Texte intégral
Patrick POIVRE d'ARVOR - Avec nous donc ce soir, pour ce « Face à la Une » avec François BACHY, Ségolène ROYAL, bonsoir.
Ségolène ROYAL - Bonsoir.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Alors dimanche soir, et puis plus précisément lundi soir, à l'étonnement d'ailleurs d'un certain nombre de vos camarades socialistes, vous avez souhaité tendre la main à François BAYROU et visiblement, cette main à l'air d'être assez difficile à toucher.
Ségolène ROYAL - D'abord en faisant cela, j'ai pris mes responsabilités politiques ; j'ai entendu ce qu'on dit les Français dans les urnes, et en effet je crois que pour rassembler tout un pays pour qu'il se relève, pour qu'il puisse relancer l'activité économique et le progrès social, je pense qu'il faut que je fasse cet effort de rassemblent de tous les Républicains de progrès, qui ont envie de se retrouver sur le pacte présidentiel que j'ai construit avec les Français. Les Français m'ont fait l'honneur de me placer au second tour de l'élection présidentielle. J'ai donc cette responsabilité d'incarner le changement, de réussir la France de demain et il me semble à la fois moderne et comment dirais-je, cohérent avec ce que je suis et ce que je pense de la nécessité de la rénovation de la vie politique, du fait aussi de rechercher à échapper de l'éternelle opposition de bloc contre bloc ; de tendre la main en effet aux électeurs qui ont évoqué ce message.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Même avec un homme dont vous disiez à un moment donné, dans votre campagne, qu'il frôlait l'imposture ?
Ségolène ROYAL - Mais François BAYROU a évolué aussi, au cours de cette campagne. Quand il disait qu'il était tantôt un homme de droite, tantôt un homme de gauche, pour des raisons de campagne électorale, on a vu petit à petit et j'ai regardé attentivement ce qu'il disait au cours de ses meetings et j'ai retrouvé un certain nombre de choses, de valeurs, de principes, les cinq principes sur lesquels je lui ai proposé de discuter, en particulier l'Etat impartial, la nécessité de lutter contre la dette, la réconciliation entre l'efficacité économique et le progrès social, tout cela devra aller de paire avec la responsabilité individuelle et comme je l'ai dit dans cet appel au large rassemblement de tous les électeurs entre les deux tours, ceux qui pensent que l'on peut réformer la France sans la brutaliser et ceux qui pensent que les valeurs humaines doivent toujours l'emporter sur les valeurs financières ou sur les valeurs boursières peuvent se retrouver dans une majorité présidentielle que je souhaite construire.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et ils pourraient se retrouver dans une sorte de nouvelle majorité plurielle comme le disait Lionel JOSPIN, ou arc-en-ciel comme vous le dites, qui irait de l'UDF à l'extrême gauche. Ce n'est pas un petit peu le grand écart, ça ?
Ségolène ROYAL - Tous ceux qui se retrouveront, c'est le principe même d'une majorité, tous ceux qui se retrouvent sur les principes du pacte présidentiel, les propositions concrètes que je fais, les objectifs pour la France, les nouvelles règles du jeu, la façon dont j'entends relancer la croissance et lutter contre le chômage, et remettre l'éducation au coeur de tout et en avant de tout, tous ceux qui se retrouvent sur ces principes, sur ces valeurs, sur ces actions concrètes ont vocation à faire partie d'une majorité présidentielle.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Donc il peut y avoir des ministres UDF ?
Ségolène ROYAL - Mais je le dis, je le dis sans détour, j'ai vu qu'on m'avait reproché d'avoir cela ici ou là, mais je le dis clairement devant tous les Français et pas dans des tractations de couloirs, ce ne sont pas des tractations entre Parti politiques, nous n'en sommes pas-là mais ma responsabilité politique c'est de rénover la politique française, donc je fais cet effort, je tends cette main parce que je crois que des millions de Français attendent que l'on rénove la politique. Que l'on fasse autrement et que l'on puisse rassembler les meilleures idées, celles qui peuvent marcher.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Il pourrait y avoir un Premier ministre UDF, François BAYROU par exemple ?
Ségolène ROYAL - Je crois que nous n'en sommes pas là. De toute façon les choix des ministres je l'ai souvent dit, se feront bien sûr sur des critères politiques, c'est-à-dire ceux qui sont dans la majorité présidentielle et puis également sur d'autres critères...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Donc c'est plutôt Dominique STRAUSS KAHN que François BAYROU, dans cette hypothèse, si vous êtes élue.
Ségolène ROYAL - Vous connaissez parfaitement le sens de l'élection présidentielle ; c'est le choix d'une personne en dialogue direct avec le pays. Il n'est pas dans la tradition de donner à l'avance le nom de son Premier ministre ou de son gouvernement. Mais rassurez-vous j'ai...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Vous avez votre idée...
Ségolène ROYAL - Bien sûr j'ai des idées ; je suis prête, je crois pouvoir rassembler une équipe très talentueuse autour de moi pour faire en sorte que la France aille mieux, que les problèmes soient réglés avec efficacité et rapidité.
François BACHY - C'est le choix d'une personne et aussi d'un projet. Votre pacte présidentielle, on n'a pas compris si vous étiez prête, vous, à accepter des ajouts de François BAYROU, ou s'il devait venir, sans concession, offrir simplement son potentiel de voix.
Ségolène ROYAL - Mais vous l'avez vu, moi je respecte les électeurs qui ont voté pour François BAYROU et je le respecte lui également. Et ma responsabilité c'est de faire en sorte qu'il y ait un débat d'idées qui élève le débat politique dans le cadre de la présidentielle. Donc j'ai dit sur quelles idées je proposais que nous débattions. Je viens de les rappeler tout à l'heure. Le coeur de mon programme c'est de...
François BACHY - Ca c'était aussi les vôtres, déjà... donc c'est ce que vous défendiez déjà avant le premier tour. Qu'est-ce qu'il y aura de nouveau que vous acceptez de François BAYROU en ajout, pour le second tour ?
Ségolène ROYAL - Déjà, ces principes-là sont considérables puisque sur l'Etat impartial, je suis la seule à faire une proposition de réforme profonde des Institutions. Réforme du Parlement, avec la suppression du cumul des mandats, la suppression du 49.3 ; réforme du Parlement et de toutes les Institutions qui vont avec, c'est-à-dire qui assurent l'impartialité de l'Etat. Désormais ça ne sera plus par exemple le pouvoir qui nommera les membres du Conseil supérieur de la magistrature ou du Conseil constitutionnel, mais toutes ces instances qui ont besoin d'indépendance seront désignées à une majorité des 3/5ème de l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire que l'opposition aura son mot à dire. J'ai vu aussi que Nicolas SARKOZY...
François BACHY - Propose la même chose...
Ségolène ROYAL - Avait repris du pacte présidentiel, l'idée selon laquelle la présidence de la commission des finances sera confiée à l'opposition. De même le président de la République, si je suis dans cette situation, ne présidera plus le Conseil supérieur de la magistrature, parce que je veux que la justice soit indépendante. Je ferai aussi un réforme profonde de la démocratie sociale et ça aussi c'est pour faire mieux fonctionner le pays. Parce que je crois que lorsqu'il y a un bon dialogue social dans l'entreprise, c'est comme cela aussi que l'on crée des emplois, de l'activité économique, que l'on évite les conflits, que l'on évite les grèves qui affaiblissent les entreprises et que l'on répartit plus équitablement les fruits de l'entreprise ; les profits entre les salaires, le réinvestissement dans l'entreprise, qui bénéficiera d'avantages fiscaux et puis ce qui va aux actionnaires. Et aujourd'hui on sait bien qu'il y a trop d'injustices, trop de richesses d'un côté, trop de pauvres de l'autre, on l'a vu encore récemment avec cet exemple d'AIRBUS, FORGEARD, avec le pouvoir en place qui prétend qu'il n'était pas au courant. Monsieur FORGEARD qui part avec 8 millions d'euros et on apprend hier que les salariés vont recevoir 4 euros d'intéressement. Je crois que ça ce n'est plus possible. Donc il faut d'autres règles du jeu beaucoup plus justes pour que la croissance reparte.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Toujours pour être plus concret, est-ce que vous êtes prête à intégrer d'autres propositions, cette fois-ci économiques de François BAYROU, par exemple quand il propose qu'il n'y ait absolument aucune charge sur les deux premiers emplois d'une entreprise. Est-ce que ça vous parait acceptable, comme proposition ?
Ségolène ROYAL - Le combat principal de ma présidence sera le combat contre le chômage et en particulier contre le chômage des jeunes. Mes priorités vont là. Pourquoi ? parce que ça touche toutes les générations. Quand dans ma campagne participative j'ai beaucoup parlé aux citoyens, je vois bien que les parents sont inquiets pour le chômage de leurs enfants et les grands parents se disent : mais s'il y a tant de chômage qui va cotiser pour payer nos retraites ? Donc, quand je parle de la question du chômage des jeunes, cela concerne toutes les générations. Ma priorité sera de créer immédiatement les 500.000 emplois tremplins, soit dans les entreprises, soit dans les associations, soit pour que les jeunes créent leur propre activité. Ça ce sont pour les jeunes qualifiés, les jeunes diplômés, les jeunes qui sont capables d'entrer tout de suite dans le monde du travail mais à l'égard desquels les entreprises n'ont pas suffisamment confiance.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et sa proposition à lui, alors, elle vous parait satisfaisante, irréalisable, ou un cadeau aux entreprises ?
Ségolène ROYAL - D'abord, toutes les propositions qui sont intéressantes, je les regarde avec attention. Celle qui consiste à alléger les charges sur les deux premiers emplois, qu'a faite François BAYROU a déjà été expérimentée. Elle a déjà été expérimentée et elle n'a pas fait ses preuves. Pourquoi ? parce que je pense que dans le système économique actuel, il faut mettre fin à toutes les formes de gaspillage, c'est-à-dire d'aides économiques qui ne sont pas justifiées. Il faut autrement dit, cesser de donner la même chose aux entreprises qui vont bien, qui ont de l'argent, qui ont les moyens de payer correctement les salariés et même d'augmenter les salaires - par exemple dans la grande distribution - ou qui gagnent beaucoup d'argent. Il est incompréhensible que les caissières soient payées au Smic - 980 euros net par mois - pendant toute leur carrière. Je les ai rencontrées encore récemment, au bout de quarante ans les femmes caissières qui partent à la retraite sans avoir eu un seul euro d'augmentation alors que les entreprises de la grande distribution, qui font partie de celles qui gagnent le plus d'argent, ça c'est un scandale. On ne va pas donner de l'argent et des allègements de charges en plus à des entreprises qui gagnent bien leur vie. En revanche...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Mais ces entreprises disent qu'elles créent beaucoup d'emploi, qu'elles sont les principales créatrices d'emplois en France.
Ségolène ROYAL - Si elles ont de l'argent pour payer ces emplois, il n'y a aucune raison que le contribuable paie de façon uniforme des allègements de charges aux entreprises qui peuvent recruter et qui peuvent payer leurs salariés. En revanche, dans le cadre de nouveaux pactes que je veux créer et nouer avec les petites et moyennes entreprises, que j'ai rencontrées, puisque j'ai rencontré le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises et toutes les organisations syndicales de salariés, je me suis mise au travail ; je n'attends pas d'être élue pour être efficace et opérationnelle. Donc j'ai rencontré tous les partenaires sociaux, y compris le MEDEF, et l'ensemble des organisations salariales ; et les jeunes dirigeants d'entreprises. Ceux-là me demandent en effet de faire en sorte que les 63 milliards - c'est beaucoup d'argent - payés par les contribuables, d'aides économiques aux entreprises, soient beaucoup plus ciblés sur les petites et moyennes entreprises, celles qui ont des difficultés ou celles qui grandissent. Donc voilà par exemple comment on peut regarder de quelle façon la proposition de François BAYROU sur les deux premiers emplois peut être ciblé sur des entreprises qui en ont effectivement besoin et en contrepartie, parce que je suis dans le donnant/donnant, c'est-à-dire que chaque fois que je ferai des allègements de charges, soit dans le domaine de la fiscalité, soit dans le domaine des charges sociales, les entreprises devront en contrepartie soit créer des emplois à durée indéterminée, soit investir dans l'innovation et dans la recherche et en contrepartie augmenter la masse salariale dans l'entreprise. Donc vous voyez, très concrètement...
François BACHY - ... plus loin que le simple allègement des charges parce que, avec votre mesure phare qui est le contrat première chance, ça consiste à avoir le salaire lui-même qui est payé soit par l'Etat, soit par les régions. François BAYROU disait qu'il ne savait pas que la gauche en était arrivée là. Et à gauche, on a qualifié ce contrat de CEP new-look. Donc, votre mesure phare n'a pas été très appréciée ni par l'UDF, ni par la gauche de la gauche.
Ségolène ROYAL - Oui et pourtant je pense qu'elle est très efficace et je la mettrai en oeuvre. Pourquoi je la mettrai en oeuvre ? parce que d'un côté les artisans et les commerçants me disent qu'ils ont 500.000 emplois vacants et de l'autre, je vois 120.000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Et sans avoir la chance de montrer de quoi ils sont capables. Ces jeunes sont très éloignés du marché du travail puisqu'ils sont en échec scolaire. Et donc je considère que ça coûte moins cher à la nation de prendre en charge le salaire et les charges de ces jeunes, de les mettre à disposition de l'entreprise et donnant/donnant, je demande en contrepartie aux entreprises de faire du tutorat, d'accepter ces jeunes, de leur donner une formation, d'accepter aussi qu'ils ne soient pas immédiatement opérationnels. C'est une forme de formation professionnelle, puisqu'on va leur permettre de s'adapter au monde de l'entreprise. Et je pense que ces jeunes qui sont des laissés pour compte, qui sont abandonnés dans les quartiers, donc qui vont faire des bêtises, on le sait bien, donc je crois que la meilleure source de prévention aussi, de la délinquance, c'est le travail, c'est de redonner à ces jeunes l'estime d'eux-mêmes. Et donc cette action-là qui ne coûte rien... pourquoi elle ne coûte rien ? parce que j'utilise pour payer ces jeunes les fonds de la formation professionnelle qui sont très souvent d'ailleurs gaspillés dans des filières de formation qui ne débouchent sur rien et je préfère voir des jeunes au travail, dans l'entreprise, auprès des artisans, des commerçants et des petites entreprises - puisque c'est à elles que je m'adresse, aux petites entreprises de moins de 10 salariés - je préfère voir ces jeunes au travail et saisir leur chance que des jeunes abandonnés, inactifs, ou payés au RMI, ou payés à ne rien faire, ou simplement mis dans des filières de formation qui ne débouchent sur rien. Donc, ça s'adressera aux jeunes au sens large, c'est-à-dire à tous les jeunes adultes de moins de 30 ans.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Sur les 35 heures maintenant, vous donniez l'impression au départ, de vouloir faire évoluer le dogme du Parti socialiste ; vous parliez éventuellement d'aménager ces 35 heures et maintenant vous parlez de les généraliser. Ce n'est pas du tout la même chose.
Ségolène ROYAL - Mais si. Ca n'empêche pas. Je veux dire par-là que lorsque les 35 heures ont été mal appliquées dans l'entreprise, c'est-à-dire lorsqu'elles ont contribué à l'aggravation des conditions de travail des salariés, ça n'était pas l'objectif...
Patrick POIVRE d'ARVOR - A l'hôpital par exemple...
Ségolène ROYAL - L'objectif des 35 heures par exemple parce que là il y a eu insuffisamment d'emplois créés, ou dans certaines entreprises où les cadences se sont accélérées pour augmenter la productivité/horaire du travail en contrepartie des 35 heures, là les salariés se sont sentis floués. Et donc l'objectif social en effet, c'est de réduire la durée du travail. Et pourquoi est-ce qu'on peut réduire la durée du travail ? parce que, en contrepartie, si l'on a des salariés bien formés, bien rémunérés, bien motivés dans l'entreprise, il vaut mieux travailler 35 heures en étant bien motivés, bien formés, ça contribue à la productivité de l'entreprise, et puis sur le reste de son temps s'occuper de sa famille, accéder aux loisirs ou à la culture et puis donner du travail à tous. C'est ça l'objectif de ma société du plein emploi. Plutôt que de donner à certains la possibilité de faire quelques heures supplémentaires, donnons d'abord du travail à tous ceux qui n'en ont pas.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Il faut que l'économie puisse le supporter.
Ségolène ROYAL - C'est ça la valorisation du ... Mais bien sûr il faut que l'économie puisse le supporter et c'est pour ça qu'il faut relancer la croissance. Et comment on relance la croissance ? On relance la croissance par la confiance en disant aux entreprises d'aller de l'avant. Mais en disant aussi aux entreprises qui se comportent mal que désormais lorsqu'elles reçoivent des fonds publics, si elles délocalisent alors qu'elles font des profits ou si elles licencient alors qu'elles font des profits, elles rembourseront toutes les aides publiques.
Patrick POIVRE d'ARVOR - La relance aussi par la consommation, la croissance...
Ségolène ROYAL - On la relance par la consommation...
Patrick POIVRE d'ARVOR - En permettant aux gens d'avoir un meilleur pouvoir d'achat.
Ségolène ROYAL - C'est pour cela que je veux augmenter aussi le Smic et les bas salaires. Parce que c'est en injectant aussi du pouvoir d'achat que l'on pourra relancer la croissance. Mais je pense que le nouveau modèle de croissance que je propose avec ce pacte avec les moyennes entreprises, c'est de leur dire qu'aujourd'hui il est temps de concilier un bon dialogue social dans l'entreprise, une performance économique dans l'entreprise comme cela se fait dans les pays du nord de l'Europe ou dans les pays les plus compétitifs. Les pays les plus compétitifs sont ceux qui ont réussi à avoir un bon dialogue social dans l'entreprise, c'est-à-dire où des partenaires se parlent ; parce que, quand ça va mal, à ce moment-là les salariés sont en mesure soit d'attendre les augmentations de salaires, soit de faire un effort supplémentaire et à ce moment-là l'entreprise qui a des difficultés face à un marché extérieur, parce qu'elle a besoin d'agilité, de souplesse, si le dialogue social est bon, à ce moment-là il n'y aura pas de conflit social ; il n'y aura pas de grève. Donc tout le monde y sera gagnant. Mais en contrepartie il faut de la transparence, c'est-à-dire des salariés qui soient membres du conseil d'administration des entreprises, comme ça, lorsqu'il y a du profit à distribuer, si les salariés ont le sentiment que ce profit est justement redistribué, à ce moment-là il y aura une cohésion sociale dans l'entreprise. C'est ma conception que j'ai de la société. C'est comme pour le rassemblement au niveau des forces politiques de progrès, moi je veux construire des compromis dans l'entreprise, dans la société. Je veux que chacun puisse se dire : il y a donc de nouvelles règles du jeu plus justes, chacun à sa place peut donner le meilleur de lui-même, parce que, en contrepartie il y aura de la transparence sur les critères de décision et il y aura un recul des injustices.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Vous n'avez peut-être pas les mêmes règles du jeu, mais au fond le même objectif que Nicolas SARKOZY qui, hier soir, ici même, nous disait que finalement son objectif c'était d'obtenir le plein emploi, à la fin de son mandat, donc du vôtre si vous êtes élue ; en 2012, c'est le même objectif pour vous. Disons un taux de chômage à 5% ou un peu moins.
Ségolène ROYAL - Je veux réaliser le plein emploi, bien évidemment, c'est-à-dire que même lorsque ce ne sont pas les emplois productifs, que chacun ait une utilité sociale dans cette société. Y compris, c'est le rôle aussi des emplois tremplins qui seront mis à disposition des écoles, des associations puisque le gouvernement de Nicolas SARKOZY a supprimé les emplois jeunes en créant beaucoup de dégâts dans les écoles, où on a vu d'ailleurs remonter la violence. Mais je crois que les propositions qu'il avance, ne permettent pas de réaliser le plein emploi. Pourquoi ? Parce que lui propose d'opposer les salariés les uns aux autres. Ceux qui auront droit à quelques heures supplémentaires et ceux qui n'y auront pas droit.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Pour le mérite, essentiellement, pour le mérite dans le travail. Donc il pense que ceux qui travaillent le plus devraient gagner davantage.
Ségolène ROYAL - Mais les heures supplémentaires sont déjà possibles et ce qui est important dans une société du plein emploi, c'est de donner du travail à tous, c'est que ceux qui n'en ont pas puissent accéder au travail. Or que se passe-t-il aujourd'hui ? nous sommes le pays où à la fois nous avons le chômage le plus élevé chez les salariés de plus de 50 ans, notamment les femmes qui sont dans des filières industrielles en déclin, comme dans le textile. Et puis nous avons des jeunes au chômage, y compris des jeunes très diplômés parce que les entreprises ne leur font pas confiance.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Oui mais on a un taux de chômage qui a été ramené aujourd'hui à 8,3 c'est-à-dire comme il y a 24 ans.
François BACHY - Vous contestez cette baisse du chômage ? Vous faites partie de ceux qui critiquent les chiffres du chômage ?
Ségolène ROYAL - Vous avez vu que ces chiffres sont contestés et moi je crois que dans une grande démocratie ça n'est plus possible d'avoir des polémiques sur les chiffres économiques et sociaux et fiscaux sur lesquels doit s'appuyer la politique économique et sociale. Et donc, demain, ce sera le Parlement qui sera chargé de valider toutes les données économiques et sociales sur lesquelles l'Etat prendra ses décisions, comme ça, les partenaires sociaux pourront aussi travailler ensemble puisque ma première décision sera de réunir la conférence nationale avec l'ensemble des partenaires sociaux sur la croissance et les revenus. Donc pour discuter de la croissance et des revenus il faudra bien se mettre d'accord sur la réalité de la situation du pays. Une grande démocratie ne peut bien fonctionner que s'il y a déjà un diagnostic partagé entre les uns et les autres.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Alors ce qui vous oppose en revanche à Nicolas SARKOZY, c'est que vous, vous ne proposez pas de baisse d'impôts. Or on est quand même dans un pays qui est pour l'instant très surtaxé. C'est l'avis de tout le monde. Ca reste quand même un des pays les plus taxés d'Europe. Pourquoi est-ce que vous ne proposez pas, de baisser par exemple un impôt qui touche vraiment y compris les plus pauvres, c'est-à-dire la TVA ?
Ségolène ROYAL - Mais j'ai cru comprendre que Nicolas SARKOZY proposait d'augmenter la TVA, il a proposé une TVA dite sociale qui n'a rien de sociale d'ailleurs et je trouve que cette proposition est particulièrement injuste.
François BACHY - Il propose de l'expérimenter pour l'instant, simplement.
Ségolène ROYAL - Vous avez déjà vu expérimenter un impôt ! un impôt on le paie ou on ne le paie pas. Il propose donc d'augmenter la TVA. C'est-à-dire l'impôt le plus injuste, celui que paient en effet tous les Français, quel que soit le niveau de revenus. En revanche, il propose un bouclier fiscal pour les plus riches, puisqu'il l'a redit également hier. Donc je trouve que c'est très injuste...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Vous n'avez pas répondu à ma question sur le fait de la diminuer avant seulement... de proposer sa diminution.
Ségolène ROYAL - Je diminuerai la TVA en négociation avec les partenaires européens sur tout ce qui concerne les biens et services liés à l'environnement parce que je pense en effet qu'il y a là un levier économique majeur pour créer des activités et des emplois et en particulier dans la filière du bâtiment et avec les artisans du bâtiment que j'ai rencontrés, d'ailleurs. Puisque dans le domaine de la politique écologique j'ai l'intention de lancer un vaste chantier d'isolation des logements déjà construits, 400.000 logements par an verront des travaux d'isolation qui seront donc encouragés par une baisse de la fiscalité ; cela nous permettra à la fois de protéger la planète, c'est-à-dire de tenir nos engagements sur la réduction de l'effet de serre et en même temps de créer des emplois dans la filière du bâtiment en utilisant en plus les nouveaux matériaux. De même sur toutes les énergies renouvelables, pour encourager les Français à s'équiper en énergie solaire, en énergie éolienne, en géothermie, la TVA sera abaissée et j'espère tendra même vers zéro, pour tout ce qui concerne les biens et les services liés à l'environnement. Je permettrai ainsi de développer en France une filière économique très importante dans le domaine de l'écologie puisqu'on estime à plus d'un million le nombre d'emplois qui peuvent être créés sur deux ou trois ans dans ce domaine de la performance écologique. En revanche, je ne vois pas comment Nicolas SARKOZY peut à la fois promettre de baisser les impôts comme il le fait aujourd'hui, avec la situation de la dette telle qu'elle est aujourd'hui. Dans le pacte présidentiel que je propose, chaque engagement financier public produit des bénéfices. J'ai entendu parfois dire que le pacte coûtait cher. Non. Chaque dépense choisit...
Patrick POIVRE d'ARVOR - A peu près le même coût le coût de votre programme et celui de Nicolas SARKOZY, c'est à peu près le même.
Ségolène ROYAL - Non, pas du tout, parce que ce n'est pas du tout la même logique.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Tous les économistes qui se sont penchés dessus, arrivent à peu près au même résultat.
Ségolène ROYAL - Parce que ce sont des calcules arithmétiques. Moi ce qui est important c'est une dynamique économique. Quand par exemple je viens d'évoquer la question écologique, l'investissement que je fais en baissant la TVA je la récupère bien plus en terme de création d'activité ou d'emploi. Quand j'investis sur les emplois jeunes, je sais que ça coûte moins cher que le chômage, que les dégâts du chômage, que les familles déstructurées, que les gens désespérés. Ca coûte beaucoup moins cher que de recycler les fonds d'indemnisation du chômage qui sont des fonds passifs, en dépenses actives, pour permettre aux gens de retourner au travail. Lorsque je dis que je relancerai l'innovation et la recherche, qui sont ici en France dans un état catastrophique, à tel point que nos chercheurs quittent le territoire national pour aller aux Etats-Unis où ils sont payé quatre fois plus cher. Quand je dis que je vais augmenter de 10% le budget de la recherche je sais qu'en contrepartie cela va me permettre de relancer l'activité économique et la croissance. J'ai confiance dans cette nouvelle dynamique. Je sais que j'y parviendrai.
François BACHY - Augmenter les recettes c'est facile, est-ce qu'il n'y aura que des bonnes nouvelles ou est-ce que vous allez aussi affronter des dossiers plus difficiles comme celui des régimes spéciaux pour les retraites qui ne correspondent plus forcément à la réalité, puisque la pénibilité du travail a pu parfois diminuer compte tenu des évolutions technologiques, par exemple ?
Ségolène ROYAL - Bien sûr, la question de la réforme des retraites sera remise à plat. Il y a d'autres injustices plus criantes que celle des régimes spéciaux, je pense en particulier à ce qu'on subit les femmes du fait de la réforme Raffarin sur les retraites puisque l'allongement de la durée de cotisation les a durement pénalisées, puisque ce sont souvent les femmes qui se sont arrêtées pour élever leurs enfants ou ont subi du chômage partiel. Et on voit aujourd'hui des femmes qui ont travaillé toute leur vie et qui partent à la retraite avec un niveau de retraite à peine supérieur au minimum vieillesse. Et ça, je dis que c'est insupportable. Et là-dessus je réformerai en effet la loi sur les retraites. Et de toute façon...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Ca vous parait normal que dans certains secteurs les gens partent à la retraite à 50 ans aujourd'hui, alors que le métier n'est plus aussi pénible que naguère et que surtout l'évolution démographique font qu'ils vont pouvoir davantage profiter de leur retraite ?
Ségolène ROYAL - D'abord je pense qu'il y a en France des injustices beaucoup plus criantes, je les ai évoquées tout à l'heure et en particulier je referai la transparence sur les niveaux des hautes rémunérations des dirigeants des grandes entreprises, comme cela a été le cas il y a quelques années. C'est le gouvernement actuel qui a supprimé cette transparence. Donc il y a beaucoup d'injustices beaucoup plus criantes que celle-ci. Mais ça ne me gêne pas de dire que sur la question des retraites nous remettrons en effet à plat, le dispositif pour que là aussi les règles du jeu soient ressenties comme justes par tous et en particulier il faudra améliorer le niveau de retraite en tenant compte de la pénibilité des retraites....
Patrick POIVRE d'ARVOR - Y compris un alignement du public sur le privé ?
Ségolène ROYAL - Y compris des convergences en effet pour que les Français aient le sentiment que les efforts sont équitablement répartis. Mais vous le savez, puisque ça sera ma façon de présider et ça sera la mission du gouvernement que de procéder de cette façon-là, toutes les modifications du droit social seront précédées d'une négociation entre partenaires sociaux. Parce que je crois que c'est une façon moderne de procéder. Je fais confiance à l'intelligence des partenaires sociaux, c'est pourquoi aussi je ferai en sorte qu'il y ait une réforme de la démocratie sociale profonde pour remettre la France en première ligne, si j'ose dire, de la modernité du dialogue social en France parce que je crois qu'il y a là, des trésors d'imagination, de valeurs ajoutées à construire, d'intelligence collective et le Parlement ne pourra plus faire de loi imposée d'en haut tant que les partenaires sociaux n'auront pas eu suffisamment de temps pour discuter. Après, bien sûr, la loi interviendra pour généraliser ce qui a été décidé ou pour préciser un certain nombre de choses et pour garantir l'application de ce qui sera issu des discussions entre partenaires sociaux. L'Etat bien sûr, sera présent en tant que garant d'un bon déroulement de ces négociations.
François BACHY - Vous mettrez par exemple sur la table la discussion sociale, le service minimum garanti, Nicolas SAKOZY disait hier « d'abord discussion et ensuite loi », c'est le schéma que vous évoquez à l'instant...
Ségolène ROYAL - Je n'ai pas cette conception non plus et cette façon de voir les choses. Vous savez, aujourd'hui on voit bien à partir de toutes ces propositions et de toutes ces questions qu'il y a un choix clair maintenant devant nous, soit une société qui ne cesse d'opposer les Français les uns contre les autres et en l'occurrence qui oppose les grévistes aux non grévistes puisqu'il a même annoncé qu'il y aurait des votes dans l'entreprise entre grévistes et non grévistes. Soit la France que je propose qui considère qu'il faut rassembler les intelligences avant même qu'il y ait des menaces de grève, avant même qu'il y ait des conflits sociaux, avant même que les usagers des services publics ne soient laissés abandonnés sur les quais avec les enfants seuls à la maison qui attendent leurs parents bloqués par des trains qui ne viennent pas. Moi je veux une France qui fonctionne bien avec des services publics qui fonctionnent bien et qui ne s'arrêtent pas. Et pour cela je fais confiance d'abord à la fermeté de l'Etat qui rassemble les partenaires sociaux, qui met en place des règles du jeu permettant un syndicalisme de masse d'être présent, d'être responsable, d'être associé aux décisions, et à des dirigeants d'entreprise et à un patronat qui sera prié aussi de respecter les salariés et d'engager des discussions avant qu'il n'y ait des conflits. Et c'est comme cela que je n'aurai pas besoin de réglementer ou d'agiter le bâton parce que ça n'est pas ma façon de voir les choses, je suis une femme concrète, pratique, je fais confiance à l'intelligence des gens et je ne veux pas que les Français souffrent dans des conflits, souffrent dans des oppositions, souffrent dans des...
Patrick POIVRE d'ARVOR - En général personne ne le souhaite, tout le monde souhaite que tout s'harmonise dans le meilleur des mondes mais il y a souvent des conflits d'intérêt, c'est pour ça qu'il y a des règles et c'est pour ça que les gens s'opposent...
Ségolène ROYAL - Il y a des conflits d'intérêt mais les conflits d'intérêt peuvent parfaitement être réglés, être régulés, être anticipés, pour faire en sorte que les intérêts de quelques-uns, en général des plus puissants, des plus nantis et des mieux placés, ne s'opposent pas aux intérêts du plus grand nombre. Et ça c'est au chef de l'Etat d'apporter la garantie de cela et de ne pas opposer les Français les uns contre les autres mais de favoriser le compromis social et le dialogue social dans l'entreprise.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Sur la sécurité maintenant. Vous aviez proposé, ce qui avait fait un peu tiqué à gauche, un encadrement y compris militaire, aviez-vous dit, vous maintenez cette proposition ?
Ségolène ROYAL - Bien sûr, je pense que toute solution pour encadrer les jeunes est meilleure que la prison. On sait comment les jeunes ressortent de prison, d'abord ils ressortent récidivistes, ils ressortent souvent aussi détruits sur le plan personnel, et je considère qu'un mineur jusqu'à sa majorité doit avoir le droit, la chance j'allais dire d'être recadré de façon positive pour qu'il retrouve l'estime de lui-même, et tous les moyens seront utilisés pour cela. Car aujourd'hui s'il y a de l'insécurité c'est aussi parce qu'il n'y a pas de réponse au premier acte de délinquance et moi je veux qu'au premier acte de délinquance il y ait une punition proportionnelle à ce premier acte de délinquance. Aujourd'hui, les juges n'ont pas de solution puisque les centres fermés n'ont pas été construits, donc il n'y a pas de solution, entre la prison et l'absence de solution il n'y a rien, donc il faut créer des solutions intermédiaires, j'ai fait cette proposition de l'encadrement militaire, il faut trouver d'autres solutions, des travaux d'intérêt général qui sont encadrés, mais il faut qu'au premier acte de délinquance sinon on a 70% de récidives. Et toutes les expériences qui ont été faites, c'est-à-dire qui ont sanctionné au premier petit acte de délinquance, à la première petite transgression de la loi, une sanction bien sûr proportionnée, ont prouvé qu'à 80% des cas il n'y avait plus de récidive. C'est pour ça aussi qu'il y a, vous voyez, deux conceptions de la société, une qui pense que lorsqu'un jeune trébuche il faut lui tendre la main et le remettre dans le droit chemin, surtout qu'en général c'est un jeune qui n'a pas eu beaucoup de chance au départ et quasiment tous les délinquants sont en situation d'échec scolaire, donc ça veut dire aussi qu'il faut repérer les jeunes très tôt à l'école primaire et au collège pour els mettre dans des internats de proximité, pour faire le soutien scolaire gratuit comme je le propose, c'est-à-dire pour les raccrocher à la réussite scolaire quand ils n'ont pas la chance d'avoir des parents qui peuvent les aider afin qu'ils puissent grâce à l'école s'intégrer dans la société et trouver un travail.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Ca nous amène à une question sur la défense, François BACHY...
François BACHY - Oui, on va passer un petit peu à l'international. Jacques CHIRAC avant-hier réunissait les hauts responsables de défense et disait « il est indispensable qu'il y ait un deuxième porte-avions ». Est-ce que vous êtes d'accord, est-ce que vous voulez que ce soit un projet européen, comment vous le financez ?
Ségolène ROYAL - Je pense que pour affirmer une chose comme celle-ci il faut d'abord une discussion entre partenaires européens, entre gouvernements européens. Moi je veux que la défense devienne à dimension européenne, financièrement je crois aussi que c'est notre intérêt à nous tous pays européens, et donc la position que j'ai prise c'est que si un deuxième porte-avions s'avérait nécessaire, ce qui doit faire l'objet donc d'une discussion stratégique...
François BACHY - Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec ce que dit Jacques CHIRAC pour l'instant, vous ne jugez pas que c'est indispensable ?
Ségolène ROYAL - Il n'a pas écarté l'idée que ce deuxième porte-avions pourrait être un cofinancement anglo-français. Donc il faudra examiner la situation, voir si ce deuxième porte-avions est absolument nécessaire par rapport à notre stratégie et ensuite décider comment financièrement nous allons le supporter.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Mais il faut faire des économies dans la défense d'une manière générale ?
Ségolène ROYAL - Je crois qu'il ne faut pas baisser la garde, c'est-à-dire qu'il faut maintenir globalement l'effort de défense, mais qu'on peut à l'intérieur du budget de la défense réorienter un certain nombre de dépenses. Et en particulier je crois que nous pouvons investir beaucoup plus fortement dans la recherche et faire des liens beaucoup plus étroits entre la recherche militaire et la recherche civile, c'est-à-dire faire en sorte que les dépenses militaires dans le domaine de la recherche, je pense à tous les domaines des transmissions, des nouveaux matériaux, puissent s'articuler beaucoup plus étroitement avec la recherche civile.
François BACHY - Et vous dites coopération européenne, ça pourrait s'étendre aussi à l'arme de dissuasion nucléaire ou elle doit rester spécifiquement française ?
Ségolène ROYAL - Vous connaissez la situation de la France dans ce domaine-là, donc la dissuasion nucléaire reste bien sûr une responsabilité unique du chef de l'Etat français.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Donc c'est la doctrine gaulliste qui s'applique toujours ?
Ségolène ROYAL - Bien sûr.
François BACHY - Quand vous allez voir George BUSH lors du G8, si vous êtes élue, au mois de juin, vous le verrez comme un ennemi, comme un allié ou comme un ami ?
Ségolène ROYAL - Je distingue George BUSH du peuple américain, le peuple américain est un peuple ami, un grand peuple ami. Les décisions de George BUSH et notamment au regard de son intervention en Irak je ne les partage pas, donc effectivement je ne suis pas non plus comme Nicolas SARKOZY, je n'irai pas m'excuser auprès de George BUSH de la prise de position du président Jacques CHIRAC qui dans ce domaine a bien agi, et donc...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Il a dit plusieurs fois qu'il était d'accord avec lui Nicolas SARKOZY, hier soir encore...
François BACHY - Oui, c'était de l'arrogance française qu'il condamnait, pas le principe...
Ségolène ROYAL - Oui, il a peut-être changé de posture mais je crois que tous les Français ont été choqués de la démarche qu'il a accomplie à un moment en se rendant chez George BUSH pour dénoncer l'arrogance française et pour s'excuser de la position française. On sait aujourd'hui que Nicolas SARKOZY est soutenu par monsieur BERLUSCONI qui était aussi partisan de l'intervention en Irak, donc ce n'est pas ma façon de faire. Je crois que le monde a besoin d'une force multipolaire et que les Etats-Unis ne doivent pas être considérés comme une superpuissance, que l'Europe a un rôle éminent à jouer dans le maintien de la paix et que nous devons en Europe tenir notre rang diplomatique sans alignement sur les Etats-Unis. Et je pense que dans cette recherche de la paix mondiale nous avons tous intérêt en Europe à demander à George BUSH de respecter un calendrier de retrait des forces d'Irak et de reprendre le dialogue avec l'ensemble des pays du monde arabe.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Puisqu'on parle du nucléaire, un mot sur le nucléaire civil. Vous n'êtes pas tout à fait en accord avec les Verts et la France semble être relativement en pointe dans ce domaine, c'est-à-dire remplacer en gros l'énergie pétrolière par l'énergie nucléaire. Est-ce que vous pensez qu'il faut continuer ce programme ou il faut l'arrêter ?
Ségolène ROYAL - Il faut augmenter la part des énergies renouvelables, ça c'est évident...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Ca ne suffira pas...
Ségolène ROYAL - Ca ne suffira pas, donc il faut augmenter la part des énergies renouvelables, il faut aussi ouvrir le débat sur l'énergie nucléaire pour qu'il soit transparent. Or, le débat sur l'EPR n'a pas été suffisamment transparent à la fois sur le coût de ce projet, sur le contenu de ce projet, faut-il faire l'EPR ou faut-il déjà passer à la quatrième génération, ne faut-il pas mettre en commun au niveau d'un certain nombre de pays, notamment de la Finlande, un certain nombre de données techniques qui permettrait de faire des économies sur ce prototype. Est-ce qu'il ne vaut pas mieux investir sur la question du retraitement des déchets nucléaires ? C'est une vraie question et je veux que les Français soient informés et participent à ces choix parce qu'ils sont financièrement très lourds. On sait en particulier que le combustible nucléaire, l'uranium, sera en situation de pénurie dans un demi-siècle, c'est tout près un demi-siècle, donc il faut déjà anticiper, on ne va pas se lancer dans des constructions de centrales nucléaires alors que l'on sait que se profile un problème de combustible. En revanche, peut-être faut-il investir sur le recyclage des déchets parce que peut-être que la récupération de ce qui reste dans les déchets nucléaires pourra servir demain de combustible. Donc il y a des choix technologiques et énergétiques très importants et le premier de ces choix ce sont les économies d'énergie qui aujourd'hui trop souvent en France sont oubliées. Et moi je lancerai un grand chantier sur les économies d'énergie parce que, et je l'ai évoqué tout à l'heure, en particulier sur l'isolation des bâtiments parce que je crois aussi que c'est comme cela que l'on construit une croissance plus sobre en consommation d'énergie.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Puisqu'on parle de l'étranger, très souvent à l'international on nous regardait d'une manière un peu, on disait qu'on était une bête curieuse puisqu'on avait une extrême droite très forte, parce qu'on avait une extrême gauche très forte, qu'on avait quand même trois candidats se réclamant de Trotsky cette fois-ci il y a encore à peine trois jours et au moins cinq candidats de l'extrême gauche. Est-ce que vous vous réjouissez de la baisse de l'extrême droite dans ce pays et de l'extrême gauche ?
Ségolène ROYAL - Je pense qu'on ne peut pas mettre ces deux éléments sur le même plan si vous le permettez. Je pense qua la baisse du score du Front national est une bonne nouvelle dans la mesure où les thèses du Front national qui s'éloignent de nos valeurs républicaines fondamentales permettent de dire qu'un certain nombre d'électeurs sont revenus vers le vote républicain. Il y a aussi...
François BACHY - (Inaudible) à Nicolas SARKOZY...
Ségolène ROYAL - Non parce que je pense aussi qu'un certain nombre d'électeurs, on l'a vu, issus de catégories populaires sont venus aussi vers moi. Et j'ai été la première à faire le constat d'ailleurs de la crise démocratique qui entraîne les électeurs soit à s'abstenir soit à aller vers un vote protestataire ou vers un vote de colère, et en particulier parmi en effet les catégories les plus populaires, celles qui avaient le sentiment de ne plus compter pour rien et qui attendaient désespérément quelque chose qui ne change pas. Mais les électeurs qui souffrent et qui sont revenus vers moi pensent, et c'est pour ça que je ne veux pas les décevoir, pensent que je vais améliorer leurs conditions et notamment en luttant contre la vie chère et en particulier la réforme des tarifications bancaires sera l'une de mes premières priorités parce que, vous le savez, les banques gagnent de l'argent sur le dos des plus démunis ou même des familles à revenus moyens avec les tarifications bancaires. Et j'ai encore reçu là un exemple d'une dame qui est en découvert de 60 euros et qui doit payer une amende de 51 euros. Donc ça il faut que ça cesse et moi je protégerai les bas salaires de toutes ces formes d'abus. Je veux aussi relancer le logement social parce que les catégories justement qui n'ont pas beaucoup de moyens souffrent d'une dégradation de leurs conditions de logement, donc c'est un plan très important sur la dignité des familles. Et enfin je vais à la prochaine rentrée scolaire doubler l'allocation de rentrée scolaire pour les enfants parce que je considère que la gratuité scolaire c'est quelque chose de très important, la gratuité aussi du soutien scolaire individualisé va s'adresser en priorité aux familles populaires qui n'ont pas les moyens d'aider scolairement leurs enfants et c'est à elles, à ces catégories-là que je pense lorsque je fais ces propositions dans le pacte présidentiel.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Est-ce que votre prochaine échéance maintenant c'est le débat qui a lieu mercredi face à Nicolas SARKOZY. Est-ce que vous vous entraînez psychologiquement, est-ce que vous avez un partenaire d'ores et déjà, est-ce que vous avez demandé à François HOLLANDE par exemple de vous servir de sparing-partner pour incarner Nicolas SARKOZY ? Comment vous vous installez dans cette confrontation à venir ?
Ségolène ROYAL - Vous savez, cette campagne déjà a été très longue, donc je pense pouvoir maîtriser les sujets avec compétence, avec détermination, avec constance, avec sérénité, avec un équilibre intérieur je crois sans faille. J'ai surmonté beaucoup d'épreuves pour être ce soir devant vous, ça n'était pas prévu au départ, vous savez, moi je n'ai pas je ne sais quelle nouvelle marche à monter pour moi-même, j'ai été portée par un mouvement populaire, par une opinion et je veux gagner bien sûr cette élection. Je pense aussi, et pourquoi ne pas le dire, quand je vois la presse internationale qui regarde avec beaucoup d'attention ce qui se passe aujourd'hui en France, je sais que certains électeurs, que certaines électrices se demandent si ça n'est pas trop révolutionnaire de voter pour une femme, eh bien je leur dis « ayez cette audace, ayez cette audace parce que du coup la France prendra un formidable souffle de rénovation et vous ne le regretterez pas ».
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et il y a un an tout juste, vous imaginiez vous retrouver au second tour d'une présidentielle ?
Ségolène ROYAL - Non.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Depuis combien de temps vous avez imaginé ?
Ségolène ROYAL - Non, les choses sont venues mais peut-être cela remonte-t-il à 15 ans d'itinéraire politique ou sans y penser petit à petit les choses se sont enclenchées, se sont engagées, se sont succédées. J'ai travaillé sept ans auprès de François MITTERRAND...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et à quel moment vous y avez pensé ?
Ségolène ROYAL - ...donc j'ai vu fonctionner la présidence de la République. Ensuite, j'ai été élue députée d'un département rural pendant quatre mandats successifs, donc je voyais que les électeurs me faisaient confiance, ça m'a donné aussi...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et quand y a-t-il eu la petite lumière qui vous a dit : « ah au fond l'Elysée pourquoi pas ? »
Ségolène ROYAL - Mais vous savez, c'est très récent, c'est très récent puisque après je me suis occupée de ma région, j'étais présidente de région, et ensuite il s'est passé le débat interne, et un jour on m'a...
Patrick POIVRE d'ARVOR - C'est là que vous avez senti qu'il y avait une ouverture possible ?
Ségolène ROYAL - J'ai senti un soutien des gens, un soutien populaire, et c'est ça qui m'a porté et c'est pour ça que j'ai une responsabilité majeure, je mesure la chance qui est la mienne mais aussi la gravité du moment puisque les Français vont choisir une nouvelle page de leur histoire et j'espère qu'ils auront cette audace de me faire confiance parce que je crois que la France a besoin d'une rénovation profonde et cette rénovation tranquille et souriante elle est ce soir devant vous.
Patrick POIVRE d'ARVOR - La dernière question que nous avions posée avec François BACHY à Nicolas SARKOZY ici même c'était de savoir quelle était votre qualité principale ?
Ségolène ROYAL - La mienne ?
Patrick POIVRE d'ARVOR - Oui. Alors je vais vous répondre, sa réponse c'était la pugnacité, il avait dit la pugnacité. Et de lui vous diriez de quoi ? Sa plus belle qualité ou sa plus grande qualité ?
Ségolène ROYAL - Sa plus grande qualité, il sait tout.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Mais c'est une qualité ou un défaut parce que « monsieur je sais tout » c'est ?...
Ségolène ROYAL - Il sait tout, il a réponse à tout, c'est sa plus grande qualité.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et son plus grand défaut ?
Ségolène ROYAL - Il sait tout et il a réponse à tout.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Lui il avait refusé de répondre sur vous, il avait dit...
Ségolène ROYAL - On peut bien se permettre un peu d'humour...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Oui, j'entends bien, lui il avait dit « ce serait discourtois ».
François BACHY - « Et tellement convenu », avait-il ajouté.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Voilà.
Ségolène ROYAL - « Et tellement convenu », ah bon...
Patrick POIVRE d'ARVOR - De toutes façons vous allez vous retrouvez donc à 21 heures mercredi prochain face à face et apparemment sans crainte. Merci beaucoup Ségolène ROYAL d'avoir répondu aux questions de François BACHY et de moi-même pour « Face à la une ». Voilà, c'est la fin de ce débat que vous pourrez revoir d'ailleurs sur le site de la rédaction de tf1.fr. Dans un instant, la météo de Sébastien FOLIN suivie de « Julie Lescaut », encore une femme. Pour l'information demain vous retrouverez Jean-Pierre PERNAUT à 13 heures, Claire CHAZAL à 20 heures. Excellente soirée à tous, à lundi.
Source http://www.desirsdavenir.org, le 2 mai 2007
Ségolène ROYAL - Bonsoir.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Alors dimanche soir, et puis plus précisément lundi soir, à l'étonnement d'ailleurs d'un certain nombre de vos camarades socialistes, vous avez souhaité tendre la main à François BAYROU et visiblement, cette main à l'air d'être assez difficile à toucher.
Ségolène ROYAL - D'abord en faisant cela, j'ai pris mes responsabilités politiques ; j'ai entendu ce qu'on dit les Français dans les urnes, et en effet je crois que pour rassembler tout un pays pour qu'il se relève, pour qu'il puisse relancer l'activité économique et le progrès social, je pense qu'il faut que je fasse cet effort de rassemblent de tous les Républicains de progrès, qui ont envie de se retrouver sur le pacte présidentiel que j'ai construit avec les Français. Les Français m'ont fait l'honneur de me placer au second tour de l'élection présidentielle. J'ai donc cette responsabilité d'incarner le changement, de réussir la France de demain et il me semble à la fois moderne et comment dirais-je, cohérent avec ce que je suis et ce que je pense de la nécessité de la rénovation de la vie politique, du fait aussi de rechercher à échapper de l'éternelle opposition de bloc contre bloc ; de tendre la main en effet aux électeurs qui ont évoqué ce message.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Même avec un homme dont vous disiez à un moment donné, dans votre campagne, qu'il frôlait l'imposture ?
Ségolène ROYAL - Mais François BAYROU a évolué aussi, au cours de cette campagne. Quand il disait qu'il était tantôt un homme de droite, tantôt un homme de gauche, pour des raisons de campagne électorale, on a vu petit à petit et j'ai regardé attentivement ce qu'il disait au cours de ses meetings et j'ai retrouvé un certain nombre de choses, de valeurs, de principes, les cinq principes sur lesquels je lui ai proposé de discuter, en particulier l'Etat impartial, la nécessité de lutter contre la dette, la réconciliation entre l'efficacité économique et le progrès social, tout cela devra aller de paire avec la responsabilité individuelle et comme je l'ai dit dans cet appel au large rassemblement de tous les électeurs entre les deux tours, ceux qui pensent que l'on peut réformer la France sans la brutaliser et ceux qui pensent que les valeurs humaines doivent toujours l'emporter sur les valeurs financières ou sur les valeurs boursières peuvent se retrouver dans une majorité présidentielle que je souhaite construire.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et ils pourraient se retrouver dans une sorte de nouvelle majorité plurielle comme le disait Lionel JOSPIN, ou arc-en-ciel comme vous le dites, qui irait de l'UDF à l'extrême gauche. Ce n'est pas un petit peu le grand écart, ça ?
Ségolène ROYAL - Tous ceux qui se retrouveront, c'est le principe même d'une majorité, tous ceux qui se retrouvent sur les principes du pacte présidentiel, les propositions concrètes que je fais, les objectifs pour la France, les nouvelles règles du jeu, la façon dont j'entends relancer la croissance et lutter contre le chômage, et remettre l'éducation au coeur de tout et en avant de tout, tous ceux qui se retrouvent sur ces principes, sur ces valeurs, sur ces actions concrètes ont vocation à faire partie d'une majorité présidentielle.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Donc il peut y avoir des ministres UDF ?
Ségolène ROYAL - Mais je le dis, je le dis sans détour, j'ai vu qu'on m'avait reproché d'avoir cela ici ou là, mais je le dis clairement devant tous les Français et pas dans des tractations de couloirs, ce ne sont pas des tractations entre Parti politiques, nous n'en sommes pas-là mais ma responsabilité politique c'est de rénover la politique française, donc je fais cet effort, je tends cette main parce que je crois que des millions de Français attendent que l'on rénove la politique. Que l'on fasse autrement et que l'on puisse rassembler les meilleures idées, celles qui peuvent marcher.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Il pourrait y avoir un Premier ministre UDF, François BAYROU par exemple ?
Ségolène ROYAL - Je crois que nous n'en sommes pas là. De toute façon les choix des ministres je l'ai souvent dit, se feront bien sûr sur des critères politiques, c'est-à-dire ceux qui sont dans la majorité présidentielle et puis également sur d'autres critères...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Donc c'est plutôt Dominique STRAUSS KAHN que François BAYROU, dans cette hypothèse, si vous êtes élue.
Ségolène ROYAL - Vous connaissez parfaitement le sens de l'élection présidentielle ; c'est le choix d'une personne en dialogue direct avec le pays. Il n'est pas dans la tradition de donner à l'avance le nom de son Premier ministre ou de son gouvernement. Mais rassurez-vous j'ai...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Vous avez votre idée...
Ségolène ROYAL - Bien sûr j'ai des idées ; je suis prête, je crois pouvoir rassembler une équipe très talentueuse autour de moi pour faire en sorte que la France aille mieux, que les problèmes soient réglés avec efficacité et rapidité.
François BACHY - C'est le choix d'une personne et aussi d'un projet. Votre pacte présidentielle, on n'a pas compris si vous étiez prête, vous, à accepter des ajouts de François BAYROU, ou s'il devait venir, sans concession, offrir simplement son potentiel de voix.
Ségolène ROYAL - Mais vous l'avez vu, moi je respecte les électeurs qui ont voté pour François BAYROU et je le respecte lui également. Et ma responsabilité c'est de faire en sorte qu'il y ait un débat d'idées qui élève le débat politique dans le cadre de la présidentielle. Donc j'ai dit sur quelles idées je proposais que nous débattions. Je viens de les rappeler tout à l'heure. Le coeur de mon programme c'est de...
François BACHY - Ca c'était aussi les vôtres, déjà... donc c'est ce que vous défendiez déjà avant le premier tour. Qu'est-ce qu'il y aura de nouveau que vous acceptez de François BAYROU en ajout, pour le second tour ?
Ségolène ROYAL - Déjà, ces principes-là sont considérables puisque sur l'Etat impartial, je suis la seule à faire une proposition de réforme profonde des Institutions. Réforme du Parlement, avec la suppression du cumul des mandats, la suppression du 49.3 ; réforme du Parlement et de toutes les Institutions qui vont avec, c'est-à-dire qui assurent l'impartialité de l'Etat. Désormais ça ne sera plus par exemple le pouvoir qui nommera les membres du Conseil supérieur de la magistrature ou du Conseil constitutionnel, mais toutes ces instances qui ont besoin d'indépendance seront désignées à une majorité des 3/5ème de l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire que l'opposition aura son mot à dire. J'ai vu aussi que Nicolas SARKOZY...
François BACHY - Propose la même chose...
Ségolène ROYAL - Avait repris du pacte présidentiel, l'idée selon laquelle la présidence de la commission des finances sera confiée à l'opposition. De même le président de la République, si je suis dans cette situation, ne présidera plus le Conseil supérieur de la magistrature, parce que je veux que la justice soit indépendante. Je ferai aussi un réforme profonde de la démocratie sociale et ça aussi c'est pour faire mieux fonctionner le pays. Parce que je crois que lorsqu'il y a un bon dialogue social dans l'entreprise, c'est comme cela aussi que l'on crée des emplois, de l'activité économique, que l'on évite les conflits, que l'on évite les grèves qui affaiblissent les entreprises et que l'on répartit plus équitablement les fruits de l'entreprise ; les profits entre les salaires, le réinvestissement dans l'entreprise, qui bénéficiera d'avantages fiscaux et puis ce qui va aux actionnaires. Et aujourd'hui on sait bien qu'il y a trop d'injustices, trop de richesses d'un côté, trop de pauvres de l'autre, on l'a vu encore récemment avec cet exemple d'AIRBUS, FORGEARD, avec le pouvoir en place qui prétend qu'il n'était pas au courant. Monsieur FORGEARD qui part avec 8 millions d'euros et on apprend hier que les salariés vont recevoir 4 euros d'intéressement. Je crois que ça ce n'est plus possible. Donc il faut d'autres règles du jeu beaucoup plus justes pour que la croissance reparte.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Toujours pour être plus concret, est-ce que vous êtes prête à intégrer d'autres propositions, cette fois-ci économiques de François BAYROU, par exemple quand il propose qu'il n'y ait absolument aucune charge sur les deux premiers emplois d'une entreprise. Est-ce que ça vous parait acceptable, comme proposition ?
Ségolène ROYAL - Le combat principal de ma présidence sera le combat contre le chômage et en particulier contre le chômage des jeunes. Mes priorités vont là. Pourquoi ? parce que ça touche toutes les générations. Quand dans ma campagne participative j'ai beaucoup parlé aux citoyens, je vois bien que les parents sont inquiets pour le chômage de leurs enfants et les grands parents se disent : mais s'il y a tant de chômage qui va cotiser pour payer nos retraites ? Donc, quand je parle de la question du chômage des jeunes, cela concerne toutes les générations. Ma priorité sera de créer immédiatement les 500.000 emplois tremplins, soit dans les entreprises, soit dans les associations, soit pour que les jeunes créent leur propre activité. Ça ce sont pour les jeunes qualifiés, les jeunes diplômés, les jeunes qui sont capables d'entrer tout de suite dans le monde du travail mais à l'égard desquels les entreprises n'ont pas suffisamment confiance.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et sa proposition à lui, alors, elle vous parait satisfaisante, irréalisable, ou un cadeau aux entreprises ?
Ségolène ROYAL - D'abord, toutes les propositions qui sont intéressantes, je les regarde avec attention. Celle qui consiste à alléger les charges sur les deux premiers emplois, qu'a faite François BAYROU a déjà été expérimentée. Elle a déjà été expérimentée et elle n'a pas fait ses preuves. Pourquoi ? parce que je pense que dans le système économique actuel, il faut mettre fin à toutes les formes de gaspillage, c'est-à-dire d'aides économiques qui ne sont pas justifiées. Il faut autrement dit, cesser de donner la même chose aux entreprises qui vont bien, qui ont de l'argent, qui ont les moyens de payer correctement les salariés et même d'augmenter les salaires - par exemple dans la grande distribution - ou qui gagnent beaucoup d'argent. Il est incompréhensible que les caissières soient payées au Smic - 980 euros net par mois - pendant toute leur carrière. Je les ai rencontrées encore récemment, au bout de quarante ans les femmes caissières qui partent à la retraite sans avoir eu un seul euro d'augmentation alors que les entreprises de la grande distribution, qui font partie de celles qui gagnent le plus d'argent, ça c'est un scandale. On ne va pas donner de l'argent et des allègements de charges en plus à des entreprises qui gagnent bien leur vie. En revanche...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Mais ces entreprises disent qu'elles créent beaucoup d'emploi, qu'elles sont les principales créatrices d'emplois en France.
Ségolène ROYAL - Si elles ont de l'argent pour payer ces emplois, il n'y a aucune raison que le contribuable paie de façon uniforme des allègements de charges aux entreprises qui peuvent recruter et qui peuvent payer leurs salariés. En revanche, dans le cadre de nouveaux pactes que je veux créer et nouer avec les petites et moyennes entreprises, que j'ai rencontrées, puisque j'ai rencontré le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises et toutes les organisations syndicales de salariés, je me suis mise au travail ; je n'attends pas d'être élue pour être efficace et opérationnelle. Donc j'ai rencontré tous les partenaires sociaux, y compris le MEDEF, et l'ensemble des organisations salariales ; et les jeunes dirigeants d'entreprises. Ceux-là me demandent en effet de faire en sorte que les 63 milliards - c'est beaucoup d'argent - payés par les contribuables, d'aides économiques aux entreprises, soient beaucoup plus ciblés sur les petites et moyennes entreprises, celles qui ont des difficultés ou celles qui grandissent. Donc voilà par exemple comment on peut regarder de quelle façon la proposition de François BAYROU sur les deux premiers emplois peut être ciblé sur des entreprises qui en ont effectivement besoin et en contrepartie, parce que je suis dans le donnant/donnant, c'est-à-dire que chaque fois que je ferai des allègements de charges, soit dans le domaine de la fiscalité, soit dans le domaine des charges sociales, les entreprises devront en contrepartie soit créer des emplois à durée indéterminée, soit investir dans l'innovation et dans la recherche et en contrepartie augmenter la masse salariale dans l'entreprise. Donc vous voyez, très concrètement...
François BACHY - ... plus loin que le simple allègement des charges parce que, avec votre mesure phare qui est le contrat première chance, ça consiste à avoir le salaire lui-même qui est payé soit par l'Etat, soit par les régions. François BAYROU disait qu'il ne savait pas que la gauche en était arrivée là. Et à gauche, on a qualifié ce contrat de CEP new-look. Donc, votre mesure phare n'a pas été très appréciée ni par l'UDF, ni par la gauche de la gauche.
Ségolène ROYAL - Oui et pourtant je pense qu'elle est très efficace et je la mettrai en oeuvre. Pourquoi je la mettrai en oeuvre ? parce que d'un côté les artisans et les commerçants me disent qu'ils ont 500.000 emplois vacants et de l'autre, je vois 120.000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Et sans avoir la chance de montrer de quoi ils sont capables. Ces jeunes sont très éloignés du marché du travail puisqu'ils sont en échec scolaire. Et donc je considère que ça coûte moins cher à la nation de prendre en charge le salaire et les charges de ces jeunes, de les mettre à disposition de l'entreprise et donnant/donnant, je demande en contrepartie aux entreprises de faire du tutorat, d'accepter ces jeunes, de leur donner une formation, d'accepter aussi qu'ils ne soient pas immédiatement opérationnels. C'est une forme de formation professionnelle, puisqu'on va leur permettre de s'adapter au monde de l'entreprise. Et je pense que ces jeunes qui sont des laissés pour compte, qui sont abandonnés dans les quartiers, donc qui vont faire des bêtises, on le sait bien, donc je crois que la meilleure source de prévention aussi, de la délinquance, c'est le travail, c'est de redonner à ces jeunes l'estime d'eux-mêmes. Et donc cette action-là qui ne coûte rien... pourquoi elle ne coûte rien ? parce que j'utilise pour payer ces jeunes les fonds de la formation professionnelle qui sont très souvent d'ailleurs gaspillés dans des filières de formation qui ne débouchent sur rien et je préfère voir des jeunes au travail, dans l'entreprise, auprès des artisans, des commerçants et des petites entreprises - puisque c'est à elles que je m'adresse, aux petites entreprises de moins de 10 salariés - je préfère voir ces jeunes au travail et saisir leur chance que des jeunes abandonnés, inactifs, ou payés au RMI, ou payés à ne rien faire, ou simplement mis dans des filières de formation qui ne débouchent sur rien. Donc, ça s'adressera aux jeunes au sens large, c'est-à-dire à tous les jeunes adultes de moins de 30 ans.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Sur les 35 heures maintenant, vous donniez l'impression au départ, de vouloir faire évoluer le dogme du Parti socialiste ; vous parliez éventuellement d'aménager ces 35 heures et maintenant vous parlez de les généraliser. Ce n'est pas du tout la même chose.
Ségolène ROYAL - Mais si. Ca n'empêche pas. Je veux dire par-là que lorsque les 35 heures ont été mal appliquées dans l'entreprise, c'est-à-dire lorsqu'elles ont contribué à l'aggravation des conditions de travail des salariés, ça n'était pas l'objectif...
Patrick POIVRE d'ARVOR - A l'hôpital par exemple...
Ségolène ROYAL - L'objectif des 35 heures par exemple parce que là il y a eu insuffisamment d'emplois créés, ou dans certaines entreprises où les cadences se sont accélérées pour augmenter la productivité/horaire du travail en contrepartie des 35 heures, là les salariés se sont sentis floués. Et donc l'objectif social en effet, c'est de réduire la durée du travail. Et pourquoi est-ce qu'on peut réduire la durée du travail ? parce que, en contrepartie, si l'on a des salariés bien formés, bien rémunérés, bien motivés dans l'entreprise, il vaut mieux travailler 35 heures en étant bien motivés, bien formés, ça contribue à la productivité de l'entreprise, et puis sur le reste de son temps s'occuper de sa famille, accéder aux loisirs ou à la culture et puis donner du travail à tous. C'est ça l'objectif de ma société du plein emploi. Plutôt que de donner à certains la possibilité de faire quelques heures supplémentaires, donnons d'abord du travail à tous ceux qui n'en ont pas.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Il faut que l'économie puisse le supporter.
Ségolène ROYAL - C'est ça la valorisation du ... Mais bien sûr il faut que l'économie puisse le supporter et c'est pour ça qu'il faut relancer la croissance. Et comment on relance la croissance ? On relance la croissance par la confiance en disant aux entreprises d'aller de l'avant. Mais en disant aussi aux entreprises qui se comportent mal que désormais lorsqu'elles reçoivent des fonds publics, si elles délocalisent alors qu'elles font des profits ou si elles licencient alors qu'elles font des profits, elles rembourseront toutes les aides publiques.
Patrick POIVRE d'ARVOR - La relance aussi par la consommation, la croissance...
Ségolène ROYAL - On la relance par la consommation...
Patrick POIVRE d'ARVOR - En permettant aux gens d'avoir un meilleur pouvoir d'achat.
Ségolène ROYAL - C'est pour cela que je veux augmenter aussi le Smic et les bas salaires. Parce que c'est en injectant aussi du pouvoir d'achat que l'on pourra relancer la croissance. Mais je pense que le nouveau modèle de croissance que je propose avec ce pacte avec les moyennes entreprises, c'est de leur dire qu'aujourd'hui il est temps de concilier un bon dialogue social dans l'entreprise, une performance économique dans l'entreprise comme cela se fait dans les pays du nord de l'Europe ou dans les pays les plus compétitifs. Les pays les plus compétitifs sont ceux qui ont réussi à avoir un bon dialogue social dans l'entreprise, c'est-à-dire où des partenaires se parlent ; parce que, quand ça va mal, à ce moment-là les salariés sont en mesure soit d'attendre les augmentations de salaires, soit de faire un effort supplémentaire et à ce moment-là l'entreprise qui a des difficultés face à un marché extérieur, parce qu'elle a besoin d'agilité, de souplesse, si le dialogue social est bon, à ce moment-là il n'y aura pas de conflit social ; il n'y aura pas de grève. Donc tout le monde y sera gagnant. Mais en contrepartie il faut de la transparence, c'est-à-dire des salariés qui soient membres du conseil d'administration des entreprises, comme ça, lorsqu'il y a du profit à distribuer, si les salariés ont le sentiment que ce profit est justement redistribué, à ce moment-là il y aura une cohésion sociale dans l'entreprise. C'est ma conception que j'ai de la société. C'est comme pour le rassemblement au niveau des forces politiques de progrès, moi je veux construire des compromis dans l'entreprise, dans la société. Je veux que chacun puisse se dire : il y a donc de nouvelles règles du jeu plus justes, chacun à sa place peut donner le meilleur de lui-même, parce que, en contrepartie il y aura de la transparence sur les critères de décision et il y aura un recul des injustices.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Vous n'avez peut-être pas les mêmes règles du jeu, mais au fond le même objectif que Nicolas SARKOZY qui, hier soir, ici même, nous disait que finalement son objectif c'était d'obtenir le plein emploi, à la fin de son mandat, donc du vôtre si vous êtes élue ; en 2012, c'est le même objectif pour vous. Disons un taux de chômage à 5% ou un peu moins.
Ségolène ROYAL - Je veux réaliser le plein emploi, bien évidemment, c'est-à-dire que même lorsque ce ne sont pas les emplois productifs, que chacun ait une utilité sociale dans cette société. Y compris, c'est le rôle aussi des emplois tremplins qui seront mis à disposition des écoles, des associations puisque le gouvernement de Nicolas SARKOZY a supprimé les emplois jeunes en créant beaucoup de dégâts dans les écoles, où on a vu d'ailleurs remonter la violence. Mais je crois que les propositions qu'il avance, ne permettent pas de réaliser le plein emploi. Pourquoi ? Parce que lui propose d'opposer les salariés les uns aux autres. Ceux qui auront droit à quelques heures supplémentaires et ceux qui n'y auront pas droit.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Pour le mérite, essentiellement, pour le mérite dans le travail. Donc il pense que ceux qui travaillent le plus devraient gagner davantage.
Ségolène ROYAL - Mais les heures supplémentaires sont déjà possibles et ce qui est important dans une société du plein emploi, c'est de donner du travail à tous, c'est que ceux qui n'en ont pas puissent accéder au travail. Or que se passe-t-il aujourd'hui ? nous sommes le pays où à la fois nous avons le chômage le plus élevé chez les salariés de plus de 50 ans, notamment les femmes qui sont dans des filières industrielles en déclin, comme dans le textile. Et puis nous avons des jeunes au chômage, y compris des jeunes très diplômés parce que les entreprises ne leur font pas confiance.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Oui mais on a un taux de chômage qui a été ramené aujourd'hui à 8,3 c'est-à-dire comme il y a 24 ans.
François BACHY - Vous contestez cette baisse du chômage ? Vous faites partie de ceux qui critiquent les chiffres du chômage ?
Ségolène ROYAL - Vous avez vu que ces chiffres sont contestés et moi je crois que dans une grande démocratie ça n'est plus possible d'avoir des polémiques sur les chiffres économiques et sociaux et fiscaux sur lesquels doit s'appuyer la politique économique et sociale. Et donc, demain, ce sera le Parlement qui sera chargé de valider toutes les données économiques et sociales sur lesquelles l'Etat prendra ses décisions, comme ça, les partenaires sociaux pourront aussi travailler ensemble puisque ma première décision sera de réunir la conférence nationale avec l'ensemble des partenaires sociaux sur la croissance et les revenus. Donc pour discuter de la croissance et des revenus il faudra bien se mettre d'accord sur la réalité de la situation du pays. Une grande démocratie ne peut bien fonctionner que s'il y a déjà un diagnostic partagé entre les uns et les autres.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Alors ce qui vous oppose en revanche à Nicolas SARKOZY, c'est que vous, vous ne proposez pas de baisse d'impôts. Or on est quand même dans un pays qui est pour l'instant très surtaxé. C'est l'avis de tout le monde. Ca reste quand même un des pays les plus taxés d'Europe. Pourquoi est-ce que vous ne proposez pas, de baisser par exemple un impôt qui touche vraiment y compris les plus pauvres, c'est-à-dire la TVA ?
Ségolène ROYAL - Mais j'ai cru comprendre que Nicolas SARKOZY proposait d'augmenter la TVA, il a proposé une TVA dite sociale qui n'a rien de sociale d'ailleurs et je trouve que cette proposition est particulièrement injuste.
François BACHY - Il propose de l'expérimenter pour l'instant, simplement.
Ségolène ROYAL - Vous avez déjà vu expérimenter un impôt ! un impôt on le paie ou on ne le paie pas. Il propose donc d'augmenter la TVA. C'est-à-dire l'impôt le plus injuste, celui que paient en effet tous les Français, quel que soit le niveau de revenus. En revanche, il propose un bouclier fiscal pour les plus riches, puisqu'il l'a redit également hier. Donc je trouve que c'est très injuste...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Vous n'avez pas répondu à ma question sur le fait de la diminuer avant seulement... de proposer sa diminution.
Ségolène ROYAL - Je diminuerai la TVA en négociation avec les partenaires européens sur tout ce qui concerne les biens et services liés à l'environnement parce que je pense en effet qu'il y a là un levier économique majeur pour créer des activités et des emplois et en particulier dans la filière du bâtiment et avec les artisans du bâtiment que j'ai rencontrés, d'ailleurs. Puisque dans le domaine de la politique écologique j'ai l'intention de lancer un vaste chantier d'isolation des logements déjà construits, 400.000 logements par an verront des travaux d'isolation qui seront donc encouragés par une baisse de la fiscalité ; cela nous permettra à la fois de protéger la planète, c'est-à-dire de tenir nos engagements sur la réduction de l'effet de serre et en même temps de créer des emplois dans la filière du bâtiment en utilisant en plus les nouveaux matériaux. De même sur toutes les énergies renouvelables, pour encourager les Français à s'équiper en énergie solaire, en énergie éolienne, en géothermie, la TVA sera abaissée et j'espère tendra même vers zéro, pour tout ce qui concerne les biens et les services liés à l'environnement. Je permettrai ainsi de développer en France une filière économique très importante dans le domaine de l'écologie puisqu'on estime à plus d'un million le nombre d'emplois qui peuvent être créés sur deux ou trois ans dans ce domaine de la performance écologique. En revanche, je ne vois pas comment Nicolas SARKOZY peut à la fois promettre de baisser les impôts comme il le fait aujourd'hui, avec la situation de la dette telle qu'elle est aujourd'hui. Dans le pacte présidentiel que je propose, chaque engagement financier public produit des bénéfices. J'ai entendu parfois dire que le pacte coûtait cher. Non. Chaque dépense choisit...
Patrick POIVRE d'ARVOR - A peu près le même coût le coût de votre programme et celui de Nicolas SARKOZY, c'est à peu près le même.
Ségolène ROYAL - Non, pas du tout, parce que ce n'est pas du tout la même logique.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Tous les économistes qui se sont penchés dessus, arrivent à peu près au même résultat.
Ségolène ROYAL - Parce que ce sont des calcules arithmétiques. Moi ce qui est important c'est une dynamique économique. Quand par exemple je viens d'évoquer la question écologique, l'investissement que je fais en baissant la TVA je la récupère bien plus en terme de création d'activité ou d'emploi. Quand j'investis sur les emplois jeunes, je sais que ça coûte moins cher que le chômage, que les dégâts du chômage, que les familles déstructurées, que les gens désespérés. Ca coûte beaucoup moins cher que de recycler les fonds d'indemnisation du chômage qui sont des fonds passifs, en dépenses actives, pour permettre aux gens de retourner au travail. Lorsque je dis que je relancerai l'innovation et la recherche, qui sont ici en France dans un état catastrophique, à tel point que nos chercheurs quittent le territoire national pour aller aux Etats-Unis où ils sont payé quatre fois plus cher. Quand je dis que je vais augmenter de 10% le budget de la recherche je sais qu'en contrepartie cela va me permettre de relancer l'activité économique et la croissance. J'ai confiance dans cette nouvelle dynamique. Je sais que j'y parviendrai.
François BACHY - Augmenter les recettes c'est facile, est-ce qu'il n'y aura que des bonnes nouvelles ou est-ce que vous allez aussi affronter des dossiers plus difficiles comme celui des régimes spéciaux pour les retraites qui ne correspondent plus forcément à la réalité, puisque la pénibilité du travail a pu parfois diminuer compte tenu des évolutions technologiques, par exemple ?
Ségolène ROYAL - Bien sûr, la question de la réforme des retraites sera remise à plat. Il y a d'autres injustices plus criantes que celle des régimes spéciaux, je pense en particulier à ce qu'on subit les femmes du fait de la réforme Raffarin sur les retraites puisque l'allongement de la durée de cotisation les a durement pénalisées, puisque ce sont souvent les femmes qui se sont arrêtées pour élever leurs enfants ou ont subi du chômage partiel. Et on voit aujourd'hui des femmes qui ont travaillé toute leur vie et qui partent à la retraite avec un niveau de retraite à peine supérieur au minimum vieillesse. Et ça, je dis que c'est insupportable. Et là-dessus je réformerai en effet la loi sur les retraites. Et de toute façon...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Ca vous parait normal que dans certains secteurs les gens partent à la retraite à 50 ans aujourd'hui, alors que le métier n'est plus aussi pénible que naguère et que surtout l'évolution démographique font qu'ils vont pouvoir davantage profiter de leur retraite ?
Ségolène ROYAL - D'abord je pense qu'il y a en France des injustices beaucoup plus criantes, je les ai évoquées tout à l'heure et en particulier je referai la transparence sur les niveaux des hautes rémunérations des dirigeants des grandes entreprises, comme cela a été le cas il y a quelques années. C'est le gouvernement actuel qui a supprimé cette transparence. Donc il y a beaucoup d'injustices beaucoup plus criantes que celle-ci. Mais ça ne me gêne pas de dire que sur la question des retraites nous remettrons en effet à plat, le dispositif pour que là aussi les règles du jeu soient ressenties comme justes par tous et en particulier il faudra améliorer le niveau de retraite en tenant compte de la pénibilité des retraites....
Patrick POIVRE d'ARVOR - Y compris un alignement du public sur le privé ?
Ségolène ROYAL - Y compris des convergences en effet pour que les Français aient le sentiment que les efforts sont équitablement répartis. Mais vous le savez, puisque ça sera ma façon de présider et ça sera la mission du gouvernement que de procéder de cette façon-là, toutes les modifications du droit social seront précédées d'une négociation entre partenaires sociaux. Parce que je crois que c'est une façon moderne de procéder. Je fais confiance à l'intelligence des partenaires sociaux, c'est pourquoi aussi je ferai en sorte qu'il y ait une réforme de la démocratie sociale profonde pour remettre la France en première ligne, si j'ose dire, de la modernité du dialogue social en France parce que je crois qu'il y a là, des trésors d'imagination, de valeurs ajoutées à construire, d'intelligence collective et le Parlement ne pourra plus faire de loi imposée d'en haut tant que les partenaires sociaux n'auront pas eu suffisamment de temps pour discuter. Après, bien sûr, la loi interviendra pour généraliser ce qui a été décidé ou pour préciser un certain nombre de choses et pour garantir l'application de ce qui sera issu des discussions entre partenaires sociaux. L'Etat bien sûr, sera présent en tant que garant d'un bon déroulement de ces négociations.
François BACHY - Vous mettrez par exemple sur la table la discussion sociale, le service minimum garanti, Nicolas SAKOZY disait hier « d'abord discussion et ensuite loi », c'est le schéma que vous évoquez à l'instant...
Ségolène ROYAL - Je n'ai pas cette conception non plus et cette façon de voir les choses. Vous savez, aujourd'hui on voit bien à partir de toutes ces propositions et de toutes ces questions qu'il y a un choix clair maintenant devant nous, soit une société qui ne cesse d'opposer les Français les uns contre les autres et en l'occurrence qui oppose les grévistes aux non grévistes puisqu'il a même annoncé qu'il y aurait des votes dans l'entreprise entre grévistes et non grévistes. Soit la France que je propose qui considère qu'il faut rassembler les intelligences avant même qu'il y ait des menaces de grève, avant même qu'il y ait des conflits sociaux, avant même que les usagers des services publics ne soient laissés abandonnés sur les quais avec les enfants seuls à la maison qui attendent leurs parents bloqués par des trains qui ne viennent pas. Moi je veux une France qui fonctionne bien avec des services publics qui fonctionnent bien et qui ne s'arrêtent pas. Et pour cela je fais confiance d'abord à la fermeté de l'Etat qui rassemble les partenaires sociaux, qui met en place des règles du jeu permettant un syndicalisme de masse d'être présent, d'être responsable, d'être associé aux décisions, et à des dirigeants d'entreprise et à un patronat qui sera prié aussi de respecter les salariés et d'engager des discussions avant qu'il n'y ait des conflits. Et c'est comme cela que je n'aurai pas besoin de réglementer ou d'agiter le bâton parce que ça n'est pas ma façon de voir les choses, je suis une femme concrète, pratique, je fais confiance à l'intelligence des gens et je ne veux pas que les Français souffrent dans des conflits, souffrent dans des oppositions, souffrent dans des...
Patrick POIVRE d'ARVOR - En général personne ne le souhaite, tout le monde souhaite que tout s'harmonise dans le meilleur des mondes mais il y a souvent des conflits d'intérêt, c'est pour ça qu'il y a des règles et c'est pour ça que les gens s'opposent...
Ségolène ROYAL - Il y a des conflits d'intérêt mais les conflits d'intérêt peuvent parfaitement être réglés, être régulés, être anticipés, pour faire en sorte que les intérêts de quelques-uns, en général des plus puissants, des plus nantis et des mieux placés, ne s'opposent pas aux intérêts du plus grand nombre. Et ça c'est au chef de l'Etat d'apporter la garantie de cela et de ne pas opposer les Français les uns contre les autres mais de favoriser le compromis social et le dialogue social dans l'entreprise.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Sur la sécurité maintenant. Vous aviez proposé, ce qui avait fait un peu tiqué à gauche, un encadrement y compris militaire, aviez-vous dit, vous maintenez cette proposition ?
Ségolène ROYAL - Bien sûr, je pense que toute solution pour encadrer les jeunes est meilleure que la prison. On sait comment les jeunes ressortent de prison, d'abord ils ressortent récidivistes, ils ressortent souvent aussi détruits sur le plan personnel, et je considère qu'un mineur jusqu'à sa majorité doit avoir le droit, la chance j'allais dire d'être recadré de façon positive pour qu'il retrouve l'estime de lui-même, et tous les moyens seront utilisés pour cela. Car aujourd'hui s'il y a de l'insécurité c'est aussi parce qu'il n'y a pas de réponse au premier acte de délinquance et moi je veux qu'au premier acte de délinquance il y ait une punition proportionnelle à ce premier acte de délinquance. Aujourd'hui, les juges n'ont pas de solution puisque les centres fermés n'ont pas été construits, donc il n'y a pas de solution, entre la prison et l'absence de solution il n'y a rien, donc il faut créer des solutions intermédiaires, j'ai fait cette proposition de l'encadrement militaire, il faut trouver d'autres solutions, des travaux d'intérêt général qui sont encadrés, mais il faut qu'au premier acte de délinquance sinon on a 70% de récidives. Et toutes les expériences qui ont été faites, c'est-à-dire qui ont sanctionné au premier petit acte de délinquance, à la première petite transgression de la loi, une sanction bien sûr proportionnée, ont prouvé qu'à 80% des cas il n'y avait plus de récidive. C'est pour ça aussi qu'il y a, vous voyez, deux conceptions de la société, une qui pense que lorsqu'un jeune trébuche il faut lui tendre la main et le remettre dans le droit chemin, surtout qu'en général c'est un jeune qui n'a pas eu beaucoup de chance au départ et quasiment tous les délinquants sont en situation d'échec scolaire, donc ça veut dire aussi qu'il faut repérer les jeunes très tôt à l'école primaire et au collège pour els mettre dans des internats de proximité, pour faire le soutien scolaire gratuit comme je le propose, c'est-à-dire pour les raccrocher à la réussite scolaire quand ils n'ont pas la chance d'avoir des parents qui peuvent les aider afin qu'ils puissent grâce à l'école s'intégrer dans la société et trouver un travail.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Ca nous amène à une question sur la défense, François BACHY...
François BACHY - Oui, on va passer un petit peu à l'international. Jacques CHIRAC avant-hier réunissait les hauts responsables de défense et disait « il est indispensable qu'il y ait un deuxième porte-avions ». Est-ce que vous êtes d'accord, est-ce que vous voulez que ce soit un projet européen, comment vous le financez ?
Ségolène ROYAL - Je pense que pour affirmer une chose comme celle-ci il faut d'abord une discussion entre partenaires européens, entre gouvernements européens. Moi je veux que la défense devienne à dimension européenne, financièrement je crois aussi que c'est notre intérêt à nous tous pays européens, et donc la position que j'ai prise c'est que si un deuxième porte-avions s'avérait nécessaire, ce qui doit faire l'objet donc d'une discussion stratégique...
François BACHY - Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec ce que dit Jacques CHIRAC pour l'instant, vous ne jugez pas que c'est indispensable ?
Ségolène ROYAL - Il n'a pas écarté l'idée que ce deuxième porte-avions pourrait être un cofinancement anglo-français. Donc il faudra examiner la situation, voir si ce deuxième porte-avions est absolument nécessaire par rapport à notre stratégie et ensuite décider comment financièrement nous allons le supporter.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Mais il faut faire des économies dans la défense d'une manière générale ?
Ségolène ROYAL - Je crois qu'il ne faut pas baisser la garde, c'est-à-dire qu'il faut maintenir globalement l'effort de défense, mais qu'on peut à l'intérieur du budget de la défense réorienter un certain nombre de dépenses. Et en particulier je crois que nous pouvons investir beaucoup plus fortement dans la recherche et faire des liens beaucoup plus étroits entre la recherche militaire et la recherche civile, c'est-à-dire faire en sorte que les dépenses militaires dans le domaine de la recherche, je pense à tous les domaines des transmissions, des nouveaux matériaux, puissent s'articuler beaucoup plus étroitement avec la recherche civile.
François BACHY - Et vous dites coopération européenne, ça pourrait s'étendre aussi à l'arme de dissuasion nucléaire ou elle doit rester spécifiquement française ?
Ségolène ROYAL - Vous connaissez la situation de la France dans ce domaine-là, donc la dissuasion nucléaire reste bien sûr une responsabilité unique du chef de l'Etat français.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Donc c'est la doctrine gaulliste qui s'applique toujours ?
Ségolène ROYAL - Bien sûr.
François BACHY - Quand vous allez voir George BUSH lors du G8, si vous êtes élue, au mois de juin, vous le verrez comme un ennemi, comme un allié ou comme un ami ?
Ségolène ROYAL - Je distingue George BUSH du peuple américain, le peuple américain est un peuple ami, un grand peuple ami. Les décisions de George BUSH et notamment au regard de son intervention en Irak je ne les partage pas, donc effectivement je ne suis pas non plus comme Nicolas SARKOZY, je n'irai pas m'excuser auprès de George BUSH de la prise de position du président Jacques CHIRAC qui dans ce domaine a bien agi, et donc...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Il a dit plusieurs fois qu'il était d'accord avec lui Nicolas SARKOZY, hier soir encore...
François BACHY - Oui, c'était de l'arrogance française qu'il condamnait, pas le principe...
Ségolène ROYAL - Oui, il a peut-être changé de posture mais je crois que tous les Français ont été choqués de la démarche qu'il a accomplie à un moment en se rendant chez George BUSH pour dénoncer l'arrogance française et pour s'excuser de la position française. On sait aujourd'hui que Nicolas SARKOZY est soutenu par monsieur BERLUSCONI qui était aussi partisan de l'intervention en Irak, donc ce n'est pas ma façon de faire. Je crois que le monde a besoin d'une force multipolaire et que les Etats-Unis ne doivent pas être considérés comme une superpuissance, que l'Europe a un rôle éminent à jouer dans le maintien de la paix et que nous devons en Europe tenir notre rang diplomatique sans alignement sur les Etats-Unis. Et je pense que dans cette recherche de la paix mondiale nous avons tous intérêt en Europe à demander à George BUSH de respecter un calendrier de retrait des forces d'Irak et de reprendre le dialogue avec l'ensemble des pays du monde arabe.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Puisqu'on parle du nucléaire, un mot sur le nucléaire civil. Vous n'êtes pas tout à fait en accord avec les Verts et la France semble être relativement en pointe dans ce domaine, c'est-à-dire remplacer en gros l'énergie pétrolière par l'énergie nucléaire. Est-ce que vous pensez qu'il faut continuer ce programme ou il faut l'arrêter ?
Ségolène ROYAL - Il faut augmenter la part des énergies renouvelables, ça c'est évident...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Ca ne suffira pas...
Ségolène ROYAL - Ca ne suffira pas, donc il faut augmenter la part des énergies renouvelables, il faut aussi ouvrir le débat sur l'énergie nucléaire pour qu'il soit transparent. Or, le débat sur l'EPR n'a pas été suffisamment transparent à la fois sur le coût de ce projet, sur le contenu de ce projet, faut-il faire l'EPR ou faut-il déjà passer à la quatrième génération, ne faut-il pas mettre en commun au niveau d'un certain nombre de pays, notamment de la Finlande, un certain nombre de données techniques qui permettrait de faire des économies sur ce prototype. Est-ce qu'il ne vaut pas mieux investir sur la question du retraitement des déchets nucléaires ? C'est une vraie question et je veux que les Français soient informés et participent à ces choix parce qu'ils sont financièrement très lourds. On sait en particulier que le combustible nucléaire, l'uranium, sera en situation de pénurie dans un demi-siècle, c'est tout près un demi-siècle, donc il faut déjà anticiper, on ne va pas se lancer dans des constructions de centrales nucléaires alors que l'on sait que se profile un problème de combustible. En revanche, peut-être faut-il investir sur le recyclage des déchets parce que peut-être que la récupération de ce qui reste dans les déchets nucléaires pourra servir demain de combustible. Donc il y a des choix technologiques et énergétiques très importants et le premier de ces choix ce sont les économies d'énergie qui aujourd'hui trop souvent en France sont oubliées. Et moi je lancerai un grand chantier sur les économies d'énergie parce que, et je l'ai évoqué tout à l'heure, en particulier sur l'isolation des bâtiments parce que je crois aussi que c'est comme cela que l'on construit une croissance plus sobre en consommation d'énergie.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Puisqu'on parle de l'étranger, très souvent à l'international on nous regardait d'une manière un peu, on disait qu'on était une bête curieuse puisqu'on avait une extrême droite très forte, parce qu'on avait une extrême gauche très forte, qu'on avait quand même trois candidats se réclamant de Trotsky cette fois-ci il y a encore à peine trois jours et au moins cinq candidats de l'extrême gauche. Est-ce que vous vous réjouissez de la baisse de l'extrême droite dans ce pays et de l'extrême gauche ?
Ségolène ROYAL - Je pense qu'on ne peut pas mettre ces deux éléments sur le même plan si vous le permettez. Je pense qua la baisse du score du Front national est une bonne nouvelle dans la mesure où les thèses du Front national qui s'éloignent de nos valeurs républicaines fondamentales permettent de dire qu'un certain nombre d'électeurs sont revenus vers le vote républicain. Il y a aussi...
François BACHY - (Inaudible) à Nicolas SARKOZY...
Ségolène ROYAL - Non parce que je pense aussi qu'un certain nombre d'électeurs, on l'a vu, issus de catégories populaires sont venus aussi vers moi. Et j'ai été la première à faire le constat d'ailleurs de la crise démocratique qui entraîne les électeurs soit à s'abstenir soit à aller vers un vote protestataire ou vers un vote de colère, et en particulier parmi en effet les catégories les plus populaires, celles qui avaient le sentiment de ne plus compter pour rien et qui attendaient désespérément quelque chose qui ne change pas. Mais les électeurs qui souffrent et qui sont revenus vers moi pensent, et c'est pour ça que je ne veux pas les décevoir, pensent que je vais améliorer leurs conditions et notamment en luttant contre la vie chère et en particulier la réforme des tarifications bancaires sera l'une de mes premières priorités parce que, vous le savez, les banques gagnent de l'argent sur le dos des plus démunis ou même des familles à revenus moyens avec les tarifications bancaires. Et j'ai encore reçu là un exemple d'une dame qui est en découvert de 60 euros et qui doit payer une amende de 51 euros. Donc ça il faut que ça cesse et moi je protégerai les bas salaires de toutes ces formes d'abus. Je veux aussi relancer le logement social parce que les catégories justement qui n'ont pas beaucoup de moyens souffrent d'une dégradation de leurs conditions de logement, donc c'est un plan très important sur la dignité des familles. Et enfin je vais à la prochaine rentrée scolaire doubler l'allocation de rentrée scolaire pour les enfants parce que je considère que la gratuité scolaire c'est quelque chose de très important, la gratuité aussi du soutien scolaire individualisé va s'adresser en priorité aux familles populaires qui n'ont pas les moyens d'aider scolairement leurs enfants et c'est à elles, à ces catégories-là que je pense lorsque je fais ces propositions dans le pacte présidentiel.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Est-ce que votre prochaine échéance maintenant c'est le débat qui a lieu mercredi face à Nicolas SARKOZY. Est-ce que vous vous entraînez psychologiquement, est-ce que vous avez un partenaire d'ores et déjà, est-ce que vous avez demandé à François HOLLANDE par exemple de vous servir de sparing-partner pour incarner Nicolas SARKOZY ? Comment vous vous installez dans cette confrontation à venir ?
Ségolène ROYAL - Vous savez, cette campagne déjà a été très longue, donc je pense pouvoir maîtriser les sujets avec compétence, avec détermination, avec constance, avec sérénité, avec un équilibre intérieur je crois sans faille. J'ai surmonté beaucoup d'épreuves pour être ce soir devant vous, ça n'était pas prévu au départ, vous savez, moi je n'ai pas je ne sais quelle nouvelle marche à monter pour moi-même, j'ai été portée par un mouvement populaire, par une opinion et je veux gagner bien sûr cette élection. Je pense aussi, et pourquoi ne pas le dire, quand je vois la presse internationale qui regarde avec beaucoup d'attention ce qui se passe aujourd'hui en France, je sais que certains électeurs, que certaines électrices se demandent si ça n'est pas trop révolutionnaire de voter pour une femme, eh bien je leur dis « ayez cette audace, ayez cette audace parce que du coup la France prendra un formidable souffle de rénovation et vous ne le regretterez pas ».
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et il y a un an tout juste, vous imaginiez vous retrouver au second tour d'une présidentielle ?
Ségolène ROYAL - Non.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Depuis combien de temps vous avez imaginé ?
Ségolène ROYAL - Non, les choses sont venues mais peut-être cela remonte-t-il à 15 ans d'itinéraire politique ou sans y penser petit à petit les choses se sont enclenchées, se sont engagées, se sont succédées. J'ai travaillé sept ans auprès de François MITTERRAND...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et à quel moment vous y avez pensé ?
Ségolène ROYAL - ...donc j'ai vu fonctionner la présidence de la République. Ensuite, j'ai été élue députée d'un département rural pendant quatre mandats successifs, donc je voyais que les électeurs me faisaient confiance, ça m'a donné aussi...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et quand y a-t-il eu la petite lumière qui vous a dit : « ah au fond l'Elysée pourquoi pas ? »
Ségolène ROYAL - Mais vous savez, c'est très récent, c'est très récent puisque après je me suis occupée de ma région, j'étais présidente de région, et ensuite il s'est passé le débat interne, et un jour on m'a...
Patrick POIVRE d'ARVOR - C'est là que vous avez senti qu'il y avait une ouverture possible ?
Ségolène ROYAL - J'ai senti un soutien des gens, un soutien populaire, et c'est ça qui m'a porté et c'est pour ça que j'ai une responsabilité majeure, je mesure la chance qui est la mienne mais aussi la gravité du moment puisque les Français vont choisir une nouvelle page de leur histoire et j'espère qu'ils auront cette audace de me faire confiance parce que je crois que la France a besoin d'une rénovation profonde et cette rénovation tranquille et souriante elle est ce soir devant vous.
Patrick POIVRE d'ARVOR - La dernière question que nous avions posée avec François BACHY à Nicolas SARKOZY ici même c'était de savoir quelle était votre qualité principale ?
Ségolène ROYAL - La mienne ?
Patrick POIVRE d'ARVOR - Oui. Alors je vais vous répondre, sa réponse c'était la pugnacité, il avait dit la pugnacité. Et de lui vous diriez de quoi ? Sa plus belle qualité ou sa plus grande qualité ?
Ségolène ROYAL - Sa plus grande qualité, il sait tout.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Mais c'est une qualité ou un défaut parce que « monsieur je sais tout » c'est ?...
Ségolène ROYAL - Il sait tout, il a réponse à tout, c'est sa plus grande qualité.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Et son plus grand défaut ?
Ségolène ROYAL - Il sait tout et il a réponse à tout.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Lui il avait refusé de répondre sur vous, il avait dit...
Ségolène ROYAL - On peut bien se permettre un peu d'humour...
Patrick POIVRE d'ARVOR - Oui, j'entends bien, lui il avait dit « ce serait discourtois ».
François BACHY - « Et tellement convenu », avait-il ajouté.
Patrick POIVRE d'ARVOR - Voilà.
Ségolène ROYAL - « Et tellement convenu », ah bon...
Patrick POIVRE d'ARVOR - De toutes façons vous allez vous retrouvez donc à 21 heures mercredi prochain face à face et apparemment sans crainte. Merci beaucoup Ségolène ROYAL d'avoir répondu aux questions de François BACHY et de moi-même pour « Face à la une ». Voilà, c'est la fin de ce débat que vous pourrez revoir d'ailleurs sur le site de la rédaction de tf1.fr. Dans un instant, la météo de Sébastien FOLIN suivie de « Julie Lescaut », encore une femme. Pour l'information demain vous retrouverez Jean-Pierre PERNAUT à 13 heures, Claire CHAZAL à 20 heures. Excellente soirée à tous, à lundi.
Source http://www.desirsdavenir.org, le 2 mai 2007