Déclaration de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle de 2007, sur sa conception de la politique et sa vision de l'avenir, Bordeaux le 6 avril 2007.

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Circonstance : Meeting à Bordeaux le 6 avril 2007

Texte intégral

Chers amis...
Vous voilà ce soir à Bordeaux aussi nombreux rassemblés, je sens comme une vague qui se lève, à quelques semaines du premier tour de l'élection présidentielle.
Ce moment historique, majeur, au cours duquel la France refonde son pacte républicain et son pacte social.
Merci d'être là, à Bordeaux.
Je remercie tous mes amis ici rassemblés, ils sont nombreux, je ne pourrai pas tous les citer, mais je vois Alain Rousset, Jean-Michel Baylet, Henri Emmanuelli, Gilbert Mitterrand, et vous tous les présidents des conseils généraux des départements voisins, les parlementaires, Gilles Savary, aussi je le remercie pour son soutien. Je vois Yvette Roudy, je vois Conchita, je vous vois tous. Et M. Dupont-Lahitte, qui m'a apporté tout à l'heure son soutien. Philippe Madrel*, Michel Sainte-Marie*, et je vais en oublier, je vous vois tous, Bernard Dussaut*, Alain Anziani, mais c'est à vous tous, citoyens, citoyennes, venus parfois de très loin, remplissant cette salle extraordinaire, on me dit que nous sommes près de 15 000, ce sont des moments politiques merveilleux. Je suis aussi heureuse parce que c'est un symbole, ce département de Gironde où vécut Montaigne, qui incarna en France l'esprit de liberté, de tolérance et d'émancipation, et qui écrivait : la vraie liberté, c'est pouvoir toute chose sur soi-même. Mais c'est une aspiration toujours actuelle des socialistes et de la gauche à l'autonomie de chacun, et c'est le droit que je revendique pour chacun et pour chacune dans le pacte présidentiel, de construire sa vie. C'est ce flambeau que je vous demande à nouveau de saisir.
La Gironde, c'est aussi le département de Léo Lagrange, qui a inspiré le grand mouvement de jeunesse et d'éducation populaire, qui permit de résister à tous les populismes et à toutes les xénophobies. Je n'oublie pas Léo Lagrange qui a organisé les olympiades populaires à Barcelone, en protestation contre la mise en scène des Jeux olympiques de Berlin fasciste de 1936. Alors rendons-lui ici cet hommage.
Mes chers amis, mes chers compatriotes, je veux, ce soir, vous parler de la France présidente. Je veux, avec vous, ce soir, oublier les agressions verbales de la droite. Je compte sur vous, chaque fois que vous entendrez une déformation de mes propos, pour y répondre avec sérieux, avec pédagogie, pour expliquer. Mais ce soir, puisque j'ai déjà remis au point un certain nombre de choses, ce soir, à partir de Bordeaux, j'ai décidé, afin de ne pas laisser le débat présidentiel se tirer vers le bas, comment d'ailleurs pourrais-je accepter cela, alors que ma volonté politique la plus farouche depuis le début de cette campagne, que j'ai d'abord voulue participative, c'est-à-dire en respect des Français, je veux incarner jusqu'au bout cette République du respect, porter jusqu'au bout l'élévation du débat présidentiel parce que les Français veulent choisir avec leur intelligence en toute connaissance de cause.
C'est pourquoi, à partir d'aujourd'hui, et jusqu'au 22 avril, le premier tour de l'élection présidentielle, je ne m'adresserai exclusivement qu'aux Français, et je ne leur parlerai... Je refuserai de répondre à toutes les attaques, d'où qu'elles viennent.
Mais je vous le dis, je vous le redemande, parce que mon équipe de campagne, c'est vous : ne laissez pas déformer les valeurs que je défends, ne laissez pas déformer les propos que je tiens, ne laissez pas vilipender la vision de la France que je porte, et cela m'aidera à défendre davantage le pacte présidentiel qui va porter le changement profond dont la France a besoin et qu'elle attend.
Oui, bien sûr, vous le savez, je vous ai écoutés pour agir juste et pour tenir parole. J'ai entendu, et vous aussi, qui êtes venus nombreux dans les débats, vos inquiétudes, vos colères mais aussi vos espoirs, et vous avez exprimé cette volonté de changement. Et c'est normal, car la crise actuelle que traverse notre pays appelle de nouvelles règles : un Etat et des pouvoirs publics solides et qui fonctionnent bien.
Alors, c'est cela que je vous propose : nous allons bâtir ensemble un ordre juste afin de faire reculer les précarités, les inégalités, les brutalités et les violences. Nous allons assurer et inventer les sécurités nouvelles de l'emploi, des salaires et des retraites, du logement et de la santé. Nous allons libérer les énergies dont la France est porteuse si l'État joue tout son rôle et si chacun donne par ses efforts et ses talents le meilleur de lui-même. Nous allons construire une Europe sociale qui nous protégera contre les délocalisations. Et je vous garantis, dans cette France présidente, une juste répartition des fruits des efforts.
Alors que d'autres veulent donner encore plus à ceux qui ont déjà énormément, moi, je crois en notre modèle républicain et laïc, en notre pacte social, gravement mis en cause. Nous savons, mes chers amis, qu'il n'y a pas de liberté sans justice, il n'y a pas de démocratie sans éducation et sans efficacité économique, sans sécurité sociale. C'est tout cela que je veux réconcilier, c'est ma conviction de femme de gauche et de progrès, c'est ma volonté d'agir pour l'intérêt général.
Alors, je forme le voeu que la France présidente se relève avec vous, avec nous tous et nous toutes. Cette France, elle est entreprenante et solidaire, forte de la diversité de ses talents et de ses territoires, elle assumera pleinement sa place en Europe et dans le monde.
Cette France présidente, c'est aussi une promesse solennelle, et c'est ma façon de vous dire : avec moi, la politique ne se fera plus jamais sans vous. Parce que, si je vous ai écoutés, et vous aussi, si vous avez écouté les citoyens autour de vous, et je vous demande de continuer à le faire, et tous vos élus ici présents l'ont fait abondamment, et si je continue à travers toute la France, ce n'est pas pour, après, oublier les Français, bien évidemment ; alors je le redis avec force : la campagne participative que j'ai voulue et à laquelle vous êtes si nombreux à avoir répondu préfigure la façon dont, demain, je gouvernerais avec les Français s'ils me font confiance. Parce que la France présidente, c'est la clé de l'efficacité des politiques publiques, parce qu'elles seront élaborées, évaluées, corrigées au besoin avec celles et ceux auxquels elles sont destinées, c'est-à-dire vous, les citoyens.
La France présidente, c'est ma façon de vous dire combien j'ai besoin de vous, de vos intelligences collectives, de vos exigences, mais aussi de vos générosités pour construire une France qui se ressemble et qui se rassemble.
La France présidente, cela veut dire : chacun d'entre vous, quel qu'il soit, où qu'il soit, est capable d'apporter sa pierre, sa contribution à la construction de l'intérêt général de notre maison commune.
La France présidente, c'est ma façon de vous dire : j'ai besoin, pour redonner avec vous un nouvel élan à notre pays, j'ai besoin de chacun d'entre vous et de chacune d'entre vous, car vous êtes les meilleurs experts de ce que vous vivez, et j'ai besoin de cette intelligence collective, c'est-à-dire aussi de votre capacité à entendre et à tenir compte des autres, c'est cela la République du respect.
Alors, j'entends certains nous dire : mais les Français seraient individualistes, égoïstes, nombrilistes, repliés sur leurs petits soucis, indifférents aux autres, que sais-je encore, mais moi, je dis : tout dépend de ce qui leur est proposé, tout dépend de l'espoir qu'ils ont ou non d'être entendus et de pouvoir peser sur les décisions qui les concernent. Je refuse cette opposition entre l'individuel et le collectif, je veux les réconcilier car je crois profondément que l'efficacité des politiques publiques suppose de tenir compte des situations réelles vécues par chacun.
Jaurès le disait déjà : l'individu est la mesure de toute chose et parce qu'inversement, on ne s'en sort jamais tout seul, pour que chacun puisse conduire sa vie et répondre personnellement de ses actes par la responsabilité, encore faut-il qu'il en ait les moyens, et ces moyens, c'est la mission de la gauche, ce sont des sécurités collectives et efficaces qui les apportent et qu'il faut sans cesse réinventer et consolider. Voilà la réconciliation de l'individuel et du collectif dans la France présidente que je vous propose.
La France présidente, c'est cette France en marche qui se réintéresse à la politique, qui revient dans les réunions publiques comme ce soir, qui n'a pas fait forcément son choix, mais qui sait, et chacun d'entre vous le sait, à quel point ce choix va engager l'avenir du pays pour longtemps. C'est une France qui a soif de changement profond et qui ne veut plus que l'on décide sans elle, qui ne veut plus qu'on oublie ses promesses sitôt les élections passées, et qui ne veut plus d'un pouvoir arrogant et brutal.
La France présidente, cela veut dire que je m'engage à être la présidente de la juste autorité, à l'écoute du peuple français, et m'entourant bien pour le servir.
Les Français veulent être associés aux décisions qui les concernent mais ils ne veulent pas d'un pilotage à vue car ils attendent des résultats concrets dans leur vie quotidienne, et ils ont bien raison, cela s'appelle une morale de l'action et une obligation de résultat.
Ce pouvoir doit servir à agir et à réussir. C'est pourquoi, tout au long de mon mandat, je rendrai des comptes et je ferai les Français juges des résultats. Les Français ne veulent pas de l'autoritarisme qui divise, et je ne confonds pas juste autorité et autoritarisme, celui qui divise, qui méprise, qui fait prendre du retard à la France et qui échoue à entraîner tous les Français parce qu'il les dresse les uns contre les autres. Cette juste autorité que j'entends exercer avec vous, je la sais conforme à nos valeurs républicaines et au meilleur de l'identité de la France.
La France présidente, c'est aussi la prééminence de l'action politique sur les mécanismes aveugles de l'économie. C'est une France qui refuse la société du chantage aux licenciements, la ségrégation scolaire, les précarités imposées au plus grand nombre. C'est une France qui tiendra ferme sur cette idée toujours neuve : l'égalité réelle à construire sans relâche. C'est la France de la restauration de la puissance publique et des services publics, et c'est la France de la crédibilité retrouvée de la parole politique.
C'est la France des solidarités durables, que je ne veux plus opposer à l'efficacité. Je crois, tout au contraire, qu'il n'y a pas d'efficacité économique sans solidarité durable, c'est la seule condition qui permettra au pays de reprendre son destin en main et à chacun de construire et de conduire sa vie, car ce privilège de quelques-uns doit devenir le droit de tous.
La France présidente, c'est la France qui sait que tout se tient : la lutte contre la précarité du travail, le refus de l'écrasement du pouvoir d'achat des salaires et des retraites, la bataille pour le droit au logement, le soutien aux familles fragilisées, la fin des exclusions scolaires et des discriminations qui font injure à la République, le recul des insécurités sociales et publiques qui frappent les plus faibles et de plus en plus les catégories moyennes, et qui d'ailleurs inquiètent tous les autres, car nul n'est plus à l'abri de la brutalité d'une mondialisation mal maîtrisée et d'une droite qui crée elle-même les violences qu'elle prétend résoudre.
La France présidente, c'est celle qui posera les mots justes sur les souffrances et les espérances des Français, et notamment de ceux qui se sont éloignés en ayant le sentiment de ne plus compter pour rien.
La France présidente sera celle de la République du respect mutuel, où les droits supposent des devoirs et les devoirs appellent des droits : c'est la France du donnant/donnant, qui fait que les uns ne gagnent pas au détriment des autres, mais que nous gagnerons ensemble, les uns avec les autres, et même les uns parce que les autres.
La France présidente, c'est ma façon de dire aux Français : vous allez devoir choisir entre deux conceptions de la France, deux visions de son avenir.
D'un côté, il y a celle des clans, des clivages, des conflits, celle des divisions et des oppositions exacerbées, qui dressent les uns contre les autres, qui dressent ceux qui ont un emploi contre ceux qui n'en ont pas, et qui sont soupçonnés de ne pas vouloir se lever le matin, ceux qui pourront se payer des retraites par capitalisation et ceux qui ne pourront pas, ceux qui auront les moyens de se soigner et ceux qui ne les auront plus, à cause des franchises et de ce qui se prépare sur la privatisation de la Sécurité sociale, ceux qui habitent les centres ville et ceux qui sont dans les périphéries ou le milieu rural isolé, ceux du secteur privé que l'on oppose au secteur public alors que nous devons les faire travailler ensemble, ceux qui ont droit à l'échec avec des parachutes dorés et ceux qui n'y ont pas droit et que l'on traite d'assistés, la France contre les étrangers, les immigrés d'hier contre les immigrés d'aujourd'hui, les plus âgés que l'on oppose aux plus jeunes, les hommes contre les femmes, les chefs d'entreprise contre les salariés, les salariés contre les chefs d'entreprise. Bref, la liste est sans fin, et c'est à cette liste sans fin qu'il faut mettre fin.
La France présidente, au contraire de tout cela, c'est la France qui se rassemble, forte de tous les siens et fière de ses valeurs partagées, c'est la France qui mobilise tous ses talents, toutes ses énergies, aujourd'hui trop souvent gaspillées et gâchées, c'est la France qui tire tout le monde vers le même horizon. La France présidente, c'est d'abord celle qui relance la croissance au bénéfice de tous : des entreprises, de ceux qui ont un emploi et de ceux qui n'en ont pas. C'est la France du travail pour tous et du métier pour chacun. C'est la France qui réhabilite la valeur travail puisqu'elle veut donner du travail pour tous et un métier à chacun.
C'est celle qui garantira à chacun des jeunes le droit à un premier emploi, avec le contrat première chance et les emplois-tremplins que j'ai pris l'engagement de créer avec les régions, c'est la France qui leur donne leur chance, à celles et ceux auxquels aujourd'hui, parce qu'ils sont jeunes, on refuse une première expérience professionnelle, eh bien la France présidente, c'est celle qui dit à tous les jeunes : allez, vas-y, fais tes preuves, la France a besoin de toi et de la diversité de tes talents, et nous allons t'ouvrir les portes et fenêtres, où que tu sois, d'où que tu viennes, quels que soient ton nom et la couleur de ta peau !
Oui, la France présidente, c'est celle qui prend les moyens de lutter contre le chômage de masse, c'est celle qui sait conjuguer le besoin d'agilité dont les entreprises ont besoin pour affronter la compétition mondiale, et en même temps la sécurité nécessaire des salariés. Comment on concilie cette agilité nécessaire des entreprises avec la sécurité des salariés ? On le fait en créant la sécurité sociale professionnelle. Voilà l'économie moderne, celle qui nous permet de repartir et de créer une croissance durable.
C'est la France qui aide ceux qui prennent le risque d'entreprendre, qui créent des emplois de qualité, qui innovent, qui investissent, mais qui se mobilisent en même temps efficacement contre les délocalisations et les licenciements boursiers.
La France présidente, c'est la France du travail qui paie, sans être obligé, pour joindre les deux bouts, d'accumuler des heures supplémentaires, c'est la France tout simplement qui permet à chacun de recevoir le juste salaire de son travail et la juste rémunération de son activité. Oui, c'est la France du pouvoir d'achat défendu et garanti, et pas celle de la vie toujours plus chère pour les mêmes et des sur-tarifications bancaires. A cela aussi, il faudra remettre de l'ordre car la feuille de paie n'est pas l'ennemi de l'emploi, mais au contraire, peut-être son moteur, et c'est pourquoi nous revaloriserons le salaire minimum, les bas salaires et les petites retraites, car il y a une manière plus efficace de régler le déficit de nos comptes sociaux qu'ils nous laissent, il y a une autre façon que d'en faire peser le coût sur les plus fragiles et sur les catégories moyennes, en baissant les prestations des retraites, au remboursement de l'assurance maladie, il faut tout simplement débloquer l'économie, rétablir la confiance, augmenter le nombre de ceux qui travaillent et donc qui cotisent, cesser les cadeaux clientélistes sans aucune contrepartie, pratiquer la juste répartition des efforts et la culture de l'efficacité et la juste rémunération du travail par rapport au capital.
La France présidente, c'est celle de l'amélioration des conditions de travail. Là aussi, il y aura beaucoup à faire car, je le crois, il n'y a pas de fatalité à tous ces accidents et ces maladies professionnelles dont le coût humain et financier chez nous est exorbitant.
C'est la France qui n'accepte plus les discriminations à l'embauche et tous ces plafonds de verre parce qu'on n'a pas la bonne couleur, le bon nom, la bonne adresse, ou parce qu'on est une femme et qu'à travail égal, les femmes gagnent encore 20 % de moins que les hommes.
Mais oui, c'est cela la France présidente, c'est celle qui prend soin des hommes et des femmes, car elle a compris que c'est le capital humain qui est sa force, et donc son avenir. C'est la France qui investit dans la formation et dans la qualification à tous les âges de la vie.
La France présidente, c'est celle qui tiendra pour chacun la promesse scolaire de la République, et qui n'accepte pas que les uns soient programmés pour réussir et les autres pour échouer. C'est celle qui donnera à chacun de ses enfants le bagage scolaire qui lui permettra de maîtriser les savoirs nécessaires, de devenir un citoyen responsable, de faire fructifier ce bagage scolaire et de transmettre à son tour d'exercer librement sa capacité de jugement, et une fois majeur, sa pleine citoyenneté, de se sentir partie prenante de la nation et de s'ouvrir au monde, et de garder sa vie durant le goût d'apprendre et de choisir un métier plutôt que de subir l'orientation par l'échec.
La France...
La France, cette France-là, c'est celle qui prendra les moyens, tous les moyens de remettre l'éducation à la place qui doit être la sienne, au coeur de tout et en avant de tout, qui apportera aux enseignants la reconnaissance du pays, les moyens d'accomplir leur mission et qui réunira les conditions du respect qui leur est dû.
C'est celle qui, de la maternelle à l'université, saura pousser chaque élève à donner le meilleur de lui-même, à ne pas restreindre ses ambitions, et qui apportera à chaque étape le soutien personnalisé et gratuit dont un enfant ou un adolescent qui peine ou qui perd pied a besoin, c'est celle qui saura encourager tous ses élèves à s'accrocher, et qui raccrochera ceux qui décrochent en vaillant à ce qu'aucun jeune ne quitte plus l'école sans une formation qui lui permette de construire sa vie.
Oui, la France présidente, c'est celle de la confiance faite à la jeunesse, et de ce nouveau pacte conclu avec tous les jeunes dans la diversité de leurs talents et de leurs origines.
C'est la France aussi de l'accès à une habitation sécurisée et du bouclier logement, du service public de la caution, qui sécurise à la fois les propriétaires et les locataires, au lieu de laisser faire la spéculation foncière sans avantage pour la collectivité.
C'est la France capable, comme c'est prévu dans le pacte présidentiel, de construire les 120 000 logements sociaux par an et de les répartir harmonieusement sur tout le territoire, dans toutes les communes, un habitat social enfin affranchi de la ségrégation urbaine, et l'État saura se substituer aux communes défaillantes.
La France présidente, c'est le parti pris, enfin, de cesser d'opposer ce qui doit marcher ensemble. Ce qui doit marcher ensemble, c'est la performance sociale et la performance économique avec la performance écologique. Voilà l'intérêt bien compris du pays, des entreprises et des Français enfin conciliés. Mais oui, c'est évident, solidarité, efficacité et protection de l'environnement vont de pair, l'un ne va pas sans l'autre. Si l'un de ces trois piliers vient à manquer, alors c'est tout l'édifice qui s'écroule.
C'est pourquoi, sur cette exigence écologique, la France s'engagera, et engagera avec l'Europe avec elle dans la lutte contre le réchauffement climatique qui va s'imposer comme une question internationale prioritaire. On le sait, le dernier rapport Stern, et bien d'autres d'ailleurs, souligne les immenses dangers courus par la vie sur Terre, si nous n'agissons pas fort et vite.
Croit-on que l'environnement et les équilibres écologiques doivent être laissés au bon vouloir des marchés, ou à l'égoïsme des États, y compris les plus grands comme les États-Unis dont le mépris affiché par l'administration Bush pour cette grande question humaine est aussi incompréhensible que terrifiant ?
Le combat pour la sauvegarde de la planète exigera le concours de tous les États, de tous les peuples, de tous les individus. Voilà pourquoi l'excellence écologique sera aussi la grande affaire de la France présidente.
La France présidente, en somme, c'est celle de la sécurité et de la solidarité écologique, au service de tous les Français. C'est donc l'engagement de mettre en place de nouvelles règles du jeu qui refondent le pacte républicain, et qui remettent le peuple souverain au coeur de l'action publique. La France présidente, c'est une France assurée d'elle-même et de ses solidarités et donc capable de regarder le monde tel qu'il est et la mondialisation telle qu'elle est : soit un indescriptible chaos, soit une chance à saisir.
Un chaos si nous laissons faire et si nous laissons aller, une chance si elle permet de mettre un terme à l'échange inégal qui a spolié pendant des années l'Afrique, l'Asie et l'Amérique du Sud. C'est une chance si, mieux régulée, la mondialisation permet de faire reculer la faim et la maladie, si le savoir partagé progresse, si les cultures se mélangent et échangent. Mais ce peut être aussi un terrible drame en préparation sous nos yeux, si chacun se replie, dresse des barrières, installe des miradors aux frontières, si l'autre, au lieu d'être une opportunité, devient un intrus et pour finir un ennemi, voilà le risque d'une mondialisation abandonnée aux seules forces du marché, car un fleuve entretenu irrigue et donne la vie, mais un fleuve délaissé, lorsqu'il monte en crue, détruit tout sur son passage. Alors, à nous de construire les digues du nouveau monde !
La France présidente, c'est donc celle qui est attentive aux plus vulnérables, comme à ceux qui veulent aller de l'avant en tirant tous les autres, car le pays a besoin de tous les siens, de ceux qui vont bien comme de ceux qui se sentent tirés vers le bas et qui craignent de dévisser, et qu'on a la responsabilité de retirer vers le haut.
C'est la France qui accompagne celles et ceux qui prennent des risques, qui se lancent, qui créent, qui redonnent courage et espoir aux plus faibles. C'est la France de l'imagination et de l'audace qui n'oublie personne en chemin car c'est ainsi, et ainsi seulement, que nous surmonterons les crises économiques, sociales, écologiques, éducatives, politiques, morales, qui nous bloquent aujourd'hui et qui nous tirent vers le bas. Je veux stopper cela et redonner un nouveau souffle à une France qui va se relever.
Oui, nous allons construire... Mais bien sûr, c'est comme cela que nous allons construire une France neuve, qui aime tous ses enfants et les traite à égalité, et qui protège tous ses anciens et assure leur dignité, et qui ne voit pas dans les nouvelles générations une menace, mais qui, au contraire, les voit comme une chance et comme une grande partie de la solution : c'est cela que j'appelle la solidarité entre les générations et les territoires. Et puis c'est une France qui s'accepte, qui s'imagine, qui s'invente, et qui s'en réjouit telle qu'elle est devenue, riche d'histoires et de trajectoires diverses : colorée, métissée, et qui en tire parti et fierté pour aller de l'avant, une France au clair sur son histoire, sans amnésie ni repentance, accueillante à toutes les mémoires, et d'autant plus capable de se repérer dans le présent et de se projeter dans l'avenir.
La France présidente, la République nouvelle, c'est une France solide sur ces quatre piliers : une démocratie représentative revivifiée, une démocratie participative active, inventive et vigilante, une démocratie sociale refondée et consolidée, forte d'un syndicalisme de masse et de relations rééquilibrées entre le capital et le travail ; enfin une démocratie territoriale aboutie qui clarifie les compétences et organise entre les collectivités locales, les solidarités nécessaires à l'exercice de leur mission, l'État veillant scrupuleusement à l'égalité sur l'ensemble du territoire national.
C'est la France et la culture de la justice et de l'efficacité, je le redis, l'un ne va pas sans l'autre, d'un Etat réformé. Et qui peut mieux réformer l'État et les services publics que celles et ceux qui l'aiment et qui le respectent ? Voilà la vérité, parce que là est notre intérêt commun.
Enfin, la France présidente est celle qui reviendra et qui reprendra toute sa place sur la scène internationale. Oui, je veux que la France revienne à la table de l'Europe, et je ferai tout pour cela.
L'Europe doit rester la grande ambition et la grande réalisation du XXIe siècle. Je sais que vous le voulez comme moi, mais je sais aussi que vous ne voulez pas n'importe quelle Europe, les Français l'ont dit. Moi non plus, je ne veux pas d'une Europe qui ne serait qu'une zone de libre échange adossée à l'OTAN. Je veux encore moins d'une Europe de tous contre tous où le dumping fiscal et social remplace la solidarité et dans laquelle la concurrence sert de projet de société.
L'Europe que je veux avec vous doit élever le niveau de tous les pays et de chaque individu, et non pas les abaisser, et c'est pourquoi l'Europe doit se fixer comme objectif une croissance dynamique et créatrice d'emplois. Nous relancerons les politiques communes sur les enjeux majeurs que nous avons à affronter. En Europe comme en France, la croissance reviendra, de l'investissement dans la recherche, dans l'innovation, dans les énergies renouvelables, dans les transports collectifs, dans une agriculture de qualité. L'Europe doit se battre aussi pour faire émerger une politique industrielle comme le font les grands continents émergeants.
Oui, l'Europe ne doit plus s'abandonner au seul dogme de la concurrence. Je proposerai à nos partenaires la négociation d'un protocole social, les partis socialistes européens ont avancé sur ce point avec Paul Rasmusen et Jacques Delors pour renforcer les droits des travailleurs, et je sais que cette idée commence à faire son chemin.
L'Europe devra aussi s'atteler au dialogue avec la Méditerranée, et mettre en place enfin de véritables politiques de co-développement, on le sait bien, c'est la meilleure façon de maîtriser les migrations de la misère et de lutter contre les mafias qui les organisent.
Bien sûr, c'est évident, la France présidente devra entraîner l'Europe à soutenir le développement des pays les plus pauvres et en réduisant les écarts entre le Nord et le Sud, parce que tout simplement, c'est notre avenir qui en dépend, et c'est la dignité de ces peuples qui en résultera. Le co-développement sera donc un objectif majeur. L'aide publique sera radicalement réformée et réorientée vers les circuits courts, la santé, l'éducation, l'énergie solaire, les associations, le travail des femmes, qui font 90 % du travail de la terre en Afrique, et qui n'ont accès qu'à 5 % des crédits bancaires. Nous leur apporterons les micro-crédits et nous contournerons les gouvernements corrompus pour mettre en place les circuits directs auprès des populations qui en ont le plus besoin.
Cela me conduit à vous dire comment je conçois le rôle de la France présidente dans le monde, et comment j'entends lui faire tenir son rang.
La France, c'est un paysage que nous aimons, c'est aussi une grande histoire, certes, pas uniforme, mais avec des moments sublimes, quelquefois des abîmes, et en arrière-plan, la grande lumière jamais éteinte de la Révolution française et de ses grands principes.
C'est pourquoi, assumons ses symboles et ses couleurs.
C'est également une langue, dont Fernand Bredel nous a enseigné la part qui est la sienne dans la construction de notre identité. N'oublions jamais la dimension de la francophonie. Il y aura, en 2050, 300 millions d'hommes et de femmes qui parleront français. Je souhaite qu'il y en ait davantage, bien davantage. Je souhaite une France qui parle dans sa langue, sa propre langue au monde qui nous entoure, mais qui aussi qui comprenne celle des autres.
Car la France, c'est ce pays, comme disait André Malraux, qui n'est jamais aussi grand que lorsqu'il l'est pour tous. Ce sont des valeurs exigeantes et belles, proclamées par la Révolution française, des valeurs universelles qui nous obligent et que nous devons porter haut, pour ne pas décevoir ceux qui ont foi en nous. Et comme disait François Mitterrand, la cause que nous portons est plus forte et plus belle que nous, et c'est cela qui nous conduit et qui nous pousse en avant.
L'histoire de France est une histoire vivante, c'est une histoire qui, parce qu'elle est vivante, doit continuer de parler au monde. C'est cela faire tenir à la France tout son rang. Car le monde, nous savons ce qu'il en est : la mondialisation, l'échange inégal, les influences croisées, mais aussi celles qui sont fertilisantes, le tohu-bohu, l'iniquité, le malheur, les crimes de masse, les guerres, et je ne veux pas d'une France qui aurait la tentation de s'éloigner de la scène, de renoncer et de laisser faire. Je ne veux pas d'une France qui laisserait ce monde se casser, éclater en morceaux, en blocs de vie et de pensées hostiles les unes aux autres. Je ne veux pas d'une France qui se résignerait à sortir de l'histoire. Alors les objectifs sont simples, ils sont clairs sur la scène internationale, si je suis élue. Ils sont simples et fidèles à notre vocation la plus haute, la paix, bien sûr, la sécurité pour tous les Etats, mais aussi la justice pour les peuples et le développement pour tous.
On nous dit que les Etats s'affaiblissent, que les nations s'évanouissent, et que triomphent les grandes compagnies, que le marché est seul roi, mais c'est tout le contraire que montre la scène du monde, et la France en tout cas ne craindra pas, je vous l'annonce, de tenir le rang qu'elle doit à son histoire. Elle agira sans humilité et sans arrogance, elle tiendra son cap et elle affirmera par ma voix ces principes.
Et je compte sur chacun, dans cette vaste assemblée, chaleureuse et enthousiaste, affectueuse et sentimentale, je compte, et vous me donnez cette énergie extraordinaire qu'il me faut, je n'en manque pas, de courage, mais il en faut quand même pas mal pour tenir jusqu'au bout, et avec vous, je tiendrai, parce que vous êtes là, et que j'ai confiance en vous, et que je sais que vous comptez sur moi. Je compte sur chacun et sur chacune d'entre vous. Allez convaincre les citoyens un par un. Allez les voir avec ce pacte présidentiel que vous avez construit avec moi, avec ses valeurs, avec ses nouvelles règles, avec cet idéal que je vous propose de réaliser ensemble.
Je vous demande de porter haut et fort la parole que je viens de vous donner, et que vous venez de porter. Vous êtes venus très très nombreux. Vous me redonnez et vous me donnez une formidable liberté, une énergie extraordinaire, cette énergie que la France attend, cette énergie dont je me sens remplie avec vous, et en appui sur vous. Et sans vous, je ne peux rien, mais avec vous, je sais que la victoire est possible.
Alors, si nous le voulons, si nous le méritons, si nous y travaillons, allons-nous le mériter ?
La voulez-vous, cette France plus juste ?
Voulez-vous le construire, cet avenir ?
La voulez-vous, cette France nouvelle ?
La voulez-vous, cette France présidente ?
Alors, en avant !
Vive la République, vive la France !
Source http://www.desirsdavenir.org, le 10 avril 2007