notre modèle laitier français, en Europe et dans les négociations internationales, est un vrai projet.
Certains pourraient voir dans la défense de notre modèle laitier français un anachronisme. Il n'en est rien. Le modèle français désigne en effet la sécurité sanitaire, la sécurité des approvisionnements, et une large contribution à notre patrimoine rural et à nos paysages. Préserver ce patrimoine, c'est une dynamique ! Nous voulons transmettre ces biens à nos enfants.
Nous avons le droit et le devoir de défendre une agriculture saine et compétitive. C'est la condition de notre souveraineté alimentaire. Nous devons nous battre sur nos exigences en matière sanitaire, et sur notre capacité à fixer des normes exigeantes en matière de traçabilité.
1) C'est pour cela que nous nous sommes battus en 2005 à Hong Kong et à Genève en 2006, et que nous continuerons à défendre notre modèle à l'OMC et dans les négociations du MERCOSUR.
Les négociations OMC ont été suspendues en juillet 2006, mais elles ont de facto repris aujourd'hui, par le biais de conciliabules théoriquement secrets. Si Monsieur Mandelson croit pouvoir profiter de ce retour de la « diplomatie secrète » pour avancer de nouvelles concessions, il se trompe. En démocratie, les négociateurs doivent venir rendre des comptes devant leurs mandants : Parlements, opinions publiques, et pour l'Union européenne, Conseil des Ministres. C'est pourquoi j'invite le négociateur communautaire à la plus grande prudence : après la longue série de concessions consenties par l'Union européenne depuis le début du cycle de Doha, Monsieur Mandelson n'a plus droit à l'erreur. Nos lignes rouges sont connues, et il serait déraisonnable de chercher à les franchir, au risque de provoquer une nouvelle crise politique en Europe.
On veut nous faire croire que nous devons céder sur la préférence communautaire pour faire bouger les Américains sur leurs subventions internes. Cette stratégie est inacceptable, car elle revient à céder sur ce qui est le plus vital pour la survie de l'agriculture européenne. Il faut sortir de la confusion où nous sommes : la préférence communautaire n'est pas une monnaie d'échange, elle n'est pas négociable.
La justification du cycle de Doha, c'est d'aider les pays les plus pauvres à se développer, en s'insérant dans les flux du commerce mondial ; mais ce n'est pas d'aider certains pays d'Océanie à exporter davantage de produits laitiers dans l'Union européenne. Et ce d'autant plus que ces pays exportent par le biais d'entreprises monopolistiques dont le statut et les pratiques sont, d'après tous les économistes, assimilables à des subventions à l'exportation.
Lors de la Conférence de Hong Kong en 2005, l'UE n'a accepté d'éliminer à terme ses restitutions que si tous les Membres de l'OMC faisaient un effort équivalent sur leurs propres subventions à l'exportation. Nous attendons toujours des engagements concrets à ce sujet, faute de quoi les engagements de l'UE sur les restitutions seront caducs.
Je suis intervenu à plusieurs reprises au cours de ces dernières semaines pour rappeler tous ces éléments. Lors du Conseil Agriculture de lundi dernier, j'ai rappelé à mes collègues et à la Commissaire la détermination de la France dans ces négociations. Tout accord ou toute esquisse d'accord, même partiel et même non chiffré, qui remettrait en cause les équilibres sociaux et économiques issus de la PAC réformée en 2003 ouvrirait immédiatement une crise politique majeure en Europe. Si cette éventualité devait se matérialiser, la France assumera toutes ses responsabilités sans faiblesse et sans aucun état d'âme.
Enfin, nous sommes prêts à répondre aux attentes de la société, mais il faut que les efforts soient reconnus et accompagnés. La candidate socialiste à l'élection présidentielle ne pense qu'à charger la barque en matière de conditionnalité : je tiens à rappeler que trop d'impôts tuent l'impôt, et semblablement, trop de normes tuent la norme. Qui appliquera les normes s'il n'y a plus d'exploitants agricoles pour les appliquer ?
2) En matière agricole, nous devons défendre notre politique volontariste, qui ne saurait être remise en cause avant 2013. C'est la condition de la crédibilité de la France.
. A cet égard, le dispositif de gestion des quotas à la française conserve toute sa pertinence pour accompagner l'évolution du secteur
Je rappelle l'importance d'avoir assuré, en 2003 à Luxembourg, le maintien des quotas jusqu'en 2015, alors que ce régime faisait l'objet d'une forte contestation et aurait pu être remis en cause dès 2008. C'est le combat que le Président de la République et le Gouvernement français a mené en 2003.
Ce dispositif a permis, notamment grâce à la discipline collective des entreprises, de maintenir la collecte française à un niveau évitant la saturation des marchés. Cela démontre une fois encore les effets positifs de la maîtrise sur le niveau des prix.
La Commissaire européenne à l'Agriculture souhaite aujourd'hui discuter du système de quotas laitiers. Il est primordial de réaffirmer le modèle laitier européen dans toute sa dimension sociale et son rôle dans l'aménagement du territoire. La filière laitière est essentielle par ses 400 000 salariés à l'économie de nombreux territoires. Je défendrai donc au sein des instances communautaires le maintien du système des quotas laitiers à la française, comme il a été convenu à Luxembourg.
A cet égard, je tiens à vous féliciter du succès de la lettre ouverte que vous adresserez prochainement à la Commissaire européenne à l'Agriculture. C'est avec une conviction toute partagée que je me ferai le relais de votre démarche auprès de Mariann FISCHER BOEL.
II - Dans le cadre international qui doit être ainsi stabilisé jusqu'en 2014, l'Etat doit faciliter la volonté des acteurs de la filière d'engager des réformes importantes de modernisation.
1) Le secteur laitier bénéficie, à ce titre, d'éléments de contexte favorables
Les perspectives des marchés laitiers restent positives à moyen terme, grâce notamment à la bonne tenue des cours du marché intérieur, et à la maîtrise de la production.
L'accord interprofessionnel conclu le 26 janvier 2006, grâce au sens des responsabilités de chacun, a inscrit la filière dans une véritable politique d'adaptation et de modernisation :
L'augmentation du prix du lait pour le 1er trimestre 2007 semble marquer la fin de plusieurs années de baisse de prix. Le respect par l'ensemble de la filière de l'accord interprofessionnel du 26 janvier 2006 présente l'avantage de ramener un peu de sérénité au sein de la filière. Je souhaite que l'occasion soit donnée à la filière de préparer l'avenir par une contractualisation entre les éleveurs et les transformateurs.
2) Les enjeux internationaux soulignent l'importance d'accélérer la restructuration industrielle, désormais bien entamée
Votre secteur agro-alimentaire comprend des groupes très divers animés par des politiques volontaristes d'innovation et s'appuyant sur des produits bien valorisés. C'est pourquoi l'excédent commercial laitier français (près de 2,4 milliards d'euros) a crû de plus de 14% depuis 2001, notamment grâce à nos exportations vers les autres Etats membres de l'Union. En 2006, elle représente plus du quart de l'excédent commercial agro-alimentaire français. Voilà l'illustration de la compétitivité de notre filière laitière, qui participe à la création de richesses sur nos territoires, à un moment où la balance commerciale du pays est à nouveau un sujet de préoccupation.
Mais des marges de progression existent en termes de valorisation de nos productions. J'avais lancé un appel à la filière laitière au mois d'avril dernier, pour que la restructuration industrielle de ce secteur s'accélère, conformément aux recommandations du plan stratégique national. La réponse ne s'est pas faite attendre : plus de vingt projets de modernisation, représentant un investissement de plus de 300Meuros ont vu le jour. Ce dynamisme montre la capacité d'adaptation et d'innovation du secteur.
Enfin, vos travaux ont permis le 14 mars dernier la création d'un fonds d'investissement interprofessionnel qui permettra d'accompagner ces mutations économiques. Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Président, pour cette initiative prise par la FNPL, qui est une décision stratégique et que j'encourage pleinement. J'interviendrai auprès de mon collègue Thierry BRETON pour appuyer la mise en oeuvre de cette démarche interprofessionnelle.
3) Pour faire en sorte que notre modèle laitier français soit dynamique au sein de l'économie laitière européenne, il nous faut moderniser ce dispositif
Nous avons déjà su apporter les adaptations nécessaires au modèle laitier français, afin de donner à chaque producteur une plus grande liberté d'entreprendre : relèvements des seuils de prélèvements lors des transferts fonciers, mise en place des sociétés civiles laitières (SCL), mise en oeuvre d'un dispositif de transfert spécifique de quotas laitiers sans cession de terre, en complément au dispositif classique d'ACAL.
Au terme de l'expérience passée, il apparaît que cette mesure répond à la demande de nombreux exploitants dans certains départements. Je proposerai donc de reconduire ce dispositif selon le même schéma pour la campagne 2007-2008. Répondant à votre demande, je vous confirme, que le produit de la taxe fiscale perçue en 2007 sera intégralement affectée au financement des ACAL.
Ces évolutions permettent d'adapter le dispositif national de gestion des quotas laitiers aux évolutions économiques, sans pour autant remettre en cause ses principes fondamentaux.
A cet égard, et répondant à votre demande, j'organiserai, avant la fin du mois d'avril, un groupe de travail sur la gestion nationale des quotas laitiers.
Enfin, vous avez souhaité que la procédure d'échange de quotas laitiers et de droits à la Prime au Maintien du Troupeau à la Vache Allaitante (PMTVA) soit relancée pour la campagne 2007-2008. J'ai bon espoir d'obtenir prochainement l'accord de la Commission européenne pour reconduire ce dispositif.
III - Pour réussir ces changements, vous pouvez compter sur le soutien déterminé et continu du Gouvernement.
1) Première orientation : renforcer la compétitivité des élevages
. La modernisation se prépare et s'anticipe.
Sous l'égide de Jean Pierre RAFFARIN, le Gouvernement a élaboré en 2005 un plan de modernisation des bâtiments d'élevage d'une ampleur inégalée. Ce sont 300 Meuros en deux ans, entre 2005 et 2006, qui ont ainsi été consacrés à la modernisation de 11 000 élevages bovins français.
Le plan bâtiment d'élevage, c'est aussi une politique de soutien à la ruralité, qui crée de nombreux emplois indirects. C'est pourquoi cet engagement ne doit pas s'arrêter ! Je me suis engagé à ce qu'il soit poursuivi pendant la prochaine programmation 2007-2013 du FEADER. Au total, ce sont plus d'un milliard d'euros qui seront consacrés pour moderniser nos exploitations.
Le succès de ce plan simple et incitatif se mesure aussi aux « files d'attente », et cela malgré l'importance des moyens déployés. Les mesures d'optimisation doivent être ajustées afin de résorber l'attente et dégager les marges de manoeuvre suffisantes. Cela suppose que l'on définisse clairement les priorités d'intervention au niveau régional.
Afin d'éviter toute interruption de la dynamique d'investissement, engagée dans la filière laitière, le Premier Ministre a décidé d'autoriser la reprise des engagements de subvention au titre du Plan bâtiment, sans attendre l'approbation par la Commission européenne du Programme de Développement Rural Hexagonal (PDRH). Pour les mêmes raisons, les accusés de réception de dossiers ont pu reprendre depuis le début du mois de mars.
. La compétitivité de la filière passe aussi par le renfort des soutiens à l'herbe et à la collecte de lait en zone de montagne
L'économie de notre élevage dans les régions herbagères doit être préservée. A cette fin, la « prime à l'herbe » a été revalorisée de 70% en 2003, au moment de la mise en place de la PHAE par le gouvernement de Jean Pierre RAFFARIN. Le dispositif sera poursuivi et simplifié pour la période 2007-2013. Les crédits consacrés à cette mesure s'élèveront à 260 Meuros/an, soit exactement les mêmes montants que les crédits nationaux et communautaires consacrés à la PHAE et aux CTE herbagers sur la période 2003-2006.
Parallèlement, l'aide à la qualité en zone de montagne constitue une priorité de l'action gouvernementale en faveur du secteur laitier. En effet, elle soutient une des filières qui contribue le mieux à l'aménagement du territoire, notamment dans les zones difficiles. J'ai donc souhaité que son budget soit reconduit en 2007 et que ses actions soient mises en oeuvre dès maintenant dans le cadre des nouvelles règles communautaires concernant le financement des aides d'Etat.
2) Seconde orientation : Nous devons nous donner les moyens de prévenir les conséquences économiques des crises. C'est le cas pour les éleveurs de veau et ceux affectés par l'apparition de foyers de fièvre catarrhale ovine.
> Les difficultés du secteur du veau boucherie feront l'objet d'un soutien par l'Etat.
En dehors des aléas sanitaires et climatiques, l'équilibre entre l'offre et la demande est parfois difficile à obtenir. Concernant le secteur des veaux de boucherie, évoqué par Jean Michel LEMETAYER, j'ai demandé à deux experts de conduire une mission d'audit de la filière et proposer des orientations stratégiques répondant aux difficultés que traverse la filière.
Des reports de cotisation de la MSA et un premier dispositif de prise en charge des intérêts bancaires pour les éleveurs sera mis en place. J'organiserai dans les prochaines semaines une table ronde avec l'ensemble des représentants du secteur pour définir une stratégie de relance adaptée à la demande. Il est urgent que le dialogue interprofessionnel reprenne.
> L'apparition sur notre territoire de foyers de fièvre catarrhale ovine montre la nécessité de modifier notre dispositif de gestion de crises.
L'apparition de foyers de Fièvre Catarrhale Ovine a affecté toute l'économie de l'Elevage dans l'Est et le Nord-Est de la France. Je souhaite rendre un hommage appuyé aux éleveurs et à l'ensemble des opérateurs de la filière, car je sais combien cette période a été difficile. L'extension de la maladie sur l'ensemble du territoire français a été évitée avec professionnalisme et courage. L'action du Gouvernement a été guidée par deux principes simples :
> une exigence de protection pour la filière bovine française, menacée par des conséquences économiques majeures en cas d'extension de la maladie à d'autres régions d'élevage ;
> l'accompagnement des conséquences économiques de la crise, dans un cadre communautaire qui reste à modifier.
Les conséquences économiques, pour les éleveurs du Nord et de l'Est de la France, sont graves. Tenant compte de l'absence de mécanismes communautaires de gestion de crise, un dispositif national de soutien des éleveurs a été mis en place dans des délais brefs. Une enveloppe de 9Meuros est mobilisée au sein du budget de l'Office de l'Elevage pour indemniser les pertes des éleveurs.
J'ai par ailleurs pris la décision de rembourser la taxe payée par les éleveurs en dépassement de quotas laitiers dans ces régions, dans la limite de 2,5% du quota détenu dans les zones règlementées, et de 5% du quota détenu dans les périmètres interdits.
Au plan sanitaire, nous restons dans l'attente de ce qui se passera dans les prochaines semaines, lorsque le vecteur sera à nouveau actif. Tant que nous n'aurons pas de preuve de nouvelle circulation virale nous maintiendrons un dispositif de dérogations qui permet aux animaux de circuler avec le minimum de contraintes entre les périmètres interdits, la zone réglementée et la zone indemne.
3) Troisième priorité : simplifier la vie des éleveurs pour qu'ils se consacrent à la bonne marche de leur exploitation.
Je suis convaincu que beaucoup d'exploitants européens et de responsables politiques de l'agriculture partagent mon ambition : moins de paperasse pour les agriculteurs, plus de temps pour la production. Vous savez combien je suis attaché à la simplification des démarches administratives, qui sont pour vous un impôt supplémentaire, un impôt invisible... mais non indolore.
Le vaste appel à idées lancé dans le cadre de la campagne « Simplifions ! » a porté ses fruits dans votre secteur, qu'il s'agisse d'alléger les procédures administratives par la suppression de pièces redondantes, ou bien de favoriser le développement des téléprocédures. La dématérialisation de la demande de déclaration, pour la prime à l'abattage, en est un exemple.
J'ai décidé, pour la campagne 2007-2008, de simplifier le dispositif de redistribution des 0,5% de quotas supplémentaires. Ainsi, chaque éleveur se verra attribuer de manière automatique une quantité supplémentaire de 0,5% de la quantité de référence laitière qu'il détient au 31 mars 2007.
CONCLUSION
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
J'ai pu apprécier depuis mon arrivée au ministère de l'agriculture votre détermination à franchir les obstacles, à définir des perspectives claires et à poser les bonnes questions.
J'ai été, je suis et je resterai à vos côtés pour réussir les évolutions engagées. Je suis sûr que les conditions sont remplies pour relever le défi de 2013, sans renoncer à notre vision d'une agriculture dynamique et présente sur tous les territoires.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 23 mars 2007
Messieurs les Présidents, cher Jean Michel LEMETAYER, Cher Luc GUYAU,
chère Christiane LAMBERT, Cher Pierre CHEVALIER, Cher Gérard BUDIN,
cher Olivier PICOT
Monsieur le Député-Maire, Cher Louis GUEDON
Monsieur le Sénateur, Cher Bruno RETAILLEAU
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je viens clôturer les travaux de votre 63ème assemblée générale, dont je mesure encore plus cette année l'importance et les enjeux à la veille de la période de réserve gouvernementale.
Depuis votre dernier congrès à Dijon, que de chemin parcouru ! Si les obstacles restent nombreux, vous avez tracé avec détermination la voie de l'avenir par un dialogue interprofessionnel renforcé par l'accord du 26 janvier 2006, auquel vous connaissez mon attachement.
Dès mon arrivée au Ministère de l'Agriculture et de la Pêche, j'ai souhaité fixer des objectifs clairs en matière d'orientation de la politique laitière : maintenir le maximum d'exploitations laitières viables sur tout le territoire, renforcer la compétitivité de la laiterie France tout en préservant l'emploi, notamment par le service de remplacement, et développer l'innovation, la création de valeur ajoutée. Je ne puis que me féliciter de l'excellent travail que vous avez conduit. J'y reviendrai, en évoquant successivement :
- La défense de notre modèle laitier français, en Europe et dans les négociations internationales ;
- Dans le cadre international qui doit être ainsi stabilisé jusqu'en 2014, l'Etat doit faciliter la volonté des acteurs de la filière d'engager des réformes importantes de modernisation ;
- Pour réussir ces changements, vous pouvez compter sur le soutien déterminé du Gouvernement.
I - La défense de notre modèle laitier français, en Europe et dans les négociations internationales, est un vrai projet.
Certains pourraient voir dans la défense de notre modèle laitier français un anachronisme. Il n'en est rien. Le modèle français désigne en effet la sécurité sanitaire, la sécurité des approvisionnements, et une large contribution à notre patrimoine rural et à nos paysages. Préserver ce patrimoine, c'est une dynamique ! Nous voulons transmettre ces biens à nos enfants.
Nous avons le droit et le devoir de défendre une agriculture saine et compétitive. C'est la condition de notre souveraineté alimentaire. Nous devons nous battre sur nos exigences en matière sanitaire, et sur notre capacité à fixer des normes exigeantes en matière de traçabilité.
1) C'est pour cela que nous nous sommes battus en 2005 à Hong Kong et à Genève en 2006, et que nous continuerons à défendre notre modèle à l'OMC et dans les négociations du MERCOSUR.
Les négociations OMC ont été suspendues en juillet 2006, mais elles ont de facto repris aujourd'hui, par le biais de conciliabules théoriquement secrets. Si Monsieur Mandelson croit pouvoir profiter de ce retour de la « diplomatie secrète » pour avancer de nouvelles concessions, il se trompe. En démocratie, les négociateurs doivent venir rendre des comptes devant leurs mandants : Parlements, opinions publiques, et pour l'Union européenne, Conseil des Ministres. C'est pourquoi j'invite le négociateur communautaire à la plus grande prudence : après la longue série de concessions consenties par l'Union européenne depuis le début du cycle de Doha, Monsieur Mandelson n'a plus droit à l'erreur. Nos lignes rouges sont connues, et il serait déraisonnable de chercher à les franchir, au risque de provoquer une nouvelle crise politique en Europe.
On veut nous faire croire que nous devons céder sur la préférence communautaire pour faire bouger les Américains sur leurs subventions internes. Cette stratégie est inacceptable, car elle revient à céder sur ce qui est le plus vital pour la survie de l'agriculture européenne. Il faut sortir de la confusion où nous sommes : la préférence communautaire n'est pas une monnaie d'échange, elle n'est pas négociable.
La justification du cycle de Doha, c'est d'aider les pays les plus pauvres à se développer, en s'insérant dans les flux du commerce mondial ; mais ce n'est pas d'aider certains pays d'Océanie à exporter davantage de produits laitiers dans l'Union européenne. Et ce d'autant plus que ces pays exportent par le biais d'entreprises monopolistiques dont le statut et les pratiques sont, d'après tous les économistes, assimilables à des subventions à l'exportation.
Lors de la Conférence de Hong Kong en 2005, l'UE n'a accepté d'éliminer à terme ses restitutions que si tous les Membres de l'OMC faisaient un effort équivalent sur leurs propres subventions à l'exportation. Nous attendons toujours des engagements concrets à ce sujet, faute de quoi les engagements de l'UE sur les restitutions seront caducs.
Je suis intervenu à plusieurs reprises au cours de ces dernières semaines pour rappeler tous ces éléments. Lors du Conseil Agriculture de lundi dernier, j'ai rappelé à mes collègues et à la Commissaire la détermination de la France dans ces négociations. Tout accord ou toute esquisse d'accord, même partiel et même non chiffré, qui remettrait en cause les équilibres sociaux et économiques issus de la PAC réformée en 2003 ouvrirait immédiatement une crise politique majeure en Europe. Si cette éventualité devait se matérialiser, la France assumera toutes ses responsabilités sans faiblesse et sans aucun état d'âme.
Enfin, nous sommes prêts à répondre aux attentes de la société, mais il faut que les efforts soient reconnus et accompagnés. La candidate socialiste à l'élection présidentielle ne pense qu'à charger la barque en matière de conditionnalité : je tiens à rappeler que trop d'impôts tuent l'impôt, et semblablement, trop de normes tuent la norme. Qui appliquera les normes s'il n'y a plus d'exploitants agricoles pour les appliquer ?
2) En matière agricole, nous devons défendre notre politique volontariste, qui ne saurait être remise en cause avant 2013. C'est la condition de la crédibilité de la France.
. A cet égard, le dispositif de gestion des quotas à la française conserve toute sa pertinence pour accompagner l'évolution du secteur
Je rappelle l'importance d'avoir assuré, en 2003 à Luxembourg, le maintien des quotas jusqu'en 2015, alors que ce régime faisait l'objet d'une forte contestation et aurait pu être remis en cause dès 2008. C'est le combat que le Président de la République et le Gouvernement français a mené en 2003.
Ce dispositif a permis, notamment grâce à la discipline collective des entreprises, de maintenir la collecte française à un niveau évitant la saturation des marchés. Cela démontre une fois encore les effets positifs de la maîtrise sur le niveau des prix.
La Commissaire européenne à l'Agriculture souhaite aujourd'hui discuter du système de quotas laitiers. Il est primordial de réaffirmer le modèle laitier européen dans toute sa dimension sociale et son rôle dans l'aménagement du territoire. La filière laitière est essentielle par ses 400 000 salariés à l'économie de nombreux territoires. Je défendrai donc au sein des instances communautaires le maintien du système des quotas laitiers à la française, comme il a été convenu à Luxembourg.
A cet égard, je tiens à vous féliciter du succès de la lettre ouverte que vous adresserez prochainement à la Commissaire européenne à l'Agriculture. C'est avec une conviction toute partagée que je me ferai le relais de votre démarche auprès de Mariann FISCHER BOEL.
II - Dans le cadre international qui doit être ainsi stabilisé jusqu'en 2014, l'Etat doit faciliter la volonté des acteurs de la filière d'engager des réformes importantes de modernisation.
1) Le secteur laitier bénéficie, à ce titre, d'éléments de contexte favorables
Les perspectives des marchés laitiers restent positives à moyen terme, grâce notamment à la bonne tenue des cours du marché intérieur, et à la maîtrise de la production.
L'accord interprofessionnel conclu le 26 janvier 2006, grâce au sens des responsabilités de chacun, a inscrit la filière dans une véritable politique d'adaptation et de modernisation :
L'augmentation du prix du lait pour le 1er trimestre 2007 semble marquer la fin de plusieurs années de baisse de prix. Le respect par l'ensemble de la filière de l'accord interprofessionnel du 26 janvier 2006 présente l'avantage de ramener un peu de sérénité au sein de la filière. Je souhaite que l'occasion soit donnée à la filière de préparer l'avenir par une contractualisation entre les éleveurs et les transformateurs.
2) Les enjeux internationaux soulignent l'importance d'accélérer la restructuration industrielle, désormais bien entamée
Votre secteur agro-alimentaire comprend des groupes très divers animés par des politiques volontaristes d'innovation et s'appuyant sur des produits bien valorisés. C'est pourquoi l'excédent commercial laitier français (près de 2,4 milliards d'euros) a crû de plus de 14% depuis 2001, notamment grâce à nos exportations vers les autres Etats membres de l'Union. En 2006, elle représente plus du quart de l'excédent commercial agro-alimentaire français. Voilà l'illustration de la compétitivité de notre filière laitière, qui participe à la création de richesses sur nos territoires, à un moment où la balance commerciale du pays est à nouveau un sujet de préoccupation.
Mais des marges de progression existent en termes de valorisation de nos productions. J'avais lancé un appel à la filière laitière au mois d'avril dernier, pour que la restructuration industrielle de ce secteur s'accélère, conformément aux recommandations du plan stratégique national. La réponse ne s'est pas faite attendre : plus de vingt projets de modernisation, représentant un investissement de plus de 300Meuros ont vu le jour. Ce dynamisme montre la capacité d'adaptation et d'innovation du secteur.
Enfin, vos travaux ont permis le 14 mars dernier la création d'un fonds d'investissement interprofessionnel qui permettra d'accompagner ces mutations économiques. Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Président, pour cette initiative prise par la FNPL, qui est une décision stratégique et que j'encourage pleinement. J'interviendrai auprès de mon collègue Thierry BRETON pour appuyer la mise en oeuvre de cette démarche interprofessionnelle.
3) Pour faire en sorte que notre modèle laitier français soit dynamique au sein de l'économie laitière européenne, il nous faut moderniser ce dispositif
Nous avons déjà su apporter les adaptations nécessaires au modèle laitier français, afin de donner à chaque producteur une plus grande liberté d'entreprendre : relèvements des seuils de prélèvements lors des transferts fonciers, mise en place des sociétés civiles laitières (SCL), mise en oeuvre d'un dispositif de transfert spécifique de quotas laitiers sans cession de terre, en complément au dispositif classique d'ACAL.
Au terme de l'expérience passée, il apparaît que cette mesure répond à la demande de nombreux exploitants dans certains départements. Je proposerai donc de reconduire ce dispositif selon le même schéma pour la campagne 2007-2008. Répondant à votre demande, je vous confirme, que le produit de la taxe fiscale perçue en 2007 sera intégralement affectée au financement des ACAL.
Ces évolutions permettent d'adapter le dispositif national de gestion des quotas laitiers aux évolutions économiques, sans pour autant remettre en cause ses principes fondamentaux.
A cet égard, et répondant à votre demande, j'organiserai, avant la fin du mois d'avril, un groupe de travail sur la gestion nationale des quotas laitiers.
Enfin, vous avez souhaité que la procédure d'échange de quotas laitiers et de droits à la Prime au Maintien du Troupeau à la Vache Allaitante (PMTVA) soit relancée pour la campagne 2007-2008. J'ai bon espoir d'obtenir prochainement l'accord de la Commission européenne pour reconduire ce dispositif.
III - Pour réussir ces changements, vous pouvez compter sur le soutien déterminé et continu du Gouvernement.
1) Première orientation : renforcer la compétitivité des élevages
. La modernisation se prépare et s'anticipe.
Sous l'égide de Jean Pierre RAFFARIN, le Gouvernement a élaboré en 2005 un plan de modernisation des bâtiments d'élevage d'une ampleur inégalée. Ce sont 300 Meuros en deux ans, entre 2005 et 2006, qui ont ainsi été consacrés à la modernisation de 11 000 élevages bovins français.
Le plan bâtiment d'élevage, c'est aussi une politique de soutien à la ruralité, qui crée de nombreux emplois indirects. C'est pourquoi cet engagement ne doit pas s'arrêter ! Je me suis engagé à ce qu'il soit poursuivi pendant la prochaine programmation 2007-2013 du FEADER. Au total, ce sont plus d'un milliard d'euros qui seront consacrés pour moderniser nos exploitations.
Le succès de ce plan simple et incitatif se mesure aussi aux « files d'attente », et cela malgré l'importance des moyens déployés. Les mesures d'optimisation doivent être ajustées afin de résorber l'attente et dégager les marges de manoeuvre suffisantes. Cela suppose que l'on définisse clairement les priorités d'intervention au niveau régional.
Afin d'éviter toute interruption de la dynamique d'investissement, engagée dans la filière laitière, le Premier Ministre a décidé d'autoriser la reprise des engagements de subvention au titre du Plan bâtiment, sans attendre l'approbation par la Commission européenne du Programme de Développement Rural Hexagonal (PDRH). Pour les mêmes raisons, les accusés de réception de dossiers ont pu reprendre depuis le début du mois de mars.
. La compétitivité de la filière passe aussi par le renfort des soutiens à l'herbe et à la collecte de lait en zone de montagne
L'économie de notre élevage dans les régions herbagères doit être préservée. A cette fin, la « prime à l'herbe » a été revalorisée de 70% en 2003, au moment de la mise en place de la PHAE par le gouvernement de Jean Pierre RAFFARIN. Le dispositif sera poursuivi et simplifié pour la période 2007-2013. Les crédits consacrés à cette mesure s'élèveront à 260 Meuros/an, soit exactement les mêmes montants que les crédits nationaux et communautaires consacrés à la PHAE et aux CTE herbagers sur la période 2003-2006.
Parallèlement, l'aide à la qualité en zone de montagne constitue une priorité de l'action gouvernementale en faveur du secteur laitier. En effet, elle soutient une des filières qui contribue le mieux à l'aménagement du territoire, notamment dans les zones difficiles. J'ai donc souhaité que son budget soit reconduit en 2007 et que ses actions soient mises en oeuvre dès maintenant dans le cadre des nouvelles règles communautaires concernant le financement des aides d'Etat.
2) Seconde orientation : Nous devons nous donner les moyens de prévenir les conséquences économiques des crises. C'est le cas pour les éleveurs de veau et ceux affectés par l'apparition de foyers de fièvre catarrhale ovine.
> Les difficultés du secteur du veau boucherie feront l'objet d'un soutien par l'Etat.
En dehors des aléas sanitaires et climatiques, l'équilibre entre l'offre et la demande est parfois difficile à obtenir. Concernant le secteur des veaux de boucherie, évoqué par Jean Michel LEMETAYER, j'ai demandé à deux experts de conduire une mission d'audit de la filière et proposer des orientations stratégiques répondant aux difficultés que traverse la filière.
Des reports de cotisation de la MSA et un premier dispositif de prise en charge des intérêts bancaires pour les éleveurs sera mis en place. J'organiserai dans les prochaines semaines une table ronde avec l'ensemble des représentants du secteur pour définir une stratégie de relance adaptée à la demande. Il est urgent que le dialogue interprofessionnel reprenne.
> L'apparition sur notre territoire de foyers de fièvre catarrhale ovine montre la nécessité de modifier notre dispositif de gestion de crises.
L'apparition de foyers de Fièvre Catarrhale Ovine a affecté toute l'économie de l'Elevage dans l'Est et le Nord-Est de la France. Je souhaite rendre un hommage appuyé aux éleveurs et à l'ensemble des opérateurs de la filière, car je sais combien cette période a été difficile. L'extension de la maladie sur l'ensemble du territoire français a été évitée avec professionnalisme et courage. L'action du Gouvernement a été guidée par deux principes simples :
> une exigence de protection pour la filière bovine française, menacée par des conséquences économiques majeures en cas d'extension de la maladie à d'autres régions d'élevage ;
> l'accompagnement des conséquences économiques de la crise, dans un cadre communautaire qui reste à modifier.
Les conséquences économiques, pour les éleveurs du Nord et de l'Est de la France, sont graves. Tenant compte de l'absence de mécanismes communautaires de gestion de crise, un dispositif national de soutien des éleveurs a été mis en place dans des délais brefs. Une enveloppe de 9Meuros est mobilisée au sein du budget de l'Office de l'Elevage pour indemniser les pertes des éleveurs.
J'ai par ailleurs pris la décision de rembourser la taxe payée par les éleveurs en dépassement de quotas laitiers dans ces régions, dans la limite de 2,5% du quota détenu dans les zones règlementées, et de 5% du quota détenu dans les périmètres interdits.
Au plan sanitaire, nous restons dans l'attente de ce qui se passera dans les prochaines semaines, lorsque le vecteur sera à nouveau actif. Tant que nous n'aurons pas de preuve de nouvelle circulation virale nous maintiendrons un dispositif de dérogations qui permet aux animaux de circuler avec le minimum de contraintes entre les périmètres interdits, la zone réglementée et la zone indemne.
3) Troisième priorité : simplifier la vie des éleveurs pour qu'ils se consacrent à la bonne marche de leur exploitation.
Je suis convaincu que beaucoup d'exploitants européens et de responsables politiques de l'agriculture partagent mon ambition : moins de paperasse pour les agriculteurs, plus de temps pour la production. Vous savez combien je suis attaché à la simplification des démarches administratives, qui sont pour vous un impôt supplémentaire, un impôt invisible... mais non indolore.
Le vaste appel à idées lancé dans le cadre de la campagne « Simplifions ! » a porté ses fruits dans votre secteur, qu'il s'agisse d'alléger les procédures administratives par la suppression de pièces redondantes, ou bien de favoriser le développement des téléprocédures. La dématérialisation de la demande de déclaration, pour la prime à l'abattage, en est un exemple.
J'ai décidé, pour la campagne 2007-2008, de simplifier le dispositif de redistribution des 0,5% de quotas supplémentaires. Ainsi, chaque éleveur se verra attribuer de manière automatique une quantité supplémentaire de 0,5% de la quantité de référence laitière qu'il détient au 31 mars 2007.
CONCLUSION
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
J'ai pu apprécier depuis mon arrivée au ministère de l'agriculture votre détermination à franchir les obstacles, à définir des perspectives claires et à poser les bonnes questions.
J'ai été, je suis et je resterai à vos côtés pour réussir les évolutions engagées. Je suis sûr que les conditions sont remplies pour relever le défi de 2013, sans renoncer à notre vision d'une agriculture dynamique et présente sur tous les territoires.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 23 mars 2007