Discours de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la coopération, la coopération décentralisée et la coopération culturelle, Antananarivo, Madagascar, le 21 février 2001.

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Circonstance : XVIIème Conseil des ministres de la Commission de l'Océan indien, à Antananarivo, Madagascar, le 21 février 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président,
Cher Paul Vergès,
Mesdames et Messieurs,
Chaque séjour à Madagascar est, pour moi, un moment de bonheur. Ce n'est pas une formule convenue. C'est la sixième fois que j'ai l'occasion de rencontrer la Grande Ile et il n'est pas indifférent à mes yeux que la première fois, il y a une quinzaine d'années, ait été un voyage organisé à l'occasion d'une collaboration qui m'avait été demandée par une coopérative réunionnaise, appuyée par des coopératives bretonnes, de réaliser un projet de développement du côté de Tuléar.
Il ne m'est pas indifférent non plus d'être, ce soir, aux côtés de Paul Vergès que j'ai surtout connu lorsque nous étions, l'un et l'autre, député européen en 1979, première génération de députés européens élus au suffrage universel.
Il a cité Sénèque. Je n'ai pas de citation à lui opposer mais il y a quelque chose, comme un dicton, qui rappelle que quand on ne sait pas où on va, il est important de se rappeler d'où l'on vient et je suis heureux que Paul Vergès, à l'instant, nous ait fait une superbe démonstration d'une histoire ressentie.
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Je suis heureux que ce soit cette ambition d'une autre relation, s'inscrivant davantage sans doute, comme on dit, dans la modernité. Mais que veut dire modernité ? Sauf l'ambition d'anticiper un peu, c'est ne pas être en décalage, notamment par rapport aux générations plus jeunes. C'est ce qu'a voulu, c'est ce qui a conduit le Premier ministre, Lionel Jospin, à vouloir cette réforme de la coopération qu'il a demandé à Hubert Védrine et à moi-même de conduire, avec cette ambition d'une relation plus égale avec nos partenaires, une relation qui implique mieux la société civile. Une société civile dont chacun peut noter l'irruption sur le plan international. Et les grands rendez-vous parfois bruyants, mouvementés, de Seattle à Prague en passant par ce double sommet, intéressant, de Porto Allegre et de Davos. Je me plais à souligner que le gouvernement français était le seul représenté dans l'un et l'autre de ces sommets. Nous l'avons fait parce que nous sommes convaincus qu'il faudra bien établir un lien entre les grands acteurs économiques mais aussi ceux qui sont porteurs d'autres valeurs, d'autres expériences. Même si cette société civile mérite parfois qu'on la manipule avec précaution tant elle est diverse, plurielle, à certains égards équivoque, mais certainement animée très largement d'une grande générosité.
Et puis, la coopération décentralisée. Je suis moi-même entré en coopération un peu par cette porte. Président d'un Conseil régional pendant 21 ans, j'ai été parmi ceux qui ont essayé de transgresser un peu l'interdit, qui voulait que l'Etat se considérât alors comme seul autorisé sur le plan international.
Et c'est vrai que c'est un peu dans la clandestinité que nous avons noué des liens entre départements ou entre villes, de part et d'autre de nos frontières.
J'ai plaisir à observer qu'aujourd'hui, non seulement la coopération décentralisée est légalisée mais elle est encouragée et les ambassadeurs eux-mêmes sont les premiers demandeurs de coopération décentralisée et aussi acteurs de celle-ci. La relation entre Madagascar et La Réunion répond à cette ambition d'une relation à l'international mais on comprendra que celle-ci est chargée d'une autre signification, de la même volonté de participer sans doute au développement d'une région mais je crois que c'est beaucoup plus que cela car il s'y mêle, c'est vrai, l'Histoire, l'histoire des racines culturelles est très importante, très forte et, puisque j'évoque la culture, je voudrais dire le souhait, en effet, que la France fasse aussi de la coopération culturelle une de ses grandes priorités et Madagascar me paraît être, à cet égard, un partenaire privilégié. Les 25.000 Français de Madagascar et les 70.000 Malgaches de la métropole, et puis cette part d'histoire, m'ont rappelé à l'instant que je suis heureux d'avoir pu mettre l'accent sur cette coopération culturelle, lors de la dernière réunion du comité d'orientation du Fonds de solidarité prioritaire qui, comme vous le savez, est le premier outil de notre coopération.
Vous savez, Jean Monnet disait, bien après en parlant de l'Europe, "Si c'était à refaire, j'aurais commencé par la culture".
Je crois qu'il y a une relation tellement forte entre culture et développement. Je crois fondamentalement que la grande absente a été la culture et je crois que cette identité culturelle est essentielle pour l'idée qu'on se fait de son pays, la fierté qu'on peut ressentir d'appartenir à une communauté.
Et, je voudrais bien que le Festival international de la musique qui va commencer, en 2002 à Tananarive, soit une première occasion de privilégier cette relation culturelle. On y entendra vos musiques, peut-être quelques accents de biniou parce que les Bretons sont nombreux ici et, après tout, la Bretagne est presque une île...
Mais j'aimerais bien qu'on puisse ensemble consolider le lien culturel car, et je vais terminer par là : "dans le doute il faut privilégier la fidélité".
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 février 2001)