Texte intégral
Le scrutin de dimanche a été marqué par une abstention à un niveau historiquement élevé : près de 40 % ; c'est un record sous la Ve République pour des élections législatives.
La première explication tient au sentiment pour beaucoup d'électeurs que tout avait été fait lors du second tour de l'élection présidentielle, qu'il n'y avait plus nécessité de revenir voter pour corriger ou même pour contredire. Ce climat de démobilisation a été délibérément entretenu par Nicolas Sarkozy et François Fillon. Il a touché largement l'électorat de gauche. Enfin, les jeunes et les catégories populaires, qui s'étaient fortement mobilisés lors de l'élection présidentielle, se sont retirés, pour le moment, du scrutin.
Dans ce contexte, le Parti socialiste résiste -plus de 28 % des suffrages- soit un niveau supérieur à celui de 2002, mais avec une gauche qui fait autour de 40 %, c'est-à-dire légèrement moins qu'il y a cinq ans.
Du côté de la droite, son résultat est élevé en raison de ce qui s'était déjà produit lors de l'élection présidentielle, mais qui a été amplifié à l'occasion des élections législatives : c'est-à-dire la jonction de l'électorat de l'extrême droite et de l'électorat de droite. Le résultat du Front national est le plus faible depuis le milieu des années 80.
Dans ces conditions, il ne fait plus de doute que la droite UMP aura la majorité à l'Assemblée nationale. L'enjeu du second tour des élections législatives est de savoir quelle sera l'ampleur de cette majorité et, surtout, quelle sera la place de l'opposition.
C'est un double défi qui est posé aux Français :
. Un défi institutionnel : il est de savoir si le Parlement, et notamment l'Assemblée nationale, se réduit à un rôle de chambre d'enregistrement, et même d'étouffement du débat démocratique.
. Un défi social : il est clair que, si l'UMP a tous les moyens pour agir, a une majorité écrasante, elle écrasera. Elle n'écrasera pas la gauche, les socialistes ; elle écrasera d'abord les droits fondamentaux des citoyens. Le droit du travail : il nous est proposé un contrat de travail unique. Des heures supplémentaires, non pas comme une formule permettant aux salariés de gagner davantage, mais une méthode pour les employeurs de faire disparaître la durée légale de travail au détriment de l'embauche. Egalité dans l'accès à la santé avec les franchises médicales. Mais, également, une politique fiscale qui s'annonce rude et injuste. A cet égard, convenons que les déclarations de dimanche ont confirmé nos craintes. Il y aura bien une TVA supplémentaire ; elle sera appelée sociale -sans doute parce qu'elle s'appliquera à tous les Français-, mais elle pénalisera directement la consommation. Elle a été doublement confirmée : hier soir, par Jean-Louis Borloo qui a même fait comparaison avec ce qui avait été fait en Allemagne, c'est-à-dire l'augmentation de la TVA de 3 points, passant de 16 % à 19 % ; et ce matin, le Ministre des Comptes Monsieur WOERTZ, a lui-même dit que la TVA sociale était bien à l'étude.
Ce double défi est posé à tous les citoyens. S'il n'y a pas une mobilisation, s'il n'y a pas une prise de conscience, alors c'est à la fois le problème de l'équilibre de nos institutions qui est en cause, mais aussi celui du respect des droits fondamentaux qui peuvent se voir mis en péril.
Je veux donc lancer, au nom du Parti socialiste, un triple appel :
. D'abord aux électeurs qui se sont abstenus au premier tour des élections législatives pour qu'ils viennent participer au scrutin du second tour. Il est clair qu'il y a en jeu 50 à 100 circonscriptions dont le résultat dépendra beaucoup du niveau de l'abstention -et donc de la participation. Au vu des résultats de premier tour, à peu près 50 circonscriptions se joueront à quelques voix. D'où l'appel que je lance à ce mouvement civique qui doit se retrouver au second tour des élections législatives.
. Ensuite, j'appelle aussi toute la gauche à se rassembler . Aujourd'hui, dans la plupart des circonscriptions, c'est le Parti socialiste qui représente la gauche. Mais, dans une vingtaine d'autres, c'est le Parti communiste, et dans quatre, ce sont les Verts. J'appelle donc tous les électeurs de gauche, au-delà de leur sensibilité, à faire l'unité et l'union nécessaires pour permettre à la gauche d'être la plus forte possible à l'Assemblée nationale, non pas pour elle-même, mais pour être utile aux Français.
. Enfin, j'adresse un appel à tous les démocrates, à tous ceux qui ont pu voter différemment de nous -et même différemment de la gauche- pour qu'ils viennent, eux aussi, permettre le pluralisme, donner à l'Etat au moins des gages d'impartialité et de faire en sorte que nous puissions avoir, au sein de l'Assemblée nationale, un débat qui se situe là où sont les représentants des Français. Car il est à craindre que, si l'Assemblée nationale n'avait pas ce rôle au coeur même de nos institutions, les conflits inévitables qui se poseront entre la société et le pouvoir ne se situent ailleurs que dans le champ institutionnel.
Quant à notre attitude pour le second tour, elle sera la suivante :
. La où les socialistes sont arrivés derrière un candidat de gauche : Nous nous désistons immédiatement et appelons à voter pour le candidat de gauche le mieux placé. Je sais aussi que ce sera l'attitude des communistes, des Verts, des Radicaux, du Mouvement Républicain et Citoyens... Bref, de toute la gauche. C'est le principe du désistement républicain qui s'applique.
. Là où nous sommes arrivés en tête de la gauche et en situation d'être présents au second tour : Nous sommes désormais les candidats du rassemblement de tous les républicains et nous ferons en sorte, au second tour, de donner toute sa chance au changement.
. Là où nous ne sommes plus en situation d'être présents au second tour parce que, c'est arrivé dans peu de cas, nous n'avons pas fait 12,5 % des inscrits , alors nous demandons à nos électeurs -en liberté- de favoriser le pluralisme.
Voilà les principes de ce que nous voulons fixer pour le second tour des élections législatives.
Il s'agit rien de moins que de l'équilibre de nos institutions pour les cinq ans qui viennent. Rien de moins que de la politique de la France pour les cinq ans qui viennent. Rien de moins que de la capacité pour l'opposition de jouer tout son rôle et de prendre toute sa place.
Si nous agissons ainsi, ce n'est pas pour préserver des positions ou pour en gagner d'autres -même si nous devons avoir des ambitions les plus élevées possibles ; c'est pour permettre aux Français d'être représentés et d'être à leur service dans un moment qui sera difficile pour le pays, dès lors que la droite, alors même qu'elle est sortante, alors même qu'elle a échoué, veut disposer de tous les leviers, de tous les pouvoirs.
SUR LA QUESTION DES INDEMNITÉS A EADS
Il nous a été dit, toujours dans la campagne que le gouvernement de Dominique de Villepin s'était opposé au versement des indemnités pour Monsieur Forgeat -ce qui était faux. Car toutes les informations publiées sur cette question ont confirmé que le gouvernement de Dominique de Villepin avec Thierry Breton avait, pour le moins, laissé faire.
Il nous avait été dit pendant la campagne qu'il serait mis fin aux parachutes dorés des indemnités compensatrices pour le départ des dirigeants d'entreprise. Là aussi, l'engagement n'a pas été tenu. L'avant-projet qui a été publié évoquait simplement la transparence et l'information des instances des représentants du personnel.
Or, nous venons d'apprendre que le directeur du marketing du groupe venait de partir avec près de 3 millions d'euros comme indemnités. Nul ne pourra dire, au gouvernement, qu'il ne savait pas. Nul ne pourra prétendre que les liens entre Monsieur Lagardère et l'Etat français, compte tenu de leur présence dans le capital, ne pouvaient pas empêcher le versement de cette indemnité.
Il y a bien là une acceptation, un laxisme par rapport à ces rémunérations. Et nous n'avons pas encore toute la lumière sur le montant exact de l'indemnité et des hypothèses voudraient qu'il y ait des compléments à cette indemnité de départ.
Nous sommes dans un moment où la communication domine. Et Nicolas Sarkozy, de ce point de vue, est passé maître dans l'annonce de toute mesure qui sonne, généralement positivement, à l'oreille des Français. Nous avons même entendu le samedi, alors que la campagne était théoriquement terminée, le Chef de l'Etat faire des promesses sur le droit opposable pour la scolarisation des enfants handicapés ; nous avons même entendu la création d'un cinquième risque pour la dépendance.
Tout ceci illustre la méthode Sarkozy et de l'UMP : on annonce les principes et, éventuellement, les bonnes nouvelles avant les élections et les financements après. Cela vaudra pour la TVA, pour les franchises santé ; cela vaudra pour les cotisations et les prélèvements sociaux.
On ne peut pas vivre à crédit -que ce soit un gouvernement de gauche ou un gouvernement de droite. A un moment, la réalité nous rattrape. Le moment de vérité viendra vite.
C'est pourquoi je souhaite qu'il y ait une Assemblée nationale équilibrée. Car il nous faudra répondre à cette frustration. Et je souhaite que cette réponse vienne du coeur même de nos institutions et non pas d'ailleurs. Je souhaite qu'il y ait un pays qui participe du dialogue social et du dialogue républicain. Cela ne peut pas se faire dans la brutalité des annonces qui ensuite se font projets de lois l'été ni dans le débauchage individuel.
La première explication tient au sentiment pour beaucoup d'électeurs que tout avait été fait lors du second tour de l'élection présidentielle, qu'il n'y avait plus nécessité de revenir voter pour corriger ou même pour contredire. Ce climat de démobilisation a été délibérément entretenu par Nicolas Sarkozy et François Fillon. Il a touché largement l'électorat de gauche. Enfin, les jeunes et les catégories populaires, qui s'étaient fortement mobilisés lors de l'élection présidentielle, se sont retirés, pour le moment, du scrutin.
Dans ce contexte, le Parti socialiste résiste -plus de 28 % des suffrages- soit un niveau supérieur à celui de 2002, mais avec une gauche qui fait autour de 40 %, c'est-à-dire légèrement moins qu'il y a cinq ans.
Du côté de la droite, son résultat est élevé en raison de ce qui s'était déjà produit lors de l'élection présidentielle, mais qui a été amplifié à l'occasion des élections législatives : c'est-à-dire la jonction de l'électorat de l'extrême droite et de l'électorat de droite. Le résultat du Front national est le plus faible depuis le milieu des années 80.
Dans ces conditions, il ne fait plus de doute que la droite UMP aura la majorité à l'Assemblée nationale. L'enjeu du second tour des élections législatives est de savoir quelle sera l'ampleur de cette majorité et, surtout, quelle sera la place de l'opposition.
C'est un double défi qui est posé aux Français :
. Un défi institutionnel : il est de savoir si le Parlement, et notamment l'Assemblée nationale, se réduit à un rôle de chambre d'enregistrement, et même d'étouffement du débat démocratique.
. Un défi social : il est clair que, si l'UMP a tous les moyens pour agir, a une majorité écrasante, elle écrasera. Elle n'écrasera pas la gauche, les socialistes ; elle écrasera d'abord les droits fondamentaux des citoyens. Le droit du travail : il nous est proposé un contrat de travail unique. Des heures supplémentaires, non pas comme une formule permettant aux salariés de gagner davantage, mais une méthode pour les employeurs de faire disparaître la durée légale de travail au détriment de l'embauche. Egalité dans l'accès à la santé avec les franchises médicales. Mais, également, une politique fiscale qui s'annonce rude et injuste. A cet égard, convenons que les déclarations de dimanche ont confirmé nos craintes. Il y aura bien une TVA supplémentaire ; elle sera appelée sociale -sans doute parce qu'elle s'appliquera à tous les Français-, mais elle pénalisera directement la consommation. Elle a été doublement confirmée : hier soir, par Jean-Louis Borloo qui a même fait comparaison avec ce qui avait été fait en Allemagne, c'est-à-dire l'augmentation de la TVA de 3 points, passant de 16 % à 19 % ; et ce matin, le Ministre des Comptes Monsieur WOERTZ, a lui-même dit que la TVA sociale était bien à l'étude.
Ce double défi est posé à tous les citoyens. S'il n'y a pas une mobilisation, s'il n'y a pas une prise de conscience, alors c'est à la fois le problème de l'équilibre de nos institutions qui est en cause, mais aussi celui du respect des droits fondamentaux qui peuvent se voir mis en péril.
Je veux donc lancer, au nom du Parti socialiste, un triple appel :
. D'abord aux électeurs qui se sont abstenus au premier tour des élections législatives pour qu'ils viennent participer au scrutin du second tour. Il est clair qu'il y a en jeu 50 à 100 circonscriptions dont le résultat dépendra beaucoup du niveau de l'abstention -et donc de la participation. Au vu des résultats de premier tour, à peu près 50 circonscriptions se joueront à quelques voix. D'où l'appel que je lance à ce mouvement civique qui doit se retrouver au second tour des élections législatives.
. Ensuite, j'appelle aussi toute la gauche à se rassembler . Aujourd'hui, dans la plupart des circonscriptions, c'est le Parti socialiste qui représente la gauche. Mais, dans une vingtaine d'autres, c'est le Parti communiste, et dans quatre, ce sont les Verts. J'appelle donc tous les électeurs de gauche, au-delà de leur sensibilité, à faire l'unité et l'union nécessaires pour permettre à la gauche d'être la plus forte possible à l'Assemblée nationale, non pas pour elle-même, mais pour être utile aux Français.
. Enfin, j'adresse un appel à tous les démocrates, à tous ceux qui ont pu voter différemment de nous -et même différemment de la gauche- pour qu'ils viennent, eux aussi, permettre le pluralisme, donner à l'Etat au moins des gages d'impartialité et de faire en sorte que nous puissions avoir, au sein de l'Assemblée nationale, un débat qui se situe là où sont les représentants des Français. Car il est à craindre que, si l'Assemblée nationale n'avait pas ce rôle au coeur même de nos institutions, les conflits inévitables qui se poseront entre la société et le pouvoir ne se situent ailleurs que dans le champ institutionnel.
Quant à notre attitude pour le second tour, elle sera la suivante :
. La où les socialistes sont arrivés derrière un candidat de gauche : Nous nous désistons immédiatement et appelons à voter pour le candidat de gauche le mieux placé. Je sais aussi que ce sera l'attitude des communistes, des Verts, des Radicaux, du Mouvement Républicain et Citoyens... Bref, de toute la gauche. C'est le principe du désistement républicain qui s'applique.
. Là où nous sommes arrivés en tête de la gauche et en situation d'être présents au second tour : Nous sommes désormais les candidats du rassemblement de tous les républicains et nous ferons en sorte, au second tour, de donner toute sa chance au changement.
. Là où nous ne sommes plus en situation d'être présents au second tour parce que, c'est arrivé dans peu de cas, nous n'avons pas fait 12,5 % des inscrits , alors nous demandons à nos électeurs -en liberté- de favoriser le pluralisme.
Voilà les principes de ce que nous voulons fixer pour le second tour des élections législatives.
Il s'agit rien de moins que de l'équilibre de nos institutions pour les cinq ans qui viennent. Rien de moins que de la politique de la France pour les cinq ans qui viennent. Rien de moins que de la capacité pour l'opposition de jouer tout son rôle et de prendre toute sa place.
Si nous agissons ainsi, ce n'est pas pour préserver des positions ou pour en gagner d'autres -même si nous devons avoir des ambitions les plus élevées possibles ; c'est pour permettre aux Français d'être représentés et d'être à leur service dans un moment qui sera difficile pour le pays, dès lors que la droite, alors même qu'elle est sortante, alors même qu'elle a échoué, veut disposer de tous les leviers, de tous les pouvoirs.
SUR LA QUESTION DES INDEMNITÉS A EADS
Il nous a été dit, toujours dans la campagne que le gouvernement de Dominique de Villepin s'était opposé au versement des indemnités pour Monsieur Forgeat -ce qui était faux. Car toutes les informations publiées sur cette question ont confirmé que le gouvernement de Dominique de Villepin avec Thierry Breton avait, pour le moins, laissé faire.
Il nous avait été dit pendant la campagne qu'il serait mis fin aux parachutes dorés des indemnités compensatrices pour le départ des dirigeants d'entreprise. Là aussi, l'engagement n'a pas été tenu. L'avant-projet qui a été publié évoquait simplement la transparence et l'information des instances des représentants du personnel.
Or, nous venons d'apprendre que le directeur du marketing du groupe venait de partir avec près de 3 millions d'euros comme indemnités. Nul ne pourra dire, au gouvernement, qu'il ne savait pas. Nul ne pourra prétendre que les liens entre Monsieur Lagardère et l'Etat français, compte tenu de leur présence dans le capital, ne pouvaient pas empêcher le versement de cette indemnité.
Il y a bien là une acceptation, un laxisme par rapport à ces rémunérations. Et nous n'avons pas encore toute la lumière sur le montant exact de l'indemnité et des hypothèses voudraient qu'il y ait des compléments à cette indemnité de départ.
Nous sommes dans un moment où la communication domine. Et Nicolas Sarkozy, de ce point de vue, est passé maître dans l'annonce de toute mesure qui sonne, généralement positivement, à l'oreille des Français. Nous avons même entendu le samedi, alors que la campagne était théoriquement terminée, le Chef de l'Etat faire des promesses sur le droit opposable pour la scolarisation des enfants handicapés ; nous avons même entendu la création d'un cinquième risque pour la dépendance.
Tout ceci illustre la méthode Sarkozy et de l'UMP : on annonce les principes et, éventuellement, les bonnes nouvelles avant les élections et les financements après. Cela vaudra pour la TVA, pour les franchises santé ; cela vaudra pour les cotisations et les prélèvements sociaux.
On ne peut pas vivre à crédit -que ce soit un gouvernement de gauche ou un gouvernement de droite. A un moment, la réalité nous rattrape. Le moment de vérité viendra vite.
C'est pourquoi je souhaite qu'il y ait une Assemblée nationale équilibrée. Car il nous faudra répondre à cette frustration. Et je souhaite que cette réponse vienne du coeur même de nos institutions et non pas d'ailleurs. Je souhaite qu'il y ait un pays qui participe du dialogue social et du dialogue républicain. Cela ne peut pas se faire dans la brutalité des annonces qui ensuite se font projets de lois l'été ni dans le débauchage individuel.