Entretien de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans "Paris Match" du 6 juin 2007, notamment sur le traité européen simplifié.

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Média : Paris Match

Texte intégral

Q - Vous allez de Berlin à Bruxelles, Madrid, Londres ou Luxembourg... Vos déplacements sont-ils chronométrés au rythme du jogging présidentiel ?
R - Le rythme va rester fort jusqu'au 21 juin, date du Conseil européen. Nous avons en effet une priorité d'ici là : aider au compromis nécessaire à l'élaboration d'un traité simplifié qui doit être différent du projet de Constitution que la France a refusé. Ensuite, je répartirai mon temps, comme l'a souhaité le président de la République, entre Paris et Bruxelles. Et ce sera la première fois que ce poste sera occupé de cette façon.
Q - Cela signifie-t-il que l'Europe est bel et bien revenue au centre des préoccupations françaises, et la France au sein de l'Europe ?
R - Nous sommes revenus au coeur des négociations. Nous aidons le plus possible la présidence allemande pour parvenir à un bon compromis sur un traité simplifié et sortir ainsi du blocage institutionnel.
Q - Le traité simplifié se limitera-t-il uniquement aux institutions ?
R - Il sera centré sur les institutions. Mais les 18 pays qui ont dit oui souhaitent garder une substance importante de ce pour quoi ils ont voté. S'il y a consensus sur les avancées d'une politique commune - dans les domaines où l'on souhaite progresser, comme la recherche, l'énergie ou la lutte contre le réchauffement climatique -, cela peut nous convenir. Pour les points d'ores et déjà forts de l'Europe, la justice, les affaires intérieures, la sécurité, il est important que nous puissions passer au vote à la majorité qualifiée, au lieu de l'unanimité.
Q - Et la perspective d'un futur ministre des Affaires étrangères européen qui contrarie Londres ?
R - Nous ne sommes pas nominalistes sur le titre. L'important est que la politique étrangère commune soit efficace et garde sa spécificité.
Q - Le calendrier ?
R - Nous souhaitons, après un accord politique le 21 juin, qu'une conférence technique et juridique travaille dans les délais les plus courts possible. Tout devrait être prêt d'ici à la fin de l'année.
Q - Avez-vous beaucoup réfléchi, vous l'homme de gauche, avant d'accepter la proposition de Nicolas Sarkozy ?
R - J'ai réfléchi pour des raisons plus personnelles que politiques, liées à mes amitiés au Parti socialiste. L'important pour moi, c'était quelle fonction et auprès de qui. Je n'aurais pas accepté un domaine où je ne me serais pas senti compétent. Mais l'Europe, en ce moment, est une cause qui mérite que l'on s'engage. Et je connaissais les convictions de Nicolas Sarkozy pour avoir travaillé avec lui en 2004 à Bercy. Il y a Bernard Kouchner, enfin, pour lequel j'ai une grande admiration. Nous serons néanmoins, l'un et l'autre, attentifs : sur la justice et l'efficacité des réformes fiscales et sociales conduites, la franchise médicale notamment.
Q - Avez-vous perdu, dans cette affaire, votre ami François Hollande ?
R - Pour ma part, je souhaite garder son amitié. Je comprends que sur le plan politique il soit affecté, mais il savait ce que je voulais faire. Et les difficultés auxquelles il se trouve confronté au PS ne tiennent quand même pas à ma modeste personne ! Je n'avais pas d'influence avant, il ne faut pas m'en imputer après !
Q - Vous ne vous comptez donc pas parmi les traîtres...
R - Ne soyons pas hypocrites. Lorsque Lionel Jospin m'avait fait venir à son cabinet, c'était pour mon profil de centre gauche. Je n'ai pris personne par surprise. J'ai évolué, de surcroît. Mes responsabilités à la direction du Trésor, mon ouverture à l'international m'ont fait prendre conscience du hiatus français entre une organisation efficace de l'économie et une conception du marché du travail qui date des années 60-70. Le Parti socialiste n'a pas voulu voir ce hiatus, il a ignoré les angoisses des employés et des classes moyennes. Je n'ai pas de conseils à donner, mais la refondation du PS me paraît plus que nécessaire.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 juin 2007