Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur le patrimoine culturel et historique, la diffusion de l'inventaire et l'histoire de l'art, Paris le 27 mars 2007.

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Circonstance : Installation du Conseil national de l'Inventaire général du patrimoine culturel à Paris le 27 mars 2007

Texte intégral


Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui au ministère de la culture et de la communication, à l'occasion de l'installation du Conseil national de l'Inventaire général du patrimoine culturel.
L'Inventaire général arrive aujourd'hui à un tournant majeur dans son histoire : André Malraux, en 1964, l'avait voulu comme " un outil de connaissance global, démocratique et moderne " ; quarante ans plus tard, il a rempli sa vocation au-delà de toute attente, et répond parfaitement, grâce à vous, grâce à plusieurs générations de chercheurs et de techniciens au service du patrimoine, à ce mot ambitieux de Malraux : " l'Inventaire des richesses artistiques de la France est devenu une aventure de l'esprit ". C'est la raison pour laquelle je viens vous dire, avant tout, la reconnaissance de tous nos concitoyens pour le travail immense que vous avez accompli et que vous continuez de mener à bien.
Par ses missions, recenser, étudier, faire connaître le patrimoine de la France, l'Inventaire général révèle le patrimoine, il le donne à voir. Il a été conçu comme une entreprise de connaissance méthodique et raisonnée de tout les trésors de notre patrimoine, depuis les monuments jusqu'aux objets, " depuis la petite cuiller jusqu'à la cathédrale ", comme on a coutume de le dire ; en poursuivant ce travail de longue haleine, il a contribué à défricher de nouveaux champs du savoir et de la connaissance : par son approche du patrimoine industriel, de l'architecture du XXe siècle, il a par exemple profondément renouvelé l'étude des villes, et a su mettre en oeuvre pour cela les outils numériques qui sont devenus notre quotidien. Depuis sa création, l'inventaire général a étudié 180 000 édifices, et autant d'objets mobiliers dans toute la France. En métropole comme dans les départements et territoires d'outre-mer, près de 14 000 communes françaises, soit une commune sur trois, ont fait l'objet d'une enquête patrimoniale.
L'effort de diffusion de ces connaissances est également considérable, qu'il s'agisse des très nombreuses publications ou des ressources mises à disposition du public sur Internet. Les statistiques de consultation du ministère attestent de l'engouement de la population pour ce type d'informations : en 2006, plus de 5,5 millions de connexions on été enregistrées sur la base Mérimée, consacrée à l'architecture, et plus 3 millions sur la base Palissy, consacrée aux objets mobiliers.
Le grand historien de l'art que fut André Chastel, qui participa à la création de l'Inventaire, le décrivait comme " la plus vaste entreprise d'information fondamentale jamais réalisée dans le domaine artistique français "; aujourd'hui, cette entreprise exceptionnelle entre dans une nouvelle phase de son histoire. Car l'aventure n'est pas terminée : elle s'ouvre sur de nouvelles pages, sur de nouvelles missions, sur de nouveaux moyens, dans le cadre du mouvement de décentralisation dans lequel l'administration et tous les services publics de notre pays sont engagés depuis plusieurs années.
Cette décentralisation, vous en êtes les acteurs et les témoins, vous qui avez engagé très rapidement de multiples formes de collaborations avec les collectivités territoriales. Car qu'est-ce que la décentralisation, au fond, sinon de nouveaux rapports entre l'État, les territoires et les collectivités locales destinés à faciliter la gestion, le développement et le rayonnement de nos atouts dans tous les domaines ?
L'Inventaire général du patrimoine culturel a su prendre résolument ce tournant de la décentralisation ; son rôle a été inscrit dans la loi française du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales. Depuis le 1er février 2007, en application de l'article 95 de cette loi, la conduite des opérations d'inventaire est confiée aux Régions, tandis que l'État garde un rôle décisif pour le maintien de la cohérence nationale et la définition des normes. Après les archives et les bibliothèques départementales, et au terme de l'expérimentation des protocoles de décentralisation, c'est donc une nouvelle répartition des compétences qui s'instaure, pour assurer l'engagement commun des collectivités territoriales et de l'Etat en faveur du patrimoine.
Cet engagement est plus que jamais nécessaire : le patrimoine, creuset de références et source de création, incarne la singularité d'un territoire, d'une communauté. Au-delà de son pouvoir d'identification et de reconnaissance, il tisse un maillage du patrimoine et de la mémoire qui fonde et enracine notre société. Comme le montre, année après année, le succès que rencontrent les journées du patrimoine, l'enthousiasme de nos concitoyens pour la découverte des lieux d'histoire et de mémoire n'est pas près de se démentir.
De cette passion partagée, de cet enthousiasme, peuvent naître beaucoup d'espoirs pour l'avenir ; je ne prendrai qu'un seul exemple, qui est à lui seul significatif, celui de l'Europe : au moment où nous venons de célébrer le 50ème anniversaire du Traité de Rome, j'ai la conviction profonde que le patrimoine commun que nous partageons avec nos partenaires européens sera la clé d'un nouvel élan dans la construction de notre communauté. C'est l'un des enseignements d'une étude récemment commandée par la Direction de l'Architecture et du Patrimoine, et le sujet principal des septièmes Entretiens du patrimoine, qui se sont tenus à Paris la semaine dernière. La mise en valeur du patrimoine européen, qui se fera de plus en plus notamment à travers le programme des Labels européens du patrimoine, doit permettre de susciter un renouveau du sentiment d'appartenance à une communauté de culture, d'histoire et d'avenir.
Les missions attribuées à l'inventaire général du patrimoine ont donc une portée globale très importante, qui ne doit pas être oubliée ; cette portée globale ne doit pas non plus faire oublier les responsabilités locales essentielles qu'assume l'Inventaire : lieu de connaissance et de compréhension de l'histoire des régions et des villes, il est en effet un outil particulièrement précieux d'aide à la décision en matière d'aménagement du territoire. Les données qu'il collecte ont vocation à s'insérer dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas concertés d'organisation territoriale (SCOT), et à inspirer de manière générale la réflexion des responsables locaux et nationaux.
On comprend donc parfaitement la portée politique et culturelle que revêt la décision de transférer aux Régions la conduite de l'inventaire du patrimoine culturel. Des équipes qualifiées vont désormais mettre leurs compétences et leurs savoirs-faire au service de la connaissance des territoires et de la prise de décision en matière d'aménagement du territoire, en particulier sur les plans culturels et touristiques.
Dans le cadre de ces nouvelles attributions, j'attache la plus grande importance au Conseil national de l'Inventaire, que nous installons aujourd'hui.
Cette nouvelle instance constitue en effet un espace de dialogue pour les professionnels, autant qu'un lieu de réflexions, de propositions et de débats pour tous les partenaires engagés dans une démarche d'Inventaire. Le conseil associe en effet, à parts égales, les milieux scientifiques et l'État aux acteurs de l'inventaire que sont, depuis de nombreuses années, les collectivités territoriales.
Votre conseil donnera un avis sur les normes et les documents de références en matière d'Inventaire. Une section scientifique de ce conseil préparera les débats pléniers et aidera au bon déroulement des travaux. Dans le dossier qui vous a été remis vous trouverez les textes en vigueur, sur lesquels je vous proposerai de travailler aujourd'hui.
Ce conseil évaluera les opérations de l'Inventaire ainsi que son état d'avancement, notamment à partir des rapports annuels régionaux. Dans cette tâche, le concours de la section scientifique est essentiel. L'analyse du Conseil permettra le maintien du haut niveau d'exigence scientifique qui constitue, depuis son origine, la marque de l'Inventaire général.
En parallèle du travail remarquable que réalisent quotidiennement les équipes chargées de l'Inventaire en régions, l'Etat initie et coordonne des opérations nationales. Ce conseil aura vocation à les évaluer. Deux projets vous seront d'ores et déjà présentés aujourd'hui : ils concernent la prise en compte du patrimoine industriel, scientifique et technique d'une part, et du patrimoine littoral d'autre part.
Le conseil traitera plus largement de toute question relative à l'Inventaire. Il pourra être saisi par toute collectivité territoriale concourant à l'inventaire. Ce conseil sera donc également un espace de réflexion scientifique et de progrès méthodologiques. Il doit devenir un acteur incontournable pour permettre une progression harmonieuse de la connaissance patrimoniale et de l'évolution des territoires.
Si le Ministère de la Culture assure la diffusion nationale des données issues des opérations d'Inventaire à travers son site Internet, il met par ailleurs, à disposition des collectivités territoriales engagées dans une démarche d'inventaire, une politique éditoriale spécifique. Articulée autour de six collections nationales d'ouvrages aux caractères distincts, cette politique permet de transmettre tant aux spécialistes qu'au plus grand nombre, les résultats des enquêtes d'Inventaire. Nous avons voulu, pour cette première séance, vous offrir à chacun des exemplaires des principales collections.
Je voudrais encore, avant de conclure, rendre hommage à toutes les équipes qui depuis quarante ans, ont fait vivre cette extraordinaire entreprise, en arpentant inlassablement le territoire pour rendre accessibles à tous, aux acteurs politiques et culturels comme aux passionnés de culture, les richesses de la connaissance patrimoniale. Puisque les chefs des services régionaux de l'inventaire sont présents aujourd'hui, je veux vous dire toutes mes félicitations et toute ma reconnaissance pour le travail que vous avez accompli, qui a, sans aucun doute, contribué à transformer en profondeur le rapport de la société française à son patrimoine. Je ne doute pas que ce travail continuera à apporter, dans ce nouveau cadre et avec ces nouveaux outils, des progrès décisifs pour notre pays et pour chacun de nos concitoyens.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 29 mars 2007