Texte intégral
R. Sicard.- Vous êtes ministre, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, mais vous êtes aussi, un des représentants de l'ouverture au Gouvernement, et pas n'importe lequel. Vous avez travaillé avec L. Jospin quand il était Premier ministre, vous étiez un ami proche de S. Royal et de F. Hollande, mêmes camarades de promotion à l'ENA. Est-ce que vous les voyez encore ?
R.- Je vois F. Hollande, je l'ai vu hier au cours d'une réunion à l'Elysée...
Q.- Est-ce que vous le voyez en dehors de l'Elysée ?
R.- Je ne l'ai pas vu depuis un mois, mais je ne souhaite pas non plus gêner. Nous sommes des professionnels, nous nous voyons lorsqu'il y a matière à se voir sur les enjeux de la France...
Q.- Mais vous étiez amis, vous étiez des amis proches...
R.- On était très amis.
Q.- Ce n'est plus le cas aujourd'hui ?
R.- On ne peut pas dire cela. Comme je l'ai souligné, je ne le souhaite pas. Je souhaite séparer ce qui est l'amitié de la vie politique. Aujourd'hui, je suis dans l'action, il est dans l'action, nous nous comportons en professionnels, et nous laissons l'affect de côté.
Q.- A quel moment y a-t-il eu coupure entre vous et vos amis socialistes ?
R.- La coupure s'est faite au moment de mon entrée au Gouvernement, mais plus profondément, il y avait déjà eu, vous le savez, des évolutions de ma part, notamment lorsque j'ai signé un manifeste sous le pseudonymes des Gracques, pour appeler à une refondation, à une rénovation du Parti socialiste, et faire en sorte qu'il y ait un rapprochement avec le Centre. Donc, déjà, à ce moment-là...
Q.- Et là, S. Royal, F. Hollande n'ont pas suivi ? A ce moment-là ?
R.- On ne peut pas dire effectivement qu'ils aient suivi, même si après, comme vous l'avez vu, il y a eu des approches à l'égard de F. Bayrou, mais qui n'étaient peut-être pas aussi organisées, structurées que ce que souhaitaient les Gracques.
Q.- Qu'est-ce qui vous a décidé à entrer au Gouvernement ?
R.- Ce qui m'a décidé à entrer au Gouvernement c'est la proposition qui m'a été faite par le président de la République de m'occuper du dossier européen.
Q.- Il vous a appelé personnellement ?
R.- Ecoutez, s'occuper du dossier européen, il m'a demandé de suivre ce dossier. Et pour moi, c'est un engagement, c'est un domaine, où je crois, on reconnaît que je peux avoir une certaine expérience, et c'était à un moment où l'Europe était à un tournant. Donc, cela m'a paru logique par rapport à ce que j'ai fait, de continuer à m'occuper de questions européennes, et de faire en sorte de servir mon pays, puisque je considère toujours que, l'Europe est l'avenir le plus garanti pour notre pays.
Q.- Certains de vos anciens amis vous ont accusé de "trahison" ?
R.- Effectivement, j'ai entendu cela. Je ne crois pas que l'Europe soit de droite ou de gauche, je reste fidèle à mes convictions.
Q.- Vous êtes toujours de gauche ?
R.- Mes convictions sont sociales-démocrates. N. Sarkozy et le Premier ministre ne m'ont pas demandé d'abandonner mes convictions du jour au lendemain. Si je peux apporter quelque chose au Gouvernement, c'est sur deux plans : d'une part, sur ce qu'est mon expérience européenne, c'est la première chose. Puis, la seconde chose, c'est en restant moi-même, et en ayant toujours mes convictions sociales-démocrates. Je crois que c'est cela le sens de l'ouverture, et c'est en ce sens que N. Sarkozy a fait faire un progrès important, je crois, à la démocratie de notre pays.
Q.- Alors, sur l'Europe, il y a aujourd'hui une décision qui doit être prise : la Commission va demander à la France de renoncer à son monopole sur les jeux de hasard, le Loto, le PMU. La France va-t-elle laisser faire ?
R.- Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que la Commission, en principe, doit prendre une décision visant à ouvrir une procédure contre la France, mais aussi contre d'autres pays. Vous avez un certain nombre de pays scandinaves, vous avez également l'Allemagne, qui sont soumis au même régime que celui que nous avons sur les jeux. Il est certain que pour nous, nous considérons que ce soit le PMU, que ce soit les jeux, font davantage partie de la subsidiarité que du marché intérieur.
Q.- Autrement dit, cela dépend de la France ? Donc, on ne se laissera pas faire, c'est ce que vous voulez dire ?
R.- Ce que je veux dire, c'est qu'on ne se laissera certainement pas faire. Nous avons fait valoir nos arguments, nous continuerons à les faire valoir. Nous considérons que, dans le domaine des jeux, vous avez beaucoup d'argent qui circule, vous avez des problèmes de moralité publique, vous pouvez aussi avoir des problèmes de lutte contre la criminalité, qui existe de ce point de vue-là, ou contre le blanchiment d'argent. Nous considérons aussi que les jeux, et notamment lorsque je regarde le PME, cela fait partie de notre tradition culturelle. Donc, je crois qu'il est bon aussi que l'Europe sache concilier ce que sont les traditions culturelles, les traditions d'organisation de jeux, et le fonctionnement du marché intérieur.
Q.- Sur la Turquie, la négociation est ralentie, mais la négociation continue. La Turquie va-t-elle adhérer ou pas à l'Europe ?
R.- Alors, ce que je veux préciser sur ce dossier important, c'est que la France ne bloque pas, contrairement à ce que l'on a dit. C'est qu'il y a un consensus aujourd'hui pour ouvrir deux domaines de négociations, qui sont des domaines de négociations techniques, qui portent sur les statistiques et le contrôle financier. Que d'autres domaines de négociations, tout aussi techniques, seront aussi ouverts dans les prochaines semaines...
Q.- Pourtant, N. Sarkozy a dit que la Turquie n'entrerait pas dans l'Europe. Donc pourquoi on continue à négocier ?
R.- Il est clair, et la position de la France n'a pas changé, que nous considérons, et le président de la République l'a indiqué, que la Turquie n'a pas vocation à entrer dans l'Union européenne...
Q.- Alors pourquoi négocie-t-on pour l'adhésion ?
R.- Parce que nous souhaitons également aider la Turquie à ce qu'elle se modernise. Donc, nous ne voulons pas non plus troubler la Turquie à un moment où elle doit choisir ses représentants. Au mois de juillet prochain, il y a des élections importantes en Turquie, nous ne souhaitons pas troubler le jeu. Et le moment n'est pas venu d'avoir le débat de fond sur l'adhésion ou la non adhésion de la Turquie en Europe. Donc, chaque chose en son temps. Vous savez que N. Sarkozy a dit qu'il voulait se concentrer sur le traité, c'est une étape de franchie. Nous avons des domaines de négociations qui sont ouvertes aujourd'hui, nous verrons. Le problème turc, j'en termine par là, pardonnez-moi, d'ici à la fin de l'année, vous aurez un rapport de la Commission sur l'Etat des négociations avec la Turquie et l'état des relations avec Chypre, parce qu'il faut se souvenir qu'il y a des problèmes entre Chypre et la Turquie. Et au-delà de la Turquie, ce que je veux dire, c'est que nous devrons poser à la fin de l'année également, le problème des frontières de l'Europe. Quelle Europe voulons-nous ? Jusqu'où l'Europe doit-elle aller ? Et là, nous souhaitons qu'il y ait un groupe de travail qui soit mis en place.
Q.- Alors, sur le traité simplifié, N. Sarkozy a réussi à faire passer son idée...
R.- Oui.
Q.- V. Giscard d'Estaing, qui était l'auteur du traité précédent, de la Constitution, dit que ce traité simplifié manque de vision. Y a-t-il encore une vision en Europe ?
R.- Il y a toujours une vision en Europe. Ce qui me paraît important, c'est de constater que, depuis 15 ans, nous vivons dans le doute institutionnel. Depuis Maastricht, depuis 1992, l'Europe était dans le doute institutionnel. On savait quels étaient les problèmes, on ne savait pas comment les résoudre dans une Europe élargie. Et depuis deux ans, nous étions dans la panne institutionnelle totale. Grâce à l'idée française, et à l'idée du président de la République, nous sommes maintenant sortis de cette impasse, et nous sommes sortis de 15 années de doute européen. C'est déjà un progrès considérable. Et ne serait-ce que pour cette raison, c'est un succès. Et comme vous le savez, puisque vous êtes un observateur attentif de la chose européenne, l'Europe a toujours fonctionné sur la base de compromis, et a fonctionné comme cela depuis le traité. Donc, c'est un compromis, c'est un bon compromis, et c'est un succès pour l'Europe.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 juin 2007
R.- Je vois F. Hollande, je l'ai vu hier au cours d'une réunion à l'Elysée...
Q.- Est-ce que vous le voyez en dehors de l'Elysée ?
R.- Je ne l'ai pas vu depuis un mois, mais je ne souhaite pas non plus gêner. Nous sommes des professionnels, nous nous voyons lorsqu'il y a matière à se voir sur les enjeux de la France...
Q.- Mais vous étiez amis, vous étiez des amis proches...
R.- On était très amis.
Q.- Ce n'est plus le cas aujourd'hui ?
R.- On ne peut pas dire cela. Comme je l'ai souligné, je ne le souhaite pas. Je souhaite séparer ce qui est l'amitié de la vie politique. Aujourd'hui, je suis dans l'action, il est dans l'action, nous nous comportons en professionnels, et nous laissons l'affect de côté.
Q.- A quel moment y a-t-il eu coupure entre vous et vos amis socialistes ?
R.- La coupure s'est faite au moment de mon entrée au Gouvernement, mais plus profondément, il y avait déjà eu, vous le savez, des évolutions de ma part, notamment lorsque j'ai signé un manifeste sous le pseudonymes des Gracques, pour appeler à une refondation, à une rénovation du Parti socialiste, et faire en sorte qu'il y ait un rapprochement avec le Centre. Donc, déjà, à ce moment-là...
Q.- Et là, S. Royal, F. Hollande n'ont pas suivi ? A ce moment-là ?
R.- On ne peut pas dire effectivement qu'ils aient suivi, même si après, comme vous l'avez vu, il y a eu des approches à l'égard de F. Bayrou, mais qui n'étaient peut-être pas aussi organisées, structurées que ce que souhaitaient les Gracques.
Q.- Qu'est-ce qui vous a décidé à entrer au Gouvernement ?
R.- Ce qui m'a décidé à entrer au Gouvernement c'est la proposition qui m'a été faite par le président de la République de m'occuper du dossier européen.
Q.- Il vous a appelé personnellement ?
R.- Ecoutez, s'occuper du dossier européen, il m'a demandé de suivre ce dossier. Et pour moi, c'est un engagement, c'est un domaine, où je crois, on reconnaît que je peux avoir une certaine expérience, et c'était à un moment où l'Europe était à un tournant. Donc, cela m'a paru logique par rapport à ce que j'ai fait, de continuer à m'occuper de questions européennes, et de faire en sorte de servir mon pays, puisque je considère toujours que, l'Europe est l'avenir le plus garanti pour notre pays.
Q.- Certains de vos anciens amis vous ont accusé de "trahison" ?
R.- Effectivement, j'ai entendu cela. Je ne crois pas que l'Europe soit de droite ou de gauche, je reste fidèle à mes convictions.
Q.- Vous êtes toujours de gauche ?
R.- Mes convictions sont sociales-démocrates. N. Sarkozy et le Premier ministre ne m'ont pas demandé d'abandonner mes convictions du jour au lendemain. Si je peux apporter quelque chose au Gouvernement, c'est sur deux plans : d'une part, sur ce qu'est mon expérience européenne, c'est la première chose. Puis, la seconde chose, c'est en restant moi-même, et en ayant toujours mes convictions sociales-démocrates. Je crois que c'est cela le sens de l'ouverture, et c'est en ce sens que N. Sarkozy a fait faire un progrès important, je crois, à la démocratie de notre pays.
Q.- Alors, sur l'Europe, il y a aujourd'hui une décision qui doit être prise : la Commission va demander à la France de renoncer à son monopole sur les jeux de hasard, le Loto, le PMU. La France va-t-elle laisser faire ?
R.- Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que la Commission, en principe, doit prendre une décision visant à ouvrir une procédure contre la France, mais aussi contre d'autres pays. Vous avez un certain nombre de pays scandinaves, vous avez également l'Allemagne, qui sont soumis au même régime que celui que nous avons sur les jeux. Il est certain que pour nous, nous considérons que ce soit le PMU, que ce soit les jeux, font davantage partie de la subsidiarité que du marché intérieur.
Q.- Autrement dit, cela dépend de la France ? Donc, on ne se laissera pas faire, c'est ce que vous voulez dire ?
R.- Ce que je veux dire, c'est qu'on ne se laissera certainement pas faire. Nous avons fait valoir nos arguments, nous continuerons à les faire valoir. Nous considérons que, dans le domaine des jeux, vous avez beaucoup d'argent qui circule, vous avez des problèmes de moralité publique, vous pouvez aussi avoir des problèmes de lutte contre la criminalité, qui existe de ce point de vue-là, ou contre le blanchiment d'argent. Nous considérons aussi que les jeux, et notamment lorsque je regarde le PME, cela fait partie de notre tradition culturelle. Donc, je crois qu'il est bon aussi que l'Europe sache concilier ce que sont les traditions culturelles, les traditions d'organisation de jeux, et le fonctionnement du marché intérieur.
Q.- Sur la Turquie, la négociation est ralentie, mais la négociation continue. La Turquie va-t-elle adhérer ou pas à l'Europe ?
R.- Alors, ce que je veux préciser sur ce dossier important, c'est que la France ne bloque pas, contrairement à ce que l'on a dit. C'est qu'il y a un consensus aujourd'hui pour ouvrir deux domaines de négociations, qui sont des domaines de négociations techniques, qui portent sur les statistiques et le contrôle financier. Que d'autres domaines de négociations, tout aussi techniques, seront aussi ouverts dans les prochaines semaines...
Q.- Pourtant, N. Sarkozy a dit que la Turquie n'entrerait pas dans l'Europe. Donc pourquoi on continue à négocier ?
R.- Il est clair, et la position de la France n'a pas changé, que nous considérons, et le président de la République l'a indiqué, que la Turquie n'a pas vocation à entrer dans l'Union européenne...
Q.- Alors pourquoi négocie-t-on pour l'adhésion ?
R.- Parce que nous souhaitons également aider la Turquie à ce qu'elle se modernise. Donc, nous ne voulons pas non plus troubler la Turquie à un moment où elle doit choisir ses représentants. Au mois de juillet prochain, il y a des élections importantes en Turquie, nous ne souhaitons pas troubler le jeu. Et le moment n'est pas venu d'avoir le débat de fond sur l'adhésion ou la non adhésion de la Turquie en Europe. Donc, chaque chose en son temps. Vous savez que N. Sarkozy a dit qu'il voulait se concentrer sur le traité, c'est une étape de franchie. Nous avons des domaines de négociations qui sont ouvertes aujourd'hui, nous verrons. Le problème turc, j'en termine par là, pardonnez-moi, d'ici à la fin de l'année, vous aurez un rapport de la Commission sur l'Etat des négociations avec la Turquie et l'état des relations avec Chypre, parce qu'il faut se souvenir qu'il y a des problèmes entre Chypre et la Turquie. Et au-delà de la Turquie, ce que je veux dire, c'est que nous devrons poser à la fin de l'année également, le problème des frontières de l'Europe. Quelle Europe voulons-nous ? Jusqu'où l'Europe doit-elle aller ? Et là, nous souhaitons qu'il y ait un groupe de travail qui soit mis en place.
Q.- Alors, sur le traité simplifié, N. Sarkozy a réussi à faire passer son idée...
R.- Oui.
Q.- V. Giscard d'Estaing, qui était l'auteur du traité précédent, de la Constitution, dit que ce traité simplifié manque de vision. Y a-t-il encore une vision en Europe ?
R.- Il y a toujours une vision en Europe. Ce qui me paraît important, c'est de constater que, depuis 15 ans, nous vivons dans le doute institutionnel. Depuis Maastricht, depuis 1992, l'Europe était dans le doute institutionnel. On savait quels étaient les problèmes, on ne savait pas comment les résoudre dans une Europe élargie. Et depuis deux ans, nous étions dans la panne institutionnelle totale. Grâce à l'idée française, et à l'idée du président de la République, nous sommes maintenant sortis de cette impasse, et nous sommes sortis de 15 années de doute européen. C'est déjà un progrès considérable. Et ne serait-ce que pour cette raison, c'est un succès. Et comme vous le savez, puisque vous êtes un observateur attentif de la chose européenne, l'Europe a toujours fonctionné sur la base de compromis, et a fonctionné comme cela depuis le traité. Donc, c'est un compromis, c'est un bon compromis, et c'est un succès pour l'Europe.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 juin 2007