Interview de Mme Christine Lagarde, ministre de l'agriculture et de la pêche, dans "Le Monde" le 31 mai 2007, sur l'utilisation éventuelle par la France de son veto dans les négociations de l'OMC en réponse aux propositions américaines en matière agricole.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

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Q - Vous êtes ministre de l'Agriculture. Comment la France en est-elle arrivée à mettre en balance son veto dans les négociations de l'OMC ?
R - Tout naturellement. La déclaration de Nicolas Sarkozy correspond à la pensée qu'il a exprimée pendant toute la campagne présidentielle. Il a, mardi, de manière classique en ce qui le concerne, articulé les enjeux, la méthode, le principe et la limite.
Les enjeux sont clairs : Nicolas Sarkozy considère que le secteur est stratégique en matière de sécurité et d'indépendance alimentaires et aussi d'un point de vue économique. L'agriculture est une grosse entreprise, de 800 000 à 1,4 million d'actifs si le secteur est considéré au sens large. Il s'agit d'un très gros contributeur à la balance commerciale française grâce aux exportations.
La méthode est tout aussi claire : négocier, et non capituler. Accepter les propositions actuelles reviendrait à une capitulation.
Le principe est simple : c'est celui de la réciprocité, il n'est pas question de brader l'agriculture européenne. Dans les propositions actuelles, les bénéfices sont absents pour les pays développés, et les avantages inexistants pour les moins développés. L'offre est timorée sur les services, sans intérêt pour l'industrie et dans le domaine agricole, les propositions des Etats-Unis ne leur coûtent rien.
Si le principe n'est pas respecté, si les intérêts européens sont exclus, alors la limite, c'est l'utilisation de la gamme de moyens juridiques existants, donc le veto.
Je considère que l'attitude française est rassurante, tout autant pour nos partenaires que pour le négociateur européen.
Q - La France aura-t-elle, in fine, besoin d'exercer son veto ?
R - J'aurai l'occasion d'expliquer la position de la France et de recueillir des avis, jeudi, à Bruxelles, auprès de la commissaire à l'agriculture et du commissaire au commerce, et le lendemain en Allemagne.