Texte intégral
Monsieur le Président du Parlement de la République de Moldavie,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame et Monsieur les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je voudrais d'abord, Monsieur le Président, cher Marian LUPU, vous remercier de votre invitation à me rendre en Moldavie où je me déplace pour la première fois et que j'ai le bonheur de découvrir.
Je voudrais aussi vous dire combien je suis honoré de pouvoir m'exprimer devant vous, dans cet hémicycle, pour une séance plénière inhabituellement organisée un mercredi, à l'occasion de cette visite officielle. Je sais que la Présidente du groupe d'amitié France-Moldavie du Sénat, ma collègue Josette DURRIEU, qui m'accompagne aujourd'hui, partage ce sentiment.
Je souhaite donc commencer par vous remercier, ainsi que tous vos collègues présents aujourd'hui, de cet honneur. J'y suis très sensible et vous en exprime ma vive gratitude.
Venir en Moldavie est un plaisir particulier.
La sympathie mutuelle qui caractérise les relations entre nos deux pays prend ses racines dans le passé. Malgré les années sombres de l'après-guerre, malgré ce rideau de fer qui sépara indûment notre continent, le couvrant en partie d'une pénombre oppressante, un lien puissant préserva notre proximité.
Je pense, bien entendu, à ce lien si fort de la francophonie, notre patrie commune, dont vous êtes, Monsieur le Président du Parlement, permettez-moi de le dire, un remarquable citoyen.
La Moldavie n'est -je crois- membre à part entière de la Francophonie que depuis le Sommet de Hanoi de novembre 1997, mais qui contesterait l'ancienneté de cette tradition dans votre pays ?
Cet héritage, vous avez souhaité le conserver et même l'entretenir. Permettez-moi de m'en réjouir et de vous en féliciter.
La langue française est la première langue vivante enseignée dans les établissements secondaires de Moldavie, avec quelque 280 000 élèves accompagnés par 2 300 professeurs de français à qui j'adresse tous mes remerciements pour le rôle essentiel qu'ils remplissent.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
La francophonie n'est pas un combat mais un chemin.
Elle montre, au-delà de la promotion d'une langue partagée par tous les francophones, que le dialogue est possible entre les cultures et que le respect de la diversité permet d'échapper à une menace bien réelle, celle de la dilution des identités que la mondialisation pourrait imposer.
Il s'agit donc d'une démarche d'ouverture qui répond aussi à une autre menace, symétrique, celle du repli sur soi, sur son « pré carré ». Et c'est une des grandes richesses de votre pays que d'avoir une population qui maîtrise souvent plusieurs langues étrangères.
Ce choix vous ouvre au monde.
La francophonie porte aussi l'espoir d'un monde de liberté, irrigué par la promotion de l'Etat de droit. Cette dimension du projet francophone est -c'est ma conviction- particulièrement importante pour la jeunesse d'aujourd'hui, pour votre jeunesse.
Votre pays est en effet un jeune pays au regard de l'histoire mais il a voulu, dès le lancement de la transition, s'engager rapidement sur le chemin de la démocratie.
Ma collègue Josette DURRIEU, qui m'accompagne et qui était le rapporteur pour la Moldavie à l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe lors de l'adhésion de votre pays en 1995, sait combien votre pays est déterminé à avancer sur le chemin des réformes et désireux de poursuivre son rapprochement avec les organisations euro-atlantiques.
Elle est venue d'innombrables fois dans votre pays que je découvre, avec bonheur, à l'occasion de ce voyage officiel. Et elle a souligné, à plusieurs reprises, les transformations substantielles qu'a connues votre pays depuis une quinzaine d'années.
Bien sûr, il reste beaucoup à faire et les parlementaires que vous êtes doivent prendre toute leur part dans ces réformes.
Les élus s'ennuieraient s'il n'y avait rien à faire, et -je vais vous faire une confidence- c'est la même chose en France ! La période actuelle est particulièrement riche en programmes et propositions que les parlementaires auront à examiner.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
La marche en avant de la Moldavie ne s'est pas toujours faite dans la sérénité.
Aux difficultés habituelles d'une transition vers la démocratie se sont ajoutés des crises internes et externes avec les effets de la rupture du cadre traditionnel de vos échanges économiques. Plus de 90 % des échanges de la Moldavie se faisaient en effet avec l'URSS.
Dans ce contexte, certains auraient baissé les bras.
Mais pas vous. Et le Parlement de la Moldavie indépendante, malgré l'absence de culture démocratique, de sens du compromis ou de la pratique de l'alternance, a rapidement été au centre des réformes institutionnelles.
Avec l'aiguillon que constituait la perspective de l'appartenance au Conseil de l'Europe, une nouvelle Constitution a été adoptée en juillet 1994 mettant en place l'indispensable séparation des pouvoirs entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Le statut et la protection des parlementaires ont été renforcés afin d'instaurer le cadre juridique absolument indispensable à une vie démocratique au sens où nous l'entendons en Europe.
Il importe toutefois, au-delà des belles phrases que comportent presque toujours les Constitutions, que l'équilibre des pouvoirs soit assuré, que le Parlement puisse proposer des lois, contrôler le Gouvernement et disposer des informations utiles.
J'ajouterai -mais rassurez-vous, je suis prêt, comme on dit en France, « à balayer devant ma porte »- que les femmes doivent être largement représentées et que les oppositions doivent pouvoir se faire entendre. Je ne crois pas que Josette DURRIEU me démentira...
Je suis heureux de dire, Monsieur le Président, cher Marian LUPU, que nous saluons cette conception de la vie parlementaire que vous préconisez et dont le respect impose, quotidiennement, je le sais, bien des efforts...
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Le monde s'est complexifié. Il est devenu de plus en plus instable et semble parfois s'égarer. Les espoirs d'une fin de l'histoire, incarnée par le triomphe généralisé de la démocratie, se sont révélés vains. Nous le constatons chaque jour. L'ordre ancien n'est plus, et nous devons trouver, ensemble, les clés d'un nouvel âge et de nouveaux équilibres.
Dans ces temps de rupture, il faut savoir serrer les rangs. L'Europe à cet égard reste une nécessité. Et une aventure unique. En quelques décennies, la construction européenne a su mettre fin, sur notre continent, à des siècles de guerres et de massacres. La puissance a été mise au service de la paix, de la prospérité et de la stabilité, sans pour autant oublier l'expérience tragique du pacifisme à tout prix, symbolisée par les accords de Munich de 1938.
L'Europe a montré que l'on pouvait trouver un antidote à des siècles de conflits et surmonter les divisions et les rancoeurs héritées du passé. La réconciliation franco-allemande en témoigne avec éclat.
J'en sais quelque chose, moi qui vient d'une région occupée à plusieurs reprises dans un passé pourtant récent mais qui semble aujourd'hui bien lointain à nos jeunes.
Soyons cependant optimistes car l'Europe est faite de peuples qui partagent fondamentalement des valeurs et une culture communes.
Nous tous, citoyens européens du XXIe siècle, aspirons à la paix et à la liberté, à la prospérité et à la sécurité, à la tolérance et à la participation, à la justice et à la solidarité.
En 1849, Victor Hugo -qui fut, dois-je le rappeler, sénateur- écrivait : « Un jour viendra où [...] toutes les nations du continent, sans perdre leurs qualités distinctes et leur glorieuse individualité, se fondront étroitement dans une unité supérieure et constitueront la fraternité européenne ». Comme l'avait prophétisé Victor Hugo, l'Europe se construit aujourd'hui et s'organise progressivement pour promouvoir ces valeurs.
C'est ainsi que l'article 3 des statuts du Conseil de l'Europe dispose que « tout membre du Conseil de l'Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit ». Après la chute du mur, de nombreux pays se sont engagés à respecter ce principe afin de devenir membre de cette institution. Et je rappelle que la Moldavie a été le premier Etat de la Communauté des Etats Indépendants à adhérer au Conseil de l'Europe.
La Moldavie a continué sur cette lancée et a signé en février 2005, une fois encore la première, un « plan d'action » avec l'Union Européenne.
Il s'agit pour vous, je l'ai bien compris, d'aller aussi vite et aussi loin que possible.
L'Union Européenne, qui a vécu les élargissements les plus importants de son histoire cherche aujourd'hui, c'est vrai, à équilibrer ses institutions. Mais elle respecte, bien sûr, les aspirations européennes de la Moldavie et est de longue date attachée au renforcement de son partenariat afin de favoriser la sécurité, la stabilité et la prospérité mutuelles.
L'Union Européenne a apporté, depuis 1991, une aide financière substantielle à la Moldavie, par le biais notamment des programmes d'action TACIS, axés sur le soutien institutionnel, juridique et administratif.
La Moldavie a aussi conclu avec l'Union un Accord de Partenariat et de Coopération, entré en vigueur en 1998, et qui couvrait déjà un large éventail de domaines, parmi lesquels le dialogue politique, le commerce et les investissements, la coopération économique, le rapprochement des législations, la culture et la science.
En 2003, la Moldavie a présenté sa « Vision de la République de Moldavie en vue de son intégration à l'Union européenne », dont l'Union a pris acte. Les deux parties ont alors convenu que la politique européenne de voisinage offrait un cadre ambitieux et réaliste pour l'approfondissement de leurs relations dans les années à venir.
Le « plan d'action » de 2005 est un premier pas dans le processus de partenariat. Ce document politique expose précisément les objectifs stratégiques de coopération entre l'Union Européenne et la Moldavie et s'étale sur trois ans.
Il permettra de rapprocher progressivement la législation moldave des standards et des normes européens. Il doit également aider le développement d'un cadre législatif propre à encourager la croissance, la cohésion sociale, la réduction de la pauvreté et la protection de l'environnement.
L'accent y est mis aussi sur l'amélioration de l'infrastructure dans les secteurs des transports, de l'environnement et de l'énergie ; sur le passage des frontières ; sur les communications électroniques ; sur les investissements respectueux de normes de cohésion économique et sociale, ainsi que sur l'établissement de la règle de droit et la promotion d'institutions démocratiques.
La recherche d'un règlement politique du conflit en Transnistrie constitue également une priorité du Plan d'action. Sur ce dossier, l'implication de l'Union Européenne a connu une montée en puissance significative depuis 2005, avec la création d'une Mission de contrôle de la frontière ukraino-moldave (EUBAM) et la nomination d'un envoyé spécial de l'Union pour aider -nous l'espérons tous- au règlement de ce conflit.
Quant à la France, elle est et sera, vous le savez, à vos côtés sur cette voie ambitieuse pour vous aider à faire fructifier cet héritage francophone qui donne à la Moldavie une place si particulière, mais aussi pour soutenir le renforcement de vos institutions publiques.
Notre dialogue politique bilatéral s'est aussi renforcé ces derniers mois et je pense en particulier aux récentes visites à Paris, en octobre 2006 et en février de cette année, du ministre des Affaires étrangères, M. STRATAN. Je pense aussi à la visite à Chisinau de la ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, Mme Brigitte GIRARDIN, en mars 2006.
Je n'oublie pas, bien entendu, Monsieur le Président, votre visite à Paris en octobre 2006, car le dialogue entre parlementaires et la diplomatie parlementaire constituent -c'est ma conviction- un instrument de plus en plus utile du rapprochement entre les peuples et une source précieuse d'enseignements et de réflexion.
Je suis donc, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui et de pouvoir poursuivre ainsi notre dialogue amical. Le Sénat français est -vous le savez- pleinement disposé à vous accompagner dans le renforcement de vos institutions, et de votre Parlement, y compris dans un cadre européen.
Les liens entre nos deux pays sont aussi économiques et je me réjouis de constater que la France est l'un des tous premiers investisseurs étrangers en République de Moldavie depuis l'acquisition, il y a quelques semaines, par la Société Générale de la 5ème banque moldave. La France a vocation à renforcer encore sa présence économique, avec ses PME ou ses grandes entreprises, comme Lafarge, Voxtel -qui change de nom aujourd'hui même en Moldavie pour devenir Orange-, ou bien encore Lactalis.
Il y a aussi bien d'autres acteurs qui nourrissent et enrichissent notre relation bilatérale. Je suis très attaché, en tant qu'élu local, au rôle de la coopération décentralisée. Car les collectivités territoriales apportent un message fort et lisible, celui de la démocratie de proximité, celui de l'écoute du citoyen, celui de la liberté.
Et toutes les initiatives concrètes, comme celle de la Communauté urbaine du Grand Lyon avec la municipalité de Balti dans le domaine de l'eau en partenariat avec un industriel français, Veolia, ou encore celle de la ville d'Auch en faveur des élèves de la ville de Nisporeni méritent d'être soulignées.
Enracinées dans le terreau local, elles renforcent le capital d'amitié et de sympathie qui unit nos deux peuples et prolongent au niveau local la coopération entre les Etats.
Alors que la mondialisation élargit l'horizon mais rétrécit la planète, il est important que les peuples se connaissent mieux. Combien de conflits auraient pu être évités dans l'histoire si les peuples, souvent voisins, s'étaient mieux connus...
Vous pouvez compter sur la France, sur l'Europe, sur la famille francophone. Je sais que nous pouvons compter sur vous.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Je voudrais, pour terminer, vous remercier à nouveau pour votre invitation, vous exprimer ma gratitude pour la chaleur de votre accueil et pour votre attachement à la France, et vous dire, haut et fort :
Vive la Moldavie !
Vive la France !
Vive l'amitié franco-moldave !Source http://www.senat.fr, le 3 mai 2007