Déclaration de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur la sécurité sanitaire des Français à l'étranger et la sécurité sanitaire internationale, Paris le 6 avril 2007.

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Circonstance : Colloque sur la "Sécurité sanitaire des Français à l'étranger" à Paris le 6 avril 2007

Texte intégral


Cette année, l'Organisation mondiale de la Santé a choisi de consacrer la Journée mondiale de la Santé (qui se tient demain) au renforcement de la sécurité sanitaire internationale.
Le XXIe siècle ne sera pas un siècle de certitudes en matière de sécurité sanitaire ; nous devons nous faire à cette idée : ce qui se passe avec le chikungunya, avec la dengue, avec le West Nile peut devenir régulier, en raison de la mondialisation des échanges, des changements du climat et de la biodiversité. Aujourd'hui, un virus peut faire le tour de la planète en 48 h, comme nous l'a prouvé l'épidémie de SRAS.
C'est pourquoi la communauté internationale doit trouver des réponses coordonnées, en mettant en oeuvre une véritable sécurité sanitaire internationale durable.
Cela passe par des règles de vigilance communes : c'est l'objet du Règlement sanitaire international (RSI) que la France applique d'ores et déjà. Avec la déclaration obligatoire de tous les évènements pouvant constituer un risque de diffusion internationale des maladies infectieuses, il garantit non seulement la transparence pour chaque Etat, mais aussi entre les Etats.
Cela passe ensuite par l'élaboration de réponses communes. C'est l'objet de l'Initiative sur la sécurité sanitaire mondiale, qui vise à renforcer la capacité de réponse à ces risques, à développer les réseaux de laboratoires, à multiplier les exercices.
Cela passe enfin par des professionnels de santé formés à la gestion de ces risques : c'est l'objet de la proposition française de créer une Université mondiale de la Sécurité sanitaire à Lyon, qui fonctionnerait en réseau et permettrait l'échange des connaissances et des expériences.
La France contribue d'ores et déjà activement à tous les aspects d'une sécurité sanitaire collective.
Au niveau international, nous aidons de nombreux Etats, en Asie ou en Afrique, à faire face à la menace d'une pandémie grippale, notamment par le biais des Instituts Pasteur.
Au niveau européen, nous avons mis en place à Stockholm, depuis quelques années, un centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Les ministres de la santé de l'Union européenne vont examiner cette année les conditions dans lesquelles nous allons le développer. Dans la même logique, je compte proposer, dans le cadre de la préparation de la future présidence française de l'UE, de placer l'amélioration de l'organisation de la sécurité sanitaire européenne au coeur de nos priorités.
En France, des événements comme l'épidémie du chikungunya nous ont conduit à réformer notre système de veille sanitaire et à développer de nouvelles réponses en cas de crise. La loi du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur prévoit une adaptation de notre organisation sanitaire, notamment avec la création d'un corps de réserve.
I/ Cette nouvelle conception de la veille sanitaire doit se fonder sur l'anticipation et la transparence.
L'anticipation des risques sanitaires au niveau international devra reposer sur un système global de veille et de détection. Mais aujourd'hui, la plupart des pays, du fait de la fragilité de leurs systèmes de santé, n'ont pas toujours les capacités de veille et d'alerte suffisantes.
Nous avons donc besoin d'améliorer la précision des informations sanitaires et la rapidité de leur transmission. A côté des relais institutionnels comme l'OMS, d'autres acteurs, issus de la société civile, peuvent attirer l'attention sur des situations atypiques se situant encore en deçà des seuils de détection épidémiologique.
L'OMS prend en compte ce type de signaux dits "faibles" en vérifiant les sources et en lançant, le cas échéant, des investigations complémentaires. Cela a été le cas en Turquie où la presse locale avait joué le rôle de lanceur d'alerte, avec la vague de cas humains de grippe aviaire au début de l'année 2006. Sur la foi d'articles qui évoquaient la maladie foudroyante de paysans dont les poulets étaient morts quelques jours auparavant, une équipe d'experts de l'OMS a pu mettre en place une enquête épidémiologique qui a renforcé l'hypothèse d'une épizootie de grippe aviaire avec des cas humains.
En Afghanistan, l'antenne d'une association humanitaire internationale a, peu de temps après, alerté l'OMS sur une possible épizootie de grippe aviaire avec des cas de transmission à l'homme. L'OMS a finalement infirmé cette hypothèse, après divers contacts avec les autorités sanitaires locales, témoignant néanmoins de l'importance qu'elle accordait à ce type de signalement empirique.
Nous pensons donc que les Français résidant à l'étranger peuvent jouer un rôle dans cette veille sanitaire, en transmettant des informations à leurs postes diplomatiques.
Parallèlement, nous souhaitons renforcer la transparence concernant les mesures prises par le gouvernement pour faire face aux menaces sanitaires, afin de mieux organiser, en cas de crise, la prise en charge et la sécurité des Français de l'étranger.
Notre objectif est donc d'améliorer la circulation de l'information et de raccourcir ses délais de diffusion, dans les deux sens. C'est un enjeu essentiel pour répondre suffisamment tôt aux menaces, et aussi pour assurer au mieux la protection sanitaire des 2 millions de Français de l'étranger et des 20 millions de touristes français.
II / C'est pourquoi, avec le ministère des Affaires étrangères, nous avons mené une première expérience de réseau de partage d'information dans les pays d'Asie confrontés à la grippe aviaire.
Les postes diplomatiques de la région Asie peuvent s'appuyer sur un réseau de correspondants parmi les Français de l'étranger pour avoir une connaissance précise de la situation sanitaire sur le terrain.
Plusieurs centaines de correspondants, médecins, responsables de la sécurité sanitaire des grandes entreprises françaises, ONG, enseignants, chercheurs, professionnels du tourisme, contribuent ainsi, en lien avec les postes diplomatiques, au réseau de partage d'informations sur la grippe aviaire.
En situation de crise, ce réseau a bien sûr vocation à relayer l'information en sens inverse, des postes vers les correspondants territoriaux, afin de faciliter le déploiement immédiat des mesures sanitaires ainsi que les mesures d'évacuation éventuelles, comme cela avait été le cas lors du tsunami de décembre 2004. Si, par exemple, nous avions un cas confirmé de transmission inter-humaine, ce réseau d'information fondée sur les postes diplomatiques et les correspondants français de l'étranger nous permettrait de leur rappeler très rapidement les conduites à tenir, l'existence de stocks de traitements, etc....
Je souhaite d'ailleurs m'arrêter un instant sur la question de la prise en charge et du rapatriement, qui préoccupe légitimement les Français de l'étranger. Je voudrais rappeler les règles de prise en charge de patients français qui seraient touchés par la grippe aviaire.
L'ensemble des postes français dispose d'ores et déjà de traitements pour les Français de l'étranger en quantité bien supérieure au nombre de malades potentiels.
En cas de contamination humaine, dans l'intérêt du malade, la prise en charge médicale serait assurée prioritairement dans le pays où il se trouve. Le patient bénéficierait immédiatement de l'assistance du "conseiller médical grippe aviaire" du poste diplomatique, qui serait chargé de coordonner le dispositif sanitaire d'urgence. En cas de transmission interhumaine avérée, la prise en charge locale demeurerait prioritaire. Une « force de frappe médicale » française, constituée par le corps de réserve sanitaire, pourrait être dépêchée auprès des postes diplomatiques particulièrement sollicités. Enfin, en cas de besoin, le rapatriement sanitaire serait possible au cas par cas.
Toutes ces mesures traduisent un engagement clair : les 2 millions de Français vivant à l'étranger doivent bénéficier du même niveau d'exigence dans les mesures d'organisation et de protection que ceux vivant sur notre territoire.
C'est pourquoi avec Philippe Douste-Blazy, nous voulons étendre cette expérience, limitée à la zone Asie et à la grippe aviaire, à l'ensemble des risques sanitaires, dans le monde entier. Cela nous permettra de mieux assurer encore la sécurité sanitaire des Français vivant à l'étranger, qui constitue notre priorité. Ainsi nous créerons un véritable réseau de partage d'information.
C'est pour cela que cette Journée d'échanges, associant des entreprises publiques et privées, des professionnels de santé, des services médicaux, des ambassades, est particulièrement précieuse.
Elle va nous permettre de déterminer les conditions de mise en oeuvre d'un tel système de partage d'informations, au travers de nombreuses questions concernant les libertés individuelles, les risques liés aux maladies émergentes à l'étranger ou encore les partenariats qu'il sera indispensable de mettre en place entre les secteurs public et privé.
Notre souci est bien sûr de renforcer en même temps la coopération avec les autorités sanitaires locales, ainsi que l'échange d'information au sein de l'OMS.
Mesdames, Messieurs,
La sécurité sanitaire est l'affaire de tous : ne pas vivre dans la peur des crises, c'est avant tout intégrer la notion de risque, et apprendre à le mesurer et à l'anticiper. Aujourd'hui, avec la perspective de la mise en place d'un réseau transparent de partage d'informations, nous franchissons une étape décisive dans l'amélioration de nos capacités d'anticipation en matière de risques sanitaires. C'est non seulement la sécurité sanitaire de nos compatriotes qui sera renforcée, mais c'est aussi la base d'un système international d'information d'urgence partagé qui peut ainsi être posée.
Je vous remercie.Source http://www.sante.gouv.fr, le 10 avril 2007