Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, dans "Le Journal du Dimanche" du 25 mars 2007, sur le projet européen dans le cadre du ciinquantième anniversaire du Traité de Rome.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Il faut un texte simplifié
Q - Que vous inspire cet anniversaire ?
R - Je souhaite d'abord que l'on se serve de cet événement pour avoir une réflexion sur notre histoire. On ne se souvient plus suffisamment de ce que nous a apporté l'Europe : la paix et la démocratie dans un continent qui a connu pendant des siècles une autre histoire, plus tragique. Et paradoxalement l'Europe, ayant réussi sa mission originelle, est victime de son succès. Ces vérités premières doivent être rappelées grâce à ce cinquantième anniversaire. Il faut retrouver la fierté de faire l'Europe et ne pas s'excuser d'avoir arraché ce continent à la fatalité des tragédies humaines ! Dans ce moment un peu particulier de l'histoire, où les Européens s'interrogent sur le sens du projet européen, il me semble juste de rappeler que l'on a de l'or au bout des doigts.
Q - Au bout de 50 ans, il semble toujours aussi difficile d'expliquer l'Europe ?
R - Il est vrai que les responsables politiques, trop souvent, parlent des questions européennes par à-coups, au moment des élections ou des référendums. C'est une erreur. Il faut que l'on tienne compte de la distance qui s'est établie ces dernières années entre les citoyens et le projet européen, pour faire davantage de pédagogie, pour parler de l'Europe autrement, et surtout pour parler de ce qu'elle fait réellement.
Q - Les politiques n'ont-ils pas toujours la tentation de blâmer Bruxelles plutôt que de faire ce travail de pédagogie ?
R - Bien souvent, dans le passé, ils ont cédé à la tentation de considérer que tous les succès leur étaient attribuables et que l'Europe était responsable du reste. Chacune de nos régions reçoit des dizaines de millions d'euros par an. Et bien souvent les gens l'ignorent, même lorsqu'ils en sont les premiers bénéficiaires. Et s'ils l'ignorent, c'est que depuis 50 ans on ne leur a pas suffisamment dit. Désormais un dispositif d'informations le fera savoir.
Q - Comment les partenaires européens perçoivent-ils la France ?
R - Nous nous sommes montrés d'autant plus actifs que nous avons une part de responsabilité dans l'essoufflement du modèle européen, nous le savons très bien. Le gouvernement formé après le référendum a donc voulu donner la priorité à l'Europe des projets concrets. La France, depuis deux ans, a ainsi pris beaucoup d'initiatives qui ont été suivies par nos partenaires. On peut donc dire vraiment que, envers et contre tout, la France a tenu sa place et son rang depuis deux ans.
Q - Comment sortir de l'impasse ?
R - Sur le plan institutionnel, oui, nous sommes dans une situation de blocage, mais pour le reste je ne le crois pas, même si l'Europe a besoin de se ressourcer. Quant au Traité, une réalité politique s'est imposée à tous après les référendums. Je suis arrivée à la conclusion qu'il faut être pragmatique. Il faut donc un texte simplifié, portant en priorité sur la rénovation des mécanismes de prise de décision européens, parce qu'ils sont, à 27, largement grippés. Donnons-nous pour ambition de l'avoir fait pour les élections européennes de 2009.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2007