Texte intégral
Notre programme; tous ensemble, nous pouvons changer le monde
le 7 mars 2007
Introduction
La barbarie menace l'avenir de l'espèce humaine. Violences sociales, guerres civiles, génocides se multiplient. C'est d'une véritable crise de civilisation qu'il s'agit. Le capitalisme cherche un nouveau souffle sur le dos des opprimés et des exploités. Au fil des mobilisations antilibérales, le refus du despotisme du capital et des marchés s'est exprimé par un cri du coeur : « le monde n'est pas une marchandise ! », « un autre monde est possible ! » Etre révolutionnaire, aujourd'hui, c'est agir pour que ce nécessaire devienne possible, par un changement radical de la logique des rapports sociaux. La mondialisation libérale veut résoudre les contradictions explosives du capital en élargissant son action à l'échelle planétaire, avec de nouvelles sources de profit, comme les services et le travail intellectuel. Le capital doit accélérer sans cesse son mouvement d'accumulation, à la fois par la construction d'un marché mondial massivement déréglementé et par la marchandisation généralisée de la force de travail. Pour mener tout cela à bien, il leur faut évidemment éradiquer les droits sociaux dans l'entreprise, démanteler les protections légales du travailleur, réduire les dépenses de l'Etat, réduire les charges de l'entreprise, ramener le contrat de travail à la nudité d'un contrat en trompe-l'oeil, au strict avantage du détenteur des moyens de production. De même, face aux menaces de catastrophes écologiques et aux ravages de l'exploitation sans frein d'une nature exploitable à merci, le capitalisme contemporain n'imagine que des solutions marchandes et monétaires : écotaxe ou marché des droits à polluer. Mais peut-on résoudre les problèmes écologiques en laissant les marchés décider en fonction du cours de la bourse ; ce qui aboutit à stocker des déchets nucléaires aux conséquences imprévisibles, à modifier les équilibres climatiques, à polluer les océans et à détruire les forêts ? Comment répondre au défi énergétique sans une politique planifiée à l'échelle mondiale ? C'est une terrible guerre sociale que les riches ont déclarée aux pauvres. Et c'est une guerre tout court, « sans limite dans l'espace et dans le temps » (selon l'expression de Georges Bush) que l'impérialisme a déclarée aux damnés de la terre. Guerre impériale et guerre sociale participent de la même mondialisation libérale, deux manifestations d'un état d'exception permanent, avec son cortège de législations répressives, d'atteintes aux droits civiques élémentaires, de criminalisation des mouvements sociaux, d'agressions militaires, d'exacerbation des tensions entre les peuples et les communautés...
« Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l'orage »
Cette phrase de Jaurès se vérifie de façon dramatique. L'expansion permanente du capital, la concurrence de tous contre tous, le calcul égoïste déchaîné contre les solidarités, la priorité du profit sur les besoins sociaux, portent en eux les germes de la généralisation des conflits et des guerres. Aux croisades impériales du « bien » contre le « mal », aux nouvelles guerres de religions et autres purifications ethniques, nous opposons, par delà les chauvinismes de chapelle, de clocher ou de nation, la solidarité internationale des travailleurs et de tous les opprimés. Nouveaux partages impérialistes Les différents acquis et systèmes sociaux sont démantelés par la liberté sans limite accordée à la concurrence des capitaux. Loin d'apporter démocratie et progrès, le choc de la mondialisation fragmente les sociétés et nourrit les populismes réactionnaires. Cependant, les gouvernements ne sont pas les victimes impuissantes de la mondialisation capitaliste. Contrairement à ce que prétendent les tenants du libéralisme ; le rôle des Etats s'accroît non dans le domaine social mais dans leurs fonctions répressives. Les budgets militaires ne cessent d'augmenter comme ceux de la police. L'alternative à ce grand désordre ne peut être le protectionnisme qui reviendrait à fermer l'accès des pays du Sud aux marchés du Nord, alors qu'on leur impose depuis des années l'ouverture de leurs propres marchés. C'est la nature profonde du désordre capitaliste globalisé qu'on impose aux pays du Sud qu'il faut éliminer. Contre la concurrence généralisée entre les peuples, il faut aller vers une planification de l'économie mondiale fondée sur des accords de coopération, sur la stabilisation des prix mondiaux, sur une internationalisation rationnelle des échanges, sur le droit des pays du Sud à maîtriser leur insertion dans l'économie mondiale. Un tel bouleversement sera l'oeuvre de l'intervention démocratique, révolutionnaire des travailleurs et des opprimés, des peuples eux-mêmes.
Lutter pour l'émancipation !
Notre combat est celui de toutes celles et tous ceux qui souffrent de l'exploitation capitaliste et des diverses formes d'oppression. Il vise à en finir avec le capitalisme et l'ordre bourgeois. Cette exigence peut paraître utopique, après les défaites et les désillusions subies au cours du siècle passé, la monstruosité totalitaire qu'a représenté le stalinisme, perversion du socialisme. Mais le capitalisme est toujours là et n'a pas résolu ses contradictions. Plus que jamais, la socialisation mondialisée de la production et des échanges, les progrès scientifiques et techniques se heurtent à l'anarchie des marchés, de l'appropriation privée des richesses, au parasitisme de la finance. Tout semble indiquer que le capitalisme n'est pas plus aujourd'hui que dans le passé capable de maîtriser un développement socialement juste et écologiquement soutenable. Quelles sont les forces sociales aptes à porter une alternative ? Comment favoriser leur convergence ?
La force sociale du prolétariat : faire tourner toute la société
Être prolétaire, c'est être contraint de vendre sa force de travail. Le prolétariat a progressé à un rythme dépassant tout ce qui avait été imaginé par les pionniers du marxisme. Bas niveau de salaire, conditions de travail, précarisation, chômage, c'est le lot commun de la grande majorité des salariés. En même temps, des processus profonds émiettent cette immense force sociale. Ecart entre les conditions de vie des couches supérieures et inférieures du prolétariat, effets du chômage de masse et de la précarisation de la condition salariale, qui accentuent au sein du prolétariat une concurrence voulue et organisée d'en haut. Mais il faut aussi prendre la mesure de l'expérience historique accumulée, des traditions de confrontation politique démocratique, de la montée générale du niveau d'éducation au cours du dernier demi-siècle dans toutes les catégories de la société et, d'une manière spectaculaire, dans les catégories les plus exploitées, ouvriers et employés. D'une part, le renouvellement et l'accentuation des contrastes au sein du prolétariat, et de l'autre le rapprochement des conditions de vie, d'éducation et de travail. D'un côté, les déchirures de la société dans un individualisme non solidaire, l'emprise accrue du règne de la marchandise, de l'autre la croissance numérique du prolétariat comme de son potentiel démocratique. La question centrale devient celle de la convergence des combats au sein du prolétariat lui-même, de son organisation, de sa capacité à prendre en main la direction de ses organisations, son propre destin et celui de toute la société.
Pluralité des dominations
La classe prolétarienne est constituée de groupes déterminés à des titres divers par leur genre sexuel, leur nationalité, les données régionales, les religions, les cultures... Le rapport d'exploitation n'épuise pas les oppressions à combattre, ni ne les résume. L'émancipation humaine est un combat multiforme à long terme. C'est ce qui rend indispensable l'autonomie de chaque mouvement social, mais aussi la recherche de leur solidarité contre les diverses oppressions. La solidarité, telle qu'elle se retrouve par exemple dans les forums altermondialistes, se renforce aussi en réponse à la pénétration de la logique du capital dans tous les pores de la société. Au-delà, chaque individu a une multiplicité d'appartenances, qui peuvent varier selon les moments de la vie et les choix proposés. Nous nous battons pour que chacune et chacun puisse vivre la vie qui lui paraît souhaitable, dans le respect du droit des autres à en faire autant. Nous cherchons à agir à la fois au plan collectif des inégalités sociales et sur celui des besoins d'émancipation de l'individu. Loin de s'opposer à l'émancipation collective, l'émancipation individuelle relève du même combat dans sa diversité.
La force émancipatrice de la jeunesse
La jeunesse a ses propres divisions internes. Mais elle est aussi, collectivement, la cible principale de l'offensive sécuritaire, raciste, sexiste, moraliste et religieuse. Massivement scolarisée dans l'enseignement secondaire et maintenant aussi dans l'enseignement supérieur, elle est aussi massivement précarisée, très souvent salariée pendant les études. Si bien que ses mobilisations sont de plus en plus nettement celles de « précaires en formation », se rapprochant de celles des salariés. C'est dans la jeunesse que l'on trouve le plus d'envies et d'espoirs d'inventer le monde nouveau et solidaire où chacune et chacun pourrait s'accomplir. Libre des échecs du passé, elle est la plus apte à inventer des pratiques sociales émancipatrices s'opposant à la marchandisation du monde.
Pour une alternative féministe
La moitié de l'humanité, les femmes, vit une situation d'oppression qui se combine, sous des formes diverses, à d'autres facteurs de discrimination : la classe sociale, la nationalité, l'origine culturelle, l'âge, etc. Les oppressions de genre et de classe notamment se renforcent l'une l'autre. Leur imbrication est telle qu'il est difficile d'envisager qu'on puisse s'attaquer à l'une sans s'attaquer à l'autre. Rien ne peut remplacer donc le combat féministe. Nous ne privilégions aucun modèle familial par rapport à un autre, à condition que soit respectée l'égalité entre les hommes et les femmes et que soient proscrits tous les rapports de violence entre adultes et enfants ou entre adultes. Nous sommes favorables à des mesures législatives qui instaurent l'égalité entre hétérosexuels et homosexuels. C'est pourquoi les couples homosexuels doivent pouvoir se marier et adopter un enfant, s'ils le désirent. Avec le désengagement de l'Etat, les inégalités se sont renforcées entre hommes et femmes et également entre femmes. Elles représentent 80 % des travailleurs pauvres en raison du temps partiel imposé ; à travail égal, elles sont toujours moins payées que les hommes et peu nombreuses dans les postes de responsabilités. Par ailleurs quelles que soient les évolutions de la législation, partout dans le monde, les femmes accomplissent un surtravail non rémunéré. En France, elles fournissent 80 % du travail domestique. Les femmes étrangères sont encore plus pénalisées du fait de codes de statut personnel qui s'appliquent en France dans le cadre d'accords bilatéraux, ou encore du fait des règles du regroupement familial qui les rendent dépendantes économiquement et juridiquement de leur conjoint. Partout dans le monde, les femmes subissent de terribles violences aussi bien dans leur famille que sur leur lieu de travail ou dans la rue. Ces violences existent dans tous les milieux sociaux, elle n'ont rien à voir avec un « coup de folie », et sont l'expression, non de désirs « irrépressibles », mais d'une volonté de contrôler la vie de l'autre : l'autre (la femme) n'étant pas assimilé à un être libre, libre de ses désirs, de ses mouvements. Le contexte international est propice à de nouveaux courants idéologiques foncièrement réactionnaires, comme les courants religieux intégristes ou fondamentalistes, qui veulent limiter l'activité des femmes à la procréation et à la sphère familiale, ou des courants néo-libéraux, pour qui tout s'achète et tout se vend. Lutter contre les tabous concernant la sexualité ne peut être assimilé à l'extension du domaine marchand à toutes les activités humaines. A l'inverse, se battre pour le respect de la dignité humaine et contre la prostitution n'implique en rien la nécessité de restaurer les tabous sur la sexualité et l'assignation prioritaire des femmes à la sphère familiale. Aucune transformation radicale de la société ne pourra voir le jour sans une lutte consciente pour affirmer le droit des femmes à disposer de leur corps - avortement, contraception - et pour remettre en cause les fondements mêmes de la domination masculine : la division sociale et sexuée des tâches entre femmes et hommes, dans toutes les sphères de la société, ou les normes qui façonnent nos relations interpersonnelles. Cela doit s'appuyer sur un mouvement autonome de femmes.
Pour le libre choix de son identité sexuelle
Au libre choix de l'orientation sexuelle, à la liberté de pratique et de relation, il faut ajouter le libre choix de son identité jusqu'au trans- sexualisme. Nous refusons la vision restrictive de la sexualité humaine défendue par la morale bourgeoise oppressive. Pour s'y opposer, doit être assurée aux lesbiennes, gay, bisexuel(le)s, transsexuel(le)s la possibilité d'accéder sans restriction au droit organisant la famille, l'état civil, la parentalité, l'héritage, que ce soit pour les couples établis ou les personnes seules. Doivent aussi leur être reconnus le droit à la protection par l'Etat, la garantie de protections légales contre les actes homophobes, contre les propos attentatoires à la dignité, et les diverses formes de discrimination et de stigmatisation, ainsi que le droit d'asile politique pour les personnes LGBT persécutées dans leurs pays d'origine.
Défense de la laïcité
Nous défendons la liberté de culte et d'expression religieuse, au plan privé comme au plan public, comme droit démocratique. Parallèlement, cela conduit au refus de toute ingérence ou influence des religions dans la sphère des institutions publiques et dans leurs choix politiques. La séparation des Églises et des États en est la condition indispensable, ce qui doit se traduire dans le cas de l'école par l'instauration d'un service public unique et laïc, au lieu que l'État finance sur fonds publics un système privé. Cela ne signifie aucunement que nous sacrifiions au mythe de la neutralité de l'État, et en particulier à celle de son école qui demeure l'enjeu permanent d'une lutte politique et idéologique entre forces antagonistes. La laïcité n'élimine pas cette lutte. Mais elle en éloigne l'influence directe des institutions et références religieuses, ce qui constitue un acquis démocratique fondamental. C'est ainsi qu'au niveau scolaire tout en protégeant la liberté de conscience des élèves doivent être garantis sur tout le territoire la laïcité des locaux et des personnels, celles des contenus du programme des études, comme doit être vérifiée l'obligation du suivi des enseignements correspondants.
Contre les dérives sécuritaires
Depuis des décennies, l'obsession sécuritaire gagne du terrain. Justice, police et système carcéral sont le symbole de l'État pénal qui prend le pas peu à peu sur ses fonctions sociales. C'est que l'objectif des réformes sécuritaires n'est pas là. Il se situe principalement à deux niveaux : 7 Contenir et contrôler une poche de chômeurs et de précaires, nécessaire au capitalisme pour faire baisser le coût du travail et déréglementer les droits acquis des salariés. C'est pourquoi la pénalisation de la contestation sociale gagne du terrain. 7 Détourner l'attention de la population de la véritable insécurité, sociale, et de ses causes, en construisant un discours sur « l'insécurité » et en alimentant les peurs qui vont se transformer en rejet de celles et ceux qui sont différents. A la montée des violences dans certains quartiers laissés à l'abandon, qui frappent les plus pauvres, et à celle de l'insécurité sociale, on prétend répondre par plus de répression, ce qui n'a jamais résolu les problèmes ou même conduit à améliorer la situation.
Combattre les dérives fascisantes
Le FN et les partis comparables ne sont pas des partis comme les autres, mais un danger mortel pour la démocratie, comme pour le mouvement ouvrier et populaire. La dégradation des conditions d'existence de la majorité de la population, la persistance du chômage de masse, les réponses populistes et sécuritaires des classes dominantes, la crise de la démocratie dominée et censurée par les intérêts de ces dernières, lui créent un terrain favorable. Contre cette menace, fidèles à notre tradition, nous sommes et nous serons en première ligne. Dans l'unité sans préalable ni condition de toutes les forces de gauche et démocratiques, sans céder un pouce au racisme, à la xénophobie, à la démagogie sécuritaire, à l'idéologie antiféministe et homophobe. En le réaffirmant avec force : face au danger fasciste, la seule barrière efficace, c'est une autre politique, antilibérale et anticapitaliste, l'intervention directe des classes populaires pour défendre leurs droits sociaux et démocratiques.
Pluralité et unité du combat anticapitaliste
Le capitalisme est plus qu'un rapport économique, il tend à modeler l'ensemble des rapports sociaux. Le rapport d'exploitation pénètre progressivement tous les aspects de la vie, imposant la marchandisation de toutes les activités humaines. Avec pour moteur la production sans fin du profit et la mise en valeur du capital, il englobe désormais la planète entière. En retour, son extension rend possible l'unification des luttes des exploité-es et des opprimé-e-s. Dans leurs luttes, les mouvements sociaux sont souvent confrontés à des lois conçues contre eux, puisqu'elles sont faites pour défendre la propriété privée. Ils doivent alors avancer sur deux plans : en n'hésitant pas à utiliser les lois qui résultent des rapports de forces favorables dans le passé, et en agissant pour l'amélioration de la législation. Ensuite, en choisissant les formes de lutte les mieux adaptées à leur objet, c'est-à-dire celles qui rendent les revendications légitimes et populaires, sans hésiter à sortir du cadre étriqué de la légalité pour obtenir satisfaction. Le but de la lutte révolutionnaire, c'est de permettre la prise du pouvoir par les travailleurs associés, et pour cela de développer une démocratie maximale. L'émancipation est donc l'affaire de celles et ceux qui luttent pour s'émanciper, ou elle n'est pas. Cela a des conséquences dès maintenant, sur notre manière d'aborder le combat politique, qui détermine le type de société que nous voulons bâtir. Quand on lutte pour une société de liberté collective et individuelle, pour le pouvoir auto-organisé des travailleuses et des travailleurs, l'indépendance des syndicats et des organisations du mouvement social est une question de principe. Indépendance vis-à-vis de l'État, mais aussi indépendance organisationnelle vis-à-vis des partis politiques, y compris de ceux qui luttent pour les mêmes objectifs d'émancipation.
Mouvements sociaux et perspectives révolutionnaires
La vague altermondialiste peut nourrir l'espoir que le mouvement social serait à même, par son seul développement, de rendre possible un changement de société en faisant l'économie d'affrontements qui mettraient en jeu le pouvoir d'État. Tout mouvement social est pourtant confronté à la question des dominations qui traversent la société et des rapports de pouvoir qui les organisent, en particulier au pouvoir d'État qui articule ces différentes relations. Pour cette raison, le développement cumulatif d'une multitude de mouvements, même collaborant les uns avec les autres, ne suffirait pas à briser ou à « dissoudre » petit à petit les mécanismes oppresseurs du capitalisme. Ces derniers sont aptes à gérer ces mises en cause, par l'absorption et la dénaturation du potentiel de contestation, par l'isolement, ou par la répression, tant que les organes vitaux de la machinerie étatique n'ont pas été paralysés. Non, prendre le pouvoir « en haut » ne suffit pas ; oui, le pouvoir démocratique doit se diffuser et combiner le « haut » et le « bas ». Mais on ne peut pas esquiver la question en se contentant d'assiéger le pouvoir central. L'affrontement est inévitable, il faut s'y préparer.
Contre le despostisme du marché, décider et contrôler !
Les conquêtes sociales imposées par le mouvement ouvrier et populaire après la deuxième guerre mondiale assuraient une plus grande sécurité de l'existence. Elles sont devenues insupportables au capitalisme contemporain. Par tous les moyens, il tente de restreindre le salaire à la rétribution du temps de travail effectif, en se débarrassant des « faux frais » que représentent pour lui le financement des retraites, des maternités, du chômage, de l'éducation, de la culture ou des soins de santé, qui ne seraient plus alors considérés comme une partie directement socialisée du salaire, mais pris en charge par la fiscalité et le budget de l'Etat. Le patronat instaure une insécurité sociale généralisée, avec la menace permanente de la chute dans la précarité, jusqu'au bas de l'échelle, où croupiraient les salarié-e-s pauvres et précaires réduits à l'aide publique. Les effets de ces politiques menées depuis un quart de siècle atteignent de plus en plus de gens dans leurs droits fondamentaux à se loger, communiquer, se chauffer, s'éduquer, se cultiver, se soigner. Quand une société se révèle incapable de garantir le droit imprescriptible à l'existence, à quelle valeur morale peut-elle donc prétendre ? Alors qu'il est question d'éviter à la création culturelle la marchandisation et la concurrence globalisées par « une exception culturelle », il faudrait décréter l'exception sociale généralisée, garantissant le « droit à l'existence * ». Et cela sans craindre de prendre sur les profits. Cela comporte le droit à un emploi stable et la fin de toutes les précarités, la fin de la pauvreté, l'augmentation des salaires. Plus généralement, il faut aller vers l'éradication du chômage par l'interdiction de tous les licenciements et la réduction massive et constante du temps de travail.
* Ce que propose la LCR pour aller dans ce sens, résumé dans les lignes qui suivent, est développé de manière plus complète dans son Plan d'urgence : « Ce qu'il faut changer tout de suite pour qu'enfin nos vies valent plus que leurs profits ».
Les 35 heures ne sont pas une butée, mais une étape vers la semaine de 30 heures sans flexibilisation et avec création massive d'emplois, sous le contrôle des salarié-e-s. Le droit à la santé gratuite, à l'éducation et au logement pour tous, le droit à une retraite dans des conditions décentes doivent être garantis, comme doivent être défendus et étendus les services publics, avec en particulier la constitution d'un service public de l'eau. Le capitalisme est incapable, par nature, de reconnaître la primauté du droit à l'existence sur le droit de propriété. Nous voulons au contraire étendre les domaines disponibles gratuitement et garantir le principe de libre accès pour la satisfaction des besoins de base. Pour y parvenir, il s'agit, d'une part, de rattraper, récupérer, ce qui a été concédé au capital depuis le tournant libéral des années 1980, c'est-à-dire un partage au profit quasi exclusif du capital. Il faut donc une réforme fiscale radicale, combinée à l'augmentation du salaire sous ses deux formes (direct et socialisé), par la création d'emplois, la garantie d'aucun revenu inférieur au SMIC, l'attribution aux jeunes d'une allocation d'études. Il s'agit aussi de s'assurer la maîtrise des richesses, biens et services produits par le travail, et de répartir les gains de productivité afin qu'ils permettent une meilleure qualité de vie. Ces richesses issues du travail salarié et des productions agricoles doivent être mises au service du bien commun. Cette planification des ressources nouvelles exige également de nouveaux droits de contrôle de l'activité des entreprises (privées et publiques) pour les citoyens, travailleurs et usagers. L'appropriation sociale doit l'emporter sur l'appropriation privée. La mise en oeuvre d'une telle politique suppose une rupture, la mise en place d'un gouvernement des travailleurs porté par les mobilisations et les luttes.
Une rupture sociale et démocratique : pour un gouvernement des travailleurs
La privatisation du monde se traduit par une remise en cause des droits démocratiques et par une soumission de la politique de l'Etat et des grands partis institutionnels à l'impératif de la rentabilité financière maximum présentée comme une des lois économiques fatales. La réponse à cette régression, c'est l'intervention démocratique de la population sur le terrain politique et social, à la mesure de ce que permettent les moyens d'information et de communication, le niveau culturel des citoyens, et l'aspiration au contrôle de tous les aspects de sa vie. Il faut donc d'abord défendre pied à pied les droits acquis, même imparfaits et limités, mais aussi étendre le domaine de la démocratie à de nouveaux droits, aux moyens d'existence fondamentaux, à la santé, à l'éducation, aux biens communs de l'humanité. Sur cette voie, l'affrontement avec le pouvoir absolu de la propriété privée est inévitable. La crise de la démocratie est aussi liée à l'épuisement des formes de représentation institutionnelles. L'évolution des connaissances, des coopérations, le développement de la socialisation créent des potentialités et des exigences démocratiques nouvelles, notamment dans la jeunesse, dans les luttes et dans les mouvements sociaux. La diffusion universelle du savoir et l'interpénétration croissante de tous les aspects de la vie créent donc aussi une aspiration à la maîtrise démocratique du bien commun. Les nécessaires batailles contre les aspects antidémocratiques des institutions politiques actuelles, pour l'introduction de la proportionnelle ou la responsabilité des exécutifs devant les assemblées élues par exemple, s'inscrivent dans la perspective d'une société gérée à tous les niveaux par les travailleurs et les citoyens. Jeter des bases vers une telle société serait la tâche d'un gouvernement réellement au service des travailleurs. A la coalition répétée de partis de gauche avec les intérêts de la bourgeoisie, nous opposons la coalition politique de tous les partis et organisations décidés à s'attaquer réellement au pouvoir capitaliste, à former un gouvernement au service des travailleurs, aussi fidèle à leurs intérêts que les gouvernements dans le cadre capitaliste le sont aux intérêts des dominants. La LCR prendra ses responsabilités dans un tel gouvernement. L'application d'un tel programme implique la confrontation avec les classes dominantes, et exigera une formidable mobilisation populaire, seule capable de faire émerger de nouvelles formes de pouvoir qui donneront à un gouvernement anticapitaliste les moyens de sa politique.
Abattre la Ve République, pour des institutions populaires et démocratiques
Sur cette voie, il est nécessaire immédiatement d'en finir avec le régime issu du coup d'Etat de 1958, qui a vu sa logique présidentialiste renforcée par l'instauration du quinquennat et l'ordre du calendrier électoral. La personnalisation du pouvoir pervertit les institutions à tous les niveaux, favorise la formation de clientèles au détriment d'engagements programmatiques, se traduit par une montée de l'abstention électorale et la transformation des élections en plébiscite. Il faut abroger la Constitution de la Ve République et mettre en place une Assemblée unique constituante, élue à la proportionnelle intégrale, qui désigne un exécutif responsable devant elle. Pour renforcer le contrôle citoyen, les élus et l'assemblée doivent pouvoir être révoqués, même avant la fin du mandat prévu, s'il apparaît que les décisions prises contredisent les programmes sur lesquels ils ont été choisis et s'opposent aux souhaits populaires. Par exemple, en organisant une nouvelle élection si un nombre déterminé d'électeurs le demande. Le salaire d'un député ne doit pas dépasser le salaire moyen. Il faut remplacer la pratique référendaire contrôlée d'en haut par le droit à des référendums d'initiative populaire, sur proposition des citoyens eux-mêmes. Enfin, il faut interdire le cumul des mandats et supprimer le Sénat, institution taillée sur mesure pour les notables réactionnaires, qui donne une représentation déformée et conservatrice du pays. Une révolution démocratique signifie la conquête par les travailleurs et les classes populaires des moyens de contrôler la marche de l'Etat, d'y participer pour décider.
Décentralisation démocratique contre décentralisation libérale
Notre perspective démocratique reconnaît les aspirations et les droits à l'autodétermination, exprimés entre autres dans les dernières colonies d'outre-mer et en Corse. La défense de l'égalité entre tous les citoyens, d'un service public national d'éducation ou de l'audiovisuel n'est en rien contradictoire avec la prise en compte des cultures et des langues minoritaires. Contrôler et décider suppose la plus grande décentralisation possible du pouvoir. Mais si elle ne veut pas être l'instrument d'une privatisation rampante des services et d'un développement régional inégalitaire, une véritable décentralisation démocratique suppose au moins deux conditions. D'abord, une réforme fiscale radicale qui mette à la disposition des pouvoirs publics des moyens d'agir. Ensuite, l'existence de services publics étendus et soustraits à la loi du marché : éducation, formation professionnelle, santé, logement, transport, eau, énergie...
Une égalité citoyenne respectueuse des différences
La nationalité française doit être automatiquement attribuée à tous les enfants nés sur le territoire et, s'ils le souhaitent, à toutes celles et tous ceux qui vivent en France depuis au moins 3 ans. Il faut défendre ce droit du sol contre le retour du droit du sang, c'est-à-dire la définition ethnique de la nationalité, laquelle peut très vite devenir raciste ou raciale. Toutefois, une conception démocratique de la société implique de déconnecter les droits citoyens des origines nationales, de façon à fonder une citoyenneté comme droit lié à la résidence. Tout individu résidant dans le pays doit pouvoir accéder à la citoyenneté, et en particulier au droit de vote à toutes les élections (locales, nationales, européennes), tout en gardant, s'il le désire, la nationalité de son pays d'origine. L'affirmation de l'égalité citoyenne comme droit universel n'est pas synonyme de l'oubli des différences entre les individus et les cultures. Au contraire, elle doit, si nécessaire, être liée à une politique de soutien à des cultures minoritaires, y compris celles de populations issues d'autres continents. Mais il ne peut exister de communauté démocratique sans respect d'acquis universels des luttes humaines : égalité des individus, refus du racisme et de l'antisémitisme, refus des discriminations fondées sur le sexe, les croyances, les nationalités, l'orientation sexuelle...
Pour une Europe démocratique des travailleurs et des peuples
Un gouvernement au service des travailleurs ouvrirait la perspective d'une alternative européenne démocratique et sociale en réponse à la crise de l'Europe capitaliste d'aujourd'hui. Cette alternative exige l'harmonisation par le haut des droits démocratiques et sociaux, seul moyen d'éviter la concurrence débridée de tous contre tous et les dumpings sociaux et fiscaux. Tout autre fondement aboutit à consolider une forteresse impériale des riches contre les pauvres, à l'image de l'espace Schengen. Une Europe démocratique établira un principe de citoyenneté fondé sur le seul critère de résidence et le droit du sol. Elle reconnaîtra à tous les résidents l'égalité de tous les droits civiques et sociaux, à commencer par le droit de vote et d'éligibilité. Elle assurera l'égalité des sexes et la généralisation du droit à l'avortement libre et gratuit. Elle sera laïque, respectueuse de la liberté de culte, dans la stricte séparation de l'espace public et des communautés confessionnelles. Une Europe écologiste refusera toute privatisation du vivant, soutiendra un moratoire sur les OGM, engagera l'arrêt immédiat du nucléaire militaire et la reconversion programmée du nucléaire civil. Elle s'opposera à la confiscation privée des ressources naturelles et des savoirs par le brevetage du vivant et la privatisation des savoirs. Une Europe solidaire se prononcera pour l'abolition de la dette des pays pauvres, et rompra avec la course aux armements et l'escalade des budgets militaires. Cette Europe respectera le droit à l'autodétermination, et la subsidiarité démocratique, ne déléguant à l'échelon supérieur une décision que si elle est plus efficacement prise à ce niveau. L'intérêt commun ne peut être incarné par des institutions non élues, par des exécutifs non mandatés et par des experts non contrôlés. Cette Europe formera une libre association de peuples et de nations, engagée par une Assemblée constituante, vers les Etats-Unis socialistes d'Europe.
Pour une alternative écosocialiste
La crise écologique modifie à la fois les conditions et le but de la lutte pour l'émancipation. Sa dimension en fait un des problèmes majeurs pour l'humanité. Aucune émancipation n'est envisageable si la destruction de la planète franchit un certain seuil. Mais un combat écologique qui ignorerait la division de la société en classes opposées courrait à l'échec. Le socialisme ne pourra pas miser sur le joker de l'abondance illimitée pour résoudre toutes les contradictions, sans définir quels biens sont nécessaires, ceux qui n'existent que pour les profits, ceux qui doivent être pris en charge collectivement... Il revient au mouvement socialiste d'ouvrir la perspective d'un monde où les besoins de chacun, qui ne se réduisent pas aux seuls besoins vitaux, soient satisfaits sans que la planète vive au-dessus de ses moyens. Cela passe par une mutation radicale des « besoins » tels que la société de consommation marchande les a développés. La « croissance » sans adjectif, qu'on nous propose pour modèle, est une croissance capitaliste. Au coeur de sa logique expansive, il y a l'extension de la sphère marchande. La « décroissance » sans adjectif laisse de côté l'indispensable développement des pays et secteurs les plus pauvres. Au discours abstrait sur la « croissance nécessaire » ou « la décroissance » absolue, nous opposons une critique radicale du mode de production et de consommation, la redistribution des richesses, le développement de certains secteurs et la « décroissance » d'autres, énergétivores, inutiles, polluants et dangereux. Nous refusons la politique dite de croissance qui n'est que la croissance des profits et de l'exploitation pour mettre l'économie, la production et la distribution des richesses, au service de la satisfaction des besoins humains. Ecologie et anticapitalisme sont des combats qui se combinent et se conjuguent au présent, c'est pourquoi nous sommes pleinement partie prenante des luttes écologiques. Avec une grande partie du mouvement altermondialiste, la gauche radicale a un rôle décisif à jouer pour irriguer le mouvement ouvrier des questions écologiques et pour irriguer le mouvement écologique des questions sociales.
Contre le militarisme et les guerres impériales
La lutte contre la guerre, contre les budgets d'armement, contre les armes de destruction massive (qu'on n'a pas trouvées en Irak mais qui existent bel et bien aux Etats-Unis, en France, en Grande-Bretagne, en Israël ou au Pakistan) constitue une dimension centrale et durable des mobilisations altermondialistes. L'impérialisme français est en bonne place dans les aventures militaires, en particulier en Afrique où la « Françafrique » et ses réseaux néo-coloniaux continuent à soutenir des dictatures et à mettre les populations en coupe réglée. Aujourd'hui, la seule grande force capable de bloquer la machine de guerre impériale, c'est l'opinion publique et le mouvement anti-guerre, en particulier aux Etats-Unis. Le 11 septembre a donné à l'administration Bush l'illusion d'une adhésion massive et inconditionnelle des opinions publiques occidentales à ses objectifs expansionnistes déguisés en « guerre contre le terrorisme ». L'illusion fut de courte durée. L'embourbement en Irak est le plus important auquel les USA se trouvent confrontés depuis 1973 en Indochine. C'est ce qui donne la possibilité de construire un mouvement anti-guerre de longue haleine. Même si elle n'a pu empêcher l'invasion de l'Irak, la journée de mobilisation mondiale contre la guerre organisée le 15 février 2003, à l'appel du Forum social mondial, constitue une grande première, porteuse d'espérance.
Pour un co-développement internationaliste
La mondialisation libérale soumise à la loi impitoyable des marchés financiers n'est pas la nôtre. Pour rendre la planète vivable, il faut inverser les priorités, par une nouvelle logique de développement orientée vers la satisfaction des besoins et non par une priorité absolue aux exportations au seul bénéfice des classes possédantes locales. Il faut annuler la dette des pays dominés et garantir leur autosuffisance alimentaire. Il faut rompre avec l'ordre mondial capitaliste. Les expériences exactement inverses de Lula au Brésil et de Chavez au Venezuela montrent que l'on ne peut concilier les exigences du FMI et une véritable rupture avec le néo-libéralisme. Nous sommes prêts à lutter pour de telles transformations avec toutes celles et tous ceux qui se réclament de la démocratie. Mais nous affirmons que pour parachever ses objectifs, une révolution démocratique doit modifier profondément la structure du pouvoir politique et économique. Faire assurer le contrôle, puis la direction de l'ensemble de la production par la société elle-même, cela suppose que se développe un vaste processus dans lequel l'auto-émancipation et l'auto-organisation seront les axes d'une démocratie réelle. Du point de vue institutionnel, cette démocratie se débarrasserait de la vieille machinerie d'État. Elle s'organiserait autour de nouvelles assemblées nationales, régionales et locales, élues au suffrage universel et à la proportionnelle, autour de conseils élus dans les quartiers et les entreprises.
Oui, le socialisme !
La crise que connaît aujourd'hui le monde n'est pas une crise passagère, un simple épisode dans les fluctuations boursières et les indices de croissance. C'est une crise durable, sociale, écologique, démocratique. Une crise de civilisation. Elle exige une réponse à la mesure des dangers qui menacent l'humanité et la planète.
Produire pour satisfaire les besoins humains, pas pour la croissance des profits
Aujourd'hui les « marchés » dictent leur volonté et décident en fonction des critères exclusifs du profit et de la rentabilité financière. Une autre logique doit l'emporter, celle des solidarités contre l'égoïsme, celle des services publics et des biens communs contre la confiscation des richesses, celle de l'appropriation sociale et des besoins sociaux contre le pouvoir arbitraire de la propriété privée, celle de l'épanouissement individuel et des solidarités contre le repli individualiste et la loi de la jungle. Etre révolutionnaire, c'est engager la lutte pour que cette autre logique l'emporte. C'est combattre pour la dignité d'une humanité dont les libertés durement acquises sont sacrifiées à des lois de l'économie, prétendues naturelles et fatales, comme si cette économie et ces marchés étaient des puissances automates qui nous dominent et non le résultat de choix politiques et sociaux. Etre révolutionnaire, c'est vouloir changer avant qu'il ne nous écrase un monde qui vire au cauchemar. Il faut pour cela remettre les choses à l'endroit et mettre au poste de commande le choix collectif, c'est-à-dire la délibération publique démocratique. C'est le premier pas d'une alternative radicale. La logique capitaliste prétend imposer la privatisation généralisée du monde, non seulement celle des entreprises et des services, mais aussi celle de l'information, du droit, de la monnaie, de la guerre, de l'espace, du vivant lui-même. L'alternative, c'est un projet de société où la production, la distribution et l'usage des richesses seront subordonnés aux besoins sociaux, aux choix démocratiques et aux droits humains, individuels et collectifs, respectueux de l'environnement ; une société qui mette fin aux rapports d'oppression et d'exploitation, au bureaucratisme, et où les conquêtes sociales du passé seront redéployées sur des bases nouvelles. Une société socialiste. Loin d'opposer ce but nécessaire à la lutte pour des réformes immédiates, nous savons au contraire que c'est en luttant qu'on mesure les limites imposées par le système, qu'on découvre la force d'une résistance organisée, que l'on prend confiance en ses propres capacités, et conscience de la nécessité d'être plus nombreux et plus forts pour aller plus loin. C'est au fil de ces luttes que les classes travailleuses, dans leurs différents domaines de production - matérielle ou immatérielle -, dans les différentes sphères de la vie sociale (logement, santé, éducation, culture), font l'expérience de réponses efficaces aux défis du capital : contrôle sur la production, organisation des salarié-e-s, extension de pratiques démocratiques qui ne s'arrêtent pas à la porte des entreprises, approfondissement des libertés collectives et individuelles « L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes », cette phrase de Marx et Engels, dans leur Manifeste, reste notre boussole.
Seul un gouvernement au service des travailleurs peut garantir de telles réformes radicales en contestant le droit des gros actionnaires à diriger la société, en contestant les droits du capital.
Avant de parvenir à la remise en cause généralisée de la domination du capital et de sa logique de profit, se pose en effet la question du contrôle public sur la machinerie capitaliste. Le contrôle sur la circulation des capitaux en particulier. Ce contrôle public implique une transparence totale de tous les comptes bancaires, industriels et commerciaux, sans quoi les paradis fiscaux ne pourront être supprimés. À l'autre bout de la chaîne, dans les entreprises, des comités élus dans les lieux de travail coordonneraient les initiatives, impulseraient les échanges d'informations, prendraient en main la gestion de l'entreprise, de l'embauche jusqu'à la planification démocratique de l'ensemble de la production. Car on ne peut changer la société sans changer fondamentalement les rapports de pouvoir et les modes de gouvernement. L'essentiel de ces rapports de pouvoir s'ancre dans la domination des rapports marchands et les droits de propriété garantis par l'appareil bureaucratique d'Etat. C'est ce qu'il faut renverser. Une révolution sociale implique donc nécessairement un changement des rapports de propriété, social et institutionnel, qui rejaillit sur tous les aspects de la vie en société. Chaque crise révolutionnaire est certes singulière, mais on y trouve des constantes. Quand « ceux d'en haut » ne peuvent plus continuer à régner comme avant et que « ceux d'en bas » ne le supportent plus, peut émerger une double légitimité débouchant sur une situation de double pouvoir. La question est alors posée. : « Qui décide ici ? », « Qui l'emportera ? » Entre deux légitimités, deux pouvoirs, deux représentations du droit, entre des intérêts sociaux antagoniques, la coexistence ne peut s'éterniser. C'est la force qui tranche. S'ouvre alors la possibilité de bâtir une nouvelle société, socialiste et démocratique.
Pas de démocratie véritable sans démocratie économique et sociale
Les citoyens et les travailleurs sont capables de juger ce qui relève de leur propre bien-être. Ils connaissent mieux que quiconque leurs propres besoins, l'organisation du travail, les moyens de production. Leur droit de décider est un principe de base de l'autogestion socialiste. Les choix des filières énergétiques, des moyens de transport, des formes d'habitat, des équipements collectifs, des dépenses d'éducation ou de santé engagent l'avenir de l'humanité sur le très long terme. Ils ne sauraient être abandonnés à la loterie des décisions privées de détenteurs de capitaux, ni au bon plaisir de bureaucrates et de technocrates.
Appropriation sociale et planification autogestionnaire
L'appropriation publique des grands moyens de production, d'échanges, de financement et de communication, fondement de la société socialiste, peut prendre des formes différentes. Mais, dans son principe, elle ne signifie pas que ces biens appartiennent aux seuls pouvoirs publics - ni d'ailleurs au seul collectif de l'entreprise concernée. Ils sont la propriété du « peuple souverain ». C'est à lui de déterminer les diverses formes de cette propriété publique, ses modes d'organisation et de gestion. Ce sont les travailleurs et les citoyens qui gèrent l'économie, au niveau des entreprises et à l'échelle du pays, au travers de leurs conseils et assemblées élus. Parce que l'appropriation publique ce n'est pas l'étatisation bureaucratique et centraliste. Une planification autogestionnaire doit tendre à réduire les décisions centrales aux grandes priorités, à distribuer autant que possible les compétences au niveau local et sur les lieux de travail, à favoriser l'épanouissement de rapports contractuels dans le cadre des options générales librement décidées. L'appropriation sociale et la planification autogestionnaire s'appuient donc sur une redistribution des pouvoirs permettant une remise en cause radicale des fonctions bureaucratiques de l'État dans la perspective de son dépérissement en tant qu'appareil bureaucratique répressif.
Émanciper le travail et s'émanciper du travail
Le socialisme autogestionnaire vise à émanciper le travail et à s'émanciper du travail. Le droit à l'emploi doit être un droit reconnu par la société à tous ses membres. Cela implique également une transformation du travail par l'égalité homme/femme, le dépérissement de son organisation hiérarchique, le décloisonnement de la division rigide du travail grâce à une qualification supérieure, polyvalente et évolutive. S'émanciper du travail passe par une réduction massive du temps de travail contraint et le développement croissant de l'activité sociale libre et volontaire. Cela implique une autre conception de la vie, respectant des choix privés mais favorisant une socialisation et un partage des tâches domestiques. C'est une des conditions nécessaires à la participation de toutes et tous à la vie démocratique. Émanciper le travail et s'émanciper du travail, c'est refuser une croissance purement quantitative de la production, une accumulation irrationnelle de biens de consommation et la logique productiviste.
Pour une démocratie socialiste autogestionnaire
Les libertés politiques et l'égalité des droits constituent un progrès historique. Le pluripartisme et la libre confrontation des programmes sont nécessaires pour résoudre les contradictions sociales et les conflits d'intérêts qui n'ont pas disparu. Le pluripartisme politique et la distinction entre partis, syndicats et État exigent une codification institutionnelle des conditions de fonctionnement, d'expression et de participation à l'exercice du pouvoir, une Constitution. À la lumière de l'expérience historique, l'indépendance des syndicats et des mouvements sociaux envers l'État et les partis, la liberté de la presse, la liberté en art, l'autonomie de la justice, la garantie du pluripartisme, le droit à l'autodétermination des nationalités constituent autant de principes fondamentaux. Il en va de même de la protection des droits individuels vis-à-vis des pouvoirs publics et des différentes institutions.
Un système d'assemblées élues
L'égalité des droits et le suffrage universel sont des éléments clés de toute démocratie. Toutefois, une démocratie socialiste autogestionnaire devra multiplier les formes d'organisation en vue de gérer démocratiquement l'ensemble des aspects de la vie sociale et économique. Il serait vain de vouloir décrire d'avance en détail les multiples formes d'organisation qui peuvent naître de la lutte et de l'expérience. Personne n'avait imaginé la Commune de Paris avant qu'elle naisse de l'action collective. Dans ses fondements, cette démocratie vise à représenter réellement les citoyens et les producteurs, selon le principe « un homme/une femme égale une voix », à travers un système d'assemblées élues à la proportionnelle, au niveau central comme local, et sur les lieux de travail. Une démocratie socialiste autogestionnaire devra aussi lutter contre « les dangers professionnels » du pouvoir en développant des formes de responsabilité et de révocabilité des élus par leurs mandants, en interdisant le cumul des mandats électifs, en limitant leur renouvellement et en plafonnant le salaire des élus au niveau d'un salarié qualifié. Elle devra promouvoir une réelle égalité politique entre individus, en particulier entre hommes et femmes. Elle devra développer les formes de contrôle des mouvements populaires sur les assemblées, à travers des comités de quartier, des assemblées de citoyens, et le recours possible aux référendums d'initiative populaire.
La socialisation du pouvoir contre l'étatisation de la société
La démocratie socialiste autogestionnaire met donc l'accent non sur l'étatisation de la société, mais sur la socialisation du pouvoir. Elle articule aux assemblées représentatives une démocratie sociale et économique. Elle ne peut être décrétée par en haut mais relève d'un processus historique qui dépend notamment d'une transformation radicale de la division sociale du travail. La réduction du temps de travail, l'existence de réseaux modernes de communication directe peuvent favoriser l'intervention permanente des intéressés, permettre de réduire les délégations de pouvoir et l'autonomie de l'État.
Pour une nouvelle force anticapitaliste...
S'organiser, se regrouper pour défendre nos intérêts et changer le monde !
L'appétit du capital en quête de nouvelles sources de profit laisse peu d'espace aux compromis sociaux. Dans ces conditions, le réformisme dont se réclame la gauche traditionnelle n'est bientôt plus pour ainsi dire qu'un couteau sans lame qui n'aurait pas de manche, une variante tempérée des politiques libérales. Pour la première fois depuis longtemps, les perspectives des jeunes en Europe sont plus sombres que pour leurs aînés. L'alternative énoncée par les pionniers de l'émancipation - socialisme ou barbarie - est plus actuelle que jamais.
L'unité dans les luttes
Les militants révolutionnaires n'ont pas d'intérêts propres qui s'opposeraient à des accords pour la lutte. ils luttent toujours pour constituer un front unitaire des partis et organisations qui se réclament des intérêts populaires contre ceux du patronat et de la bour- geoisie. Le clivage fondamental entre les classes privilégiées et les classes populaires s'est longtemps exprimé de façon déformée sur le plan parlementaire dans le clivage entre la droite et la gauche. Même si cela est de moins en moins vrai aujourd'hui, c'est la raison pour laquelle nous ne confondons pas la gauche et la droite. Nous militons toujours pour l'unité du monde du travail et des organisations de gauche chaque fois qu'il est possible d'agir ensemble pour la défense des droits démocratiques et sociaux.
L'évolution social-libérale
Mais la social-démocratie européenne s'est désormais moulée dans le cadre libéral. C'est « le social-libéralisme », dont le contenu est le libéralisme et l'écume le social. La coupure avec les bases sociales traditionnelles de la social-démocratie qu'entraînent ces politiques ont conduit certains partis socialistes à des ruptures (comme en Allemagne) ou à des tensions sérieuses (comme en France). Au sein de la social-démocratie et de certains secteurs de gauche qui lui sont alliés, existe ainsi la volonté de résister aux dérives social-libérales, mais, la plupart du temps, accompagnée de l'illusion que la réponse à une telle évolution réside dans le retour aux années 50 et 60. Mais ce rêve oublie les rapports de forces qui ont obligé les classes dominantes de l'époque à ces compromis. Pour récupérer des droits ou des acquis sociaux liquidés depuis le début des années 80, il faudra infliger des reculs considérables aux classes dominantes, inverser les politiques suivies depuis vingt ans par la gauche traditionnelle quand elle s'est retrouvée au gouvernement et accepter la pers-pective d'une épreuve de force avec le capitalisme.
Le PC : concilier l'inconciliable
Les partis communistes issus de la vague révolutionnaire d'octobre 1917 avant d'être soumis à l'influence stalinienne sont entrés dans une crise généralisée suite à l'effondrement de l'URSS. Tout leur système de références a éclaté, dans un contexte d'érosion régulière de leurs bases sociales et électorales. D'une manière spécifique à chaque pays, ils apparaissent écartelés entre les intérêts de leurs appareils satellisés par le social-libéralisme et les exigences de rupture radicale avec le système venant de nombre de leurs militants et sympathisants. La politique de la direction du Parti communiste français paraît vouloir concilier l'inconciliable : une alliance de soumission avec un PS dominé par le social-libéralisme et une alliance des forces antilibérales et anticapitalistes. Une telle politique est impossible et ne peut conduire qu'à l'échec.
Pour une nouvelle force anticapitaliste. Défendre les intérêts des travailleurs et des classes populaires
Il y a désormais deux gauches au sein de la gauche, porteuses de deux orientations, deux logiques opposées et contradictoires. L'une, acquise à l'idéologie et la pratique social-libérale, a abandonné définitivement tout idée de changement de société. L'autre partie de la gauche rejette les limites et contraintes du système et se situe dans une perspective de changement réel et radical, anticapitaliste. Hétérogène, le mouvement antilibéral est à la croisée des chemins, car avancer réellement vers ces buts suppose de s'en prendre au pouvoir et à la propriété capitalistes. Dispersés, les partisans de l'anticapitalisme sont affaiblis. Le monde du travail a besoin d'un nouveau parti représentant ses intérêts politiques en rupture avec le système capitaliste et susceptible d'ouvrir des perspectives politiques aux luttes de classes. Nous travaillons à l'émergence d'un tel parti et au regroupement de tous les anticapitalistes, en suscitant les initiatives et de l'engagement des travailleurs et des jeunes. Pour tous les opprimés, s'organiser est indispensable pour pouvoir agir. S'organiser bien sûr sur le lieu de travail ou son quartier, dans un syndicat ou une association, mais aussi s'organiser pour agir au niveau politique, exercer ses droits de citoyen pour faire valoir ses droits de travailleur. Toute l'activité des militants de la LCR, par leur présence dans les campagnes électorales mais surtout par leur action quotidienne dans les entreprises et les quartiers, dans les lycées ou les universités, vise à faire vivre la démocratie, c'est-à-dire à l'organisation des exploités et des opprimés pour défendre leurs droits. Aider à l'émergence d'une force anticapitaliste, d'un parti des travailleurs, agir pour construire l'unité nécessaire aux mobilisations, c'est aussi le combat pour l'émancipation des travailleurs par eux-mêmes.
Urgence !
Il y a urgence. Les exploité-e-s et les opprimé-e-s ont un besoin pressant de cette force anticapitaliste. Il y a un besoin urgent d'une gauche qui ne courbe pas l'échine au premier vent, d'une gauche de combat, déterminée à riposter aux attaques d'une droite arrogante et d'un patronat qui, à l'échelle nationale, européenne ou internationale, poussent sans cesse l'avantage. Une vraie gauche, à la hauteur des défis à relever : capable d'imaginer une société nouvelle et de lutter pour la construire. Une gauche enfin qui assume avec fierté d'être elle-même, 100 % à gauche. En quelques années, les résistances aux contre-réformes libérales et les mouvements altermondialistes ont jeté les bases d'un nouvel internationalisme. Nul ne peut prédire ce qui s'annonce et s'invente dans ce bouillonnement. Un nouveau monde ? Une nouvelle façon commune - communiste - de l'habiter sans le détruire et sans compromettre l'existence même de l'espèce humaine ? Après les désillusions du XXe siècle, après l'effondrement des caricatures de socialisme qu'ont été les dictatures staliniennes, nous devons remettre l'avenir sur le métier. Des expériences négatives d'hier, nous avons des leçons à tirer. Mais, ayant appris ce qu'il ne faut pas faire, nous avons aussi gagné le droit d'inventer l'avenir que nous voulons et de commencer à le construire.
le 7 mars 2007
Introduction
La barbarie menace l'avenir de l'espèce humaine. Violences sociales, guerres civiles, génocides se multiplient. C'est d'une véritable crise de civilisation qu'il s'agit. Le capitalisme cherche un nouveau souffle sur le dos des opprimés et des exploités. Au fil des mobilisations antilibérales, le refus du despotisme du capital et des marchés s'est exprimé par un cri du coeur : « le monde n'est pas une marchandise ! », « un autre monde est possible ! » Etre révolutionnaire, aujourd'hui, c'est agir pour que ce nécessaire devienne possible, par un changement radical de la logique des rapports sociaux. La mondialisation libérale veut résoudre les contradictions explosives du capital en élargissant son action à l'échelle planétaire, avec de nouvelles sources de profit, comme les services et le travail intellectuel. Le capital doit accélérer sans cesse son mouvement d'accumulation, à la fois par la construction d'un marché mondial massivement déréglementé et par la marchandisation généralisée de la force de travail. Pour mener tout cela à bien, il leur faut évidemment éradiquer les droits sociaux dans l'entreprise, démanteler les protections légales du travailleur, réduire les dépenses de l'Etat, réduire les charges de l'entreprise, ramener le contrat de travail à la nudité d'un contrat en trompe-l'oeil, au strict avantage du détenteur des moyens de production. De même, face aux menaces de catastrophes écologiques et aux ravages de l'exploitation sans frein d'une nature exploitable à merci, le capitalisme contemporain n'imagine que des solutions marchandes et monétaires : écotaxe ou marché des droits à polluer. Mais peut-on résoudre les problèmes écologiques en laissant les marchés décider en fonction du cours de la bourse ; ce qui aboutit à stocker des déchets nucléaires aux conséquences imprévisibles, à modifier les équilibres climatiques, à polluer les océans et à détruire les forêts ? Comment répondre au défi énergétique sans une politique planifiée à l'échelle mondiale ? C'est une terrible guerre sociale que les riches ont déclarée aux pauvres. Et c'est une guerre tout court, « sans limite dans l'espace et dans le temps » (selon l'expression de Georges Bush) que l'impérialisme a déclarée aux damnés de la terre. Guerre impériale et guerre sociale participent de la même mondialisation libérale, deux manifestations d'un état d'exception permanent, avec son cortège de législations répressives, d'atteintes aux droits civiques élémentaires, de criminalisation des mouvements sociaux, d'agressions militaires, d'exacerbation des tensions entre les peuples et les communautés...
« Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l'orage »
Cette phrase de Jaurès se vérifie de façon dramatique. L'expansion permanente du capital, la concurrence de tous contre tous, le calcul égoïste déchaîné contre les solidarités, la priorité du profit sur les besoins sociaux, portent en eux les germes de la généralisation des conflits et des guerres. Aux croisades impériales du « bien » contre le « mal », aux nouvelles guerres de religions et autres purifications ethniques, nous opposons, par delà les chauvinismes de chapelle, de clocher ou de nation, la solidarité internationale des travailleurs et de tous les opprimés. Nouveaux partages impérialistes Les différents acquis et systèmes sociaux sont démantelés par la liberté sans limite accordée à la concurrence des capitaux. Loin d'apporter démocratie et progrès, le choc de la mondialisation fragmente les sociétés et nourrit les populismes réactionnaires. Cependant, les gouvernements ne sont pas les victimes impuissantes de la mondialisation capitaliste. Contrairement à ce que prétendent les tenants du libéralisme ; le rôle des Etats s'accroît non dans le domaine social mais dans leurs fonctions répressives. Les budgets militaires ne cessent d'augmenter comme ceux de la police. L'alternative à ce grand désordre ne peut être le protectionnisme qui reviendrait à fermer l'accès des pays du Sud aux marchés du Nord, alors qu'on leur impose depuis des années l'ouverture de leurs propres marchés. C'est la nature profonde du désordre capitaliste globalisé qu'on impose aux pays du Sud qu'il faut éliminer. Contre la concurrence généralisée entre les peuples, il faut aller vers une planification de l'économie mondiale fondée sur des accords de coopération, sur la stabilisation des prix mondiaux, sur une internationalisation rationnelle des échanges, sur le droit des pays du Sud à maîtriser leur insertion dans l'économie mondiale. Un tel bouleversement sera l'oeuvre de l'intervention démocratique, révolutionnaire des travailleurs et des opprimés, des peuples eux-mêmes.
Lutter pour l'émancipation !
Notre combat est celui de toutes celles et tous ceux qui souffrent de l'exploitation capitaliste et des diverses formes d'oppression. Il vise à en finir avec le capitalisme et l'ordre bourgeois. Cette exigence peut paraître utopique, après les défaites et les désillusions subies au cours du siècle passé, la monstruosité totalitaire qu'a représenté le stalinisme, perversion du socialisme. Mais le capitalisme est toujours là et n'a pas résolu ses contradictions. Plus que jamais, la socialisation mondialisée de la production et des échanges, les progrès scientifiques et techniques se heurtent à l'anarchie des marchés, de l'appropriation privée des richesses, au parasitisme de la finance. Tout semble indiquer que le capitalisme n'est pas plus aujourd'hui que dans le passé capable de maîtriser un développement socialement juste et écologiquement soutenable. Quelles sont les forces sociales aptes à porter une alternative ? Comment favoriser leur convergence ?
La force sociale du prolétariat : faire tourner toute la société
Être prolétaire, c'est être contraint de vendre sa force de travail. Le prolétariat a progressé à un rythme dépassant tout ce qui avait été imaginé par les pionniers du marxisme. Bas niveau de salaire, conditions de travail, précarisation, chômage, c'est le lot commun de la grande majorité des salariés. En même temps, des processus profonds émiettent cette immense force sociale. Ecart entre les conditions de vie des couches supérieures et inférieures du prolétariat, effets du chômage de masse et de la précarisation de la condition salariale, qui accentuent au sein du prolétariat une concurrence voulue et organisée d'en haut. Mais il faut aussi prendre la mesure de l'expérience historique accumulée, des traditions de confrontation politique démocratique, de la montée générale du niveau d'éducation au cours du dernier demi-siècle dans toutes les catégories de la société et, d'une manière spectaculaire, dans les catégories les plus exploitées, ouvriers et employés. D'une part, le renouvellement et l'accentuation des contrastes au sein du prolétariat, et de l'autre le rapprochement des conditions de vie, d'éducation et de travail. D'un côté, les déchirures de la société dans un individualisme non solidaire, l'emprise accrue du règne de la marchandise, de l'autre la croissance numérique du prolétariat comme de son potentiel démocratique. La question centrale devient celle de la convergence des combats au sein du prolétariat lui-même, de son organisation, de sa capacité à prendre en main la direction de ses organisations, son propre destin et celui de toute la société.
Pluralité des dominations
La classe prolétarienne est constituée de groupes déterminés à des titres divers par leur genre sexuel, leur nationalité, les données régionales, les religions, les cultures... Le rapport d'exploitation n'épuise pas les oppressions à combattre, ni ne les résume. L'émancipation humaine est un combat multiforme à long terme. C'est ce qui rend indispensable l'autonomie de chaque mouvement social, mais aussi la recherche de leur solidarité contre les diverses oppressions. La solidarité, telle qu'elle se retrouve par exemple dans les forums altermondialistes, se renforce aussi en réponse à la pénétration de la logique du capital dans tous les pores de la société. Au-delà, chaque individu a une multiplicité d'appartenances, qui peuvent varier selon les moments de la vie et les choix proposés. Nous nous battons pour que chacune et chacun puisse vivre la vie qui lui paraît souhaitable, dans le respect du droit des autres à en faire autant. Nous cherchons à agir à la fois au plan collectif des inégalités sociales et sur celui des besoins d'émancipation de l'individu. Loin de s'opposer à l'émancipation collective, l'émancipation individuelle relève du même combat dans sa diversité.
La force émancipatrice de la jeunesse
La jeunesse a ses propres divisions internes. Mais elle est aussi, collectivement, la cible principale de l'offensive sécuritaire, raciste, sexiste, moraliste et religieuse. Massivement scolarisée dans l'enseignement secondaire et maintenant aussi dans l'enseignement supérieur, elle est aussi massivement précarisée, très souvent salariée pendant les études. Si bien que ses mobilisations sont de plus en plus nettement celles de « précaires en formation », se rapprochant de celles des salariés. C'est dans la jeunesse que l'on trouve le plus d'envies et d'espoirs d'inventer le monde nouveau et solidaire où chacune et chacun pourrait s'accomplir. Libre des échecs du passé, elle est la plus apte à inventer des pratiques sociales émancipatrices s'opposant à la marchandisation du monde.
Pour une alternative féministe
La moitié de l'humanité, les femmes, vit une situation d'oppression qui se combine, sous des formes diverses, à d'autres facteurs de discrimination : la classe sociale, la nationalité, l'origine culturelle, l'âge, etc. Les oppressions de genre et de classe notamment se renforcent l'une l'autre. Leur imbrication est telle qu'il est difficile d'envisager qu'on puisse s'attaquer à l'une sans s'attaquer à l'autre. Rien ne peut remplacer donc le combat féministe. Nous ne privilégions aucun modèle familial par rapport à un autre, à condition que soit respectée l'égalité entre les hommes et les femmes et que soient proscrits tous les rapports de violence entre adultes et enfants ou entre adultes. Nous sommes favorables à des mesures législatives qui instaurent l'égalité entre hétérosexuels et homosexuels. C'est pourquoi les couples homosexuels doivent pouvoir se marier et adopter un enfant, s'ils le désirent. Avec le désengagement de l'Etat, les inégalités se sont renforcées entre hommes et femmes et également entre femmes. Elles représentent 80 % des travailleurs pauvres en raison du temps partiel imposé ; à travail égal, elles sont toujours moins payées que les hommes et peu nombreuses dans les postes de responsabilités. Par ailleurs quelles que soient les évolutions de la législation, partout dans le monde, les femmes accomplissent un surtravail non rémunéré. En France, elles fournissent 80 % du travail domestique. Les femmes étrangères sont encore plus pénalisées du fait de codes de statut personnel qui s'appliquent en France dans le cadre d'accords bilatéraux, ou encore du fait des règles du regroupement familial qui les rendent dépendantes économiquement et juridiquement de leur conjoint. Partout dans le monde, les femmes subissent de terribles violences aussi bien dans leur famille que sur leur lieu de travail ou dans la rue. Ces violences existent dans tous les milieux sociaux, elle n'ont rien à voir avec un « coup de folie », et sont l'expression, non de désirs « irrépressibles », mais d'une volonté de contrôler la vie de l'autre : l'autre (la femme) n'étant pas assimilé à un être libre, libre de ses désirs, de ses mouvements. Le contexte international est propice à de nouveaux courants idéologiques foncièrement réactionnaires, comme les courants religieux intégristes ou fondamentalistes, qui veulent limiter l'activité des femmes à la procréation et à la sphère familiale, ou des courants néo-libéraux, pour qui tout s'achète et tout se vend. Lutter contre les tabous concernant la sexualité ne peut être assimilé à l'extension du domaine marchand à toutes les activités humaines. A l'inverse, se battre pour le respect de la dignité humaine et contre la prostitution n'implique en rien la nécessité de restaurer les tabous sur la sexualité et l'assignation prioritaire des femmes à la sphère familiale. Aucune transformation radicale de la société ne pourra voir le jour sans une lutte consciente pour affirmer le droit des femmes à disposer de leur corps - avortement, contraception - et pour remettre en cause les fondements mêmes de la domination masculine : la division sociale et sexuée des tâches entre femmes et hommes, dans toutes les sphères de la société, ou les normes qui façonnent nos relations interpersonnelles. Cela doit s'appuyer sur un mouvement autonome de femmes.
Pour le libre choix de son identité sexuelle
Au libre choix de l'orientation sexuelle, à la liberté de pratique et de relation, il faut ajouter le libre choix de son identité jusqu'au trans- sexualisme. Nous refusons la vision restrictive de la sexualité humaine défendue par la morale bourgeoise oppressive. Pour s'y opposer, doit être assurée aux lesbiennes, gay, bisexuel(le)s, transsexuel(le)s la possibilité d'accéder sans restriction au droit organisant la famille, l'état civil, la parentalité, l'héritage, que ce soit pour les couples établis ou les personnes seules. Doivent aussi leur être reconnus le droit à la protection par l'Etat, la garantie de protections légales contre les actes homophobes, contre les propos attentatoires à la dignité, et les diverses formes de discrimination et de stigmatisation, ainsi que le droit d'asile politique pour les personnes LGBT persécutées dans leurs pays d'origine.
Défense de la laïcité
Nous défendons la liberté de culte et d'expression religieuse, au plan privé comme au plan public, comme droit démocratique. Parallèlement, cela conduit au refus de toute ingérence ou influence des religions dans la sphère des institutions publiques et dans leurs choix politiques. La séparation des Églises et des États en est la condition indispensable, ce qui doit se traduire dans le cas de l'école par l'instauration d'un service public unique et laïc, au lieu que l'État finance sur fonds publics un système privé. Cela ne signifie aucunement que nous sacrifiions au mythe de la neutralité de l'État, et en particulier à celle de son école qui demeure l'enjeu permanent d'une lutte politique et idéologique entre forces antagonistes. La laïcité n'élimine pas cette lutte. Mais elle en éloigne l'influence directe des institutions et références religieuses, ce qui constitue un acquis démocratique fondamental. C'est ainsi qu'au niveau scolaire tout en protégeant la liberté de conscience des élèves doivent être garantis sur tout le territoire la laïcité des locaux et des personnels, celles des contenus du programme des études, comme doit être vérifiée l'obligation du suivi des enseignements correspondants.
Contre les dérives sécuritaires
Depuis des décennies, l'obsession sécuritaire gagne du terrain. Justice, police et système carcéral sont le symbole de l'État pénal qui prend le pas peu à peu sur ses fonctions sociales. C'est que l'objectif des réformes sécuritaires n'est pas là. Il se situe principalement à deux niveaux : 7 Contenir et contrôler une poche de chômeurs et de précaires, nécessaire au capitalisme pour faire baisser le coût du travail et déréglementer les droits acquis des salariés. C'est pourquoi la pénalisation de la contestation sociale gagne du terrain. 7 Détourner l'attention de la population de la véritable insécurité, sociale, et de ses causes, en construisant un discours sur « l'insécurité » et en alimentant les peurs qui vont se transformer en rejet de celles et ceux qui sont différents. A la montée des violences dans certains quartiers laissés à l'abandon, qui frappent les plus pauvres, et à celle de l'insécurité sociale, on prétend répondre par plus de répression, ce qui n'a jamais résolu les problèmes ou même conduit à améliorer la situation.
Combattre les dérives fascisantes
Le FN et les partis comparables ne sont pas des partis comme les autres, mais un danger mortel pour la démocratie, comme pour le mouvement ouvrier et populaire. La dégradation des conditions d'existence de la majorité de la population, la persistance du chômage de masse, les réponses populistes et sécuritaires des classes dominantes, la crise de la démocratie dominée et censurée par les intérêts de ces dernières, lui créent un terrain favorable. Contre cette menace, fidèles à notre tradition, nous sommes et nous serons en première ligne. Dans l'unité sans préalable ni condition de toutes les forces de gauche et démocratiques, sans céder un pouce au racisme, à la xénophobie, à la démagogie sécuritaire, à l'idéologie antiféministe et homophobe. En le réaffirmant avec force : face au danger fasciste, la seule barrière efficace, c'est une autre politique, antilibérale et anticapitaliste, l'intervention directe des classes populaires pour défendre leurs droits sociaux et démocratiques.
Pluralité et unité du combat anticapitaliste
Le capitalisme est plus qu'un rapport économique, il tend à modeler l'ensemble des rapports sociaux. Le rapport d'exploitation pénètre progressivement tous les aspects de la vie, imposant la marchandisation de toutes les activités humaines. Avec pour moteur la production sans fin du profit et la mise en valeur du capital, il englobe désormais la planète entière. En retour, son extension rend possible l'unification des luttes des exploité-es et des opprimé-e-s. Dans leurs luttes, les mouvements sociaux sont souvent confrontés à des lois conçues contre eux, puisqu'elles sont faites pour défendre la propriété privée. Ils doivent alors avancer sur deux plans : en n'hésitant pas à utiliser les lois qui résultent des rapports de forces favorables dans le passé, et en agissant pour l'amélioration de la législation. Ensuite, en choisissant les formes de lutte les mieux adaptées à leur objet, c'est-à-dire celles qui rendent les revendications légitimes et populaires, sans hésiter à sortir du cadre étriqué de la légalité pour obtenir satisfaction. Le but de la lutte révolutionnaire, c'est de permettre la prise du pouvoir par les travailleurs associés, et pour cela de développer une démocratie maximale. L'émancipation est donc l'affaire de celles et ceux qui luttent pour s'émanciper, ou elle n'est pas. Cela a des conséquences dès maintenant, sur notre manière d'aborder le combat politique, qui détermine le type de société que nous voulons bâtir. Quand on lutte pour une société de liberté collective et individuelle, pour le pouvoir auto-organisé des travailleuses et des travailleurs, l'indépendance des syndicats et des organisations du mouvement social est une question de principe. Indépendance vis-à-vis de l'État, mais aussi indépendance organisationnelle vis-à-vis des partis politiques, y compris de ceux qui luttent pour les mêmes objectifs d'émancipation.
Mouvements sociaux et perspectives révolutionnaires
La vague altermondialiste peut nourrir l'espoir que le mouvement social serait à même, par son seul développement, de rendre possible un changement de société en faisant l'économie d'affrontements qui mettraient en jeu le pouvoir d'État. Tout mouvement social est pourtant confronté à la question des dominations qui traversent la société et des rapports de pouvoir qui les organisent, en particulier au pouvoir d'État qui articule ces différentes relations. Pour cette raison, le développement cumulatif d'une multitude de mouvements, même collaborant les uns avec les autres, ne suffirait pas à briser ou à « dissoudre » petit à petit les mécanismes oppresseurs du capitalisme. Ces derniers sont aptes à gérer ces mises en cause, par l'absorption et la dénaturation du potentiel de contestation, par l'isolement, ou par la répression, tant que les organes vitaux de la machinerie étatique n'ont pas été paralysés. Non, prendre le pouvoir « en haut » ne suffit pas ; oui, le pouvoir démocratique doit se diffuser et combiner le « haut » et le « bas ». Mais on ne peut pas esquiver la question en se contentant d'assiéger le pouvoir central. L'affrontement est inévitable, il faut s'y préparer.
Contre le despostisme du marché, décider et contrôler !
Les conquêtes sociales imposées par le mouvement ouvrier et populaire après la deuxième guerre mondiale assuraient une plus grande sécurité de l'existence. Elles sont devenues insupportables au capitalisme contemporain. Par tous les moyens, il tente de restreindre le salaire à la rétribution du temps de travail effectif, en se débarrassant des « faux frais » que représentent pour lui le financement des retraites, des maternités, du chômage, de l'éducation, de la culture ou des soins de santé, qui ne seraient plus alors considérés comme une partie directement socialisée du salaire, mais pris en charge par la fiscalité et le budget de l'Etat. Le patronat instaure une insécurité sociale généralisée, avec la menace permanente de la chute dans la précarité, jusqu'au bas de l'échelle, où croupiraient les salarié-e-s pauvres et précaires réduits à l'aide publique. Les effets de ces politiques menées depuis un quart de siècle atteignent de plus en plus de gens dans leurs droits fondamentaux à se loger, communiquer, se chauffer, s'éduquer, se cultiver, se soigner. Quand une société se révèle incapable de garantir le droit imprescriptible à l'existence, à quelle valeur morale peut-elle donc prétendre ? Alors qu'il est question d'éviter à la création culturelle la marchandisation et la concurrence globalisées par « une exception culturelle », il faudrait décréter l'exception sociale généralisée, garantissant le « droit à l'existence * ». Et cela sans craindre de prendre sur les profits. Cela comporte le droit à un emploi stable et la fin de toutes les précarités, la fin de la pauvreté, l'augmentation des salaires. Plus généralement, il faut aller vers l'éradication du chômage par l'interdiction de tous les licenciements et la réduction massive et constante du temps de travail.
* Ce que propose la LCR pour aller dans ce sens, résumé dans les lignes qui suivent, est développé de manière plus complète dans son Plan d'urgence : « Ce qu'il faut changer tout de suite pour qu'enfin nos vies valent plus que leurs profits ».
Les 35 heures ne sont pas une butée, mais une étape vers la semaine de 30 heures sans flexibilisation et avec création massive d'emplois, sous le contrôle des salarié-e-s. Le droit à la santé gratuite, à l'éducation et au logement pour tous, le droit à une retraite dans des conditions décentes doivent être garantis, comme doivent être défendus et étendus les services publics, avec en particulier la constitution d'un service public de l'eau. Le capitalisme est incapable, par nature, de reconnaître la primauté du droit à l'existence sur le droit de propriété. Nous voulons au contraire étendre les domaines disponibles gratuitement et garantir le principe de libre accès pour la satisfaction des besoins de base. Pour y parvenir, il s'agit, d'une part, de rattraper, récupérer, ce qui a été concédé au capital depuis le tournant libéral des années 1980, c'est-à-dire un partage au profit quasi exclusif du capital. Il faut donc une réforme fiscale radicale, combinée à l'augmentation du salaire sous ses deux formes (direct et socialisé), par la création d'emplois, la garantie d'aucun revenu inférieur au SMIC, l'attribution aux jeunes d'une allocation d'études. Il s'agit aussi de s'assurer la maîtrise des richesses, biens et services produits par le travail, et de répartir les gains de productivité afin qu'ils permettent une meilleure qualité de vie. Ces richesses issues du travail salarié et des productions agricoles doivent être mises au service du bien commun. Cette planification des ressources nouvelles exige également de nouveaux droits de contrôle de l'activité des entreprises (privées et publiques) pour les citoyens, travailleurs et usagers. L'appropriation sociale doit l'emporter sur l'appropriation privée. La mise en oeuvre d'une telle politique suppose une rupture, la mise en place d'un gouvernement des travailleurs porté par les mobilisations et les luttes.
Une rupture sociale et démocratique : pour un gouvernement des travailleurs
La privatisation du monde se traduit par une remise en cause des droits démocratiques et par une soumission de la politique de l'Etat et des grands partis institutionnels à l'impératif de la rentabilité financière maximum présentée comme une des lois économiques fatales. La réponse à cette régression, c'est l'intervention démocratique de la population sur le terrain politique et social, à la mesure de ce que permettent les moyens d'information et de communication, le niveau culturel des citoyens, et l'aspiration au contrôle de tous les aspects de sa vie. Il faut donc d'abord défendre pied à pied les droits acquis, même imparfaits et limités, mais aussi étendre le domaine de la démocratie à de nouveaux droits, aux moyens d'existence fondamentaux, à la santé, à l'éducation, aux biens communs de l'humanité. Sur cette voie, l'affrontement avec le pouvoir absolu de la propriété privée est inévitable. La crise de la démocratie est aussi liée à l'épuisement des formes de représentation institutionnelles. L'évolution des connaissances, des coopérations, le développement de la socialisation créent des potentialités et des exigences démocratiques nouvelles, notamment dans la jeunesse, dans les luttes et dans les mouvements sociaux. La diffusion universelle du savoir et l'interpénétration croissante de tous les aspects de la vie créent donc aussi une aspiration à la maîtrise démocratique du bien commun. Les nécessaires batailles contre les aspects antidémocratiques des institutions politiques actuelles, pour l'introduction de la proportionnelle ou la responsabilité des exécutifs devant les assemblées élues par exemple, s'inscrivent dans la perspective d'une société gérée à tous les niveaux par les travailleurs et les citoyens. Jeter des bases vers une telle société serait la tâche d'un gouvernement réellement au service des travailleurs. A la coalition répétée de partis de gauche avec les intérêts de la bourgeoisie, nous opposons la coalition politique de tous les partis et organisations décidés à s'attaquer réellement au pouvoir capitaliste, à former un gouvernement au service des travailleurs, aussi fidèle à leurs intérêts que les gouvernements dans le cadre capitaliste le sont aux intérêts des dominants. La LCR prendra ses responsabilités dans un tel gouvernement. L'application d'un tel programme implique la confrontation avec les classes dominantes, et exigera une formidable mobilisation populaire, seule capable de faire émerger de nouvelles formes de pouvoir qui donneront à un gouvernement anticapitaliste les moyens de sa politique.
Abattre la Ve République, pour des institutions populaires et démocratiques
Sur cette voie, il est nécessaire immédiatement d'en finir avec le régime issu du coup d'Etat de 1958, qui a vu sa logique présidentialiste renforcée par l'instauration du quinquennat et l'ordre du calendrier électoral. La personnalisation du pouvoir pervertit les institutions à tous les niveaux, favorise la formation de clientèles au détriment d'engagements programmatiques, se traduit par une montée de l'abstention électorale et la transformation des élections en plébiscite. Il faut abroger la Constitution de la Ve République et mettre en place une Assemblée unique constituante, élue à la proportionnelle intégrale, qui désigne un exécutif responsable devant elle. Pour renforcer le contrôle citoyen, les élus et l'assemblée doivent pouvoir être révoqués, même avant la fin du mandat prévu, s'il apparaît que les décisions prises contredisent les programmes sur lesquels ils ont été choisis et s'opposent aux souhaits populaires. Par exemple, en organisant une nouvelle élection si un nombre déterminé d'électeurs le demande. Le salaire d'un député ne doit pas dépasser le salaire moyen. Il faut remplacer la pratique référendaire contrôlée d'en haut par le droit à des référendums d'initiative populaire, sur proposition des citoyens eux-mêmes. Enfin, il faut interdire le cumul des mandats et supprimer le Sénat, institution taillée sur mesure pour les notables réactionnaires, qui donne une représentation déformée et conservatrice du pays. Une révolution démocratique signifie la conquête par les travailleurs et les classes populaires des moyens de contrôler la marche de l'Etat, d'y participer pour décider.
Décentralisation démocratique contre décentralisation libérale
Notre perspective démocratique reconnaît les aspirations et les droits à l'autodétermination, exprimés entre autres dans les dernières colonies d'outre-mer et en Corse. La défense de l'égalité entre tous les citoyens, d'un service public national d'éducation ou de l'audiovisuel n'est en rien contradictoire avec la prise en compte des cultures et des langues minoritaires. Contrôler et décider suppose la plus grande décentralisation possible du pouvoir. Mais si elle ne veut pas être l'instrument d'une privatisation rampante des services et d'un développement régional inégalitaire, une véritable décentralisation démocratique suppose au moins deux conditions. D'abord, une réforme fiscale radicale qui mette à la disposition des pouvoirs publics des moyens d'agir. Ensuite, l'existence de services publics étendus et soustraits à la loi du marché : éducation, formation professionnelle, santé, logement, transport, eau, énergie...
Une égalité citoyenne respectueuse des différences
La nationalité française doit être automatiquement attribuée à tous les enfants nés sur le territoire et, s'ils le souhaitent, à toutes celles et tous ceux qui vivent en France depuis au moins 3 ans. Il faut défendre ce droit du sol contre le retour du droit du sang, c'est-à-dire la définition ethnique de la nationalité, laquelle peut très vite devenir raciste ou raciale. Toutefois, une conception démocratique de la société implique de déconnecter les droits citoyens des origines nationales, de façon à fonder une citoyenneté comme droit lié à la résidence. Tout individu résidant dans le pays doit pouvoir accéder à la citoyenneté, et en particulier au droit de vote à toutes les élections (locales, nationales, européennes), tout en gardant, s'il le désire, la nationalité de son pays d'origine. L'affirmation de l'égalité citoyenne comme droit universel n'est pas synonyme de l'oubli des différences entre les individus et les cultures. Au contraire, elle doit, si nécessaire, être liée à une politique de soutien à des cultures minoritaires, y compris celles de populations issues d'autres continents. Mais il ne peut exister de communauté démocratique sans respect d'acquis universels des luttes humaines : égalité des individus, refus du racisme et de l'antisémitisme, refus des discriminations fondées sur le sexe, les croyances, les nationalités, l'orientation sexuelle...
Pour une Europe démocratique des travailleurs et des peuples
Un gouvernement au service des travailleurs ouvrirait la perspective d'une alternative européenne démocratique et sociale en réponse à la crise de l'Europe capitaliste d'aujourd'hui. Cette alternative exige l'harmonisation par le haut des droits démocratiques et sociaux, seul moyen d'éviter la concurrence débridée de tous contre tous et les dumpings sociaux et fiscaux. Tout autre fondement aboutit à consolider une forteresse impériale des riches contre les pauvres, à l'image de l'espace Schengen. Une Europe démocratique établira un principe de citoyenneté fondé sur le seul critère de résidence et le droit du sol. Elle reconnaîtra à tous les résidents l'égalité de tous les droits civiques et sociaux, à commencer par le droit de vote et d'éligibilité. Elle assurera l'égalité des sexes et la généralisation du droit à l'avortement libre et gratuit. Elle sera laïque, respectueuse de la liberté de culte, dans la stricte séparation de l'espace public et des communautés confessionnelles. Une Europe écologiste refusera toute privatisation du vivant, soutiendra un moratoire sur les OGM, engagera l'arrêt immédiat du nucléaire militaire et la reconversion programmée du nucléaire civil. Elle s'opposera à la confiscation privée des ressources naturelles et des savoirs par le brevetage du vivant et la privatisation des savoirs. Une Europe solidaire se prononcera pour l'abolition de la dette des pays pauvres, et rompra avec la course aux armements et l'escalade des budgets militaires. Cette Europe respectera le droit à l'autodétermination, et la subsidiarité démocratique, ne déléguant à l'échelon supérieur une décision que si elle est plus efficacement prise à ce niveau. L'intérêt commun ne peut être incarné par des institutions non élues, par des exécutifs non mandatés et par des experts non contrôlés. Cette Europe formera une libre association de peuples et de nations, engagée par une Assemblée constituante, vers les Etats-Unis socialistes d'Europe.
Pour une alternative écosocialiste
La crise écologique modifie à la fois les conditions et le but de la lutte pour l'émancipation. Sa dimension en fait un des problèmes majeurs pour l'humanité. Aucune émancipation n'est envisageable si la destruction de la planète franchit un certain seuil. Mais un combat écologique qui ignorerait la division de la société en classes opposées courrait à l'échec. Le socialisme ne pourra pas miser sur le joker de l'abondance illimitée pour résoudre toutes les contradictions, sans définir quels biens sont nécessaires, ceux qui n'existent que pour les profits, ceux qui doivent être pris en charge collectivement... Il revient au mouvement socialiste d'ouvrir la perspective d'un monde où les besoins de chacun, qui ne se réduisent pas aux seuls besoins vitaux, soient satisfaits sans que la planète vive au-dessus de ses moyens. Cela passe par une mutation radicale des « besoins » tels que la société de consommation marchande les a développés. La « croissance » sans adjectif, qu'on nous propose pour modèle, est une croissance capitaliste. Au coeur de sa logique expansive, il y a l'extension de la sphère marchande. La « décroissance » sans adjectif laisse de côté l'indispensable développement des pays et secteurs les plus pauvres. Au discours abstrait sur la « croissance nécessaire » ou « la décroissance » absolue, nous opposons une critique radicale du mode de production et de consommation, la redistribution des richesses, le développement de certains secteurs et la « décroissance » d'autres, énergétivores, inutiles, polluants et dangereux. Nous refusons la politique dite de croissance qui n'est que la croissance des profits et de l'exploitation pour mettre l'économie, la production et la distribution des richesses, au service de la satisfaction des besoins humains. Ecologie et anticapitalisme sont des combats qui se combinent et se conjuguent au présent, c'est pourquoi nous sommes pleinement partie prenante des luttes écologiques. Avec une grande partie du mouvement altermondialiste, la gauche radicale a un rôle décisif à jouer pour irriguer le mouvement ouvrier des questions écologiques et pour irriguer le mouvement écologique des questions sociales.
Contre le militarisme et les guerres impériales
La lutte contre la guerre, contre les budgets d'armement, contre les armes de destruction massive (qu'on n'a pas trouvées en Irak mais qui existent bel et bien aux Etats-Unis, en France, en Grande-Bretagne, en Israël ou au Pakistan) constitue une dimension centrale et durable des mobilisations altermondialistes. L'impérialisme français est en bonne place dans les aventures militaires, en particulier en Afrique où la « Françafrique » et ses réseaux néo-coloniaux continuent à soutenir des dictatures et à mettre les populations en coupe réglée. Aujourd'hui, la seule grande force capable de bloquer la machine de guerre impériale, c'est l'opinion publique et le mouvement anti-guerre, en particulier aux Etats-Unis. Le 11 septembre a donné à l'administration Bush l'illusion d'une adhésion massive et inconditionnelle des opinions publiques occidentales à ses objectifs expansionnistes déguisés en « guerre contre le terrorisme ». L'illusion fut de courte durée. L'embourbement en Irak est le plus important auquel les USA se trouvent confrontés depuis 1973 en Indochine. C'est ce qui donne la possibilité de construire un mouvement anti-guerre de longue haleine. Même si elle n'a pu empêcher l'invasion de l'Irak, la journée de mobilisation mondiale contre la guerre organisée le 15 février 2003, à l'appel du Forum social mondial, constitue une grande première, porteuse d'espérance.
Pour un co-développement internationaliste
La mondialisation libérale soumise à la loi impitoyable des marchés financiers n'est pas la nôtre. Pour rendre la planète vivable, il faut inverser les priorités, par une nouvelle logique de développement orientée vers la satisfaction des besoins et non par une priorité absolue aux exportations au seul bénéfice des classes possédantes locales. Il faut annuler la dette des pays dominés et garantir leur autosuffisance alimentaire. Il faut rompre avec l'ordre mondial capitaliste. Les expériences exactement inverses de Lula au Brésil et de Chavez au Venezuela montrent que l'on ne peut concilier les exigences du FMI et une véritable rupture avec le néo-libéralisme. Nous sommes prêts à lutter pour de telles transformations avec toutes celles et tous ceux qui se réclament de la démocratie. Mais nous affirmons que pour parachever ses objectifs, une révolution démocratique doit modifier profondément la structure du pouvoir politique et économique. Faire assurer le contrôle, puis la direction de l'ensemble de la production par la société elle-même, cela suppose que se développe un vaste processus dans lequel l'auto-émancipation et l'auto-organisation seront les axes d'une démocratie réelle. Du point de vue institutionnel, cette démocratie se débarrasserait de la vieille machinerie d'État. Elle s'organiserait autour de nouvelles assemblées nationales, régionales et locales, élues au suffrage universel et à la proportionnelle, autour de conseils élus dans les quartiers et les entreprises.
Oui, le socialisme !
La crise que connaît aujourd'hui le monde n'est pas une crise passagère, un simple épisode dans les fluctuations boursières et les indices de croissance. C'est une crise durable, sociale, écologique, démocratique. Une crise de civilisation. Elle exige une réponse à la mesure des dangers qui menacent l'humanité et la planète.
Produire pour satisfaire les besoins humains, pas pour la croissance des profits
Aujourd'hui les « marchés » dictent leur volonté et décident en fonction des critères exclusifs du profit et de la rentabilité financière. Une autre logique doit l'emporter, celle des solidarités contre l'égoïsme, celle des services publics et des biens communs contre la confiscation des richesses, celle de l'appropriation sociale et des besoins sociaux contre le pouvoir arbitraire de la propriété privée, celle de l'épanouissement individuel et des solidarités contre le repli individualiste et la loi de la jungle. Etre révolutionnaire, c'est engager la lutte pour que cette autre logique l'emporte. C'est combattre pour la dignité d'une humanité dont les libertés durement acquises sont sacrifiées à des lois de l'économie, prétendues naturelles et fatales, comme si cette économie et ces marchés étaient des puissances automates qui nous dominent et non le résultat de choix politiques et sociaux. Etre révolutionnaire, c'est vouloir changer avant qu'il ne nous écrase un monde qui vire au cauchemar. Il faut pour cela remettre les choses à l'endroit et mettre au poste de commande le choix collectif, c'est-à-dire la délibération publique démocratique. C'est le premier pas d'une alternative radicale. La logique capitaliste prétend imposer la privatisation généralisée du monde, non seulement celle des entreprises et des services, mais aussi celle de l'information, du droit, de la monnaie, de la guerre, de l'espace, du vivant lui-même. L'alternative, c'est un projet de société où la production, la distribution et l'usage des richesses seront subordonnés aux besoins sociaux, aux choix démocratiques et aux droits humains, individuels et collectifs, respectueux de l'environnement ; une société qui mette fin aux rapports d'oppression et d'exploitation, au bureaucratisme, et où les conquêtes sociales du passé seront redéployées sur des bases nouvelles. Une société socialiste. Loin d'opposer ce but nécessaire à la lutte pour des réformes immédiates, nous savons au contraire que c'est en luttant qu'on mesure les limites imposées par le système, qu'on découvre la force d'une résistance organisée, que l'on prend confiance en ses propres capacités, et conscience de la nécessité d'être plus nombreux et plus forts pour aller plus loin. C'est au fil de ces luttes que les classes travailleuses, dans leurs différents domaines de production - matérielle ou immatérielle -, dans les différentes sphères de la vie sociale (logement, santé, éducation, culture), font l'expérience de réponses efficaces aux défis du capital : contrôle sur la production, organisation des salarié-e-s, extension de pratiques démocratiques qui ne s'arrêtent pas à la porte des entreprises, approfondissement des libertés collectives et individuelles « L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes », cette phrase de Marx et Engels, dans leur Manifeste, reste notre boussole.
Seul un gouvernement au service des travailleurs peut garantir de telles réformes radicales en contestant le droit des gros actionnaires à diriger la société, en contestant les droits du capital.
Avant de parvenir à la remise en cause généralisée de la domination du capital et de sa logique de profit, se pose en effet la question du contrôle public sur la machinerie capitaliste. Le contrôle sur la circulation des capitaux en particulier. Ce contrôle public implique une transparence totale de tous les comptes bancaires, industriels et commerciaux, sans quoi les paradis fiscaux ne pourront être supprimés. À l'autre bout de la chaîne, dans les entreprises, des comités élus dans les lieux de travail coordonneraient les initiatives, impulseraient les échanges d'informations, prendraient en main la gestion de l'entreprise, de l'embauche jusqu'à la planification démocratique de l'ensemble de la production. Car on ne peut changer la société sans changer fondamentalement les rapports de pouvoir et les modes de gouvernement. L'essentiel de ces rapports de pouvoir s'ancre dans la domination des rapports marchands et les droits de propriété garantis par l'appareil bureaucratique d'Etat. C'est ce qu'il faut renverser. Une révolution sociale implique donc nécessairement un changement des rapports de propriété, social et institutionnel, qui rejaillit sur tous les aspects de la vie en société. Chaque crise révolutionnaire est certes singulière, mais on y trouve des constantes. Quand « ceux d'en haut » ne peuvent plus continuer à régner comme avant et que « ceux d'en bas » ne le supportent plus, peut émerger une double légitimité débouchant sur une situation de double pouvoir. La question est alors posée. : « Qui décide ici ? », « Qui l'emportera ? » Entre deux légitimités, deux pouvoirs, deux représentations du droit, entre des intérêts sociaux antagoniques, la coexistence ne peut s'éterniser. C'est la force qui tranche. S'ouvre alors la possibilité de bâtir une nouvelle société, socialiste et démocratique.
Pas de démocratie véritable sans démocratie économique et sociale
Les citoyens et les travailleurs sont capables de juger ce qui relève de leur propre bien-être. Ils connaissent mieux que quiconque leurs propres besoins, l'organisation du travail, les moyens de production. Leur droit de décider est un principe de base de l'autogestion socialiste. Les choix des filières énergétiques, des moyens de transport, des formes d'habitat, des équipements collectifs, des dépenses d'éducation ou de santé engagent l'avenir de l'humanité sur le très long terme. Ils ne sauraient être abandonnés à la loterie des décisions privées de détenteurs de capitaux, ni au bon plaisir de bureaucrates et de technocrates.
Appropriation sociale et planification autogestionnaire
L'appropriation publique des grands moyens de production, d'échanges, de financement et de communication, fondement de la société socialiste, peut prendre des formes différentes. Mais, dans son principe, elle ne signifie pas que ces biens appartiennent aux seuls pouvoirs publics - ni d'ailleurs au seul collectif de l'entreprise concernée. Ils sont la propriété du « peuple souverain ». C'est à lui de déterminer les diverses formes de cette propriété publique, ses modes d'organisation et de gestion. Ce sont les travailleurs et les citoyens qui gèrent l'économie, au niveau des entreprises et à l'échelle du pays, au travers de leurs conseils et assemblées élus. Parce que l'appropriation publique ce n'est pas l'étatisation bureaucratique et centraliste. Une planification autogestionnaire doit tendre à réduire les décisions centrales aux grandes priorités, à distribuer autant que possible les compétences au niveau local et sur les lieux de travail, à favoriser l'épanouissement de rapports contractuels dans le cadre des options générales librement décidées. L'appropriation sociale et la planification autogestionnaire s'appuient donc sur une redistribution des pouvoirs permettant une remise en cause radicale des fonctions bureaucratiques de l'État dans la perspective de son dépérissement en tant qu'appareil bureaucratique répressif.
Émanciper le travail et s'émanciper du travail
Le socialisme autogestionnaire vise à émanciper le travail et à s'émanciper du travail. Le droit à l'emploi doit être un droit reconnu par la société à tous ses membres. Cela implique également une transformation du travail par l'égalité homme/femme, le dépérissement de son organisation hiérarchique, le décloisonnement de la division rigide du travail grâce à une qualification supérieure, polyvalente et évolutive. S'émanciper du travail passe par une réduction massive du temps de travail contraint et le développement croissant de l'activité sociale libre et volontaire. Cela implique une autre conception de la vie, respectant des choix privés mais favorisant une socialisation et un partage des tâches domestiques. C'est une des conditions nécessaires à la participation de toutes et tous à la vie démocratique. Émanciper le travail et s'émanciper du travail, c'est refuser une croissance purement quantitative de la production, une accumulation irrationnelle de biens de consommation et la logique productiviste.
Pour une démocratie socialiste autogestionnaire
Les libertés politiques et l'égalité des droits constituent un progrès historique. Le pluripartisme et la libre confrontation des programmes sont nécessaires pour résoudre les contradictions sociales et les conflits d'intérêts qui n'ont pas disparu. Le pluripartisme politique et la distinction entre partis, syndicats et État exigent une codification institutionnelle des conditions de fonctionnement, d'expression et de participation à l'exercice du pouvoir, une Constitution. À la lumière de l'expérience historique, l'indépendance des syndicats et des mouvements sociaux envers l'État et les partis, la liberté de la presse, la liberté en art, l'autonomie de la justice, la garantie du pluripartisme, le droit à l'autodétermination des nationalités constituent autant de principes fondamentaux. Il en va de même de la protection des droits individuels vis-à-vis des pouvoirs publics et des différentes institutions.
Un système d'assemblées élues
L'égalité des droits et le suffrage universel sont des éléments clés de toute démocratie. Toutefois, une démocratie socialiste autogestionnaire devra multiplier les formes d'organisation en vue de gérer démocratiquement l'ensemble des aspects de la vie sociale et économique. Il serait vain de vouloir décrire d'avance en détail les multiples formes d'organisation qui peuvent naître de la lutte et de l'expérience. Personne n'avait imaginé la Commune de Paris avant qu'elle naisse de l'action collective. Dans ses fondements, cette démocratie vise à représenter réellement les citoyens et les producteurs, selon le principe « un homme/une femme égale une voix », à travers un système d'assemblées élues à la proportionnelle, au niveau central comme local, et sur les lieux de travail. Une démocratie socialiste autogestionnaire devra aussi lutter contre « les dangers professionnels » du pouvoir en développant des formes de responsabilité et de révocabilité des élus par leurs mandants, en interdisant le cumul des mandats électifs, en limitant leur renouvellement et en plafonnant le salaire des élus au niveau d'un salarié qualifié. Elle devra promouvoir une réelle égalité politique entre individus, en particulier entre hommes et femmes. Elle devra développer les formes de contrôle des mouvements populaires sur les assemblées, à travers des comités de quartier, des assemblées de citoyens, et le recours possible aux référendums d'initiative populaire.
La socialisation du pouvoir contre l'étatisation de la société
La démocratie socialiste autogestionnaire met donc l'accent non sur l'étatisation de la société, mais sur la socialisation du pouvoir. Elle articule aux assemblées représentatives une démocratie sociale et économique. Elle ne peut être décrétée par en haut mais relève d'un processus historique qui dépend notamment d'une transformation radicale de la division sociale du travail. La réduction du temps de travail, l'existence de réseaux modernes de communication directe peuvent favoriser l'intervention permanente des intéressés, permettre de réduire les délégations de pouvoir et l'autonomie de l'État.
Pour une nouvelle force anticapitaliste...
S'organiser, se regrouper pour défendre nos intérêts et changer le monde !
L'appétit du capital en quête de nouvelles sources de profit laisse peu d'espace aux compromis sociaux. Dans ces conditions, le réformisme dont se réclame la gauche traditionnelle n'est bientôt plus pour ainsi dire qu'un couteau sans lame qui n'aurait pas de manche, une variante tempérée des politiques libérales. Pour la première fois depuis longtemps, les perspectives des jeunes en Europe sont plus sombres que pour leurs aînés. L'alternative énoncée par les pionniers de l'émancipation - socialisme ou barbarie - est plus actuelle que jamais.
L'unité dans les luttes
Les militants révolutionnaires n'ont pas d'intérêts propres qui s'opposeraient à des accords pour la lutte. ils luttent toujours pour constituer un front unitaire des partis et organisations qui se réclament des intérêts populaires contre ceux du patronat et de la bour- geoisie. Le clivage fondamental entre les classes privilégiées et les classes populaires s'est longtemps exprimé de façon déformée sur le plan parlementaire dans le clivage entre la droite et la gauche. Même si cela est de moins en moins vrai aujourd'hui, c'est la raison pour laquelle nous ne confondons pas la gauche et la droite. Nous militons toujours pour l'unité du monde du travail et des organisations de gauche chaque fois qu'il est possible d'agir ensemble pour la défense des droits démocratiques et sociaux.
L'évolution social-libérale
Mais la social-démocratie européenne s'est désormais moulée dans le cadre libéral. C'est « le social-libéralisme », dont le contenu est le libéralisme et l'écume le social. La coupure avec les bases sociales traditionnelles de la social-démocratie qu'entraînent ces politiques ont conduit certains partis socialistes à des ruptures (comme en Allemagne) ou à des tensions sérieuses (comme en France). Au sein de la social-démocratie et de certains secteurs de gauche qui lui sont alliés, existe ainsi la volonté de résister aux dérives social-libérales, mais, la plupart du temps, accompagnée de l'illusion que la réponse à une telle évolution réside dans le retour aux années 50 et 60. Mais ce rêve oublie les rapports de forces qui ont obligé les classes dominantes de l'époque à ces compromis. Pour récupérer des droits ou des acquis sociaux liquidés depuis le début des années 80, il faudra infliger des reculs considérables aux classes dominantes, inverser les politiques suivies depuis vingt ans par la gauche traditionnelle quand elle s'est retrouvée au gouvernement et accepter la pers-pective d'une épreuve de force avec le capitalisme.
Le PC : concilier l'inconciliable
Les partis communistes issus de la vague révolutionnaire d'octobre 1917 avant d'être soumis à l'influence stalinienne sont entrés dans une crise généralisée suite à l'effondrement de l'URSS. Tout leur système de références a éclaté, dans un contexte d'érosion régulière de leurs bases sociales et électorales. D'une manière spécifique à chaque pays, ils apparaissent écartelés entre les intérêts de leurs appareils satellisés par le social-libéralisme et les exigences de rupture radicale avec le système venant de nombre de leurs militants et sympathisants. La politique de la direction du Parti communiste français paraît vouloir concilier l'inconciliable : une alliance de soumission avec un PS dominé par le social-libéralisme et une alliance des forces antilibérales et anticapitalistes. Une telle politique est impossible et ne peut conduire qu'à l'échec.
Pour une nouvelle force anticapitaliste. Défendre les intérêts des travailleurs et des classes populaires
Il y a désormais deux gauches au sein de la gauche, porteuses de deux orientations, deux logiques opposées et contradictoires. L'une, acquise à l'idéologie et la pratique social-libérale, a abandonné définitivement tout idée de changement de société. L'autre partie de la gauche rejette les limites et contraintes du système et se situe dans une perspective de changement réel et radical, anticapitaliste. Hétérogène, le mouvement antilibéral est à la croisée des chemins, car avancer réellement vers ces buts suppose de s'en prendre au pouvoir et à la propriété capitalistes. Dispersés, les partisans de l'anticapitalisme sont affaiblis. Le monde du travail a besoin d'un nouveau parti représentant ses intérêts politiques en rupture avec le système capitaliste et susceptible d'ouvrir des perspectives politiques aux luttes de classes. Nous travaillons à l'émergence d'un tel parti et au regroupement de tous les anticapitalistes, en suscitant les initiatives et de l'engagement des travailleurs et des jeunes. Pour tous les opprimés, s'organiser est indispensable pour pouvoir agir. S'organiser bien sûr sur le lieu de travail ou son quartier, dans un syndicat ou une association, mais aussi s'organiser pour agir au niveau politique, exercer ses droits de citoyen pour faire valoir ses droits de travailleur. Toute l'activité des militants de la LCR, par leur présence dans les campagnes électorales mais surtout par leur action quotidienne dans les entreprises et les quartiers, dans les lycées ou les universités, vise à faire vivre la démocratie, c'est-à-dire à l'organisation des exploités et des opprimés pour défendre leurs droits. Aider à l'émergence d'une force anticapitaliste, d'un parti des travailleurs, agir pour construire l'unité nécessaire aux mobilisations, c'est aussi le combat pour l'émancipation des travailleurs par eux-mêmes.
Urgence !
Il y a urgence. Les exploité-e-s et les opprimé-e-s ont un besoin pressant de cette force anticapitaliste. Il y a un besoin urgent d'une gauche qui ne courbe pas l'échine au premier vent, d'une gauche de combat, déterminée à riposter aux attaques d'une droite arrogante et d'un patronat qui, à l'échelle nationale, européenne ou internationale, poussent sans cesse l'avantage. Une vraie gauche, à la hauteur des défis à relever : capable d'imaginer une société nouvelle et de lutter pour la construire. Une gauche enfin qui assume avec fierté d'être elle-même, 100 % à gauche. En quelques années, les résistances aux contre-réformes libérales et les mouvements altermondialistes ont jeté les bases d'un nouvel internationalisme. Nul ne peut prédire ce qui s'annonce et s'invente dans ce bouillonnement. Un nouveau monde ? Une nouvelle façon commune - communiste - de l'habiter sans le détruire et sans compromettre l'existence même de l'espèce humaine ? Après les désillusions du XXe siècle, après l'effondrement des caricatures de socialisme qu'ont été les dictatures staliniennes, nous devons remettre l'avenir sur le métier. Des expériences négatives d'hier, nous avons des leçons à tirer. Mais, ayant appris ce qu'il ne faut pas faire, nous avons aussi gagné le droit d'inventer l'avenir que nous voulons et de commencer à le construire.