Interview de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avec RTL le 22 mai 2007, sur ses positions en matière de politique intérieure et sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie Bonjour, J.-P. Jouyet.
 
R.- Bonjour, J.-M. Aphatie.
 
Q.- F. Hollande, votre ami de trente ans, que vous avez connu sur les bancs de l'ENA à la fin des années 70, a dit ceci, il y a quelques jours : "Celui qui entrera dans le Gouvernement Fillon, deviendra un ministre de droite". Etes-vous ministre de droite, J.-P. Jouyet ?
 
R.- Non, je ne crois pas être un ministre de droite. Je suis resté fidèle à mes convictions. Je crois d'ailleurs que N. Sarkozy n'a pas demandé à ce qu'on abandonne ses convictions. Moi, j'ai toujours été dans une lignée social-libérale ou social-démocrate, en fonction du terme que vous choisirez ; et je reste fidèle à ces convictions.
 
Q.- Vous êtres libre de vos engagements et pas tenu par une solidarité gouvernementale ?
 
R.- On est, bien sûr, tenu par une solidarité gouvernementale. On est tenu par le programme présidentiel de N. Sarkozy qui comprend des dispositions variées, mais on l'applique également à l'aulne de ses convictions et lorsque l'on a un problème, on est comme tout le monde : on fait jouer sa conscience.
 
Q.- On fait un test ?
 
R.- Vous pouvez faire des tests.
 
Q.- Franchise sur les actes médicaux ? C'est ce que souhaite instaurer N. Sarkozy.
 
R.- Il faut voir en fonction des modalités quelles sont les franchises qui peuvent être instaurées en ce domaine. Il y a pas mal de pays européens qui ont instauré des franchises sur les actes médicaux, le tout est de...
 
Q.- Sur le principe, vous êtes pour ?
 
R.- Sur le principe, cela doit se débattre et doit être regardé. Mais vous avez un certain nombre de pays...
 
Q.- Ah ! Vous n'êtes pas pour.
 
R.- Si. Objectivement, ce n'est pas la mesure avec laquelle on pourrait être le moins à l'aise compte tenu de la pratique qui est faite dans un certain nombre de pays qui sont soit sociaux-démocrates en Europe, soit plus libéraux et compte tenu de ce qu'il y a à faire pour redresser les comptes de la Sécurité sociale.
 
Q.- Et alors, c'est avec laquelle des mesures que vous êtes le moins à l'aise ?
 
R.- Pas de mesure véritablement. Le Gouvernement vient de s'installer. Il n'y a pas de mesure véritablement avec laquelle je ne me sente pas à l'aise.
 
Q.- Immigration, Identité Nationale... Cela va causer beaucoup de commentaires.
 
R.- Oui, je le sais. Cela a posé beaucoup de commentaires. Ecoutez, sur ce plan-là, vous êtes dans une situation où en France l'on dit : nous devons veiller aux excès de la mondialisation, nous devons trouver une meilleure maîtrise de la mondialisation. Chacun sait et ce ne serait qu'hypocrisie que de ne pas le reconnaître que cette mondialisation s'accompagne de mouvements démographiques qui sont extrêmement importants. Chacun sait aussi - ou peut-être ne sait pas : mais lorsque vous êtes au coeur du fonctionnement de l'Etat, vous vous apercevez que là aussi, par rapport à d'autres pays, la simple administration de ces problèmes démographiques, de ces mouvements démographiques, de l'immigration, en France, ce n'était pas correctement géré par rapport à ce qui se fait à l'étranger. Dans nombre de départements, dans nombre de pays à l'étranger, que ce soit l'Espagne, la Grande-Bretagne, dans d'autres cas, vous avez des administrations qui sont davantage coordonnées. Dès lors qu'il y a un ministère, une agence, un Département qui coordonne les efforts en ce domaine, je crois que c'est plus salutaire bien évidemment dans le respect du droit des individus... Ce qu'a indiqué le président de la République.
 
Q.- Donc, vous êtes à l'aise dans ce gouvernement, J.-P. Jouyet ?
 
R.- Ecoutez je peux être à l'aise. Et pour l'instant, je m'y sens bien.
 
Q.- Pour qui avez-vous voté le 6 mai dernier, jour du second tour de l'élection présidentielle ?
 
R.- Ecoutez ! Le vote, le vote est...
 
Q.- N. Sarkozy ou S. Royal ?
 
R.- Le vote est personnel...
 
Q.- Même pour un ministre ?
 
R.-... Même, cher J.-M. Aphatie !
 
Q.- Même pour un ministre, J.-P. Jouyet ?
 
R.- Même pour un ministre. Mais enfin, si je suis là, ce n'est pas par hasard non plus !
 
Q.- Donc, vous avez voté N. Sarkozy ?
 
R.- Je vous en laisse en tirer les conclusions.
 
Q.- Si vous n'êtes pas là par hasard, c'est que vous avez voté N. Sarkozy... C'est ce que vous vouliez dire, j'imagine !
 
R.- C'est ce que vous me faites dire.
 
Q.- Et ce n'est pas ce que vous dites !
 
R.- (Rires...)
 
Q.- Bon. Quels liens vous avez, aujourd'hui... F. Hollande était votre ami, S. Royal, aussi. Vous aviez des liens d'amitié. Qu'est-ce qui reste de tout ça, J.-P. Jouyet ?
 
R.- J'espère qu'il restera l'amitié avec F. Hollande. C'est vrai que j'ai eu des liens très forts avec F. Hollande. D'un autre côté, F. Hollande est un responsable politique. Il a fait ses commentaires politiques. Je peux le comprendre et je comprends très bien ce qu'il a ressenti. J'espère, je vous le dis...
 
Q.- Vous avez parlé avec lui ?
 
R.- Comment ?
 
Q.- Vous avez eu l'occasion de parler avec lui depuis quelques jours ?
 
R.- Il est clair qu'on a eu des conversations avec F. Hollande. Oui, il m'a dit ce qu'il en pensait. Il l'a redit, d'ailleurs après, publiquement. Il sait d'où je viens, ce qu'a été mon itinéraire, ce qu'ont été aussi mes évolutions parce que vous n'avez pas ces démarches-là sans avoir des évolutions personnelles sur la politique économique, sur l'Europe, sur le fait - et j'ai essayé de le convaincre - qu'étant un Européen convaincu, cette responsabilité m'étant offerte de la part du président de la République que j'ai connu comme ministre des Finances alors que j'étais directeur du Trésor, je pouvais faire oeuvre utile dans un domaine où il y avait besoin d'une relance, où nous étions à un tournant, où troisièmement, je pensais que les clivages Droite-Gauche étaient dépassés.
 
Q.- Comment avez-vous trouvé la campagne de S. Royal ?
 
R.- Là, ce n'est pas à moi de me prononcer. Déjà lorsque j'étais ami avec F. Hollande, j'évitais de me prononcer sur les affaires internes du Parti socialiste. D'ailleurs, il ne me le demandait pas. Il avait sans doute parfaitement raison, mais on séparait déjà ce qu'était l'amitié professionnelle, c'est pas aujourd'hui que je vais le trouver. Il y a eu une campagne de faite, il y a une candidate qui a été choisie par le Parti socialiste. Il y a eu un score qui a été fait et il y a eu un choix qui a été fait par les Français.
 
Q.- Vous êtes secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, J.-P. Jouyet, vous êtes pour ou contre l'entrée de la Turquie en Europe ?
 
R.- Ecoutez, le président de la République a été extrêmement clair en ce qui concerne la Turquie. Jusqu'à présent...
 
Q.- Lui est contre...
 
R.-... Ce qu'a indiqué N. Sarkozy, c'était qu'il fallait qu'il y ait des liens qui restent étroits avec la Turquie et que soit privilégiée la voie d'un partenariat privilégié.
 
Q.- C'est-à-dire qu'il est contre l'adhésion de la Turquie en Europe, pour appeler les choses par leur nom.
 
R.- Oui, pour être clair, il a été parfaitement clair : contre l'adhésion dans l'Union européenne, tout en reconnaissant...
 
Q.- Et vous ?
 
R.-... Sur cette position, nous sommes en phase avec N. Sarkozy puisque jusqu'à présent...
 
Q.- C'est-à-dire que vous êtes contre l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ?
 
R.-... Je suis pour la recherche d'un partenariat privilégié avec la Turquie...
 
Q.- Donc, contre l'adhésion ?
 
R.-... [dans] l'Union Européenne.
 
Q.- Donc, contre l'adhésion. Est-ce qu'on peut le dire comme çà, aussi simplement que çà ? La politique c'est souvent compliqué. Est-ce qu'on peut dire, J.-P. Jouyet, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, que vous êtes contre l'adhésion de la Turquie en Europe ?
 
R.- Ce que je dis c'est que je suis à l'aise avec la position qu'a prise N. Sarkozy sur la Turquie et faire en sorte que nous recherchions les voies d'un partenariat privilégié entre l'Union européenne et la Turquie parce que derrière le problème turc, vous avez deux problèmes qui sont extrêmement importants. Vous avez le premier problème qui est le problème de la définition des frontières en Europe ; et on ne peut pas aller jusqu'à l'infini. Et là, je suis en accord complet avec N. Sarkozy. Et c'est le problème qui est posé. Et le second problème, c'est celui de l'union qui existe entre l'Union européenne et cette nouvelle Union méditerranéenne. La Turquie est une porte, c'est un pont entre l'Europe et la Méditerranée.
 
Q.- Et donc, vous êtes contre l'adhésion ?
 
R.- Je suis pour qu'on recherche de nouvelles voies.
 
Q.- Ah, je ne vais pas y arriver ! Allez ! On ne sait pas pour qui il a voté et puis, il est contre l'adhésion, je crois aussi. C'était J.-P. Jouyet, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes. Merci.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 mai 2007