Extraits de l'entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec RTL le 30 mars 2007, sur la détention des marins britanniques par l'Iran et la demande de libération exprimée par la France et les pays européens.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Hier, vous avez reçu au quai d'Orsay l'ambassadeur d'Iran pour lui dire que la France réclamait, elle aussi, une libération immédiate des 15 marins britanniques retenus prisonniers à Téhéran depuis une semaine.
Pour l'instant, les Iraniens semblent indifférents à ces demandes, pensez-vous que la diplomatie peut résoudre rapidement cette crise Monsieur Douste-Blazy ?
R - Il le faut parce que la capture de 15 marins par les forces iraniennes, leur détention par les autorités iraniennes, c'est un fait grave.
Q - Est-ce de la provocation ?
R - En tout cas, c'est un fait très grave et c'est un fait inacceptable que nous avons immédiatement condamné. Oui, nous sommes solidaires des Britanniques. Le président l'a dit dimanche dernier, je l'avais dit dès samedi. Nous appelons les Iraniens à libérer les marins le plus vite possible et sans aucune condition.
Q - Tony Blair a dit mercredi que d'autres moyens que la diplomatie pourraient être employés si cette affaire n'était pas résolue rapidement ?
R - Oui, vous savez que ces événements interviennent dans un contexte particulièrement tendu. Je crois qu'il faut éviter toute logique de confrontation, toute escalade. Il faut simplement que les autorités iraniennes reviennent aujourd'hui vers la voie du dialogue. Il faut qu'elles reviennent à la raison et nous les appelons à faire preuve de responsabilité.
Vous savez qu'il y a eu une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies il y a quelques jours. Cette résolution a été votée à l'unanimité - y compris l'Afrique du Sud, l'Indonésie, le Qatar - montrant l'unité, je dis bien, l'unité de la communauté internationale afin qu'il y ait des sanctions, non seulement économiques et financières vis-à-vis de l'Iran, mais aussi tout simplement des sanctions envers des personnes physiques et des entités qui participent, de près ou de loin, au programme nucléaire ou au programme balistique iranien.
Q - Dans cette affaire des otages pour y revenir, concernant ces 15 marins détenus en Iran, les autorités britanniques ont gelé leurs relations diplomatiques avec l'Iran. Vous serez vous-même à Brême demain où les Anglais demanderont aux pays occidentaux de geler également leurs relations diplomatiques avec l'Iran. La France fera-t-elle cela ?
R - Nous avons une discussion avec les partenaires européens. Pour l'instant, nous sommes totalement solidaires des Britanniques et nous souhaitons rencontrer les Iraniens, comme nous l'avons fait hier, en convoquant l'ambassadeur d'Iran en France, M. Ali Ahani afin de lui indiquer qu'il ne faut pas continuer dans ce sens, qu'il faut immédiatement libérer, sans aucune condition, les marins Britanniques.
Q - Donc, pour l'instant, pas de gel des relations diplomatiques de la France avec l'Iran comme pourraient le demander les Britanniques ?
R - Aujourd'hui, nous n'avons pas de gel, comme d'ailleurs aucun de nos voisins européens, ni les Espagnols, ni les Italiens, ni les Portugais.
Q - Il n'y a que les Anglais donc ?
R - Les Anglais tiennent des réunions avec les Iraniens dans le cadre de la libération des marins Britanniques.
Q - Mais sinon, ils ont gelé leurs relations avec eux et ils vous demandent de faire la même chose, mais vous n'accéderez pas tout de suite à leur demande.
Mais, lorsque vous parlez de libération immédiate, quel est le délai, 2, 3 ou 4 jours et ensuite, faudra-t-il passer à d'autres formes de pressions ?
R - Tout d'abord, nous croyons au droit international, nous croyons au multilatéralisme, nous croyons donc à l'ONU.
Q - Je parle bien de ces 15 marins n'est-ce pas ?
R - Je vous parle bien de ces 15 marins. Nous croyons au droit international, nous croyons en l'Onu. C'est la raison pour laquelle, il y a quelques heures, à New York, nous avons adopté une déclaration au Conseil de sécurité des Nations unies, pour demander la libération immédiate des marins Britanniques.
Je le dis, c'est une affaire extrêmement importante. Vous savez qu'une déclaration au Conseil de sécurité ne peut être adoptée qu'à l'unanimité, à l'inverse d'une résolution qui peut passer même si le vote ne se fait pas à l'unanimité.
Nous venons donc d'adopter une déclaration parce que je crois qu'il faut exercer une pression très forte sur les Iraniens. Et on ne peut pas accepter que les forces iraniennes, que les autorités elles-mêmes capturent et gardent ces marins Britanniques.
Q - Mais libération immédiate, ces mots ont-ils un sens ? Si dans 2 ou 3 jours, cette libération n'est pas obtenue, que peut-il se passer Monsieur Douste-Blazy ?
R - Il y aura une nouvelle réunion au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies pour décider ensemble de ce que nous ferons.
Q - Et pour l'instant, on est d'accord pour constater que les Iraniens n'ont pas l'air d'être très coopératifs ?
R - Non seulement nous le constatons mais nous le condamnons, nous le déplorons et nous leur demandons de changer d'attitude.
(...)
Q - Nicolas Sarkozy l'avait dit et il le répète dans son programme, s'il est élu, il créera un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Vous qui êtes ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, nos voisins européens, les pays du Maghreb vous ont-ils fait connaître leur sentiment sur cette proposition d'un ministère tel que celui-ci ?
R - C'est très simple, vous savez la France s'est construite à partir de vagues migratoires successives qui ont établi une identité, celle de notre pays.
Nous avons beaucoup profité de leur apport, en particulier, de ce trait d'union entre le Maghreb et la France que permettent ces Français d'origine maghrébine, marocaine, tunisienne, Algérienne, qui est une chance pour nous. Mais, en même temps, il faut aussi bien sûr comprendre que la France est une communauté une et indivisible.
Q - Vous n'êtes donc pas choqué par un ministère qui relierait immigration et identité nationale, cela ne vous choque-t-il pas ?
R - La République...
Q - Cela ne vous choque pas !
R - Non, mais écoutez-moi, non seulement cela ne me choque pas, mais je dis que nous devons nous enrichir des identités des autres mais que ceux qui viennent en France doivent former une République qui a une identité et c'est celle de notre nation. Ce n'est pas un gros mot, l'identité d'une nation !Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 avril 2007