Texte intégral
Pascale Clark
« En aparté » avec les candidats à la présidentielle. Une demi-heure pour chacun, c'est l'égalité du temps de parole. La candidate du jour a cinquante-trois ans, quatre enfants. Elle a fait l'ENA et a un diplôme d'avocate. Elle est la candidate du Parti socialiste. Ségolène Royal est « En aparté ». Bonjour Ségolène Royal.
Ségolène Royal
Bonjour.
Pascale Clark
Entrez donc. On va passer une demi-heure ensemble. Je vous propose le canapé. Il y a un jus de fruits pour les vitamines. C'est dur une campagne, Ségolène Royal?
Ségolène Royal
Bien sûr c'est dur, c'est une épreuve mais c'est aussi une formidable chance que de pouvoir aller à la rencontre de milliers et de milliers de personnes qui attendent un changement profond. Donc ça donne une responsabilité immense et puis on est portés par une cause qui est plus grande que nous. Donc ce sont des moments exceptionnels.
Pascale Clark
Immédiatement, l'actualité à chaud. Gare du Nord hier à Paris, des affrontements de longues heures durant entre un groupe et des forces de l'ordre. Quel sens est-ce que vous, vous donnez à ce qu'il s'est passé Gare du Nord ?
Ségolène Royal
Ce n'est pas la France que l'on aime voir, celle qui est la France des affrontements. D'un côté d'abord, je veux rappeler, dans le cadre de ce que j'appelle l'ordre juste, que bien évidemment les voyageurs doivent payer leur billet. Et en même temps, qu'un simple contrôle de billet puisse dégénérer dans un affrontement aussi violent prouve qu'il y a quelque chose qui ne va plus, qu'il faut rétablir de l'ordre juste, que chacun ait la conscience que tout citoyen a des droits et des devoirs. Mais c'est surtout qu'en cinq ans, d'un gouvernement d'une droite qui avait fait pourtant de la sécurité son thème principal de campagne il y a cinq ans, on voit que c'est l'échec sur toute la ligne et surtout que les gens sont dressés les uns contre les autres. Ils ont peur les uns et les autres. La police a parfois peur de se rendre dans certains quartiers ou même de procéder à des contrôles. Les gens ont parfois peur simplement en voyant les policiers. Et ça, ça n'est pas la République. Moi, je veux une République de l'ordre juste où les services publics et la police est un grand service public qui doit être respecté. Et en même temps, des citoyens qui le soient également. Donc il faudra un ministre de l'Intérieur qui remette de l'ordre juste au sens où chacun aura le sentiment d'avoir à obéir aux mêmes règles et au sens où chacun a droit à la sécurité, c'est-à-dire à une protection de la sécurité, et en même temps, où les policiers eux-mêmes sont à la fois bien sécurisés et bien formés pour que nous puissions reconstruire une société de confiance et une société d'harmonie. Ça sera un grand défi à relever. Il faudra agir vite. On sait que dans certaines cités, dans certains quartiers, il ne s'est rien passé depuis les émeutes d'il y a un an, que la situation s'est même dégradée.
Pascale Clark
Vous faites un lien entre les émeutes dans les cités que vous venez de citer pour le coup et puis ce qu'il s'est passé Gare du Nord ? Est-ce qu'il y a un lien ?
Ségolène Royal
Oui, il y a un lien. Le lien, c'est le délitement du lien civique. C'est ce lien civique qu'il va falloir reconstruire. Il commence dans la famille, il se poursuit à l'école et ça n'est pas le moment de retirer des moyens à l'école, comme ça vient encore d'être fait. Pour la prochaine rentrée, je les rétablirai. Il y a aussi la compréhension mutuelle : apprendre quel est le rôle de la police dès le plus jeune âge et réciproquement, apprendre à la police que les citoyens ont évolué et que parfois, on s'adresse à eux de façon peut-être plus respectueuse. Mais je crois que c'est surtout ce qui s'est dégradé, c'est une méfiance réciproque, c'est la lutte de tous contre tous, c'est une société où on a fait de la montée des violences, des brutalités, des précarités, des formes de référents dégradés. Et ça, je ne veux pas de cela pour la France. Il va falloir reconstruire à la fois, je le répète, la confiance dans les services publics, c'est-à-dire une police et une justice qui fonctionnent bien et en particulier, une police de quartier qu'il faudra créer pour remplacer la police de proximité qui a été très maladroitement supprimée, et en même temps, rétablir la confiance réciproque entre les citoyens qui doivent respecter les services publics et en même temps, qui doivent aussi comprendre que chacun a droit à la sécurité au quotidien.
Pascale Clark
Ségolène Royal, vous avez employé le mot de République. Ces derniers temps, on entend plutôt le mot de nation. On vous a sorti un drapeau tricolore, il est devant vous, hein, sur la table. Vous le voyez, vous pouvez même le déplier si vous voulez...
Ségolène Royal
Oui, il est magnifique d'ailleurs...
Pascale Clark
Ce drapeau... Oui, enfin c'est un drapeau, quoi...
Ségolène Royal
Oui...
Pascale Clark
Ça vous émeut un drapeau, vous, quand vous l'avez là ?
Ségolène Royal
Oui oui, je pense que c'est l'emblème national, oui, qui est superbe bien sûr, oui.
Pascale Clark
Comment c'est venu... ?
Ségolène Royal
Mais tout le monde est ému par le drapeau.
Pascale Clark
Pas forcément...
Ségolène Royal
Regardez...
Pascale Clark
Pas forcément honnêtement.
Ségolène Royal
Parce qu'il a été parfois aussi dévoyé, il a été parfois utilisé pour de mauvaises causes. Il a été détourné parfois de son vrai sens. Mais je crois qu'il n'y a jamais d'ambiguïté lorsque le drapeau français est hissé avec l'hymne national lorsqu'il y a des grands succès sportifs. Tout le monde est ému. Et je crois...
Pascale Clark
Drapeau, Marseillaise, ça va ensemble évidemment. Voilà, on chante la Marseillaise maintenant à la fin de vos meetings. Au début de la campagne, on chantait « Bella ciao », hein, chant des partisans communistes italiens. Du coup, voilà...
Ségolène Royal
Mais ça n'empêche pas. Il y a d'autres chants cités dans les meetings.
Pascale Clark
Oui, lesquels, par exemple ?
Ségolène Royal
Il y a le « Le chiffon rouge » qui est chanté dans les réunions du nord de la France. Il y le « Chant des Partisans » chanté prochainement à Limoges. Il y a « Le temps des cerises » bien évidemment, hein, qui est toujours un chant très émouvant pour la gauche et pour tous ceux qui aiment la liberté. Donc ça n'est ni exclusif...
Pascale Clark
Mais...
Ségolène Royal
Et en même temps, ce qui est très étrange et très intéressant, c'est que tout simplement la reconquête des symboles de la nation fasse autant débat. Et je trouve que c'est une bonne chose que ce débat ait lieu. Et lorsque j'étais l'autre jour au Parlement des banlieues, spontanément, les jeunes des banlieues ont entonné la Marseillaise. Ils étaient eux-mêmes très surpris et très émus de cette audace.
Pascale Clark
Mais par exemple...
Ségolène Royal
Eh bien moi, je trouve cela très bien. Et ça nous éloigne aussi, vous vous souvenez, d'un moment sportif où des jeunes avaient sifflé la Marseillaise...
Pascale Clark
Mais par exemple, pardon, mais à votre gauche, il y a quelqu'un comme Olivier Besancenot. Et il dit que ces thèmes-là, hein - drapeau, Marseillaise, identité nationale -, au final, ça va profiter à Jean-Marie Le Pen. Voilà ce qu'il dit.
Ségolène Royal
Je crois que c'est un contresens historique grave de dire cela. Ça voudrait dire qu'il faudrait abandonner les symboles de la République, de la Révolution française à l'extrême droite ? La liberté, l'égalité, la fraternité ? L'hymne de la lutte contre toutes les formes de tyrannie qui a été utilisé dans toutes les parties du monde ? Le message universaliste de la France par rapport à la conquête de ces libertés, ceux qui ont perdu leur vie pour cette liberté ? Donc il faut savoir regarder son histoire et ne pas accepter qu'à certains moments de l'histoire, effectivement le drapeau français ait été utilisé pour défendre le colonialisme ou pour défendre d'autres formes d'oppression alors que ça n'était pas son sens. Je crois que la bataille de la reconquête des symboles va de paire avec un regard sur la France telle qu'elle est devenue aujourd'hui. Et c'est parce que la France sera bien réinstallée dans son identité républicaine - en France, la nation prend la forme de la République - qu'elle pourra se tourner vers les autres et qu'elle pourra résister au repli sur soi. Il y a plusieurs façons de voir la nation. Et je ne confonds pas la nation et le nationalisme bien évidemment.
Pascale Clark
Pourquoi vous ne la chantez pas la Marseillaise, vous ?
Ségolène Royal
Mais si, ça m'arrive de... Il m'arrive de la chanter bien sûr.
Pascale Clark
On peut voir ?
Ségolène Royal
Non, parce que je crois que ça n'est pas un jeu et qu'il y a des moments pour le faire.
Pascale Clark
Et là, ce n'est pas le moment, par exemple.
Ségolène Royal
Voilà.
Pascale Clark
Et à la fin de vos meetings ?
Ségolène Royal
Oui, bien sûr, ça peut m'arriver de la chanter, comme ça peut m'arriver de l'écouter, d'écouter la foule. Quand plus de dix mille personnes se mettent à chanter la Marseillaise, et même spontanément, la rechantent une seconde fois, je l'écoute.
Pascale Clark
Nous sommes aujourd'hui, Ségolène Royal, à vingt-cinq jours du premier tour. Quelles sont vos chances d'être au second tour ?
Ségolène Royal
Il appartient aux électeurs d'en décider.
Pascale Clark
Certes.
Ségolène Royal
Et voilà.
Pascale Clark
C'est tout ce que vous répondez à ça ? ...
Ségolène Royal
Et à moi d'être la plus convaincante possible, ce que je fais. Ce que je fais après avoir, vous savez, pris le temps d'écouter beaucoup, ben j'ai entendu les colères, les inquiétudes, le désamour à l'égard des politiques, l'attente désespérée de quelque chose qui ne vient pas, en particulier pour les catégories qui se sentent éloignées de tout. Et donc c'est ce lien social que je veux reconstruire. Il y a aussi une forte mobilisation sur le terrain : les militants socialistes sont très mobilisés...
Pascale Clark
Tous d'ailleurs, hein...
Ségolène Royal
Et les salles...
Pascale Clark
Franchement, tous les militants, tous les gens. Il y a beaucoup de gens dans tous les meetings...
Ségolène Royal
Énormément...
Pascale Clark
Voilà, sans parler de la couleur de ceux qui tiennent ces meetings. Ça fait... Je connais des tas de gens qui d'habitude votent socialiste et là, ils vont voter Bayrou. Ça fait des dîners agités parfois. Qu'est-ce que vous pouvez leur dire, vous, aux traditionnellement socialistes qui vont, qui envisagent de voter Bayrou ?
Ségolène Royal
Ben que François Bayrou, comme il le dit lui-même, n'a pas de programme, ce qui est quand même un petit peu embêtant compte tenu de la profondeur de la crise économique, sociale, écologique, morale, politique que traverse la France aujourd'hui. Je crois que les rustines ne suffisent plus, qu'il faut vraiment porter un regard neuf, mettre des règles nouvelles sur la façon dont à nouveau la France peut fonctionner, la tirer vers le haut. Et je crois que ça n'est pas dans le ni-ni ou dans l'immobilisme que l'on règle les problèmes ; Je crois que c'est une impasse même si l'homme est sympathique. Mais je crois qu'aujourd'hui, la France a besoin de solutions vraies, de changements profonds.
Pascale Clark
Mais pourquoi il y a des gens de gauche qui sont tentés par lui alors ?
Ségolène Royal
On verra, on verra au moment du vote. Je crois que les électeurs, pas seulement de gauche mais ceux qui veulent que la France bouge, qu'elle se relève, qu'il y ait du progrès, qu'il y ait de la croissance durable, qu'il y ait un nouveau pacte avec les jeunes, qu'il se passe quelque chose dans les banlieues, que les services publics reviennent, tous ceux qui veulent cela vont au bout du compte comparer les projets, les programmes. Et puis ce que chacun a fait dans le cadre des responsabilités antérieures.
Pascale Clark
Vous comptez sur la vérité de l'isoloir ? Par exemple, des gens qui envisagent de voter Bayrou et puis qui au dernier moment...
Ségolène Royal
Je fais confiance à l'intelligence collective, comme je l'ai toujours dit. Je crois qu'avec moi, la politique ne sera plus jamais comme avant parce qu'elle ne se fera plus sans les gens. Elle se fera avec eux à tous les échelons de responsabilité - c'est la réforme des institutions profonde que je veux, et en particulier l'interdiction du cumul des mandats pour que les élus s'occupent à plein temps de leurs responsabilités. La démocratie participative pour que les citoyens participent aux décisions qui les concernent. Que les élus puissent rendre des comptes et que les intelligences citoyennes aident les responsables politiques à décider et surtout ensuite, à suivre l'application des décisions qu'ils prennent. La France a changé, le monde a bougé alors la politique doit changer.
Pascale Clark
Et vous, est-ce que vous avez changé ? Ça fait quatre mois que vous avez été investie candidate socialiste. Est-ce que vous avez changé en ces quatre mois de campagne ?
Ségolène Royal
Je ne crois pas avoir changé, pas seulement depuis quatre mois mais depuis plusieurs années, au sens où les valeurs que je défends sont toujours les mêmes et dans leur cohérence. Et en même temps, je porte un regard très aigu sur les mutations, sur les évolutions, sur les attentes. Et donc à la fois, je suis solide sur mes bases. Et en particulier, je crois qu'il y a des refondations à faire sur la maison France autour des valeurs des familles, de l'éducation, de la valeur travail, de l'exigence écologique et que tout se tient dans la façon dont on lutte en agissant sur ces secteurs-là contre les précarités, contre le chômage, contre les insécurités. Et puis en même temps, je pose un regard neuf sur la France telle qu'elle va. Et ce que je veux, c'est que la France ait à nouveau confiance en son avenir. Aujourd'hui, il y a une peur du déclassement alors que nous devons tirer parti d'une mondialisation qui aujourd'hui se traduit essentiellement par des délocalisations et des destructions d'emplois. Donc les gens sont inquiets à juste titre. Et donc il faut être beaucoup plus énergique et efficace à la fois pour protéger l'Europe contre les délocalisations et pour que la France retrouve sa place dans le monde, que les entreprises aient à nouveau confiance en elles.
Pascale Clark
Il y a eu deux temps très différents dans cette campagne : la première période qu'on va qualifier de période de lévitation et puis la seconde, celle des embrouilles. Impressions de campagne par Philippe GAUDIN. Regardez.
Ségolène Royal
Je vais vous parler avec gravité. J'accepte d'assumer cette mission de conquête pour la France et les épreuves qui vont avec. Avons-nous quelque chose à dire encore au monde ? Avons-nous quelque chose encore à lui apporter ? Le croyez-vous ? Le voulez-vous ? Alors je le crois et je le veux avec vous. J'ai besoin de tout le monde mais en même temps, je respecte la façon dont chacun a envie de s'impliquer et la forme que cela peut prendre.
Jean-Jacques BOURDIN
Ségolène Royal, on a combien de sous-marins... ?
Ségolène Royal
Je vous ferai la même réponse...
Jean-Jacques BOURDIN
Nucléaires lanceurs d'engins aujourd'hui ?
Ségolène Royal
Nous en avons un.
Jean-Jacques BOURDIN
Non non...
Ségolène Royal
Deux...
Jean-Jacques BOURDIN
Nous en avons sept.
Ségolène Royal
Oui, sept. Bon...
Jean-Jacques BOURDIN
Sept.
Ségolène Royal
Je prononce immédiatement le moratoire sur les OGM en plein champ.
Éric BESSON, ancien secrétaire du PS
Chaque fois que la candidate ne sait pas trancher, c'est un moratoire. Et moi, je réclame un moratoire sur les moratoires.
Ségolène Royal
Les dirigeants du Parti socialiste n'ont pas suffisamment fait bloc autour de moi au début de cette campagne donc il y a eu un doute sur la compétence. Il a fallu que je compose dans cette phase. Mais aujourd'hui, je suis dans la dernière ligne droite et je reprends toute ma liberté.
Pascale Clark
Alors un concentré, hein, de beaucoup de choses. « Les épreuves qui vont avec », disiez-vous quand vous avez été intronisée. C'est quoi finalement les épreuves ?
Ségolène Royal
Ce sont les épreuves de campagne, c'est difficile, c'est une épreuve physique, psychologique...
Pascale Clark
Mais il n'y a pas que ça, il n'y a pas que ça. Par exemple, bon...
Ségolène Royal
Mais ce n'est rien, ce n'est rien à côté des épreuves que subissent aujourd'hui des millions de Français qui subissent le chômage, les bas salaires, l'isolement, le handicap.
Pascale Clark
Les propos d'Éric BESSON, est-ce que ça, c'est une épreuve, par exemple ?
Ségolène Royal
Oui, c'est une chausse-trappe de campagne, oui, bien sûr.
Pascale Clark
Et ça nuit ?
Ségolène Royal
Oui, ça nuit parce que ce n'est jamais agréable les trahisons.
Pascale Clark
C'est comme ça que vous considérez cette affaire...
Ségolène Royal
Voilà...
Pascale Clark
Une trahison.
Ségolène Royal
Mais bon, voilà, c'est surmonté aussi comme ça, quoi.
Pascale Clark
Vous avez l'impression d'être spécialement maltraitée dans cette campagne ?
Ségolène Royal
Je ne me pose pas la question. Vous savez, je suis aujourd'hui en avant dans cette dernière ligne droite, en dialogue direct avec les Français. Peut-être qu'ils vont justement examiner et je crois même, c'est certains, ils regardent beaucoup d'attention ce qu'il se passe. Ils sont passionnés par cette campagne. Une page de l'histoire de France est en train de s'écrire. Je veux être à la hauteur de cette page de l'histoire de France qui s'écrit parce que si les Français me désignent et me font confiance, je veux être à la hauteur des engagements que je prends en vers eux...
Pascale Clark
Est-ce que vous reconnaissez parfois sur certains dossiers des pas de deux, un manque de précision ? Je prends l'exemple des enfants scolarisés en France : dans un premier temps, vous dites la régularisation de leurs parents doit suivre cette scolarisation. Et puis c'est François HOLLANDE qui doit rectifier : selon certains critères. Pourquoi est-ce que parfois il faut la stéréo ?
Ségolène Royal
Non, je ne le vis absolument pas comme cela. Je crois que sur des sujets complexes, qu'il y ait un certain nombre de précisions à apporter, c'est tout à fait normal. Et je ne sens aucune contradiction entre ce qui a été dit.
Pascale Clark
Je n'ai pas dit contradiction mais les précisions, voilà, arrivent dans un second temps parfois.
Ségolène Royal
Non, je ne le sens absolument pas comme ça, surtout sur ce sujet-là vraiment qui doit être traité à la fois avec humanité mais également avec des critères. C'est ça aussi l'ordre juste, qu'il y ait des critères, que tout le monde soit bien au clair sur ces critères...
Pascale Clark
Et c'est quoi ces critères alors ? ...
Ségolène Royal
Et en même temps, que les choses soient faites avec humanité. Voilà...
Pascale Clark
Les fameux critères, c'est quoi ? C'est la durée de scolarisation des enfants ? ...
Ségolène Royal
Voilà, par exemple, ça peut être un des critères. Les conditions de la vie familiale, la réalité de la venue sur le territoire. Il y a beaucoup de critères, plusieurs critères mais qui devront être visibles. C'est ça la nouvelle démocratie, la nouvelle République, c'est que le règles qui sont appliquées doivent être les même pour tous. Chacun a des droits et a des devoirs. On est dans du donnant-donnant ou dans du gagnant-gagnant. Et en même temps, c'est la clarté sur ces règles qui permet d'abord d'en débattre démocratiquement et ensuite, de demander à chacun de les respecter.
Pascale Clark
Le nouveau ministre de l'Intérieur, François BAROIN, annonce ce matin qu'il peut y avoir des expulsions avant juillet de parents d'enfants scolarisés. Comment réagissez-vous à ça ?
Ségolène Royal
Mais, comment dirais-je ? Je ne peux pas répondre de façon abstraite à cette question-là puisque ce qu'il doit annoncer, ce sont justement les deux principes que je viens d'évoquer : quels sont les critères et quels sont les principes qui seront appliqués ? Et faire des déclarations de ce type ne fait qu'envenimer les choses. Donc ça n'est pas responsable de faire des déclarations de ce type sans indiquer clairement à l'opinion qui a le droit de savoir et aux principaux intéressés aussi quels sont les critères. Dans une République, il y a des règles et dans une démocratie, il y a de la transparence sur ces règles. Et c'est aujourd'hui ce qu'il manque cruellement. Et c'est pourquoi, dans la confusion des règles et dans le manque de transparence, à ce moment-là, il y a des tensions, il y a des révoltes comme celle que l'on a vue et dont on a parlé tout à l'heure.
Pascale Clark
Devant vous, il y a votre livre, Ségolène Royal. Vous répondez à Marie-Françoise COLOMBANI. Ça s'appelle « Maintenant », ça s'appelle « Maintenant comme « Ici et maintenant » évidemment. Est-ce que vous vous en inspirez beaucoup de François MITTERRAND ?
Ségolène Royal
Je regarde en avant. Donc... Et en même temps, il a marqué ma vie politique, il m'a enseigné un certain nombre de choses, de principes, de valeurs puisque j'ai travaillé pendant sept ans à la présidence de la République. J'étais notamment chargée de la préparation des sommets internationaux et puis des questions sociales, les questions environnementales aussi. Ce que j'ai appris surtout, c'est une sorte de volonté politique, la capacité à résister à tous ceux qui vous disent que ça n'est pas possible.
Pascale Clark
Le soutien de Mazarine PINGEOT ce matin, il vous touche ?
Ségolène Royal
Oui, puis je pense qu'il est bien argumenté, il est politiquement argumenté.
Pascale Clark
C'est-à-dire ?
Ségolène Royal
C'est-à-dire qu'elle a compris le sens de la vision que j'avais de la nouvelle façon de faire de la politique, en m'appuyant sur les citoyens, en prenant le temps de les écouter, en les respectant et en leur disant très clairement que la politique ne se fera plus jamais sans eux. Parce que je crois que c'est comme ça que la France peut être forte et se remettre puissamment en mouvement si chacun a le sentiment qu'à la place où il est, il peut donner le meilleur de lui-même, et que l'État garantira que les efforts demandés aux uns et aux autres sont équitablement répartis.
Pascale Clark
Je voudrais vous montrer des archives qu'on a retrouvées. Elles datent de 1993. C'est le dernier Conseil des ministres du gouvernement BEREGOVOY puisque la cohabitation va commencer. Et puis vous allez voir ça, chacun des ministres défile auprès de François MITTERRAND pour lui dire au revoir. Voilà. Évidemment il n'y a pas de son. C'est extrait d'un documentaire - donc là, « Vu de l'Elysée », ça s'appelle. Réalisation Hugues... Vous les connaissez ces images, non ? Est-ce que vous vous en souvenez ? Nous sommes en 1993...
Ségolène Royal
Oui...
Pascale Clark
Et à votre tour, vous allez apparaître pour saluer François MITTERRAND. Voilà, dès que ce Monsieur aura disparu. Ça vous touche de revoir ça ?
Ségolène Royal
Oui.
Pascale Clark
Pourquoi vous êtes en pleurs à ce moment-là ?
Ségolène Royal
C'est le sentiment de vivre un moment d'histoire très fort. L'intervention de François MITTERRAND en Conseil des ministres qui était un moment extrêmement émouvant et dense. La maladie déjà qui l'affaiblissait. Et pourtant, la force de son engagement politique, de ses convictions, du flambeau qu'il nous transmettait sur le thème « Vous vous battrez le dos au mur. Restez unis » et cette belle phrase que j'évoquais tout à l'heure : « La cause que vous défendez est plus forte et plus grande que vous ». Et il y aura toujours les forces du conservatisme à combattre, celles qui veulent remettre en cause toutes les formes de sécurité sociale, qui veulent toujours donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup. Et je crois que cette leçon politique-là, elle est toujours d'actualité.
Pascale Clark
On va laisser passer la pub, Ségolène Royal, mais d'abord, il faut faire la photo évidemment. L'appareil se trouve quelque part mais alors j'ai totalement oublié où. Du côté de l'escalier apparemment. Oui, du côté de l'escalier sur votre gauche. Appareil photo, enfin vous connaissez, hein.
Ségolène Royal
Alors je vais là-bas, non ?
Pascale Clark
Ben où vous voulez, où vous voulez. Double déclic à bout de bras. On revient avec vous après la pub, Ségolène Royal.
Pascale Clark
Retour avec la candidate du jour, « En aparté », Ségolène Royal face à elle-même en photo. On va d'abord découvrir votre photo, Ségolène Royal. Où est-elle cette photo ? Est-ce qu'on peut la voir ? Non, on ne la voit pas. Ah si ! La voilà, voilà. Vous êtes déjà postée devant le miroir. Nous sommes le 6 mai prochain, Ségolène Royal, et vous êtes élue présidente de la République. Il se passe quoi, vous croyez ?
Ségolène Royal
D'abord, rien n'est fait, rien n'est fait. Je crois qu'il faut mériter la confiance des Français.
Pascale Clark
C'est une possibilité, disons.
Ségolène Royal
C'est une possibilité bien sûr. Il se passe quoi ? Ben il se passe la mise au travail immédiate. Et en particulier le combat contre le chômage des jeunes car je crois que c'est cela dont la France souffre le plus aujourd'hui : 25 % de jeunes diplômés qualifiés qui sont au chômage. Donc ce sera la mobilisation nationale avec un nouveau pacte avec les entreprises pour que les jeunes aient leur chance et puissent trouver un travail et un emploi. Et puis il y aura la préparation immédiate de la rentrée scolaire et en particulier la grande réforme qui consistera à donner à tous les enfants en difficulté du soutien scolaire individuel gratuit pour les raccrocher au bon moment...
Pascale Clark
Est-ce qu'il y a une première mesure symbolique ? Pas forcément la première mais celle que vous prendriez symboliquement si vous arriviez à l'Elysée.
Ségolène Royal
Il y aura le dépôt immédiat d'une proposition de loi parce que les députés l'ont déjà préparée contre les violentes faites aux femmes. Vous avez vu que le numéro de téléphone sur les violences faites aux femmes a été ouvert il y a quelques jours : des milliers et des milliers d'appels sont arrivés, notamment beaucoup de femmes qui subissent toutes formes de brutalités puis au sens large, les insécurités, les précarités, les solitudes. Le problème des petites retraites aussi pour les femmes seules. Donc... Et ça, je l'ai vu remonter très très fortement dans les débats participatifs. Il y a là un chantier immense pour faire en sorte et d'une façon générale que toutes les formes de violence reculent dans notre société.
Pascale Clark
Si vous perdez, c'est grave ?
Ségolène Royal
Mais je ne veux pas me mettre dans cette situation-là.
Pascale Clark
Ah ! Mais on a examiné la victoire. On peut aussi examiner la défaite, non ?
Ségolène Royal
Non, parce que quand on est dans un combat politique auquel on croit, et puis quand on veut que la France se relève sur de nouvelles bases, on imagine d'abord les conditions dans lesquelles cette victoire peut être obtenue. Pas pour moi-même d'ailleurs mais d'abord pour le pays qui a besoin de changement.
Pascale Clark
Vous avez déjà des noms de Premier ministre en tête ?
Ségolène Royal
Bien sûr, j'ai déjà réfléchi à mes équipes, heureusement.
Pascale Clark
Et vous avez combien de possibilités en tête ?
Ségolène Royal
Vous le saurez le moment venu. Ça, c'est la nature même de l'élection présidentielle. C'est un lien direct entre une personnalité politique et le peuple français.
Pascale Clark
Je vais vous demander de vous installer maintenant pour les quelques minutes qu'il nous reste où vous voulez, Ségolène Royal. Il y a le fauteuil blanc, il y a le canapé de tout à l'heure. Il se trouve que dans la première partie, on n'a pas eu le temps de passer « Visages de campagne ». Les équipes d'« En aparté » sont allées partout dans les meetings, y compris dans un des vôtres, pour voir qui était précisément dans vos meetings. Si vous voulez bien regarder sur les écrans « Visages de campagne ». C'est signé Caroline CARTIER.
Une militante socialiste
Là, mon coeur, il fait boum boum boum. J'aime Ségolène parce qu'elle est née au Sénégal comme moi. Ce sont les racines et c'est le sang aussi. On s'aime, voilà. Elle est Sénégalaise d'un côté, hein. C'est vrai, hein. Et vive Ségolène, hein. Elle est en face de moi là, je la vois. Franchement, j'aimerais bien être comme elle, hein. Je trouve qu'elle est très belle, hein. François HOLLANDE a de la chance, hein. C'est vrai, hein. Ah la la ! Moi, je voulais juste dire un truc : on a confiance en elle, qu'elle ne nous déçoit pas quand elle sera présidente parce qu'elle le sera bien sûr. J'en suis sûre et certaine. J'ai cru en elle depuis le début alors donc elle sera présidente. Je mettrais ma main à couper. Mais moi, j'ai toujours été socialiste parce qu'il n'y a qu'eux qui aident le peuple et qui ne soient pas pour les riches, quoi. Et moi là, je ne travaille pas, hein. Je suis au chômage. Je mettrais ma main à couper.
Pascale Clark
Vous vous rendez compte si vous la décevez. Il reste trente secondes de temps de parole là. Comment faire pour ne pas la décevoir ? ...
Ségolène Royal
Oui...
Pascale Clark
La seule solution, c'est d'être élue, c'est ça ?
Ségolène Royal
Oui, et puis surtout d'être à la hauteur des engagements. Ça me rappelle exactement ce que disait Michelle BACHELET au Chili. Je l'avais accompagnée pendant sa campagne et quand on voyait, comme dit Alain SOUCHON, ces foules sentimentales, ces espérances, ces attentes, ces espoirs, on se dit : surtout ne pas décevoir, ne pas décevoir à la fois dans les engagements, dans la clarté de ces engagements, dans la cohérence du projet et puis dans l'action. Mais je crois que chaque fois où j'ai eu des responsabilités ministérielles ou politiques, j'ai toujours été poussée en avant par une morale de l'action parce que je crois avoir bien intégré la rareté du temps Et...
Pascale Clark
Ben le temps justement... Je suis désolée, le temps de parole imparti...
Ségolène Royal
Eh ben voilà...
Pascale Clark
Il est à la seconde près, est terminé...
Ségolène Royal
Merci de votre invitation...
Pascale Clark
Merci à vous. Vous avez choisi d'écouter Grand Corps Malade.
Ségolène Royal
Oui.
Pascale Clark
Quand vous verrez le compte à rebours, toujours au nom du temps de parole, sur l'écran, merci de sortir, Ségolène Royal. Grand Corps Malade, « Sixième sens ».
Ségolène Royal
« Sixième sens », magnifique.
Pascale Clark
C'était « En aparté » avec Ségolène Royal. Rendez-vous à demain
Source http://www.desirsdavenir.org, le 29 mars 2007