Texte intégral
Bonjour à tous, bonjour O. Besancenot.
Bonjour.
Q- Le thème de la violence et de l'insécurité a ressurgi dans la campagne électorale, après les émeutes de lundi à la Gare du Nord. Comment vous réagissez à ce qui s'est passé ?
R- Je crois d'abord que le thème qui vient de se réinviter dans la campagne, c'est un peu le thème du rapport de la population, pas simplement des jeunes, de la population des quartiers populaires avec la police. C'est ce qu'on a vu : avant les casseurs, c'est d'abord des voyageurs qui se sont interposés face à une intervention qu'ils avaient jugée trop musclée. Il y avait là-dedans des pères de famille, des mères de familles, qui ont même été jusqu'à proposer de payer la prune du fraudeur. Cette mobilisation, cette interposition face aux forces de l'ordre, ça rappelle un peu l'interposition cette fois-ci des parents d'élèves devant l'établissement scolaire du 19ème arrondissement où les forces de l'ordre, là, étaient venues pour expulser un grand parent sans papiers.
Q- Mais le fait qu'il y ait des contrôles dans les transports, ça vous paraît normal ?
R- Moi, ce que je propose, c'est la gratuité dans les transports collectifs, comme ça il n'y aura plus besoin au moins d'un certain type de contrôle, en l'occurrence les plus musclés. La gratuité dans les transports collectifs en Ile-de-France, c'est environ 1,5 milliard d'euros ; si on rajoute à ça, les TER pour les régions, ça fait plus de 2 milliards d'euros et 2 milliards d'euros c'est l'équivalent de deux sous-marins nucléaires. Alors quitte à choisir entre deux sous-marins nucléaires et la gratuité des transports en priorité pour les chômeurs, moi, je n'hésite pas une seule seconde, je fais la gratuité des transports.
Q- Mais il faudra quand même que quelqu'un paye à un moment ou à un autre, et notamment, on sait qu'en Ile-de-France, une partie des transports publics est financée par les Régions, par les gens qui habitent dans les Régions. Est-ce que là, il n'y a pas une certaine injustice qui serait justement aggravée ?
R- Vous venez exactement de le dire : en l'occurrence, c'est déjà nous qui payons. On paie à deux reprises, on paie avec l'argent de nos impôts par le biais des subventions, et on paie en plus comme usagers, avec une augmentation des tarifs qui est de plus en plus importante. Augmentation des tarifs qui ne s'explique que par la politique de libéralisation du service public ferroviaire actuellement.
Q- Vous parlez du rapport pas facile entre la police et les jeunes. Pour vous, qu'est-ce qui est responsable ?
R- Ce qui est responsable, je crois, ce n'est pas simplement la politique de N. Sarkozy, qui y est pour quelque chose. Mais je crois que c'est un climat de défiance, qui est une partie du problème qui a été posée beaucoup en 2002, c'est-à- dire beaucoup estimaient qu'on avait besoin de la police pour se protéger, mais il y a aussi un autre versant - on est un paquet aussi - à se demander qui peut nous protéger éventuellement de la police ? Aujourd'hui, face à certaines dérives qui existent, le contrôle au faciès qui existe également, vous ne pouvez pas par exemple directement interpeller la Commission Nationale de Déontologie et de Sécurité. Vous devez passer par un élu pour ça. Moi, ce que je propose c'est qu'on puisse saisir directement la Commission Nationale de Déontologie et de Sécurité. Il y a des rapports d'Amnisty International qui sont sortis à plusieurs reprises qui font état d'un certain nombre de dérives dont on devrait pouvoir discuter sans démagogie, mais aussi comme un sujet de discussion politique.
Q- Le Parti socialiste, lui, dit qu'il faut faire respecter la loi. Sur cette nécessité du respect de la loi, vous êtes d'accord ?
R- Cela dépend laquelle. Respecter une loi par exemple pour interdire les licenciements, il n'y aurait pas de problème. Respecter la loi de réquisition des logements vides, il n'y aurait pas de problème, elle n'est toujours pas appliquée. Respecter la loi de l'article...
Q- Donc c'est à la carte ?
R- Non, mais si on respecte la loi, il faut la respecter partout. Sarkozy, qui vient donner des grandes leçons à tout le monde sur la loi, il est bien sympa, mais qu'il respecte la loi sur le logement. A Neuilly-sur-Seine, il y a 1,34 % de logements sociaux ; la loi prévoit 20 % de logements sociaux. N. Sarkozy et son bilan municipal sur la question du logement, c'est d'être largement hors-la-loi. Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures.
Q- Vous parliez de l'affaire de cette directrice d'école, qui a été mise en garde à vue, après avoir voulu s'opposer à l'interpellation d'un sans-papiers à proximité de son école. Il y a une manifestation de soutien aujourd'hui. Sur le dossier des sans-papiers, quelle est votre position ? Vous, vous êtes pour une régularisation globale ?
R- Je suis pour une régularisation globale et massive. On est le seul pays à continuer avec l'hypocrisie en Europe. Il y a eu 1 million de régularisations en Italie, 250.000 en Allemagne, 700.000 dans l'Etat espagnol et nous, on en a 7.000 en France et encore ! Parce qu'on manifeste. Et en fait, que vous ayez des régularisations massives ou pas, dans les pays, de toute façon, le flux migratoire contrairement à ce qu'on nous dit est exactement le même. Cela fait plus d'un siècle en France que la proportion d'immigrés reste stable autour de 8 %. Ce n'est pas mes chiffres, c'est les chiffres officiels. Ça fait plus d'un siècle qu'on joue à se faire peur, parce que le débat finalement...
Q- C'est lié aux naturalisations aussi ?
Ca n'a strictement rien à voir. Prenez une régularisation massive comme il y a pu en avoir au début des années 80 à aujourd'hui, le flux migratoire reste exactement stable. On joue à nous faire peur pour des raisons politiciennes. Vous savez, même Sarkozy, il sait qu'on ne peut pas bloquer les frontières. Ça ne marche pas. Vous avez des immigrés qui sont traqués par la misère, par des régimes antidémocratiques...
Q- Il propose lui, une immigration choisie.
R- Oui, mais il sait que ça ne marche pas. Je vous dis, vous regardez les images, que vous avez de toute façon entre le Mexique et les Etats-Unis, ou aux frontières européennes, des immigrés qui vont jusqu'à se jeter sur des barbelés jusqu'à la mort, de toute façon qu'ils le feront. Par contre ça marche électoralement et ce qui marche électoralement aujourd'hui, c'est la politique du bouc émissaire : c'est d'essayer de faire croire aux gens qui sont dans la misère que les responsables de cette misère, sont ceux qui sont à côté, parce qu'ils sont différents de vous. Et pendant ce temps-là, on oublie les vrais responsables qui sont en haut, invisibles, en général bien français et qui vous exploitent au quotidien. Et le vrai problème politique de cette campagne, c'est qu'on cherche à nous faire croire finalement que la France s'appauvrit, alors que la France n'a jamais été aussi riche en ce moment et la redistribution de ces richesses, elle n'a jamais été aussi inégalitaire qu'en ce moment. Le vrai problème politique pour moi, il est là dans cette campagne.
Q- Sur la campagne électorale, justement, hier, R. Hue, ancien candidat du Parti communiste en 2002, disait qu'il y avait un risque que la gauche soit absente du second tour. Est-ce que c'est un risque que vous, vous prenez en considération ?
R- Oui mais pas avec la même analyse. Je crois que la gauche, elle ne peut gagner les élections que sur les questions sociales. Elle ne gagnera pas sur le drapeau bleu, blanc, rouge, sur un débat sur l'insécurité. Après, on peut discuter de plein de choses, ce n'est pas le problème, il n'y a pas de tabou pour moi en politique. Mais enfin quand même, à quatre semaines de l'??lection, alors qu'il y a un climat social extrêmement fort dans ce pays, la gauche elle-même va essayer de se dédouaner de ses responsabilités ? Quand je parle de la gauche, je parle du Parti socialiste, il y a actuellement...
Q- Mais justement, ce que dit R. Hue, c'est que la gauche radicale - vous, A. Laguiller, J. Bové - vous êtes trop sévères avec S. Royal ?
R- Oui, on pourrait dire que lui est extrêmement modéré. On se souvient de son avis qui poussait par exemple des ministres communistes à aller au Gouvernement avec Jospin, ministres communistes qui comme Gayssot, se retrouvaient à être pour la privatisation d'Air France ou de France Télécom au Gouvernement, et à être contre dans l'entreprise. Moi, c'est un grand écart qu'il ne faudra pas me demander de faire. Mais aujourd'hui, il y a l'urgence sociale, il y a des salariés qui résistent aux licenciements dans absolument tous les départements, à Quimperlé avec Nestlé, à JDC à Torcy, à Samsonite dans le nord de la France, il y a une centaine d'entreprises actuellement qui font grève ou qui se mobilisent pour réclamer une augmentation de revenus. Et puis la banlieue, quand elle se réinvite dans la campagne, elle ne le fait pas d'abord à Gare du Nord, elle le fait d'abord parce qu'il y a des tas de jeunes qui se sont inscrits sur les listes électorales, qui s'intéressent au contenu de cette campagne...
Q- Pour vous, ça peut changer la donne ça, les inscriptions en masse ?
R- Je le crois parce que c'est l'acquis de 2007. 2007 contrairement à 2002, c'est une élection où on va parler des préoccupations sociales, concrètes de ces jeunes-là comme des moins jeunes dans les quartiers populaires ou dans les entreprises. Alors qu'en 2002, vous, vous souvenez qu'on parlait surtout d'insécurité. Et quand vous allez dans les quartiers, les habitants ne vous parlent pas de que violence, ils vous parlent d'insécurité sociale, du problème du logement, de la formation, de l'insertion professionnelle, des études et le problème de l'emploi.
Q- Une question au postier O. Besancenot : on voyait dans le journal un sujet sur un postier de Bourganeuf ; sa direction lui a reproché, ne l'a pas sanctionné mais lui a reproché de rendre des petits services aux habitants. Quel est votre sentiment là-dessus ?
R- Ecoutez, la direction de La Poste ne l'a pas sanctionné, parce qu'elle a été obligée de faire machine arrière, parce qu'il y avait une sacrée mobilisation, c'est un vrai scandale. Aujourd'hui, nous facteurs, notre temps de distribution est comptabilisé simplement où on est, le moment où on met l'enveloppe dans la boîte aux lettres. Le moment où même moi, comme facteur, je vais prendre du temps pour apporter à une personne âgée des cigarettes, des journaux, tout ce que vous voudrez, même des légumes, n'importe quoi, on appelle ça du temps mort et aujourd'hui c'est sanctionné. Donc la direction de La Poste aujourd'hui...
Q- Enfin, dans le cas, ça n'a pas été sanctionné.
R- Oui, mais je vous dis parce qu'ils ont fait machine arrière. A nous, on nous envoie des compteurs, ça s'appelle comme ça, sur mon temps de tournée qui vient m'expliquer ce que c'est que le vrai métier de facteur. Ca, ça fait partie du service public ! Et par contre, au moment de la canicule, La Poste, la direction, va faire payer cette prestation auprès des personnes âgées par le Conseil régional. Donc il y a deux poids, deux mesures. Et la direction de La Poste, aujourd'hui, elle essaie de faire tomber des têtes, y compris dans les bureaux de Poste de Neuilly-sur- Seine et de Levallois-Perret que je connais bien. Donc elle ne s'amuse pas à sanctionner Gaël Quirante (phon) par exemple, un syndicaliste de Sud-PTT, parce que même si je suis en campagne, je garde un oeil dessus. Et je serais prêt à aller faire une assemblée générale, si il faut.