Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Un an presque jour pour jour après votre congrès de Nîmes, je suis très heureux d'être à nouveau parmi vous, pour faire le point sur ce que nous avons fait ensemble au cours de l'année 2000, heureux également de répondre aux préoccupations dont vous venez de vous faire l'écho, Monsieur le Président, et de tracer les perspectives de notre travail commun pour l'année qui vient.
Je vous ai écouté avec attention car le secteur des fruits et légumes revêt à mes yeux une très grande importance. Sa diversité, la qualité de ses productions, son lien avec le terroir, son impact en terme d'emploi, son souci du respect de l'environnement, son combat au quotidien contre des productions qui viennent parfois de l'autre bout de la planète, sont autant d'éléments qui plaident pour que le gouvernement accorde à ce secteur une attention toute particulière. Votre filière répond ainsi parfaitement à ma vision personnelle d'une agriculture performante mais soucieuse de l'environnement et des hommes, tournée vers la qualité et la satisfaction des consommateurs, mais aussi ouverte sur l'outremer et le grand large, bref une filière moderne, une filière d'avenir.
Je me réjouis donc que, depuis deux ans, nous ayons pu, par un dialogue constructif et approfondi, trouver ensemble les voies d'une politique adaptée à votre filière et dégager les moyens nécessaires à sa mise en uvre. De ce point de vue, 2000 fut l'année des engagements tenus.
Sur l'organisation économique tout d'abord.
Nous partageons la conviction que l'organisation et l'adaptation de l'offre constituent les conditions sine qua non du dynamisme de la filière arboricole, dans un contexte économique marqué par la concentration de la demande et le poids considérable de la concurrence extérieure.
Cette priorité, la loi d'orientation agricole de juillet 1999 l'exprime en autorisant les Pouvoirs publics à moduler les concours nationaux qu'ils octroient à la filière en fonction du niveau d'organisation économique.
- Au plan communautaire, nous avons regretté ensemble que les principes novateurs de la réforme de 1996, ne puissent être pleinement traduits dans les faits en raison de la complexité et de l'insuffisante attractivité des programmes opérationnels des organisations de producteurs qui se traduisent par un faible taux d'adhésion aux organisations de producteurs.
C'est ce qui m'a amené à faire de la révision de l'OCM fruits et légumes la priorité de la Présidence française de l'Union européenne en matière de marché.
Le pari était risqué dans le contexte budgétaire que nous connaissons au plan européen mais grâce aux efforts de tous, nous avons pu engranger un succès. En effet, le montant des programmes opérationnels n'est plus soumis à un double plafond : le montant de la contrepartie européenne dépend désormais uniquement d'un plafond fixé à 4,1%, ce qui est plus sûr pour l'investisseur, plus simple et plus incitatif puisque vous pourrez ainsi bénéficier de près de 200 MF supplémentaires. Par les temps qui courent, c'est considérable.
De plus, vous savez que la Commission européenne a décidé de simplifier les modalités d'application de la réglementation relative aux programmes opérationnels, dans des conditions qui répondent à vos préoccupations. Les nouvelles dispositions seront adoptées dans les jours qui viennent.
Au plan national, je souhaite que nous tirions le meilleur parti possible de ces améliorations : c'est pourquoi, en particulier, un guide de procédures sera finalisé avant d'ici la fin mars, afin de servir de référence unique pour les organisations de producteurs, comme pour les services de l'Etat et les contrôleurs. A cet égard, je veillerai à améliorer la cohérence dans les opérations de contrôle afin d'éviter les redondances et les doubles emplois.
Je forme le vu que cette OCM ainsi rendue plus simple et plus incitative, consolidera la conviction des producteurs organisés dans la pertinence de leur choix, mais également suscitera des vocations en nombre.
- Il est de la mission des comités de bassin d'accompagner de telles évolutions : le décret du 24 octobre 2000 amplifie leur légitimité en la matière et offre les moyens d'une plus grande cohésion des organisations de producteurs entre elles et leur ouvre la possibilité d'accueillir, au-delà des seuls producteurs organisés, des producteurs conventionnés.
Il paraît en effet indispensable d'accroître l'impact de la production organisée, et de favoriser son efficacité économique, en particulier lorsqu'il existe un grand nombre de petites organisations de producteurs : je me réjouis, dans ce contexte, que le rapport sur l'OCM fruits et légumes, publié récemment, évoque cette question et suggère de renforcer, au plan communautaire, les pouvoirs des associations d'organisations de producteurs.
- A nous d'appuyer ce point de vue au moment de la discussion de ce rapport qui devrait intervenir rapidement. Cet examen sera aussi l'occasion de faire état de nos autres préoccupations concernant l'OCM, par exemple sur son volet externe, étonnamment absent du rapport.
La France a souvent déploré la faiblesse de l'appui communautaire aux exportations, notamment de pommes, vers les destinations les plus lointaines. L'Union devrait davantage prendre la mesure du véritable enjeu que représente le maintien d'un courant actif sur le marché mondial. L'Europe doit être présente et des efforts spécifiques doivent être consentis sur les destinations les plus difficiles. Il conviendra en outre d'utiliser pleinement les opportunités offertes par le nouveau règlement communautaire relatif aux actions de promotion sur les pays tiers.
L'environnement économique et commercial de vos exploitations est fondamental pour leur efficacité et je voudrais en évoquer deux aspects.
- Votre congrès de Nîmes s'était tenu à quelques jours des assises du commerce et de la distribution au terme desquelles le Premier ministre s'était engagé à mettre en chantier un projet de loi sur les nouvelles régulations économiques destiné à pacifier et à équilibrer les relations entre la production et la distribution. Ce texte vient d'être voté en seconde lecture par l'Assemblée nationale et devrait être définitivement adopté avant l'été.
- Dans le même temps, la vigueur du travail interprofessionnel ne se dément pas et l'Etat n'hésite pas vous accompagner quand c'est nécessaire. C'est pourquoi, je me réjouis que la Commission européenne préconise de supprimer la condition suspensive de notification préalable et d'un an d'application avant toute extension d'un accord interprofessionnel. Sur ce sujet, aussi, nous avançons.
- L'année 2001 et les 3 années suivantes seront en outre marquées par la mise en uvre du plan arboricole, fruit d'un long travail de concertation, qui a pour ambition, comme vous l'avez souligné, de mettre un terme aux crises à répétition que votre secteur a connu avec ses drames humains.
D'une ampleur sans précédent, 600 MF sur 4 ans, ce plan s'inscrit dans la durée pour permettre une restructuration en profondeur de la filière arboricole française afin de proposer aux arboriculteurs des perspectives d'avenir.
- Pour cela, les variétés produites dans une région doivent répondre à la demande du marché : ce qui nous a conduit à placer les comités de bassin au centre de notre réflexion. Vous considérez que les enveloppes disponibles à cet effet sont trop limitées : je vous rappelle qu'il s'agit d'un plan quadriennal et qu'il convient de hiérarchiser nos priorités et de les répartir sur les quatre années du plan. Pour 2001, notre priorité porte sur les situations les plus difficiles afin de permettre aux agriculteurs qui le souhaitent de trouver une sortie décente du secteur. J'ai toutefois entendu vos préoccupations et je serais attentif à ce que des solutions puissent être trouvées dès que la situation sera éclaircie. D'une manière générale, je veillerai à ce que des difficultés conjoncturelles ne viennent pas entraver la mise en uvre de ce plan quadriennal. C'est ainsi que s'agissant de l'étalement des charges sociales destiné à soutenir la trésorerie des agriculteurs en difficulté, la caisse centrale de mutualité sociale agricole va très prochainement prendre les dispositions nécessaires auprès des caisses locales afin que les reports de cotisations patronales mis en uvre pour votre filière en 1998 et 1999, le soient également sur 2000 et 2001, répondant ainsi au souhait que vous venez d'exprimer.
- La transformation est un défi que nous devons relever dans la mesure où les débouchés sont en forte croissance alors que la France les a trop longtemps négligés.
L'évolution de l'OCM va diminuer progressivement les volumes offerts au retrait et une demande toujours plus exigeante pour les fruits de bouche impose d'améliorer la valorisation des fruits de seconde qualité. Aussi, la transformation constitue-t-elle un élément fondamental pour l'avenir de votre filière. Le partenariat entre les producteurs et les industriels doit être conforté sous une forme contractuelle, stable et durable et non comme le moyen de dégager des volumes surabondants en regard de la demande.
- Vous m'avez enfin proposé, Monsieur le Président, que nous nous engagions fermement dans une stratégie de connaissance et de maîtrise de la production, dans la perspective d'une généralisation au plan communautaire de cette orientation.
Je partage naturellement votre volonté pour prévenir les déséquilibres entre l'offre et la demande comme les délocalisations de production.
Aujourd'hui, le secteur des fruits et légumes est l'un des secteurs les moins régulés de l'agriculture et des mesures doivent être prises.
La connaissance de la production est un des fondements de l'OCM : la transparence de la production au sein d'une organisation de producteurs est d'ailleurs un des premiers critères de reconnaissance. Cette transparence peut même être déclinée au niveau de ces associations d'organisations de producteurs que sont les comités de bassin.
En matière arboricole, ceci règle une bonne partie du sujet puisque, notamment pour les pommes et les pêches, qui sont les cibles de notre plan, l'essentiel des producteurs sont adhérents des organisations de producteurs. Au plan national, les producteurs hors OP qui souhaitent être conventionnés avec les comités de bassin sont tenus à une telle transparence.
Pour assurer une telle démarche, il faut d'abord trouver la meilleure solution technique pour recueillir les données de production appropriées. Tel est l'objet de l'étude que commanditera l'Oniflhor. Puis, il convient d'identifier le levier juridique susceptible d'imposer une déclaration. Le service juridique du Ministère sera interrogé à cet effet.
La mise en uvre d'une réelle maîtrise de la production devra être étudiée avec soin, car cela touche à la liberté d'installation des arboriculteurs et à la libre détermination de leur politique d'exploitation. C'est pourquoi, de mon point de vue, une telle orientation doit être appréhendée au plan communautaire. Je sais que cette question a fait l'objet de nombreux débats au sein de votre fédération, ce qui m'apparaît très sain au regard des enjeux.
Par ailleurs, à l'heure où la simplification des réglementations est indispensable, il convient de peser les avantages et inconvénients d'un système administré. Un résultat analogue ne peut-il être obtenu par la simple incitation, par exemple au travers de la cohérence économique exigée des programmes opérationnels ?
Soyons clairs : je ne m'interroge pas sur l'objectif, -la maîtrise de la production est indispensable-, mais sur les moyens les plus appropriés d'y parvenir et j'ai le sentiment que nous devons convenir ensemble d'une méthode et d'un calendrier pour atteindre notre objectif.
D'abord, en posant le problème à Bruxelles : la discussion en groupe du rapport de la Commission sur l'OCM, prévue fin février et début mars, tombe à pic. Ensuite, en approfondissant et en prolongeant la réflexion en région, par exemple sous l'égide des comités de bassin, afin de circonscrire la totalité de l'enjeu. Mais je sais que si nous retenons la même méthode que celle que nous venons d'adopter pour la révision de l'OCM, en partenariat avec nos amis italiens et espagnols, nous y arriverons.
Vous avez mis en exergue, Monsieur le Président trois autres chantiers importants à propos desquels je voudrais réagir.
- Tout d'abord, le CTE.
En premier lieu, je vous redis le caractère prioritaire de votre filière dans cet exercice et je me réjouis du travail que vous avez réalisé en liaison avec mes services pour présenter l'intérêt de cet outil d'avenir compte tenu des évolutions prévisibles de la PAC, en raison des exigences de nos concitoyens et des négociations internationales.
Vous soulevez quelques points comme la difficulté de respecter l'engagement de maintien de l'emploi prévu par le décret du 13 octobre 1999 dans votre secteur, en dépit de la tolérance, déjà admise, d'une diminution de 15% d'une année sur l'autre. Compte tenu de la spécificité des contraintes de votre filière, notamment lors de la récolte, des dérogations pourront être admises par les préfets, sur proposition des CDOA, sous réserve que des mesures concernant l'amélioration des conditions de travail ou de logement du personnel soient étudiées parallèlement. Je l'avais dit le 20 avril à Avignon, et je le confirme.
En ce qui concerne la cohérence des aides à l'investissement prévues dans les CTE avec les programmes opérationnels communautaires, deux principes doivent prévaloir : d'une part, garantir l'absence de double financement pour la même opération, d'autre part, rechercher la meilleure utilisation possible de tous les outils communautaires afin d'assurer le meilleur effet de levier.
Par ailleurs, sur les deux autres sujets que vous avez évoqués, je vous propose un travail en partenariat avec mes services afin de faire le point sur la surface minimale d'installation en arboriculture de façon à la réviser dans certains cas si c'est nécessaire, et de faire des propositions à la Commission en ce qui concerne les rotations culturales en arboriculture.
- Je voudrais également évoquer l'assurance récolte et plus particulièrement les suites qui seront réservées au rapport Babusiaux récemment remis au Gouvernement.
Plusieurs orientations principales font actuellement l'objet d'une concertation interministérielle, et notamment :
. le développement de l'assurance récolte, grâce à une simplification des contrats, à la prise en charge par l'Etat, pendant une phase de démarrage, d'une partie des primes de certains contrats et à l'intervention publique dans la réassurance;
. la clarification et la simplification des modalités de mise en uvre du fonds des calamités agricoles.
Je souhaite que des avancées significatives puissent être réalisées dans ce domaine car je sais la sensibilité et l'importance des enjeux, comme le coût et l'attitude des assurances. Les orages de grêle de juin dernier ici même nous rappellent cruellement l'importance de ces questions.
Au-delà, il faut rétablir l'éligibilité des caisses assurance-récolte aux programmes opérationnels communautaires. Je regrette que cette possibilité ait été écartée il y a deux ans, alors qu'en matière arboricole, une telle orientation constituerait un facteur de structuration et de responsabilisation de votre profession. Je sais qu'à Bruxelles, le sujet n'est plus tabou et je compte obtenir un résultat concret et rapide en la matière.
De même, vous me trouverez toujours réceptif aux incidences des fléaux phyto-sanitaires qui frappent certaines productions telles que les pêches.
D'abord en intensifiant l'effort de recherche et de prospection en liaison avec l'INRA et le CTIFL. Ensuite, en indemnisant les producteurs contraints d'arracher les vergers atteints. C'est pourquoi, j'ai décidé de reconduire le dispositif arrêté l'an dernier au titre de la sharka et que des mesures spécifiques seront proposées aux producteurs victimes du xanthomonas.
- Enfin, vous évoquez les difficultés de recrutement de main d'uvre, notamment en période de cueillette.
En matière d'emploi saisonnier, les arboriculteurs bénéficient, depuis le décret du 29 juin 2000, d'un régime d'allégement de charges sociales plus incitatif, leur permettant de renforcer leur compétitivité et de favoriser l'embauche de salariés en privilégiant les emplois pérennes.
C'est ainsi que pour les producteurs de fruits et légumes, l'allégement des taux de cotisations patronales de sécurité sociale pendant une durée de cent jours a été porté de 75% à 90%, permettant ainsi de favoriser l'embauche de travailleurs occasionnels tout en luttant contre la précarité de l'emploi.
Cette mesure représente un effort de solidarité de 150 MF et permet ainsi, en conjuguant amélioration de la compétitivité économique de ces filières agricoles et amélioration des conditions d'emploi, de résoudre les difficultés de recrutement dans les secteurs concernés.
J'ai commandé un rapport à M. VAN HAECKE, Inspecteur général de l'Agriculture, sur ce sujet. Le travail d'étape rappelle ces difficultés, liées à l'image du secteur en matière d'emploi, ainsi qu'aux montants des salaires et à la pénibilité des tâches.
Il formule également plusieurs propositions, visant à favoriser les conditions de l'emploi -en travaillant sur la qualification, le logement, et à faciliter les recrutements, notamment en mettant en place des bourses de l'emploi saisonnier.
Dès que ce rapport aura été publié, il sera présenté pour discussion aux partenaires sociaux. Certaines des pistes qu'il explore. Certaines d'entre elles pourront être rapidement mises en uvre.
Au total, Monsieur le Président, loin de moi l'idée de sous-estimer les difficultés auxquelles la production arboricole est confrontée et l'ampleur des défis qui l'attendent.
J'ai toutefois la conviction profonde que tout ce que nous avons construit ensemble depuis deux ans et tout ce que nous continuerons à construire demain vise à donner les moyens aux arboriculteurs d'aborder l'avenir avec confiance.
J'en veux pour dernier exemple l'orientation donnée par le Premier ministre à l'occasion des Etats généraux de l'alimentation. Citant l'enseignement d'Hippocrate " L'alimentation est notre première médecine ", il a demandé à l'ensemble des services de l'Etat, santé, éducation, agriculture, de se mobiliser sur ce dossier dans le cadre du plan national nutrition santé qui vient d'être lancé et dont la première priorité vise à réduire d'au moins 25% le nombre des petits consommateurs de fruits et de légumes.
Il s'agit pour vous d'une opportunité formidable que vous devez utiliser à plein. Une communication active doit être conduite sur ce thème : les fruits et les légumes sont des sources de plaisir mais aussi de santé, ils sont sans OGM puisque aucun événement de transformation n'est autorisé en Europe, ni pour les fruits, ni pour les légumes.
Il s'agit d'une première en terme de santé publique et je suis convaincu que, tous ensemble, nous saurons faire de cette démarche une réelle opportunité pour votre filière afin de reconquérir les consommateurs qui se détournaient de plus en plus des fruits au profit de desserts plus pratiques mais moins sains. Nous devons très rapidement nous mettre autour d'une table pour trouver les moyens de faire de cette initiative un réel succès. En particulier, les distributions gratuites de fruits dans les écoles doivent être rapidement mises en place pour renouveler l'intérêt des enfants pour vos produits. Je vais prendre l'attache de Bernard Kouchner dans les jours qui viennent pour que ces initiatives puissent trouver très vite des suites concrètes.
Comme vous le voyez, 2000 a été une année marquante pour votre filière. 2001 s'annonce également comme une année de grands chantiers : maîtrise de la production, mise en uvre de l'OCM et du plan de restructuration du verger, entrée en vigueur de la loi sur les nouvelles régulations économiques Nous ne sommes donc pas au bout de nos peines mais je suis heureux de constater que vous partez désormais au combat confiants dans l'avenir, persuadés, tout comme moi, que le plus dur est fait.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 9 février 2001)
Mesdames, Messieurs,
Un an presque jour pour jour après votre congrès de Nîmes, je suis très heureux d'être à nouveau parmi vous, pour faire le point sur ce que nous avons fait ensemble au cours de l'année 2000, heureux également de répondre aux préoccupations dont vous venez de vous faire l'écho, Monsieur le Président, et de tracer les perspectives de notre travail commun pour l'année qui vient.
Je vous ai écouté avec attention car le secteur des fruits et légumes revêt à mes yeux une très grande importance. Sa diversité, la qualité de ses productions, son lien avec le terroir, son impact en terme d'emploi, son souci du respect de l'environnement, son combat au quotidien contre des productions qui viennent parfois de l'autre bout de la planète, sont autant d'éléments qui plaident pour que le gouvernement accorde à ce secteur une attention toute particulière. Votre filière répond ainsi parfaitement à ma vision personnelle d'une agriculture performante mais soucieuse de l'environnement et des hommes, tournée vers la qualité et la satisfaction des consommateurs, mais aussi ouverte sur l'outremer et le grand large, bref une filière moderne, une filière d'avenir.
Je me réjouis donc que, depuis deux ans, nous ayons pu, par un dialogue constructif et approfondi, trouver ensemble les voies d'une politique adaptée à votre filière et dégager les moyens nécessaires à sa mise en uvre. De ce point de vue, 2000 fut l'année des engagements tenus.
Sur l'organisation économique tout d'abord.
Nous partageons la conviction que l'organisation et l'adaptation de l'offre constituent les conditions sine qua non du dynamisme de la filière arboricole, dans un contexte économique marqué par la concentration de la demande et le poids considérable de la concurrence extérieure.
Cette priorité, la loi d'orientation agricole de juillet 1999 l'exprime en autorisant les Pouvoirs publics à moduler les concours nationaux qu'ils octroient à la filière en fonction du niveau d'organisation économique.
- Au plan communautaire, nous avons regretté ensemble que les principes novateurs de la réforme de 1996, ne puissent être pleinement traduits dans les faits en raison de la complexité et de l'insuffisante attractivité des programmes opérationnels des organisations de producteurs qui se traduisent par un faible taux d'adhésion aux organisations de producteurs.
C'est ce qui m'a amené à faire de la révision de l'OCM fruits et légumes la priorité de la Présidence française de l'Union européenne en matière de marché.
Le pari était risqué dans le contexte budgétaire que nous connaissons au plan européen mais grâce aux efforts de tous, nous avons pu engranger un succès. En effet, le montant des programmes opérationnels n'est plus soumis à un double plafond : le montant de la contrepartie européenne dépend désormais uniquement d'un plafond fixé à 4,1%, ce qui est plus sûr pour l'investisseur, plus simple et plus incitatif puisque vous pourrez ainsi bénéficier de près de 200 MF supplémentaires. Par les temps qui courent, c'est considérable.
De plus, vous savez que la Commission européenne a décidé de simplifier les modalités d'application de la réglementation relative aux programmes opérationnels, dans des conditions qui répondent à vos préoccupations. Les nouvelles dispositions seront adoptées dans les jours qui viennent.
Au plan national, je souhaite que nous tirions le meilleur parti possible de ces améliorations : c'est pourquoi, en particulier, un guide de procédures sera finalisé avant d'ici la fin mars, afin de servir de référence unique pour les organisations de producteurs, comme pour les services de l'Etat et les contrôleurs. A cet égard, je veillerai à améliorer la cohérence dans les opérations de contrôle afin d'éviter les redondances et les doubles emplois.
Je forme le vu que cette OCM ainsi rendue plus simple et plus incitative, consolidera la conviction des producteurs organisés dans la pertinence de leur choix, mais également suscitera des vocations en nombre.
- Il est de la mission des comités de bassin d'accompagner de telles évolutions : le décret du 24 octobre 2000 amplifie leur légitimité en la matière et offre les moyens d'une plus grande cohésion des organisations de producteurs entre elles et leur ouvre la possibilité d'accueillir, au-delà des seuls producteurs organisés, des producteurs conventionnés.
Il paraît en effet indispensable d'accroître l'impact de la production organisée, et de favoriser son efficacité économique, en particulier lorsqu'il existe un grand nombre de petites organisations de producteurs : je me réjouis, dans ce contexte, que le rapport sur l'OCM fruits et légumes, publié récemment, évoque cette question et suggère de renforcer, au plan communautaire, les pouvoirs des associations d'organisations de producteurs.
- A nous d'appuyer ce point de vue au moment de la discussion de ce rapport qui devrait intervenir rapidement. Cet examen sera aussi l'occasion de faire état de nos autres préoccupations concernant l'OCM, par exemple sur son volet externe, étonnamment absent du rapport.
La France a souvent déploré la faiblesse de l'appui communautaire aux exportations, notamment de pommes, vers les destinations les plus lointaines. L'Union devrait davantage prendre la mesure du véritable enjeu que représente le maintien d'un courant actif sur le marché mondial. L'Europe doit être présente et des efforts spécifiques doivent être consentis sur les destinations les plus difficiles. Il conviendra en outre d'utiliser pleinement les opportunités offertes par le nouveau règlement communautaire relatif aux actions de promotion sur les pays tiers.
L'environnement économique et commercial de vos exploitations est fondamental pour leur efficacité et je voudrais en évoquer deux aspects.
- Votre congrès de Nîmes s'était tenu à quelques jours des assises du commerce et de la distribution au terme desquelles le Premier ministre s'était engagé à mettre en chantier un projet de loi sur les nouvelles régulations économiques destiné à pacifier et à équilibrer les relations entre la production et la distribution. Ce texte vient d'être voté en seconde lecture par l'Assemblée nationale et devrait être définitivement adopté avant l'été.
- Dans le même temps, la vigueur du travail interprofessionnel ne se dément pas et l'Etat n'hésite pas vous accompagner quand c'est nécessaire. C'est pourquoi, je me réjouis que la Commission européenne préconise de supprimer la condition suspensive de notification préalable et d'un an d'application avant toute extension d'un accord interprofessionnel. Sur ce sujet, aussi, nous avançons.
- L'année 2001 et les 3 années suivantes seront en outre marquées par la mise en uvre du plan arboricole, fruit d'un long travail de concertation, qui a pour ambition, comme vous l'avez souligné, de mettre un terme aux crises à répétition que votre secteur a connu avec ses drames humains.
D'une ampleur sans précédent, 600 MF sur 4 ans, ce plan s'inscrit dans la durée pour permettre une restructuration en profondeur de la filière arboricole française afin de proposer aux arboriculteurs des perspectives d'avenir.
- Pour cela, les variétés produites dans une région doivent répondre à la demande du marché : ce qui nous a conduit à placer les comités de bassin au centre de notre réflexion. Vous considérez que les enveloppes disponibles à cet effet sont trop limitées : je vous rappelle qu'il s'agit d'un plan quadriennal et qu'il convient de hiérarchiser nos priorités et de les répartir sur les quatre années du plan. Pour 2001, notre priorité porte sur les situations les plus difficiles afin de permettre aux agriculteurs qui le souhaitent de trouver une sortie décente du secteur. J'ai toutefois entendu vos préoccupations et je serais attentif à ce que des solutions puissent être trouvées dès que la situation sera éclaircie. D'une manière générale, je veillerai à ce que des difficultés conjoncturelles ne viennent pas entraver la mise en uvre de ce plan quadriennal. C'est ainsi que s'agissant de l'étalement des charges sociales destiné à soutenir la trésorerie des agriculteurs en difficulté, la caisse centrale de mutualité sociale agricole va très prochainement prendre les dispositions nécessaires auprès des caisses locales afin que les reports de cotisations patronales mis en uvre pour votre filière en 1998 et 1999, le soient également sur 2000 et 2001, répondant ainsi au souhait que vous venez d'exprimer.
- La transformation est un défi que nous devons relever dans la mesure où les débouchés sont en forte croissance alors que la France les a trop longtemps négligés.
L'évolution de l'OCM va diminuer progressivement les volumes offerts au retrait et une demande toujours plus exigeante pour les fruits de bouche impose d'améliorer la valorisation des fruits de seconde qualité. Aussi, la transformation constitue-t-elle un élément fondamental pour l'avenir de votre filière. Le partenariat entre les producteurs et les industriels doit être conforté sous une forme contractuelle, stable et durable et non comme le moyen de dégager des volumes surabondants en regard de la demande.
- Vous m'avez enfin proposé, Monsieur le Président, que nous nous engagions fermement dans une stratégie de connaissance et de maîtrise de la production, dans la perspective d'une généralisation au plan communautaire de cette orientation.
Je partage naturellement votre volonté pour prévenir les déséquilibres entre l'offre et la demande comme les délocalisations de production.
Aujourd'hui, le secteur des fruits et légumes est l'un des secteurs les moins régulés de l'agriculture et des mesures doivent être prises.
La connaissance de la production est un des fondements de l'OCM : la transparence de la production au sein d'une organisation de producteurs est d'ailleurs un des premiers critères de reconnaissance. Cette transparence peut même être déclinée au niveau de ces associations d'organisations de producteurs que sont les comités de bassin.
En matière arboricole, ceci règle une bonne partie du sujet puisque, notamment pour les pommes et les pêches, qui sont les cibles de notre plan, l'essentiel des producteurs sont adhérents des organisations de producteurs. Au plan national, les producteurs hors OP qui souhaitent être conventionnés avec les comités de bassin sont tenus à une telle transparence.
Pour assurer une telle démarche, il faut d'abord trouver la meilleure solution technique pour recueillir les données de production appropriées. Tel est l'objet de l'étude que commanditera l'Oniflhor. Puis, il convient d'identifier le levier juridique susceptible d'imposer une déclaration. Le service juridique du Ministère sera interrogé à cet effet.
La mise en uvre d'une réelle maîtrise de la production devra être étudiée avec soin, car cela touche à la liberté d'installation des arboriculteurs et à la libre détermination de leur politique d'exploitation. C'est pourquoi, de mon point de vue, une telle orientation doit être appréhendée au plan communautaire. Je sais que cette question a fait l'objet de nombreux débats au sein de votre fédération, ce qui m'apparaît très sain au regard des enjeux.
Par ailleurs, à l'heure où la simplification des réglementations est indispensable, il convient de peser les avantages et inconvénients d'un système administré. Un résultat analogue ne peut-il être obtenu par la simple incitation, par exemple au travers de la cohérence économique exigée des programmes opérationnels ?
Soyons clairs : je ne m'interroge pas sur l'objectif, -la maîtrise de la production est indispensable-, mais sur les moyens les plus appropriés d'y parvenir et j'ai le sentiment que nous devons convenir ensemble d'une méthode et d'un calendrier pour atteindre notre objectif.
D'abord, en posant le problème à Bruxelles : la discussion en groupe du rapport de la Commission sur l'OCM, prévue fin février et début mars, tombe à pic. Ensuite, en approfondissant et en prolongeant la réflexion en région, par exemple sous l'égide des comités de bassin, afin de circonscrire la totalité de l'enjeu. Mais je sais que si nous retenons la même méthode que celle que nous venons d'adopter pour la révision de l'OCM, en partenariat avec nos amis italiens et espagnols, nous y arriverons.
Vous avez mis en exergue, Monsieur le Président trois autres chantiers importants à propos desquels je voudrais réagir.
- Tout d'abord, le CTE.
En premier lieu, je vous redis le caractère prioritaire de votre filière dans cet exercice et je me réjouis du travail que vous avez réalisé en liaison avec mes services pour présenter l'intérêt de cet outil d'avenir compte tenu des évolutions prévisibles de la PAC, en raison des exigences de nos concitoyens et des négociations internationales.
Vous soulevez quelques points comme la difficulté de respecter l'engagement de maintien de l'emploi prévu par le décret du 13 octobre 1999 dans votre secteur, en dépit de la tolérance, déjà admise, d'une diminution de 15% d'une année sur l'autre. Compte tenu de la spécificité des contraintes de votre filière, notamment lors de la récolte, des dérogations pourront être admises par les préfets, sur proposition des CDOA, sous réserve que des mesures concernant l'amélioration des conditions de travail ou de logement du personnel soient étudiées parallèlement. Je l'avais dit le 20 avril à Avignon, et je le confirme.
En ce qui concerne la cohérence des aides à l'investissement prévues dans les CTE avec les programmes opérationnels communautaires, deux principes doivent prévaloir : d'une part, garantir l'absence de double financement pour la même opération, d'autre part, rechercher la meilleure utilisation possible de tous les outils communautaires afin d'assurer le meilleur effet de levier.
Par ailleurs, sur les deux autres sujets que vous avez évoqués, je vous propose un travail en partenariat avec mes services afin de faire le point sur la surface minimale d'installation en arboriculture de façon à la réviser dans certains cas si c'est nécessaire, et de faire des propositions à la Commission en ce qui concerne les rotations culturales en arboriculture.
- Je voudrais également évoquer l'assurance récolte et plus particulièrement les suites qui seront réservées au rapport Babusiaux récemment remis au Gouvernement.
Plusieurs orientations principales font actuellement l'objet d'une concertation interministérielle, et notamment :
. le développement de l'assurance récolte, grâce à une simplification des contrats, à la prise en charge par l'Etat, pendant une phase de démarrage, d'une partie des primes de certains contrats et à l'intervention publique dans la réassurance;
. la clarification et la simplification des modalités de mise en uvre du fonds des calamités agricoles.
Je souhaite que des avancées significatives puissent être réalisées dans ce domaine car je sais la sensibilité et l'importance des enjeux, comme le coût et l'attitude des assurances. Les orages de grêle de juin dernier ici même nous rappellent cruellement l'importance de ces questions.
Au-delà, il faut rétablir l'éligibilité des caisses assurance-récolte aux programmes opérationnels communautaires. Je regrette que cette possibilité ait été écartée il y a deux ans, alors qu'en matière arboricole, une telle orientation constituerait un facteur de structuration et de responsabilisation de votre profession. Je sais qu'à Bruxelles, le sujet n'est plus tabou et je compte obtenir un résultat concret et rapide en la matière.
De même, vous me trouverez toujours réceptif aux incidences des fléaux phyto-sanitaires qui frappent certaines productions telles que les pêches.
D'abord en intensifiant l'effort de recherche et de prospection en liaison avec l'INRA et le CTIFL. Ensuite, en indemnisant les producteurs contraints d'arracher les vergers atteints. C'est pourquoi, j'ai décidé de reconduire le dispositif arrêté l'an dernier au titre de la sharka et que des mesures spécifiques seront proposées aux producteurs victimes du xanthomonas.
- Enfin, vous évoquez les difficultés de recrutement de main d'uvre, notamment en période de cueillette.
En matière d'emploi saisonnier, les arboriculteurs bénéficient, depuis le décret du 29 juin 2000, d'un régime d'allégement de charges sociales plus incitatif, leur permettant de renforcer leur compétitivité et de favoriser l'embauche de salariés en privilégiant les emplois pérennes.
C'est ainsi que pour les producteurs de fruits et légumes, l'allégement des taux de cotisations patronales de sécurité sociale pendant une durée de cent jours a été porté de 75% à 90%, permettant ainsi de favoriser l'embauche de travailleurs occasionnels tout en luttant contre la précarité de l'emploi.
Cette mesure représente un effort de solidarité de 150 MF et permet ainsi, en conjuguant amélioration de la compétitivité économique de ces filières agricoles et amélioration des conditions d'emploi, de résoudre les difficultés de recrutement dans les secteurs concernés.
J'ai commandé un rapport à M. VAN HAECKE, Inspecteur général de l'Agriculture, sur ce sujet. Le travail d'étape rappelle ces difficultés, liées à l'image du secteur en matière d'emploi, ainsi qu'aux montants des salaires et à la pénibilité des tâches.
Il formule également plusieurs propositions, visant à favoriser les conditions de l'emploi -en travaillant sur la qualification, le logement, et à faciliter les recrutements, notamment en mettant en place des bourses de l'emploi saisonnier.
Dès que ce rapport aura été publié, il sera présenté pour discussion aux partenaires sociaux. Certaines des pistes qu'il explore. Certaines d'entre elles pourront être rapidement mises en uvre.
Au total, Monsieur le Président, loin de moi l'idée de sous-estimer les difficultés auxquelles la production arboricole est confrontée et l'ampleur des défis qui l'attendent.
J'ai toutefois la conviction profonde que tout ce que nous avons construit ensemble depuis deux ans et tout ce que nous continuerons à construire demain vise à donner les moyens aux arboriculteurs d'aborder l'avenir avec confiance.
J'en veux pour dernier exemple l'orientation donnée par le Premier ministre à l'occasion des Etats généraux de l'alimentation. Citant l'enseignement d'Hippocrate " L'alimentation est notre première médecine ", il a demandé à l'ensemble des services de l'Etat, santé, éducation, agriculture, de se mobiliser sur ce dossier dans le cadre du plan national nutrition santé qui vient d'être lancé et dont la première priorité vise à réduire d'au moins 25% le nombre des petits consommateurs de fruits et de légumes.
Il s'agit pour vous d'une opportunité formidable que vous devez utiliser à plein. Une communication active doit être conduite sur ce thème : les fruits et les légumes sont des sources de plaisir mais aussi de santé, ils sont sans OGM puisque aucun événement de transformation n'est autorisé en Europe, ni pour les fruits, ni pour les légumes.
Il s'agit d'une première en terme de santé publique et je suis convaincu que, tous ensemble, nous saurons faire de cette démarche une réelle opportunité pour votre filière afin de reconquérir les consommateurs qui se détournaient de plus en plus des fruits au profit de desserts plus pratiques mais moins sains. Nous devons très rapidement nous mettre autour d'une table pour trouver les moyens de faire de cette initiative un réel succès. En particulier, les distributions gratuites de fruits dans les écoles doivent être rapidement mises en place pour renouveler l'intérêt des enfants pour vos produits. Je vais prendre l'attache de Bernard Kouchner dans les jours qui viennent pour que ces initiatives puissent trouver très vite des suites concrètes.
Comme vous le voyez, 2000 a été une année marquante pour votre filière. 2001 s'annonce également comme une année de grands chantiers : maîtrise de la production, mise en uvre de l'OCM et du plan de restructuration du verger, entrée en vigueur de la loi sur les nouvelles régulations économiques Nous ne sommes donc pas au bout de nos peines mais je suis heureux de constater que vous partez désormais au combat confiants dans l'avenir, persuadés, tout comme moi, que le plus dur est fait.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 9 février 2001)