Déclaration de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle de 2007, sur les principaux thèmes de sa campagne électorale, Nantes le 17 avril 2007.

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Circonstance : Meeting à Nantes le 17 avril 2007

Texte intégral

Bonjour la France présidente !
Je la vois, cette France présidente, en train de se lever, en train de se bouger, en train de préparer la victoire qui va nous permettre de la relever, qui va nous permettre de construire ensemble cet avenir que nous voulons meilleur pour chacun et pour tous.
Je vous vois aussi chaleureux, aussi nombreux rassemblés dans cette salle, et au-delà de cette salle, tous ceux qui n'ont pas pu rentrer et que je salue à travers l'écran qui est placé devant eux.
Je me bats avec vous, vous m'apportez votre énergie, votre courage, vos espoirs, vos espérances. Je sens aussi vos attentes, parfois vos inquiétudes. Je me bats avec vous pour la victoire. Je vous appelle à venir voter nombreux le 22 avril prochain, car c'est là que tout va se jouer.
Rassemblons-nous !
Battons-nous, car des millions d'hommes et de femmes attendent des jours meilleurs. Ils en ont assez de ces brutalités, de ces ruptures, de ces fractures, de ces injustices, et ils en ont assez de cette France tirée vers le bas. C'est d'abord cela l'enjeu de l'élection présidentielle : savoir comment et avec quelle vitesse, parce que nous sommes prêts, nous allons permettre à la France de saisir toutes ses chances, c'est pour cela que nous devons gagner, c'est pour cela que nous devons avancer, c'est pour cela que je vous dis : en avant !
Merci à Jean-Marc Ayrault, le député-maire de Nantes, merci, Jean-Marc, pour ton soutien sans faille au cours de cette campagne et ton appui permanent.
Merci à Robert Badinter, orateur exceptionnel, grande conscience de la gauche, des socialistes, de l'éthique républicaine, et qui nous montre le chemin depuis 1981. Merci à toi, Robert.
Ce soir, à Nantes, je ressens une grande gravité, c'est le premier soir de la dernière semaine avant le premier tour de l'élection présidentielle. Beaucoup de Français observent, ils n'ont pas encore choisi, ils regardent, ils comparent, ils commencent à connaître un peu mieux les candidats, à regarder les déclarations des uns et des autres, les convictions et les valeurs.
Puis ils regardent aussi, ils réfléchissent à la façon dont demain la République et la Nation seront incarnées, et je veux être la présidente de la France présidente, parce que je crois que la politique doit changer, le monde a changé, la France a changé, les Français ont changé, et je suis la seule à avoir pris le temps, au cours de cette campagne, de donner la parole aux Français, ils sont venus très nombreux, on vous l'a redit tout à l'heure, et cette parole, je demanderai aux Français de la garder et de ne plus jamais la lâcher.
C'est pourquoi, ce soir, je vais vous parler d'un thème grave, sérieux, mais ô combien important, et je le fais aussi parce que Jean-Marc m'a aidée à le préparer, en me faisant ce rapport sur la démocratie sociale, celle qui mettra la France à l'heure des temps modernes, car à travers vous, je parle aux Français dans leur ensemble, à travers Internet aussi. Plus de 50 millions de vidéos, de discours, de meetings ont été regardés sur le site Désirs d'avenir, et donc, à travers vous, à travers votre présence, à travers votre chaleur, je veux m'adresser aussi aux millions de Français qui se préparent à écrire une nouvelle page de l'histoire de France. Et je veux leur parler de la réforme des institutions, de la République nouvelle, de la VIe République que nous construirons ensemble, ainsi que de la défense des libertés publiques dont la France a besoin.
Oui, les 22 avril et 6 mai prochains, les Français vont décider du destin de la France. Ils le feront comme à chaque élection présidentielle, mais l'enjeu est davantage lourd car chacun sait et chacun sent qu'il y a des moments où la France a tout particulièrement rendez-vous avec son histoire. Ce fut par exemple le cas il y a un quart de siècle lorsqu'en mai 1981, pour la première fois depuis le Front populaire de 1936, les Français ont choisi l'alternance.
Je le crois et je le sens profondément, c'est à ce même type de rendez-vous que la France attend et que nous devons réussir pour elle. C'est une alternance d'aussi grande ampleur dont la France a besoin aujourd'hui pour relever les défis qui se posent à elle : les défis sur son sol, les défis au niveau de l'Europe et les défis au niveau de la mondialisation. Seules les idées de gauche et de progrès qui font que, pour chaque décision publique, ce seront toujours les valeurs humaines qui l'emporteront sur les valeurs boursières et sur les valeurs financières, seules ces valeurs vont permettre à la France de se redresser.
Oui, nous le sentons bien, nous sommes confrontés à un moment historique parce que, aussi, la politique menée ces dernières années a fait que la France n'est plus à la hauteur de ce qu'elle devrait être et parce que les Français veulent à nouveau croire dans l'avenir. Quand je propose une France plus juste et une France plus forte, on sait bien que c'est de cela que la France a besoin.
On a vu au cours de ces cinq dernières années la présidence s'enfoncer dans l'impuissance, et plus l'impuissance s'aggravait pour résoudre les problèmes des Français, plus augmentait l'arrogance du pouvoir. Moi, je veux avec vous un pouvoir qui perde son arrogance et qui retrouve sa puissance au service de l'intérêt général. Voilà le sens de la France présidente !
Je veux avec vous que la politique retrouve tout son sens, que les Français puissent lui reconnaître à nouveau sa dignité. C'est pourquoi nous ferons une réforme des institutions, c'est pourquoi nous avons besoin d'une République nouvelle.
Je sais bien qu'apparemment, la réforme des institutions n'est pas la préoccupation première des Françaises et des Français, mais je veux leur prouver le contraire, car si l'on veut retrouver confiance en notre avenir, si l'on veut retrouver le respect auquel les Français ont droit, si l'on veut un travail digne et justement payé pour chacun, si l'on veut la réussite à l'école pour tous, alors il faut faire la réforme des institutions, car aujourd'hui, trop souvent le pouvoir est confisqué, il est trop lent, il est inefficace, il est injuste. Et c'est pourquoi la réforme des institutions n'est pas un objectif en soi, c'est un objectif au service de l'efficacité de la politique, c'est un objectif au service des Français, c'est ce qui permettra d'aller plus vite, d'être plus juste, de tenir parole et de rendre des comptes. Bref, c'est faire entrer la France dans la modernité politique, et c'est de vous faire confiance.
Bien sûr que la République nouvelle est nécessaire pour obtenir la croissance dont nous avons besoin, pour l'emploi, pour les salaires, pour résorber notre dette et nos déficits, pour financer la protection sociale, la recherche et l'innovation. La République nouvelle est nécessaire économiquement, socialement, écologiquement, culturellement, internationalement parce qu'elle repose, comme je l'ai dit, et comme c'est inscrit dans le pacte présidentiel que vous avez construit avec moi, sur quatre piliers : la réforme de la démocratie représentative, de la démocratie sociale, territoriale et participative. Voilà le coeur de la réforme des institutions sur laquelle les Français auront à se prononcer le plus vite possible par un référendum.
D'abord, nous ferons la démocratie sociale, parce qu'on sait bien aujourd'hui que les réformes économiques et sociales seront bloquées si elles se font au détriment des salariés, qui finiront par se révolter à juste titre.
Je veux promouvoir un syndicalisme de masse, car comment les partenaires sociaux pourraient-ils négocier utilement s'il n'y a pas de vrais partenaires ?
Je veux un financement public, des syndicats de salariés, un crédit d'impôt, un chèque syndicale pour encourager l'adhésion aux organisations syndicales, et pour construire dans notre pays un juste équilibre entre les employeurs et les salariés, garanti par l'État. C'est ainsi qu'on défendra au mieux la valeur travail, parce que c'est ainsi qu'il y aura des compromis sociaux et non plus quelques-uns qui profitent de la situation aux dépens du plus grand nombre. C'est ainsi que nous construirons les sécurités collectives, qui permettront à la fois aux entreprises qui vont de l'avant de bénéficier de l'agilité nécessaire, mais pas aux dépens de la précarisation des salariés, bien au contraire.
C'est dans le cadre d'un dialogue social, construit, fructueux, garanti par les pouvoirs publics que nous pourrons faire comprendre enfin que la relance de la croissance économique dépend de la qualité de ce dialogue social, et que c'est en sécurisant les salariés dans leur travail et dans leur salaire que l'on obtient d'eux une plus grande motivation au travail, et donc une plus grande compétitivité des entreprises, et certainement pas l'inverse, comme cela est démontré avec les dégâts que provoque la politique libérale menée depuis cinq ans. Voilà la modernisation du pays que j'appelle de mes voeux.
Toute nouvelle modification du Code du travail ne se fera qu'après négociation préalable entre les partenaires sociaux, car je pense que c'est comme cela que l'on préside un pays moderne. C'est comme cela aussi que les règles sont meilleures, mieux adaptées, plus durables, mieux appliquées, et plus rapidement rectifiées si c'est nécessaire.
La Conférence nationale sur la croissance et les revenus sera immédiatement réunie, car on ne doit plus, dans notre pays, changer la donne fiscale et sociale sans avoir d'abord travaillé sérieusement avec les partenaires sociaux. Et vous le savez, la revalorisation du SMIC, mais aussi de tous les salaires situés au-dessus du SMIC pour que l'on n'ait pas un écrasement de la hiérarchie salariale, et pour que chacun puisse avoir un profil de carrière et des occasions de formation professionnelle qui lui permettent d'obtenir aussi une rémunération du salaire.
Ces politiques salariales feront partie de la discussion dans le cadre de la Conférence nationale réunissant les partenaires sociaux, car je veux qu'elles résultent de vrais échanges, qu'elles soient discutées avec les salariés et avec les entrepreneurs pour qu'elles soient correctement appliquées et bien comprises par les salariés et qu'aucune injustice ne soit commise, ou qu'aucun écrasement de ceux qui sont juste au-dessus du SMIC et qui se disent aujourd'hui : dans le pacte présidentiel, il y a l'augmentation du SMIC, et nous, qu'est-ce qu'on va devenir ? Eh bien je veux que cette question-là soit discutée dans la Conférence salariale pour que, précisément, il y ait une augmentation de l'ensemble des bas salaires et que ces augmentations correspondent aussi à une amélioration de la qualité du travail par la formation professionnelle. C'est le gagnant/gagnant, c'est parce que nous investirons dans la ressource humaine que les entreprises seront plus compétitives et que les salariés seront plus rémunérés. Voilà le nouveau compromis social que je vous propose de relancer.
Oui, je veux sortir la France, et les partenaires sociaux attendent cela impatiemment, et même certains dirigeants d'entreprises, comme le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises qui ne se reconnaît pas dans le MEDEF, et moi, je vais m'appuyer sur des entrepreneurs qui ont compris une bonne fois pour toutes que la qualité du dialogue social, que la qualité de la formation professionnelle, que l'investissement dans l'innovation et dans la recherche étaient aussi une ressource extraordinaire de croissance économique et que ce n'était pas, comme le prônent les propositions du MEDEF, en faisant toujours gagner toujours plus certains, notamment les hauts dirigeants et toujours en précarisant les autres, ceux qui sont en bas de l'échelle sociale, qu'un pays avance. Non, je mettrai en place de nouvelles règles du jeu, je veux sortir la France du Moyen Âge social dans lequel elle se traîne aujourd'hui, à l'instar de ce que font... Et d'ailleurs, tous les autres pays européens, et notamment les plus performants d'entre eux, ont compris cela depuis plusieurs années. Je pense vraiment que si, aujourd'hui, la France est en panne sur le plan de la croissance, c'est parce que la plupart de ses entreprises et de ses employeurs n'ont pas encore compris cela. Eh bien il va falloir qu'ils le comprennent, et je vais les y encourager parce que, désormais, les aides publiques données aux entreprises, les aides fiscales et les aides sociales seront concentrées sur les entreprises avec une logique du donnant/donnant, c'est-à-dire qu'en contrepartie, on aura la qualité du dialogue social et l'augmentation de la masse salariale.
Je sais que je serai suivie sur ce chemin par l'ensemble des petites et moyennes entreprises, celles qui, aujourd'hui, sont écrasées par les entreprises du Cac 40 car elles sont sous-traitantes et qu'elles n'ont pas droit à une juste répartition des fruits des résultats des entreprises.
Nous ferons un contrat spécifique avec les entreprises sous-traitantes pour qu'elles puissent à leur tour créer des emplois et de l'activité économique.
Oui, les entreprises ont aussi le sentiment d'une injuste répartition des fonds publics. Sur les 63 milliards d'aides économiques aux entreprises, Il n'y en a que 10 % qui vont aux PME, celles qui créent pourtant 60 % de l'emploi. Eh bien moi, je vais moderniser l'économie de la France, nous allons avancer.
Et l'on a trop souvent pensé que la gauche, c'était l'inefficacité économique. Mais lorsqu'on voit le bilan de la droite aujourd'hui, lorsqu'on voit la croissance économique en panne, lorsqu'on voit la dette dévisser*, lorsqu'on voit les déficits des comptes publics, alors moi, je le revendique ici devant vous, avec les nouvelles règles du jeu, avec le nouveau pacte créé avec les entreprises, avec le nouveau dialogue social, avec l'investissement massif dans la formation professionnelle, dans l'innovation et dans la recherche, l'efficacité économique et le déblocage de la machine économique, c'est nous !
Et nous reformerons le deuxième pilier des institutions. Je ferai la réforme de la démocratie territoriale. Nous ferons une nouvelle étape de la régionalisation, à la fois pour lutter contre les gaspillages des fonds publics et aussi pour renforcer la puissance de l'État. Il n'y a pas d'incompatibilité entre un État fort et des collectivités territoriales, villes, communautés d'agglomération, départements, régions, bien au clair sur leurs compétences et sur leurs responsabilités.
En mettant fin au chevauchement des compétences, qui entraîne tellement de lenteur, tellement de gaspillage, tellement de superpositions, alors, oui, je ferai une loi très claire sur les intelligences territoriales, une répartition des responsabilités extrêmement ferme. Il faudra résister aux lobbies des uns et des autres et de tous les notables qui veulent souvent se mêler de tout. Non, l'État devra assumer ses responsabilités, et les collectivités territoriales également.
Puis, sur le troisième pilier, nous ferons bien évidemment la grande réforme de la démocratie représentative et de la revalorisation du rôle du Parlement. Trop de lois mal appliquées, et le Parlement aura désormais la responsabilité de contrôler l'application des lois déjà votées avant d'en voter de nouvelles, parce que les citoyens sont fatigués de cela. J'entendais les enseignants encore récemment, ils sont fatigués de l'accumulation des réformes auxquelles les ministres veulent attacher leurs noms. Eh bien, il en sera fini de cette fuite en avant car les réformes sont faites pour être comprises, acceptées par les citoyens, et pour qu'elles se traduisent toujours par un progrès social, économique, culturel, éducatif. Et quand ce n'est pas le cas, alors, il faut faire une évaluation des lois, la France n'est jamais entrée dans cette culture de l'évaluation, eh bien, ce sera désormais le rôle du Parlement qui aura le droit de refuser tel projet de loi ministériel si la loi précédente n'est pas appliquée, et si le pouvoir Exécutif n'a pas pris ses responsabilités.
Et pour revaloriser le rôle du Parlement, le cumul des mandats ne sera plus possible. Et cela aussi, les citoyens l'attendent. Là aussi, on est dans le donnant/donnant et dans le gagnant/gagnant.
Le donnant/donnant, si le Parlement a davantage de responsabilités et de pouvoir, et notamment pour contrôler l'application des lois, mais aussi il sera consulté, et ce n'est pas le cas aujourd'hui, mais il le sera demain, sur la politique étrangère de la France, sur les engagements internationaux de la France, et il sera aussi informé en toute transparence des ventes d'armes, car aujourd'hui, le Parlement n'est pas informé de cela, et ce n'est pas normal.
L'article 49-3, ce drôle de numéro que pourtant les Français connaissent, sera supprimé parce que, on l'a vu récemment, à quoi cela sert-il de contraindre, on l'a vu, le gouvernement de droite, de contraindre sa majorité parlementaire, qui ne s'est pas laissé d'ailleurs beaucoup bousculée, à voter le cpe pour ensuite le retirer sous la pression de la rue ?
Cette réforme, il va de soi que l'ensemble de ce nouvel édifice, de cette nouvelle République sera soumis au peuple français par référendum, je le dis, tout de suite, comme l'avait fait François Mitterrand en son temps, pour que personne ne conteste, le jour venu, que j'ai reçu mandat du peuple pour lui donner ainsi la parole et lui permettre d'exercer sa décision souveraine.
Le quatrième pilier de la réforme des institutions sera la démocratie participative. Oui, le moment est venu d'inventer une nouvelle forme de démocratie complémentaire aux trois autres que je viens d'évoquer.
Ces quatre démocraties ne se gênent pas les unes les autres, au contraire, elles se consolident, elles se renforcent, et la France doit aujourd'hui inventer et mettre en mouvement la démocratie participative que j'ai vu si bien fonctionner au cours de cette campagne.
Après tout, la France a toujours innové. N'est-ce pas nous qui avons inventé la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?
N'est-ce pas la France qui, la première, sur le continent européen, a osé inventer la République en 1792 ?
Et la France n'était-elle pas au premier rang de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1848 ? Au premier rang des inventeurs de la Convention européenne des droits de l'homme en 1950 ? Au premier rang aussi des fondateurs de l'Europe il y a un demi-siècle ?
Eh bien, je le dis aujourd'hui, partout, se fait sentir le besoin d'un renouveau démocratique. En Amérique latine, du budget participatif imaginé, au Brésil, à l'élection de Michelle Bachelet au Chili, aux États-Unis, où la gauche américaine se bat contre le poids des groupes d'intérêts et de l'argent au cours des campagnes électorales.
Eh bien, nous aussi, nous la mettrons en mouvement, cette démocratie participative, avec le référendum d'initiative populaire, avec les jurys citoyens, avec la possibilité pour des pétitionnaires de voir inscrite, à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, une proposition de loi, car je crois dans l'intelligence collective des citoyens, dans la force du mouvement associatif qui, partout, en France, se met en mouvement. Et je ne veux plus que les citoyens soient écartés des décisions qui les concernent.
Je pense que c'est comme cela que nous répondrons à la crise démocratique, par cette nouvelle dimension démocratique. Et bien évidemment, dans cette démarche, le droit de vote aux élections municipales pour les étrangers en situation régulière donnera aussi ce souffle de modernité à cette République nouvelle.
Et cette République nouvelle va de pair avec la rénovation et l'invention de nouvelles libertés publiques. Oui, la France présidente sera celle des libertés publiques renforcées et de l'État impartial. Il y a beaucoup à faire.
Oui, il y a beaucoup à faire, et l'enjeu de cette élection présidentielle, en effet, c'est l'État impartial, la France présidente que je veux, c'est l'État impartial. Et il y a du travail, il faut mettre fin à cet État monopolisé par un clan, monopolisé par les puissances d'argent et les lobbies de tous ordres. Et on l'a vu encore lors des récentes nominations là qui se précipitent avant la prochaine échéance que j'appelle de mes voeux. L'État impartial à construire, c'est un enjeu central de cette élection présidentielle, et je le construirai avec vous parce que je suis une femme libre, je ne dépends d'aucune puissance d'argent, d'aucun lobby, je n'ai personne à placer, je n'ai personne à récompenser, je n'ai que vous ! C'est vous !
Et j'en fais ici le serment, ce sera le serment de Nantes, je resterai cette femme libre et solide parce que, là où je suis devant vous, c'est grâce à vous, c'est vous qui m'avez portée, c'est vous qui m'avez encouragée, c'est vous qui m'avez faite. Et c'est à vous, peuple de France, que j'aurai à rendre des comptes.
Et si vous me faites confiance, si vous me faites la présidente de cette France présidente, alors je viendrais régulièrement devant vous vous rendre des comptes du pouvoir que vous m'avez déposé, et non pas donné. Ce pouvoir, il sera simplement déposé entre mes mains pour en faire quelque chose et pour vous le rendre, et en particulier pour venir vous dire régulièrement ce que j'en aurais fait. Voilà le sens de mon engagement politique. Voilà le sens de ma candidature !
« On va gagner ! »
« Ségolène, Présidente ! »
Gardez au coeur cet enthousiasme, cet élan, cette insoumission, cette exigence, parce que nous écrivons ensemble l'histoire, et la France, dans sa longue histoire, n'a cessé d'être animée par la passion de la liberté. Chaque citoyen de ce pays aspire à avoir en ses mains le pouvoir de briser ses chaînes. Il n'y a pas de grand peuple sans une exigence permanente de liberté, et c'est cette liberté-là que je veux porter avec vous !
Nous avons besoin, c'est un combat permanent, un combat inachevé, un combat exigeant. Nous avons besoin de la liberté, de toutes les libertés, la liberté est l'essence même du débat politique, syndical, culturel, associatif ou religieux. Elle protège contre les abus, les monopoles, les exclusions, les discriminations, contre les curiosités intéressées sur la vie privée ou sur l'état de santé, contre les fichiers trop voraces, contre les listes noires qui font se fermer toutes les portes sans explication. Voilà l'exigence de liberté !
La liberté, c'est le contraire du journaliste écarté parce qu'il a osé, du policier humilié publiquement pour avoir appliqué la police de proximité, du juge suspecté parce qu'il a voulu un surcroît de justice, de l'étranger privé de ses enfants du fait d'une circulaire de circonstances, de la jeune femme qui ne prend plus les transports en commun après huit heures du soir parce qu'il y a trop d'insécurité. Voilà le combat de toutes les libertés !
Puis il y en a d'autres, des libertés à conquérir, et je compte sur vous pour m'aider à mener ce combat. Celle ou celui qui n'a pas la liberté de gagner sa vie mesure mieux que d'autres la vacuité des slogans de certains sur le « travailler plus » alors qu'ils aimeraient tellement travailler. Oui, il faut créer les conditions d'une liberté d'avoir un métier, un emploi et que l'accès au travail soit proposé à chacun. Alors, seulement la liberté bien comprise servira aussi l'efficacité dont le pays a besoin. C'est le sens de toutes les propositions concrètes qui sont faites dans le pacte présidentiel que j'ai construit avec vous.
La liberté implique aussi la responsabilité. Je veux la liberté pour tous et j'entends en être la garante. Mais les droits et les devoirs vont de pair et seront les mêmes pour tous, que l'on soit puissant ou misérable, comme disait La Fontaine. Et là aussi, il y a du travail à faire.
Le combat pour la liberté est aussi un combat pour la responsabilité individuelle du citoyen, qui mesure ce qu'il doit aux autres, aux générations qui l'ont précédé, à celles qui le suivront, à celles et ceux qui n'ont pas pu se saisir de leur vie et à ceux qui ont rendu possible ce qu'il a fait de la sienne.
La liberté enfin est indivisible : l'école, le logement, le travail, la sécurité, la culture, tout se tient, car il n'y a pas de liberté sans que le pacte républicain ne soit effectivement et réellement mis en oeuvre dans toutes ses composantes : égalités éducative et culturelle, pouvoir d'achat garanti, travail pour tous et sécurité au quotidien. Alors l'action pour la liberté est nécessairement cohérente et globale.
Et la France présidente sera celle, j'en prends l'engagement aujourd'hui devant vous, de l'État impartial. Pour cela, il nous faudra mener le dur combat contre la collusion et le favoritisme qui minent désormais les fondements de notre république.
Je suis indépendante, je vous l'ai dit tout à l'heure, et donc, dans le cadre de l'État impartial, notre liberté devra l'être également par la réforme profonde des institutions. Et tout d'abord, le Conseil supérieur de la magistrature sera restructuré : les juges doivent remplir la mission de gardien de la liberté, que la Constitution leur assigne. Je refuse la sournoise mise sous tutelle politique de la justice qui se profile à coups de nominations de circonstances. Le contrôle exercé par la justice doit être plein, entier et permanent et sans exception avec des résultats rendus publics. Le président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et ne devra plus présider le Conseil supérieur de la magistrature.
J'entends également, pour renforcer ces libertés publiques qui ont été profondément affaiblies au cours de ces cinq dernières années, relever la Commission nationale informatique et libertés, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, et renforcer les moyens de la Haute autorité de lutte contre les discriminations.
J'entends garantir le pluralisme de l'autorité de régulation des médias audiovisuels, en proposant que les membres de la nouvelle autorité du pluralisme soient désormais désignés par le Parlement à une majorité des trois cinquièmes.
Je veux mettre en place de vrais conseils pluralistes où majorité et opposition ensemble garantiront nos libertés.
Les membres du Conseil constitutionnel seront également désignés de façon beaucoup plus démocratique.
Enfin, en ce qui concerne la liberté de la presse, je proposerai au Parlement de renforcer les pouvoirs des sociétés de rédacteurs, comme la profession de journaliste le demande : droit d'opposition à la nomination du directeur de la rédaction, représentation de droit au conseil d'administration, au conseil de surveillance, consultation sur le code de déontologie, droit d'observation sur les manquements à la déontologie rédactionnelle.
Oui, plusieurs mesures sont envisageables pour que notre presse d'information, comme le souhaitent les journalistes, retrouve un rang digne de notre histoire et d'un Etat démocratique.
Et je veillerai à ce que la presse quotidienne régionale, qui remplit un rôle de maintien du lien social, ait les moyens de résister à la concentration financière et à la disparition des titres.
Je veux rétablir la confiance des citoyens en renforçant les mesures anti-concentrations, notamment pour les entreprises dont l'activité dépend des grands marchés de l'État. Nous ne devons pas nous résigner à tous ces monopoles, là aussi, il est possible de mettre d'autres règles du jeu, c'est l'avenir de la démocratie qui en dépend, ce sont nos libertés publiques qui en découlent, et pour cela aussi, vous pouvez compter sur ma volonté sans faille.
Mais on le sait, la liberté est fragile, le monde est violent, les tensions nombreuses à l'échelle de la planète. Le terrorisme nous menace dans notre chair, et aussi dans nos convictions. Trop d'États ont abdiqué dans leurs valeurs et désavoué leur histoire à cause de la peur.
Tout en donnant au service de police et à la justice les moyens nécessaires pour mener ce combat, la France, je le dis très clairement, ne cédera jamais sur les principes en allant dans le sens des lois d'exception ou des dérogations précipitées aux fondements de notre droit. Au contraire, tandis que nous agirons résolument contre les réseaux les plus mortifères, nous devons sans cesse rappeler que c'est en préservant la présomption d'innocence, le procès contradictoire et le droit à un avocat, que la France continuera à incarner la dignité des États démocratiques et leur capacité à répondre aux menaces sans céder sur ses fondements. Ne cédons pas, d'ailleurs, à tous ces terrorismes, à tous ces intégrismes qui attendent précisément, qui mettent à l'épreuve les régimes démocratiques pour savoir s'ils vont résister à la tentation de céder sur leurs valeurs démocratiques fondamentales.
Donc, la première façon de résister aux terrorismes et aux intégrismes, c'est de tenir bon sur les valeurs républicaines et laïques, c'est de tenir bon sur la protection des procès contradictoires, c'est de tenir bon sur le refus des lois d'exception.
Ne cédons pas à une certaine confusion des temps et à la tentation de la loi la plus répressive dont on annonce à chaque fois qu'elle sera la solution.
Lorsqu'au Conseil européen de Nice, a été adoptée en 2000 la charte des droits fondamentaux de l'Europe, un pas important a été fait dans le sens de la liberté, de nos libertés. Liberté, égalité, dignité, solidarité, telles sont les valeurs que l'Union européenne a proclamées et devra porter de manière collective partout où il le faudra.
Sachons-nous en souvenir pour poursuivre une construction européenne qui soit conforme à notre volonté de servir partout la liberté, mais une Europe aussi qui réponde aux préoccupations des citoyens et qui soit beaucoup plus protectrice du modèle sociale et lutte davantage en se protégeant contre les délocalisations, car ça aussi, c'est une façon de défendre la liberté au travail.
C'est donc un chantier extraordinaire que nous avons devant nous, une oeuvre collective, considérable et reconstructrice que nous avons à conduire. C'est vous dire l'ampleur de l'enjeu de l'élection présidentielle. C'est tout simplement ce nouveau visage de la République et cette nouvelle façon de vivre ensemble et de partager le pouvoir, et de décider collectivement les décisions qui nous concernent.
Alors, appelons chacun à réclamer la liberté, à la vivre dans le respect de celle des autres, Français ou étrangers, à la défendre quand elle est attaquée ou détournée pour la remettre au centre de notre pacte républicain. Solidaires, hommes et femmes de gauche, hommes et femmes de progrès, hommes et femmes qui ont compris que la valeur humaine valait mieux que tout le reste, n'ayons pas peur de la liberté, mais au contraire, construisons-la ensemble.
Je voudrais également, avant de conclure, partager avec vous, comme l'a fait Jean-Marc tout à l'heure, l'immense peine de la famille et de la maman de Sophie Gravaud à laquelle j'ai parlé tout à l'heure. Je le redis ici, car vous savez que c'est une de mes convictions pour lesquelles j'ai toujours lutté, j'ai toujours combattu, et parfois avec beaucoup de difficultés, la lutte contre les violences sexuelles, les délits et les crimes faites aux femmes et aux enfants sera décrétée grande cause nationale, si je suis élue. Ce combat sera mené sans merci.
Et quand j'entends certaines théories génétiques, je me dis qu'il y a vraiment là, oui, une confrontation de projets et de visions. Non, les prédateurs d'enfants et de femmes, non les violeurs et les abuseurs savent parfaitement ce qu'ils font, et à ce titre, ils doivent être poursuivis et condamnés, et des établissements spécialisés doivent être construits pour qu'ils ne puissent plus ressortir sans avoir avant la garantie de leur non-dangerosité ; et pour ceux qui sortent, il faudra appliquer le bracelet électronique et les contrôles réguliers.
Je veux aussi des campagnes de sensibilisation régulières pour rappeler à tous que le corps des femmes et le corps des enfants ne sont pas des objets et ne doivent pas être l'objet justement de toutes ces formes de violence trop souvent ignorées. Et cela d'ailleurs est cohérent avec tout ce que je viens de dire.
Dans cette dernière ligne droite, où les Français vont choisir, et vont choisir, je le sais, avec sérieux, avec intelligence, avec conscience, projet contre projet, d'un côté la brutalité, et moi, je vous propose de réformer sans brutaliser la France, le voulez-vous ?
Moi, je vous propose que les valeurs boursières soient toujours derrière les valeurs humaines, le voulez-vous ?
Moi, je vous propose de renforcer les solidarités et de les réconcilier avec les libertés individuelles et l'efficacité économique, le voulez-vous ?
Moi, je vous propose de tourner le dos aux communautarismes et de défendre une République une, laïque et indivisible, le voulez-vous ?
Moi, je vous propose de lutter contre toutes les formes de discrimination parce que la France a besoin de tous ses talents, dans leur diversité et dans la diversité aussi de ce territoire et de tous les Français venus d'ailleurs qui doivent être reconnus comme les enfants légitimes de la République, et apporter à la République toute leur énergie et tous leurs potentiels, le voulez-vous avec moi ?
Moi, je veux que l'ordre juste remplace les désordres injustes, le voulez-vous avec moi ?
Je veux que la loi du plus juste remplace la loi du plus fort, je veux d'une France qui cesse de dresser les Français les uns contre les autres, je veux d'une France qui remette en avant des familles qui fonctionnent bien, une école accueillante à tous, un travail pour chacun, une révolution écologique à accomplir, la France qui revient à la table de l'Europe, la démocratisation culturelle, et la France présente à l'échelle du monde. C'est cela que nous allons construire ensemble. J'ai confiance.
La bataille est difficile, car il y a tant de déformations, tant de mensonges, tant de propos édulcorés, c'est pourquoi je suis heureuse de vous voir aussi nombreux rassemblés. Mon équipe de campagne, c'est vous dans cette dernière ligne droite. Je compte sur vous, vous avez entre vos mains, puisque vous êtes là, la responsabilité de dessiner le visage de la France de demain.
Alors on me dit, j'entends ici : mais certains hésitent encore, à faire en sorte que la République, la Nation, pourtant deux concepts bien au féminins, soient représentés par une femme. Mais moi, je leur dis : ayez cette audace. Vous voulez le changement, ayez cette audace, vous ne le regretterez pas, parce que le changement paisible, harmonieux, la force tranquille, elle est là, devant vous, je compte sur vous, vive la République, vive la France !

source http://www.desirsdavenir.org, le 17 avril 2007