Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur le choix entre deux projets, deux conceptions pour le second tour de l'élection présidentielle de 2007 et sur la confrontation qui s'engage entre le programme de Nicolas Sarkozy et celui de Ségolène Royal, Paris le 30 avril 2007.

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Circonstance : Point de presse à Paris le 30 avril 2007

Texte intégral

Nous sommes maintenant à 7 jours de l'élection. Cette semaine va être décisive pour notre pays, puisqu'elle va se conclure sur un choix de société.
Ce sera donc le choix entre deux projets, deux conceptions, deux visions et il est bien qu'il y ait une participation la plus élevée possible pour permettre le caractère incontestable de ce scrutin.
Nous entrons avec confiance et mobilisation dans cette dernière semaine de campagne. Confiance dans le pacte présidentiel, confiance dans notre candidate, confiance dans le rassemblement qui s'opère et mobilisation, parce que nous voulons que ceux qui nous ont soutenus au premier tour, que ceux qui nous ont suivi pour le second tour, s'impliquent pleinement pour que les Français puissent être éclairés.
Demain, se déroulera le grand meeting à Charléty ; il rassemblera, je l'espère, des milliers de personnes et sera conclu par le discours de Ségolène Royal. Il y a le débat face à Nicolas Sarkozy mercredi 2 mai. Mais, au-delà de ce débat dont chacun mesure le caractère tout à fait essentiel pour la clarification des projets, il y aura encore plusieurs jours de campagne. Nous devons faire pencher, jusqu'au dernier moment, la décision de nos concitoyens dans le sens de l'intérêt général.
Revenons à la caractéristique de la candidature de Nicolas Sarkozy, au regard de ses déclarations notamment celles de dimanche. Nicolas Sarkozy, curieusement, s'en est pris -pour expliquer les difficultés qu'aurait notre pays- à Mai 68. Nous pensions qu'il aurait pu citer Mai 2002, puisque c'était là que des choix s'étaient fait et qu'une majorité s'était dessinée pour les élections présidentielles et législatives. Nous pensions qu'il reconnaîtrait se propre responsabilité. Non ! C'est une erreur ! La faute, finalement, revient à Mai 68, c'est-à-dire à des événements remontant à plus de 40 ans.
Mais, si nous versions dans ce retour à l'avant Mai 68, dans quelle société serions-nous aujourd'hui ? C'est Mai 68, et surtout les négociations qui ont suivi et les textes qui ont pu être adoptés au lendemain de ces événements, qui a permis la reconnaissance du syndicalisme dans l'entreprise, de la mensualisation, du SMIC, donc des progrès qui nous paraissent aujourd'hui être des actes tout à fait normaux de notre vie sociale.
Rappelons lui ce qu'a été Mai 68 pour la démocratisation de l'Education et de l'enseignement supérieur ! Combien y avait-il d'étudiants en Mai 68 : 400 000 ? Combien y en a-t-il maintenant : plus de 2 millions. Ce qui a été aussi un acte de démocratisation est, pour Nicolas Sarkozy, un événement qui aurait finalement pollué les esprits, perverti les consciences, dénaturé les institutions.
Qu'était la société française avant Mai 68 en termes de droits fondamentaux, de droits pour les femmes, pour la contraception, pour l'IVG ? C'est Mai 68 qui a permis cette accélération de la reconnaissance des droits. C'est mai 68 qui a aussi permis, sur le plan de la culture, de la diversité de ce qu'est notre pays, d'obtenir cette pleine reconnaissance. C'est aussi Mai 68 qui a permis d'avoir le pluralisme -ou ce qu'il en reste aujourd'hui- pour la presse, pour l'audiovisuel. Souvenons-nous de ce qu'était l'organisation de l'ORTF au temps de l'avant Mai 68.
Il y a donc là de la part du candidat de droite non pas une démarche de progrès, d'ouverture, mais de régression pour ne pas dire de réaction. Comme si les maux de la société française revenaient à un moment historique d'émancipation, de prise de conscience, de mobilisation dans lequel des millions de personnes se sont impliqués pour qu'il y ait des changements profonds et qui demeurent dans notre pays.
Nicolas Sarkozy est ce qu'il ne veut pas être : il est sans doute le candidat de la régression, mais il ne veut pas être le candidat du bilan. Il a cette fâcheuse tendance à considérer qu'il n'est pas lié par ce qu'il s'est produit depuis 5 ans. Or, qui y avait-il hier au rassemblement de Bercy ? Il y avait les deux Premiers ministres de la période Chirac -JP Raffarin, D. de Villepin. Il y avait tout le gouvernement, à deux exceptions près. Il y avait tous les responsables de la majorité UMP. Tous ceux qui ont gouverné le pays, y compris lui Ministre d'Etat, étaient là, à Bercy, pour demander de poursuivre la politique qui est menée. Comment ce candidat, qui était jusqu'à récemment numéro deux du gouvernement et qui est toujours Président de l'UMP, pourrait-il réussir là où pendant cinq ans il y a eu échec ?
Abordons, enfin, la conception morale de Nicolas Sarkozy : il a beaucoup évoqué ce thème. Il a dit qu'il y avait une perte des références, due là encore à Mai 68. L'attribution de l'indemnité de départ à Noël Forgeat ne s'est pas passée en Mai 68 ! Cela s'est passé aujourd'hui. C'est une décision qui a été acceptée par le gouvernement actuel. Tolérée par la majorité UMP et qui conduit donc à ce que N. Forgeat puisse avoir 8 millions d'euros d'indemnités de départ et à ce que les salariés d'airbus aient une prime exceptionnelle pour service rendu de 2,8 euros.
Voilà le caractère le plus immoral du capitalisme et cela ne s'est pas produit il y a 40 ans ; cela s'est produit maintenant, sous la majorité UMP avec Jacques Chirac Président de la République, Nicolas Sarkozy Président de l'UMP, Dominique de Villepin Premier ministre et Thierry Breton Ministre de l'Economie et des Finances.
Ce qui est encore plus immoral c'est de ne même pas en reconnaître la responsabilité. Il faut savoir qu'à plusieurs reprises, à l'initiative du groupe socialiste, et au Sénat et à l'Assemblée nationale, des propositions ont été déposées, des amendements ont été soumis à discussion pour supprimer les retraites chapeaux, pour supprimer les stocks-options, pour supprimer les indemnités de départ et c'est la majorité UMP, sous l'autorité de Nicolas Sarkozy, qui a refusé ces amendements et ces propositions. L'immoralité est d'aujourd'hui ; elle est dans le refus de reconnaître sa responsabilité ; l'immoralité est dans l'acceptation de l'injustice à un niveau jamais connu depuis longtemps dans l'histoire de notre pays.
Enfin, Nicolas Sarkozy est apparu hier comme le « candidat du statu quo ». Statu quo institutionnel, statu quo politique, statu quo y compris sur les modes de scrutins. Un geste semble-t-il a été fait nous dit-on pour une part de proportionnelle. Pourquoi pas ! Nous y sommes favorables et depuis longtemps. Sauf que l'on ne nous dit pas si, dans le projet de Nicolas Sarkozy, ce serait à l'Assemblée nationale -ce qui semblerait une évidence- ou au Sénat -ce qui paraît plutôt être sa tendance. Là encore, nous attendions de cette élection présidentielle qu'elle permette de faire avancer la donne institutionnelle : seule Ségolène Royal porte la rénovation de la vie politique, le changement institutionnel, la représentation de la société française comme il convient dans les assemblées délibérantes, le mandat unique, l'approfondissement de la décentralisation, la démocratie sociale.
Nicolas Sarkozy, y compris dans son discours de Bercy, est apparu comme le candidat de l'injustice. Il s'est adressé à toutes les catégories de Français, a eu des mots de compassion pour tous, s'est voulu le candidat du travail... Sauf que, les seules mesures qu'il a proposées (suppression de l'impôt sur les successions, le bouclier fiscal à 50 %) favorisent les plus privilégiés, favorisent la rente et non le travail. Quant à des mesures qu'il a indiquées -notamment la TVA sociale qu'il a reconnue, c'est-à-dire la TVA pour tous (c'est pour cela qu'elle est sociale), et la franchise santé qui est en fait la médecine à plusieurs vitesses- frapperont le plus grand nombre de nos concitoyens.
Il y a aussi une confusion des genres. Jamais Nicolas Sarkozy n'est apparu comme autant lié à toutes les puissances d'argent, à toutes les puissances médiatiques, à toutes les forces du capitalisme français -et les forces ne sont pas forcément les forces créatrices, ce sont les forces installées.
Il voudrait nous faire croire qu'il est un candidat libre ! Qu'il est un candidat indépendant ! Qu'il est un candidat qui incarne le peuple et dont il serait le seul porte-parole ! Alors qu'il est lié, ligoté par ses amitiés, ses parrainages, ses soutiens. Il n'y avait qu'à d'ailleurs constater qui l'accompagnait à ce meeting de Bercy pour le comprendre.
Pour ce qui nous concerne, nous continuerons à mettre en avant le pacte présidentiel avec ce qu'il contient à la fois de création de richesses, mais de partage, de redistribution, de façon à ce qu'il y ait l'efficacité économique et la justice sociale. Le pacte présidentiel dans ce qu'il contient de rénovation de la vie politique, d'impartialité de l'Etat, de changement des règles de la décision. Le pacte présidentiel dans ce qu'il contient de préparation de l'avenir pour l'Education, pour la Recherche, pour l'écologie. Le pacte présidentiel en ce qu'il contient de clarté car, pour nous, il ne peut y avoir de majorité que sur la base de ce pacte présidentiel.
Voilà le sens de la confrontation qui s'engage pour ces derniers jours :
. D'un côté la confusion : confusion des genres, confusion des discours, confusion des mémoires.
. De l'autre la clarté : clarté dans les engagements, clarté dans les responsabilités, clarté dans la méthode.
Nul, dans cette campagne électorale, n'est à l'abri des coups. Chacun en a reçu sa part et nul ne peut s'ériger en victime. Il ne manquerait plus que celui qui caricature, discrédite, met en cause les personnes, se découvrirait d'un seul coup comme l'agressé, comme la victime ! Victime de je ne sais quel délit de faciès ! Quelle déclaration peut-il citer ? Le débat doit se faire idée contre idée, projet contre projet, mais sans rien laisser de côté.
Nous sommes devant un choix de société. Ce n'est pas la société de demain que prépare Nicolas Sarkozy. Ce n'est pas la société d'aujourd'hui -encore qu'il en est comptable puisqu'il est celui qui a dirigé le pays depuis 5 ans-, c'est la société d'hier ou d'avant-hier car, laisser penser que le « rêve français » -il en a parlé- serait ce qu'était la vie de nos concitoyens avant Mai 68, il faudrait donc souhaiter avoir vécu cette période-là ! Nul ne veut revenir en arrière. Ce que nous voulons, nous, c'est avancer, progresser, conquérir. Ce n'est pas retrouver je ne sais quel « âge d'or ». Quel était d'ailleurs « l'âge d'or » des générations des années 60 ? Sans doute était-ce un progrès au regard des années 50 ; mais qui penserait que la société était meilleure dans les années 60, quand il n'y avait ni les libertés que l'on connaît aujourd'hui, ni les progrès sociaux, ni les règles de décision, ni le pluralisme de presse ni cet accès de tous à l'information, ni la culture partagée, ni le droit des femmes.
Il y a donc le choix entre la société de demain et celle d'hier.
Nous voulons apporter toute notre solidarité à la policière qui a été victime d'un viol, à sa famille et dire que nous n'exploiterons pas ce crime. C'est toujours un crime que d'attaquer une femme et si, en plus, elle porte les signes de la protection de nos concitoyens, c'est encore pire. Nous n'utiliserons pas ce fait-divers qui n'en est pas un d'ailleurs, tant le nombre d'agressions à l'égard des policiers est trop important. Le nombre d'actes d'agression à l'égard des personnes portant les insignes de la République, pour la défense de cette République, a doublé par rapport à la période 2001. Si nous étions en 2002, certains l'aurait utilisé. Nous considérons qu'il faut marquer notre solidarité, affirmer notre condamnation de ceux qui ont commis cet acte et rappeler que celles et ceux qui se dévouent pour notre protection méritent, eux aussi, la reconnaissance de la Nation.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 2 mai 2007