Texte intégral
G. Bonos : Bonjour V. Pécresse.
R.-Bonjour.
E. Chavelet : Bonjour.
Q.- G. Bonos : Dans une demi heure, vous allez quitter ce studio pour inaugurer le troisième Salon européen de la recherche, l'un des deux secteurs dont votre ministère a la tutelle... Les professionnels ont des attentes très fortes en matière de moyens, en matière de programmes et en matière de carrières. On va donc évoquer les deux aspects de votre ministère, plus largement vous nous direz le regard que vous portez sur cette bataille planétaire de l'intelligence qui n'en est qu'à ses débuts. On va aussi parler politique, puisque vous vous représentez dans la deuxième circonscription des Yvelines, pour un deuxième mandat. On commence par la recherche et puis on parlera après la pause de l'université et votre combat politique. Qu'est-ce que vous allez faire aujourd'hui ? Vous êtes en préparation, ça va moins vite que pour l'université, puisque vous avez un peu plus de temps, mais je l'ai dit, les attentes sont très fortes. Qu'est-ce que vous pouvez déjà dire aux chercheurs qui nous écoutent ?
R.- D'abord, que nous avons fait beaucoup de progrès dans notre vision stratégique de la recherche française depuis deux ans, trois ans, d'ailleurs à la demande des chercheurs eux-mêmes qui nous ont fait prendre conscience, à l'ensemble des Français, du fait qu'il fallait aujourd'hui investir massivement dans notre recherche et effectivement que nous étions dans une bataille d'intelligence qui faisait que nous devions jeter un regard différent sur cette recherche française. Alors, qu'est-ce qui a déjà été fait ? Eh bien je crois que le politique, les responsables politiques ont repris la main en matière de recherche, comme ils l'avaient fait par le passé, parce que vous savez que nos grandes politiques de recherche traditionnelles ont été lancées par le Général de Gaulle, par la volonté des responsables politiques.
G. Bonos : D'ailleurs, si on regarde bien, tous les grands programmes qui ont abouti à des choses importantes, sur lesquelles ont vit encore, sur lesquelles on est encore performant - le TGV, l'aéronautique, le nucléaire - ce ne sont que des programmes lancés sous le Général de Gaulle...
R.- Tout à fait, mais ça c'était une prise de conscience que les responsables politiques devaient faire, qu'ils ont faite il y a deux, trois ans, sous le gouvernement Raffarin/Villepin. C'est aux politiques d'impulser une stratégie de recherche au plan national et d'ailleurs qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, qui se passait avant, en France ? Eh bien nous avions des points d'excellence, des médailles Fields, Wende Line Werner, que j'ai vues la semaine dernière...
G. Bonos : Il faut rappeler que c'est le Nobel de mathématiques, un peu.
R.- Donc en Chimie, en mathématiques, mais aussi des manques et notamment par exemple le virage des biotechnologies, le virage des technologies de l'information, que nous n'avons pas suffisamment pris. Et nous ne l'avons pas suffisamment pris parce que l'Etat ne s'était plus autorisé depuis des années à diriger stratégiquement la recherche française.
G. Bonos : Il ne s'y était pas autorisé ou il s'en moquait.
R.- Pardon ?
G. Bonos : Il ne s'y était pas autorisé ou il était plutôt indifférent ? On se souvient quand même de la grande désespérance des chercheurs...
R.- En tout cas, il y avait un manque de vision et c'est aujourd'hui quelque chose qui est réparé, depuis 2006, avec le pacte pour la recherche, que nous avons adopté à l'Assemblée nationale et dont j'étais l'un des rapporteurs. Nous avons changé. Maintenant, il y a un Haut comité stratégique auprès du président de la République, pour définir des priorités. Il y a une agence qui s'appelle l'Agence nationale de la Recherche, qui est une agence qui va donner des financements par projets, ça permet d'orienter, dans le cadre de cette stratégie, les moyens qui sont alloués, parce que là aussi on déversait les moyens ; l'Etat donnait les moyens à la recherche, c'est-à-dire qu'il finançait du personnel et des frais de structures. Ce n'est pas extrêmement stimulant. Il faut évidemment que l'Etat se mette en stratège et que donc il finance des priorités. Donc on a changé radicalement la façon d'organiser notre système de recherche, on a mis en place aussi quelque chose d'extrêmement important, qui est l'Agence d'évaluation, parce que la recherche, évidemment, ça s'évalue, mais ça ne s'évalue pas n'importe comment.
G. Bonos : Ça, c'est dans le cadre de la réforme du CNRS.
R.- Non, non, non, c'est dans le cadre du pacte pour la recherche, de la réforme globale de la recherche, parce qu'on évalue aussi la recherche à l'université, il faut évaluer tous les types de recherche. Alors, donc, nous avons aujourd'hui des instruments dans ce pacte, nous avons aussi des moyens financiers dans ce pacte, des moyens publics très importants puisque N. Sarkozy s'est engagé dans la campagne présidentielle à respecter les engagements du pacte, c'est-à-dire un milliard d'euros supplémentaire, pendant quatre ans, c'est-à-dire quatre milliards d'euros...
E. Chavelet : Petite question, madame Pécresse. "Un milliard d'euros", justement, j'attendais ce chiffre, c'est un milliard d'euros pour les universités et la recherche ?
R.- Non, non, non, madame Chavelet. Il y a deux choses différentes : il y a les engagements du pacte pour la recherche, c'est quatre milliards d'euros encore à verser pour la recherche publique, donc un milliard d'euros chaque année ; et vous avez à côté un autre engagement du président de la République - c'est un engagement inédit dans son ampleur - qui est de changer le ratio que nous avons aujourd'hui. Vous savez que nous sommes le seul pays au monde qui dépense davantage pour un lycéen que pour un étudiant.
E. Chavelet : D'accord.
R.- Nous dépensons, par an, 10 000 euros pour un lycéen, nous dépensons par an 7 000 euros pour un étudiant. Donc, il y a un autre engagement du président de la République...
E. Chavelet : C'est un autre, donc. D'accord.
R.- Un autre, qui est d'augmenter de 50% le budget de l'enseignement supérieur d'ici cinq ans, ça fait cinq milliards d'euros.
E. Chavelet : 10 milliards d'euros.
R.- Au total, mon ministère aura donc neuf milliards d'euros supplémentaires dans les cinq années, c'est l'engagement du président de la République.
G. Bonos : Neuf milliards par an.
R.- C'est totalement inédit mais ça correspond à une volonté politique, à une prise de conscience politique de N. Sarkozy, qui est de dire : « aujourd'hui il faut un ministère plein à l'Enseignement supérieur et à la Recherche », c'est le ministère de la connaissance, c'est le ministère de la jeunesse et c'est le ministère de l'avenir.
E. Chavelet : Une petite question : les auditeurs entendent chaque matin les milliards qui s'accumulent...
G. Bonos : Ça l'inquiète beaucoup, en tant que contribuable, madame Chavelet.
E. Chavelet : ... déductions fiscales, recherche, etc. Il y a un moment où on va quand même s'inquiéter de la manière dont on va le payer. Est-ce que vous avez été invitée, vous-même, par N. Sarkozy à faire des économies ? Est-ce que l'université va faire des dépenses mais aussi des économies ?
R.- Mais bien sûr. Il y aura évidemment un mouvement d'économies, mais le mouvement d'économies, vous savez, aujourd'hui, qu'est-ce qu'il faut à l'université et à la recherche, d'une manière générale ? Il faut qu'elles fonctionnent mieux et à partir du moment où on met en place des nouvelles règles de fonctionnement, qui permettent d'abord de simplifier les procédures - hier, je voyais des chercheurs, puisque je suis en campagne électorale et dans ma circonscription il y a beaucoup de chercheurs qui y habitent, puisque je suis un des députés du Plateau de Saclay, donc j'ai beaucoup de députés, pardon, de chercheurs, qui habitent dans ma circonscription de député ; et hier je vouais un chercheur qui m'a dit : « vous savez, en ce moment, l'essentiel de mon temps, je le passe à chercher des crédits. Donc, je ne cherche plus, je cherche des crédits et je demande des autorisations ». Donc, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l'on est aujourd'hui tombé, que ce soit à l'université ou que ce soit à la recherche, dans des complexités de procédures telles, qu'aujourd'hui, c'est comme l'albatros...
E. Chavelet : On trouvera l'argent, donc. On trouvera l'argent.
R.- Non, non, mais c'est comme l'Albatros de Baudelaire, si vous voulez, madame Chavelet.
E. Chavelet : Oui, bien sûr.
R.- C'est-à-dire que l'université française...
E. Chavelet : Il est lourd, il est lourd.
R.-... et la recherche, sont très belles quand elles volent, mais malheureusement, dès qu'elles se posent, leurs ailes de géantes les empêchent de marcher.
G. Bonos : Oui, mais alors, justement, il y a pas mal de, notamment à Orsay, il y a pas mal de laboratoires qui sont à la limite de l'eau qui fuit, des trucs et des procédures incroyablement longues, ne serait-ce que pour appeler un plombier, presque. Donc, est-ce que l'on va faire des circuits courts ?
R.- Alors là, vous allez me parler d'autonomie des universités...
G. Bonos : Oui, mais ça on va y revenir après, mais globalement, c'est quand même...
R.- Alors, ce qu'il faut savoir, c'est que 50% de la recherche française se fait dans des locaux universités. Donc, effectivement...
G. Bonos : Dont certains en piteux état, donc.
R.- Dont certains nécessiteraient d'abord une mise en sécurité, pour certains, parce que vous savez qu'il y a aussi des étudiants qui sont aujourd'hui, malheureusement, dans des bâtiments transitoires, préfabriqués, parce qu'un certain nombre de bâtiments universitaires doivent être mis en sécurité. Donc on a sur l'immobilier universitaire, et donc sur les locaux où s'exerce une mission de recherche, vraiment un travail à faire, c'est un des chantiers que je lance dès cet été. Nous avons maintenant des audits qui ont été réalisés par le gouvernement précédent, très précis, parce que, évidemment là encore, on n'est pas, je suis désolée - moi j'ai entendu de la candidate, des candidats socialistes, récurrent, c'est "il faut plus de moyens, il faut plus de moyens". Non, madame Chavelet a eu raison de dire que nous sommes sous une contrainte budgétaire très forte. Moi, le budget que je veux présenter au président de la République et au Premier ministre, et c'est ma responsabilité, ça doit être un budget où chaque dépense est affectée à un objectif extrêmement précis, dont on pourra ensuite mesurer les résultats. Parce que je me sens comptable de chacun des euros qui vont être dépensés dans ce milliard supplémentaire pour la recherche et dans ce milliard supplémentaire pour l'université.
G. Bonos : Madame Pécresse, à propos justement d'euros et de comptabilité, on sait que les très bons chercheurs - là, on est dans la compétition mondiale - et notamment, si j'ai bien compris certains responsables de recherche et d'organismes de recherche, ils n'ont pas trop de mal à trouver des jeunes chercheurs. Mais passé 32, 35 ans, là, ils n'ont plus les moyens de faire face aux propositions venues d'Outre Atlantique, venues d'Asie, venues d'autres grands pays d'Europe, et des jeunes brillants chercheurs, au sommet de leur art, à ce moment là, risquent de partir.
R.- En réalité, il y a plusieurs moments dans la carrière d'un jeune, où nous n'avons pas la bonne capacité de recrutement. En réalité, tout commence dès l'université. Il faut que nous attirions le maximum de jeunes et des jeunes de très bonne qualité, vers les métiers de la recherche. Vous savez que d'ici 10 ans, 30% du CNRS va partir à la retraite, 30% des effectifs du CNRS, 30% des effectifs de l'INSERM, donc cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'il faut absolument que l'on attire des jeunes de très bonne qualité à faire ces métiers. Or, cela signifie qu'il faut créer un goût de l'innovation, un goût de la recherche, très vite, et chez des jeunes, très jeunes. Donc, cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'il va falloir rendre plus attractives les filières doctorales et qu'il va falloir travailler sur le statut des jeunes chercheurs et enseignants chercheurs. C'est un chantier que nous lançons, c'est d'ailleurs dans le pacte pour la recherche, j'allais dire l'élément qui reste un peu faible, c'est-à-dire l'élément qui peut être complété utilement et le président de la République a pris des engagements très forts dans ce domaine pour rendre attractifs les débuts de carrières. J'ajoute, excusez-moi madame Chavelet, qu'à l'université il y a aussi un problème, que vous ne m'avez pas encore posé, qui est la question des liens entre la recherche fondamentale...
E. Chavelet : C'est ce que j'allais vous demander, la recherche et l'opérationnel, l'entreprise. Comment faire, comme dans les autres universités, qu'il y ait un lien entre l'entreprise, créer, innover, et puis ce que l'on recherche ?
R.- Alors, vous savez que l'on a créé déjà un certain nombre d'incubateurs dans le cadre des universités pour favoriser la création d'entreprises et notamment par les enseignants chercheurs. Mais je crois qu'il faut que l'on aille plus loin. Le président de la République souhaite que nous réfléchissions dès maintenant à l'idée de créer des zones franches universitaires, de façon à ce que les étudiants puissent créer leur entreprise, dès l'université, en lien avec leurs enseignants et leurs thèmes de recherche, de façon à développer la créativité et l'esprit d'entreprise, en lien avec la recherche, dès l'université.
E. Chavelet : Sans payer d'impôt.
R.- Evidemment sans payer d'impôt.
E. Chavelet : D'impôt sur les sociétés ou d'impôts sur le revenu ?
R.- Alors, nous n'avons pas encore défini le périmètre de ces zones franches, on peut imaginer beaucoup de choses. Au moins, il y a une question aussi de taxe professionnelle, donc ça serait une franchise fiscale, la franchise fiscale qui serait le booster de l'innovation et de l'esprit d'entreprise. L'idée, c'est quoi ? C'est d'avoir in fine, je vais parler d'immobilisme, je pourrais parler aussi des conditions de vie étudiante, parce qu'aujourd'hui l'un des chantiers que je lancerai lundi prochain porte sur les conditions de vie étudiante qui se sont considérablement dégradées dans notre pays. Je pourrais parler du statut des jeunes chercheurs. Cela fait un ensemble. L'idée, c'est d'avoir dans notre pays, désormais, à l'avenir, dans les 5 ans qui viennent, des grands campus universitaires qui soient des beaux campus, des campus où on ait envie de vivre, des campus où il y ait une fertilisation entre les enseignants, les entreprises et les jeunes et de façon à dynamiser la recherche et l'innovation dans notre pays.
G. Bonos : Ces zones franches - j'ai bien compris que pour l'instant c'était encore un peu embryonnaire, mais si on essaie d'aller plus loin - est-ce qu'il y en aura dans chaque département ? Est-ce qu'il y en aura dans chaque université, est-ce que ça sera deux, trois grands pôles d'excellence en France, est-ce que vous avez déjà une idée du...
R.- Ecoutez, là on lance une réflexion et effectivement il y aura toute une série de choses que nous allons voir. Ce qui est important de dire, c'est qu'il y a un outil très important dans notre réforme de l'université, c'est le pôle de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES. Nous avons créé en 2006 les Pôles de recherche et d'enseignement supérieur pour permettre aux universités françaises, qui sont petites en taille, vous savez qu'il y a 85 universités et il y a plusieurs centaines d'écoles, donc il faut absolument que l'on opère des regroupements, mais des fusions, parce que l'on a toujours... en France on est un pays un peu cartésien, donc on a voulu fusionner les communes, parce qu'on en avait 36 000 et on s'est dit « on va les fusionner », parce qu'il faut absolument que l'on aille sur le modèle allemand où il y en a 3 000. Sauf que vous savez, dans l'université, peut-être plus que partout ailleurs, dans la recherche, il y a une culture, il y a une tradition, il y a une histoire. C'est notre pays, c'est nos choix nationaux et nos choix nationaux c'est les universités de proximité et c'est les universités qui se sont développées et qui ont des cultures et des histoires. Donc le pôle de recherche d'enseignement supérieur, aujourd'hui on en a dix qui sont en train de se mettre en place. Ça marche, ça permet de mettre ensemble, sous un même label, reconnu internationalement, dans les classements internationaux, type classement de Shanghai par exemple, un ensemble d'universités, d'écoles, qui, par exemple prenons le pôle de Lyon : vous avez même l'Ecole vétérinaire, vous avez les Ecoles normales de Lyon, vous avez les universités de Lyon, vous avez tout le monde, et ça s'appelle le "Pôle de recherche d'enseignement supérieur de Lyon" et du coup, dans les classements de Shanghai, où on compte le nombre de docteurs, où on compte le nombre de...
E. Chavelet : De rapports, de science, de...
R.- Voilà, des critères que les universités toutes seules ne peuvent absolument pas satisfaire, eh bien nous aurons des universités qui seront attractives, internationalement, et qui auront une renommée mondiale.
E. Chavelet : Quelle flamme, quelle flamme !
G. Bonos : Je reviens une seconde avant la...
R.- Mais c'est une réforme qui est très urgente, la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche, elle va prendre 5 ans, mais il faut la lancer maintenant. Moi j'étais à Bruxelles mardi dernier et à Bruxelles, vous avez le commissaire européen à l'enseignement supérieur, monsieur Figel, qui nous disait que si l'Europe ne bouge pas - c'est l'ensemble de l'Europe qui doit bouger - si l'Europe ne bouge pas, d'ici 5 ans nous serons menacés par les universités chinoises et indiennes...
G. Bonos : 1.300 000 ingénieurs par an.
R.- Dans 5 ans, exactement, nous aurons 1 million de chercheurs chinois dans les années qui viennent.
G. Bonos : V. Pécresse, d'un mot. Ces zones franches, cette défiscalisation, quand l'étudiant crée sa boîte, est-ce que vous avez déjà une idée sur combien de temps ça sera ou c'est trop tôt ?
R.- Non, non, c'est trop tôt. Nous lançons cette réflexion, le président de la République nous a lancé cette piste...
G. Bonos : Vous avez combien de temps pour aboutir ? Vous vous êtes donné combien de temps ?
R.- Sur l'enseignement supérieur, nous abordons une réforme de très grande ampleur, dont le socle va être la loi sur la gouvernance et l'autonomie des universités, qui sera votée cet été. Au-delà de cette loi, qui pour moi est un socle, un socle nécessaire, pas suffisant mais nécessaire, qui va donner aux universités françaises les moyens de fonctionner beaucoup plus vite, beaucoup mieux, beaucoup plus rapidement. Un exemple tout simple : pour recruter un enseignant aujourd'hui, un professeur à l'université, il faut entre un an et un an et demi. Alors, vous imaginez, quand arrive un professeur d'université, très bon dans son domaine, l'incapacité de réagir de nos universités...
E. Chavelet : Il va ailleurs, oui.
R.- Evidemment, il va à l'étranger et donc comme on est dans une compétition mondiale pour la bataille de l'intelligence, il faut absolument qu'on les attire. Donc cette loi autonomie est absolument cruciale et nécessaire car c'est le socle de la réforme. Mais au-delà du socle, et je réponds à votre question, il y a toute une série de chantiers que nous lançons, je l'ai dit, sur la condition de vie étudiante, sur l'immobilier universitaire, sur les jeunes chercheurs, sur la réussite en licence, parce que là aussi le drame du CPE, le drame des banlieues, le lieu de l'égalité des chances aujourd'hui dans la société française, c'est l'université, s'étend à l'université avec 1 500 000 étudiants qui sont aujourd'hui à l'université, que nous pourrons amener, dans la classe moyenne des jeunes des milieux défavorisés et donc cette réforme « réussir en licence » est très importante. Et enfin, il y a cette notion d'innovation à l'université, c'est la question des zones franches universitaires, qui sera aussi un chantier que nous allons ouvrir dès l'été. Vous voyez que ça fait une feuille de route extrêmement vaste.
E. Chavelet : Ça fait beaucoup.
G. Bonos : Vous n'allez pas avoir beaucoup de vacances. V. Pécresse, vous restez avec nous, on fait une pause, et on continue, cette fois vous avez commencé la transition, on continue à propos de l'université. A tout de suite.
[Pause]
G. Bonos : Nous sommes en compagnie jusqu'à 9H00, de V. Pécresse, ministre de la Recherche et de l'Enseignement supérieur, que j'interroge en compagnie de ma chère consoeur E. Chavelet, de Paris-Match, qui vous pose la question, V. Pécresse.
E. Chavelet : Ma question elle est simple. Quand on regarde aujourd'hui, que ce soit les parents ou les élèves, quand on va dans n'importe quelle université, on est souvent frappé par le délabrement de ces universités. Qu'on aille à Jussieu, mais qu'on aille même à Dauphine - on a fait à Paris-Match, par exemple, des reportages où on voyait que les lieux étaient délabrés, plein de... enfin c'était impossible...
G. Bonos : Assez sales !
E. Chavelet : Est-ce que - vous avez parlé beaucoup de vos priorités - une de vos priorités ça ne sera pas de donner beaucoup d'argent, de faire des appels d'offre, pour les rénover ?
G. Bonos : Et pour donner envie aux étudiants justement de...
E. Chavelet : De travailler.
G. Bonos : Et d'y rester.
R.- On est effectivement, pour certains locaux, parce que là aussi il faut sortir de Paris, il y a des universités régionales qui sont superbes, qui ont été construites de manière très récente, et qui sont magnifiques, qui ont de très beaux bâtiments ; moi, à Versailles Saint-Quentin, dans les universités nouvelles qui ont été créées il y a une quinzaine d'années, vous avez des locaux qui sont très beaux, et d'une qualité architecturale magnifique. Le problème c'est après, il faut les entretenir, il faut les empêcher de se dégrader, l'immobilier universitaire est très hétérogène, mais c'est vrai qu'on est aujourd'hui, pour un grand nombre d'universités, aux limites des conditions, j'allais dire attractives d'exercice des missions.
E. Chavelet : Et qui va le décider ça, c'est le Président ?
R.- Non, non, c'est nous, enfin c'est... le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche - si je peux parler de moi à la troisième personne - lance un chantier là-dessus, ça s'appelle « les conditions matérielles d'exercice de la mission enseignement supérieur et recherche de l'université », puisque 50% des laboratoires, y compris les unités mixtes du CNRS, sont dans des locaux universitaires.
E. Chavelet : Et sur le milliard affecté chaque année, il y en aura combien pour ça ?
R.- Ecoutez, nous sommes en pleine discussion budgétaire, madame Chavelet.
G. Bonos : Elle va vite en besogne !
R.- Donc nous allons présenter nos propositions à Bercy la semaine prochaine. Il y aura une bonne part de ces crédits supplémentaires, qui sera consacrée à trois
G. Bonos : Attendez, Bercy ça sera qui ? Ça sera monsieur Woerth ou monsieur Borloo qui fera ça ?
R.- C'est le budget.
E. Chavelet : Ça sera les Comptes... Ça sera monsieur « Non. »
R.- Nous sommes dans la phase de négociation budgétaire avec le ministère des Finances, et évidemment moi je me sens garante du fait que les engagements du président de la République vis-à-vis de l'université vont être tenus, donc garante du fait de récupérer ces crédits. Mais là encore, je vous l'ai dit, en les affectant à des priorités claires. Il se trouve que nous avons fait réaliser l'année dernière, ce qui va nous être très utile, un audit de l'état des bâtiments universitaires, donc nous savons aujourd'hui, très clairement, les endroits où il faut réaliser les investissements, et ceux qui n'en ont pas besoin, et ça commence par la mise en sécurité des locaux, vous avez parlé du cas du chantier de Jussieu, mais il n'y a pas que Jussieu, il y a un certain nombre de bâtiments qui doivent être mis en sécurité. Au-delà de la mise en sécurité, il y a l'amélioration globale de l'état des bâtiments, les rénovations, et puis il y a aussi une troisième chose dont vous n'avez pas parlé, c'est la mise aux standards internationaux des bâtiments, c'est-à-dire qu'il faut absolument - moi je suis arrivée dans un ministère qui restait encore dans son jus, si je puis dire, si je le dis comme ça, c'est-à-dire que dans les salles de réunion, nous n'avons pas de visioconférence, nous avons quand même un peu...
E. Chavelet : Quelques ordinateurs...
R.- Nous avons des ordinateurs et du haut débit, mais enfin !
G. Bonos : C'est tout le charme des bâtiments haussmanniens.
R.- Quand j'ai vu le téléphone portable qu'on ne proposait, j'ai dit « ah bon, parce que le ministère de la Recherche n'a pas de Smartphone ou de téléphone intelligent avec de l'Internet, par exemple », bon ! Donc, si vous voulez je crois qu'il faut passer aux standards internationaux. Mais vous avez raison de dire qu'on est au stade, aujourd'hui, de l'urgence, sur l'immobilier, parce qu'on a des étudiants et des enseignants chercheurs qui viennent visiter les campus, et qui repartent...
E. Chavelet : Donc vous prenez l'engagement d'y remédier ?
R.- Oui, oui, ils repartent...
E. Chavelet : Vous vous donnez combien de temps pour remédier à ça, parce qu'on voit beaucoup de chantiers, beaucoup de promesses, mais est-ce qu'il y a des engagements... ?
R.- On va « phaser » les travaux. Le problème, vous l'avez bien compris, c'est un problème de financement ...
E. Chavelet : C'est ça qui est inquiétant.
R.- Non mais attendez...
E. Chavelet : Est-ce que vous les aurez ?
R.- Ce n'est pas inquiétant. J'ai des crédits publics, qui vont arriver, ces crédits publics on va les affecter aux priorités. Après, il faut absolument que j'aille chercher d'autres crédits, et moi, je vais vous dire, je ne me mets aucune barrière, je vais aller tendre ma sébile, la sébile de l'université et de la recherche, auprès de tous les grands investisseurs qui pourraient être concernés par ces sujets...
E. Chavelet : Privés même ? Privés ?
R.- D'abord ceux qui sont dans la sphère parapublique, mais j'imagine qu'on peut aussi avoir des financements privés pour l'université. Pour l'immobilier universitaire proprement dit, je ne pense pas, mais peut-être pour l'immobilier étudiant, les logements étudiants par exemple, on peut tout à fait imaginer de faire financer des résidences étudiantes. Moi j'ai été très choquée - cette semaine, j'ai visité l'Ecole Physique - Chimie de Paris...
G. Bonos : Qui collectionne quelques prix Nobel dans son histoire.
R.- Exactement.
E. Chavelet : Oui, mais qui a un statut tout à fait autonome.
R.- Ça ne vous a pas échappé, monsieur Bonos.
G. Bonos : Tout à fait.
R.- Et donc, l'Ecole Physique-Chimie de Paris, nous l'avons visitée avec le président de la République parce que le président de la République souhaitait rendre un hommage national à P.-G. de Gennes, et, en visitant Physique-Chimie, nous nous sommes aperçus que les grandes entreprises françaises ne finançaient plus les bourses doctorales de l'Ecole Physique-Chimie de Paris.
G. Bonos : Pourquoi ?
R.- On n'en sait rien. Ces bourses sont financées par tous les grands laboratoires du monde, qui veulent avoir des doctorants à l'Ecole Physique-Chimie de Paris. Mais les responsables de l'école nous ont dit : "des grandes entreprises du secteur pharmaceutique, du secteur des cosmétiques - enfin bon, je ne donne pas de nom, mais vous voyez de qui je veux parler -, eh bien ne financent pas de bourses doctorales".
G. Bonos : L'école ne le veut pas, c'est ça ?
R.- Non, je crois que c'est en réalité parce que peut-être, peut-être parce que nous avons négligé l'enseignement supérieur, nous avons oublié que c'était un investissement absolument nécessaire pour le pays.
G. Bonos : Madame Pécresse, c'est dans ce cadre-là aussi que les salaires des étudiants, si on en croit l'Agence France Presse, dans le projet de loi sur l'emploi et la fiscalité, les salaires des étudiants seront exonérés d'impôt dans la limite de trois fois le SMIC, jusqu'à l'âge de 25 ans, alors que jusqu'à présent c'était 21 ans ?
R.- Sur la défiscalisation du revenu étudiant, c'est vraiment une mesure qui est dans le cadre du programme "travail" du président de la République, revaloriser le travail. L'idée c'est quoi ? C'est de faire en sorte que quand les étudiants travaillent, ils ne soient pénalisés ni pour l'octroi de leur bourse, ni pour l'octroi des aides au logement, et que ce soit neutre pour eux et qu'ils gardent le fruit de leur travail. Je trouve que c'est une très bonne mesure. Simplement, moi en tant que ministre de l'Enseignement supérieur, ce que je veux, je suis favorable au travail étudiant, ça leur permet de voir le monde de l'entreprise, ça leur permet aussi d'avoir un peu d'argent pour leurs loisirs, pour...
G. Bonos : Pour vivre.
R.- Non, non, pour mettre du beurre dans les épinards, mais je ne veux pas qu'ils travaillent pour vivre, je veux que ce soit un choix, je ne veux pas que ce soit une nécessité. Or, moi, la situation que j'ai constatée, et qui est très bien relatée dans un rapport de mon collègue L. Wauquiez, qui est un rapport remarquable et une base de travail remarquable pour moi, il faut absolument que les bourses étudiantes suivent et que nous n'ayons pas, dans la classe moyenne, et plus encore dans les milieux défavorisés, des jeunes qui sont obligés de travailler pour vivre, des étudiants qui sont obligés de travailler pour vivre, parce que les étudiants ils doivent étudier.
G. Bonos : Dernière question, politique. V. Pécresse, vous vous présentez dans votre circonscription, la 2ème des Yvelines, c'est Versailles/ Chevreuse.
R.- Versailles Sud, Vélizy et Chevreuse.
G. Bonos : Voilà, mais vous gardez votre place de ministre, donc c'est une élection pour rire ?
R.- C'est tout le contraire, c'est uniquement mon élection qui me donne la légitimité d'être ministre, c'est-à-dire que si je ne suis pas capable d'avoir le soutien de mes électeurs localement, c'est la règle républicaine, ça veut dire que je ne suis pas capable d'être au Gouvernement, donc en réalité cette élection c'est une sorte de validation, par mes électeurs Yvelinois, de ma nomination.
G. Bonos : Et c'est votre suppléant ou votre suppléante qui va être... ?
R.- Oui, je fais aujourd'hui ma campagne, en allant présenter mon suppléant dans l'ensemble de ma circonscription, mais simplement ce que les électeurs de Yvelines ont très bien compris, c'est que s'ils ne votent pas pour moi le 10 et 17 juin, en réalité, je ne serai plus députée, ni ministre.
G. Bonos : C'est tout le contraire qu'on vous souhaite madame Pécresse. Merci beaucoup.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 7 juin 2007
R.-Bonjour.
E. Chavelet : Bonjour.
Q.- G. Bonos : Dans une demi heure, vous allez quitter ce studio pour inaugurer le troisième Salon européen de la recherche, l'un des deux secteurs dont votre ministère a la tutelle... Les professionnels ont des attentes très fortes en matière de moyens, en matière de programmes et en matière de carrières. On va donc évoquer les deux aspects de votre ministère, plus largement vous nous direz le regard que vous portez sur cette bataille planétaire de l'intelligence qui n'en est qu'à ses débuts. On va aussi parler politique, puisque vous vous représentez dans la deuxième circonscription des Yvelines, pour un deuxième mandat. On commence par la recherche et puis on parlera après la pause de l'université et votre combat politique. Qu'est-ce que vous allez faire aujourd'hui ? Vous êtes en préparation, ça va moins vite que pour l'université, puisque vous avez un peu plus de temps, mais je l'ai dit, les attentes sont très fortes. Qu'est-ce que vous pouvez déjà dire aux chercheurs qui nous écoutent ?
R.- D'abord, que nous avons fait beaucoup de progrès dans notre vision stratégique de la recherche française depuis deux ans, trois ans, d'ailleurs à la demande des chercheurs eux-mêmes qui nous ont fait prendre conscience, à l'ensemble des Français, du fait qu'il fallait aujourd'hui investir massivement dans notre recherche et effectivement que nous étions dans une bataille d'intelligence qui faisait que nous devions jeter un regard différent sur cette recherche française. Alors, qu'est-ce qui a déjà été fait ? Eh bien je crois que le politique, les responsables politiques ont repris la main en matière de recherche, comme ils l'avaient fait par le passé, parce que vous savez que nos grandes politiques de recherche traditionnelles ont été lancées par le Général de Gaulle, par la volonté des responsables politiques.
G. Bonos : D'ailleurs, si on regarde bien, tous les grands programmes qui ont abouti à des choses importantes, sur lesquelles ont vit encore, sur lesquelles on est encore performant - le TGV, l'aéronautique, le nucléaire - ce ne sont que des programmes lancés sous le Général de Gaulle...
R.- Tout à fait, mais ça c'était une prise de conscience que les responsables politiques devaient faire, qu'ils ont faite il y a deux, trois ans, sous le gouvernement Raffarin/Villepin. C'est aux politiques d'impulser une stratégie de recherche au plan national et d'ailleurs qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, qui se passait avant, en France ? Eh bien nous avions des points d'excellence, des médailles Fields, Wende Line Werner, que j'ai vues la semaine dernière...
G. Bonos : Il faut rappeler que c'est le Nobel de mathématiques, un peu.
R.- Donc en Chimie, en mathématiques, mais aussi des manques et notamment par exemple le virage des biotechnologies, le virage des technologies de l'information, que nous n'avons pas suffisamment pris. Et nous ne l'avons pas suffisamment pris parce que l'Etat ne s'était plus autorisé depuis des années à diriger stratégiquement la recherche française.
G. Bonos : Il ne s'y était pas autorisé ou il s'en moquait.
R.- Pardon ?
G. Bonos : Il ne s'y était pas autorisé ou il était plutôt indifférent ? On se souvient quand même de la grande désespérance des chercheurs...
R.- En tout cas, il y avait un manque de vision et c'est aujourd'hui quelque chose qui est réparé, depuis 2006, avec le pacte pour la recherche, que nous avons adopté à l'Assemblée nationale et dont j'étais l'un des rapporteurs. Nous avons changé. Maintenant, il y a un Haut comité stratégique auprès du président de la République, pour définir des priorités. Il y a une agence qui s'appelle l'Agence nationale de la Recherche, qui est une agence qui va donner des financements par projets, ça permet d'orienter, dans le cadre de cette stratégie, les moyens qui sont alloués, parce que là aussi on déversait les moyens ; l'Etat donnait les moyens à la recherche, c'est-à-dire qu'il finançait du personnel et des frais de structures. Ce n'est pas extrêmement stimulant. Il faut évidemment que l'Etat se mette en stratège et que donc il finance des priorités. Donc on a changé radicalement la façon d'organiser notre système de recherche, on a mis en place aussi quelque chose d'extrêmement important, qui est l'Agence d'évaluation, parce que la recherche, évidemment, ça s'évalue, mais ça ne s'évalue pas n'importe comment.
G. Bonos : Ça, c'est dans le cadre de la réforme du CNRS.
R.- Non, non, non, c'est dans le cadre du pacte pour la recherche, de la réforme globale de la recherche, parce qu'on évalue aussi la recherche à l'université, il faut évaluer tous les types de recherche. Alors, donc, nous avons aujourd'hui des instruments dans ce pacte, nous avons aussi des moyens financiers dans ce pacte, des moyens publics très importants puisque N. Sarkozy s'est engagé dans la campagne présidentielle à respecter les engagements du pacte, c'est-à-dire un milliard d'euros supplémentaire, pendant quatre ans, c'est-à-dire quatre milliards d'euros...
E. Chavelet : Petite question, madame Pécresse. "Un milliard d'euros", justement, j'attendais ce chiffre, c'est un milliard d'euros pour les universités et la recherche ?
R.- Non, non, non, madame Chavelet. Il y a deux choses différentes : il y a les engagements du pacte pour la recherche, c'est quatre milliards d'euros encore à verser pour la recherche publique, donc un milliard d'euros chaque année ; et vous avez à côté un autre engagement du président de la République - c'est un engagement inédit dans son ampleur - qui est de changer le ratio que nous avons aujourd'hui. Vous savez que nous sommes le seul pays au monde qui dépense davantage pour un lycéen que pour un étudiant.
E. Chavelet : D'accord.
R.- Nous dépensons, par an, 10 000 euros pour un lycéen, nous dépensons par an 7 000 euros pour un étudiant. Donc, il y a un autre engagement du président de la République...
E. Chavelet : C'est un autre, donc. D'accord.
R.- Un autre, qui est d'augmenter de 50% le budget de l'enseignement supérieur d'ici cinq ans, ça fait cinq milliards d'euros.
E. Chavelet : 10 milliards d'euros.
R.- Au total, mon ministère aura donc neuf milliards d'euros supplémentaires dans les cinq années, c'est l'engagement du président de la République.
G. Bonos : Neuf milliards par an.
R.- C'est totalement inédit mais ça correspond à une volonté politique, à une prise de conscience politique de N. Sarkozy, qui est de dire : « aujourd'hui il faut un ministère plein à l'Enseignement supérieur et à la Recherche », c'est le ministère de la connaissance, c'est le ministère de la jeunesse et c'est le ministère de l'avenir.
E. Chavelet : Une petite question : les auditeurs entendent chaque matin les milliards qui s'accumulent...
G. Bonos : Ça l'inquiète beaucoup, en tant que contribuable, madame Chavelet.
E. Chavelet : ... déductions fiscales, recherche, etc. Il y a un moment où on va quand même s'inquiéter de la manière dont on va le payer. Est-ce que vous avez été invitée, vous-même, par N. Sarkozy à faire des économies ? Est-ce que l'université va faire des dépenses mais aussi des économies ?
R.- Mais bien sûr. Il y aura évidemment un mouvement d'économies, mais le mouvement d'économies, vous savez, aujourd'hui, qu'est-ce qu'il faut à l'université et à la recherche, d'une manière générale ? Il faut qu'elles fonctionnent mieux et à partir du moment où on met en place des nouvelles règles de fonctionnement, qui permettent d'abord de simplifier les procédures - hier, je voyais des chercheurs, puisque je suis en campagne électorale et dans ma circonscription il y a beaucoup de chercheurs qui y habitent, puisque je suis un des députés du Plateau de Saclay, donc j'ai beaucoup de députés, pardon, de chercheurs, qui habitent dans ma circonscription de député ; et hier je vouais un chercheur qui m'a dit : « vous savez, en ce moment, l'essentiel de mon temps, je le passe à chercher des crédits. Donc, je ne cherche plus, je cherche des crédits et je demande des autorisations ». Donc, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l'on est aujourd'hui tombé, que ce soit à l'université ou que ce soit à la recherche, dans des complexités de procédures telles, qu'aujourd'hui, c'est comme l'albatros...
E. Chavelet : On trouvera l'argent, donc. On trouvera l'argent.
R.- Non, non, mais c'est comme l'Albatros de Baudelaire, si vous voulez, madame Chavelet.
E. Chavelet : Oui, bien sûr.
R.- C'est-à-dire que l'université française...
E. Chavelet : Il est lourd, il est lourd.
R.-... et la recherche, sont très belles quand elles volent, mais malheureusement, dès qu'elles se posent, leurs ailes de géantes les empêchent de marcher.
G. Bonos : Oui, mais alors, justement, il y a pas mal de, notamment à Orsay, il y a pas mal de laboratoires qui sont à la limite de l'eau qui fuit, des trucs et des procédures incroyablement longues, ne serait-ce que pour appeler un plombier, presque. Donc, est-ce que l'on va faire des circuits courts ?
R.- Alors là, vous allez me parler d'autonomie des universités...
G. Bonos : Oui, mais ça on va y revenir après, mais globalement, c'est quand même...
R.- Alors, ce qu'il faut savoir, c'est que 50% de la recherche française se fait dans des locaux universités. Donc, effectivement...
G. Bonos : Dont certains en piteux état, donc.
R.- Dont certains nécessiteraient d'abord une mise en sécurité, pour certains, parce que vous savez qu'il y a aussi des étudiants qui sont aujourd'hui, malheureusement, dans des bâtiments transitoires, préfabriqués, parce qu'un certain nombre de bâtiments universitaires doivent être mis en sécurité. Donc on a sur l'immobilier universitaire, et donc sur les locaux où s'exerce une mission de recherche, vraiment un travail à faire, c'est un des chantiers que je lance dès cet été. Nous avons maintenant des audits qui ont été réalisés par le gouvernement précédent, très précis, parce que, évidemment là encore, on n'est pas, je suis désolée - moi j'ai entendu de la candidate, des candidats socialistes, récurrent, c'est "il faut plus de moyens, il faut plus de moyens". Non, madame Chavelet a eu raison de dire que nous sommes sous une contrainte budgétaire très forte. Moi, le budget que je veux présenter au président de la République et au Premier ministre, et c'est ma responsabilité, ça doit être un budget où chaque dépense est affectée à un objectif extrêmement précis, dont on pourra ensuite mesurer les résultats. Parce que je me sens comptable de chacun des euros qui vont être dépensés dans ce milliard supplémentaire pour la recherche et dans ce milliard supplémentaire pour l'université.
G. Bonos : Madame Pécresse, à propos justement d'euros et de comptabilité, on sait que les très bons chercheurs - là, on est dans la compétition mondiale - et notamment, si j'ai bien compris certains responsables de recherche et d'organismes de recherche, ils n'ont pas trop de mal à trouver des jeunes chercheurs. Mais passé 32, 35 ans, là, ils n'ont plus les moyens de faire face aux propositions venues d'Outre Atlantique, venues d'Asie, venues d'autres grands pays d'Europe, et des jeunes brillants chercheurs, au sommet de leur art, à ce moment là, risquent de partir.
R.- En réalité, il y a plusieurs moments dans la carrière d'un jeune, où nous n'avons pas la bonne capacité de recrutement. En réalité, tout commence dès l'université. Il faut que nous attirions le maximum de jeunes et des jeunes de très bonne qualité, vers les métiers de la recherche. Vous savez que d'ici 10 ans, 30% du CNRS va partir à la retraite, 30% des effectifs du CNRS, 30% des effectifs de l'INSERM, donc cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'il faut absolument que l'on attire des jeunes de très bonne qualité à faire ces métiers. Or, cela signifie qu'il faut créer un goût de l'innovation, un goût de la recherche, très vite, et chez des jeunes, très jeunes. Donc, cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'il va falloir rendre plus attractives les filières doctorales et qu'il va falloir travailler sur le statut des jeunes chercheurs et enseignants chercheurs. C'est un chantier que nous lançons, c'est d'ailleurs dans le pacte pour la recherche, j'allais dire l'élément qui reste un peu faible, c'est-à-dire l'élément qui peut être complété utilement et le président de la République a pris des engagements très forts dans ce domaine pour rendre attractifs les débuts de carrières. J'ajoute, excusez-moi madame Chavelet, qu'à l'université il y a aussi un problème, que vous ne m'avez pas encore posé, qui est la question des liens entre la recherche fondamentale...
E. Chavelet : C'est ce que j'allais vous demander, la recherche et l'opérationnel, l'entreprise. Comment faire, comme dans les autres universités, qu'il y ait un lien entre l'entreprise, créer, innover, et puis ce que l'on recherche ?
R.- Alors, vous savez que l'on a créé déjà un certain nombre d'incubateurs dans le cadre des universités pour favoriser la création d'entreprises et notamment par les enseignants chercheurs. Mais je crois qu'il faut que l'on aille plus loin. Le président de la République souhaite que nous réfléchissions dès maintenant à l'idée de créer des zones franches universitaires, de façon à ce que les étudiants puissent créer leur entreprise, dès l'université, en lien avec leurs enseignants et leurs thèmes de recherche, de façon à développer la créativité et l'esprit d'entreprise, en lien avec la recherche, dès l'université.
E. Chavelet : Sans payer d'impôt.
R.- Evidemment sans payer d'impôt.
E. Chavelet : D'impôt sur les sociétés ou d'impôts sur le revenu ?
R.- Alors, nous n'avons pas encore défini le périmètre de ces zones franches, on peut imaginer beaucoup de choses. Au moins, il y a une question aussi de taxe professionnelle, donc ça serait une franchise fiscale, la franchise fiscale qui serait le booster de l'innovation et de l'esprit d'entreprise. L'idée, c'est quoi ? C'est d'avoir in fine, je vais parler d'immobilisme, je pourrais parler aussi des conditions de vie étudiante, parce qu'aujourd'hui l'un des chantiers que je lancerai lundi prochain porte sur les conditions de vie étudiante qui se sont considérablement dégradées dans notre pays. Je pourrais parler du statut des jeunes chercheurs. Cela fait un ensemble. L'idée, c'est d'avoir dans notre pays, désormais, à l'avenir, dans les 5 ans qui viennent, des grands campus universitaires qui soient des beaux campus, des campus où on ait envie de vivre, des campus où il y ait une fertilisation entre les enseignants, les entreprises et les jeunes et de façon à dynamiser la recherche et l'innovation dans notre pays.
G. Bonos : Ces zones franches - j'ai bien compris que pour l'instant c'était encore un peu embryonnaire, mais si on essaie d'aller plus loin - est-ce qu'il y en aura dans chaque département ? Est-ce qu'il y en aura dans chaque université, est-ce que ça sera deux, trois grands pôles d'excellence en France, est-ce que vous avez déjà une idée du...
R.- Ecoutez, là on lance une réflexion et effectivement il y aura toute une série de choses que nous allons voir. Ce qui est important de dire, c'est qu'il y a un outil très important dans notre réforme de l'université, c'est le pôle de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES. Nous avons créé en 2006 les Pôles de recherche et d'enseignement supérieur pour permettre aux universités françaises, qui sont petites en taille, vous savez qu'il y a 85 universités et il y a plusieurs centaines d'écoles, donc il faut absolument que l'on opère des regroupements, mais des fusions, parce que l'on a toujours... en France on est un pays un peu cartésien, donc on a voulu fusionner les communes, parce qu'on en avait 36 000 et on s'est dit « on va les fusionner », parce qu'il faut absolument que l'on aille sur le modèle allemand où il y en a 3 000. Sauf que vous savez, dans l'université, peut-être plus que partout ailleurs, dans la recherche, il y a une culture, il y a une tradition, il y a une histoire. C'est notre pays, c'est nos choix nationaux et nos choix nationaux c'est les universités de proximité et c'est les universités qui se sont développées et qui ont des cultures et des histoires. Donc le pôle de recherche d'enseignement supérieur, aujourd'hui on en a dix qui sont en train de se mettre en place. Ça marche, ça permet de mettre ensemble, sous un même label, reconnu internationalement, dans les classements internationaux, type classement de Shanghai par exemple, un ensemble d'universités, d'écoles, qui, par exemple prenons le pôle de Lyon : vous avez même l'Ecole vétérinaire, vous avez les Ecoles normales de Lyon, vous avez les universités de Lyon, vous avez tout le monde, et ça s'appelle le "Pôle de recherche d'enseignement supérieur de Lyon" et du coup, dans les classements de Shanghai, où on compte le nombre de docteurs, où on compte le nombre de...
E. Chavelet : De rapports, de science, de...
R.- Voilà, des critères que les universités toutes seules ne peuvent absolument pas satisfaire, eh bien nous aurons des universités qui seront attractives, internationalement, et qui auront une renommée mondiale.
E. Chavelet : Quelle flamme, quelle flamme !
G. Bonos : Je reviens une seconde avant la...
R.- Mais c'est une réforme qui est très urgente, la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche, elle va prendre 5 ans, mais il faut la lancer maintenant. Moi j'étais à Bruxelles mardi dernier et à Bruxelles, vous avez le commissaire européen à l'enseignement supérieur, monsieur Figel, qui nous disait que si l'Europe ne bouge pas - c'est l'ensemble de l'Europe qui doit bouger - si l'Europe ne bouge pas, d'ici 5 ans nous serons menacés par les universités chinoises et indiennes...
G. Bonos : 1.300 000 ingénieurs par an.
R.- Dans 5 ans, exactement, nous aurons 1 million de chercheurs chinois dans les années qui viennent.
G. Bonos : V. Pécresse, d'un mot. Ces zones franches, cette défiscalisation, quand l'étudiant crée sa boîte, est-ce que vous avez déjà une idée sur combien de temps ça sera ou c'est trop tôt ?
R.- Non, non, c'est trop tôt. Nous lançons cette réflexion, le président de la République nous a lancé cette piste...
G. Bonos : Vous avez combien de temps pour aboutir ? Vous vous êtes donné combien de temps ?
R.- Sur l'enseignement supérieur, nous abordons une réforme de très grande ampleur, dont le socle va être la loi sur la gouvernance et l'autonomie des universités, qui sera votée cet été. Au-delà de cette loi, qui pour moi est un socle, un socle nécessaire, pas suffisant mais nécessaire, qui va donner aux universités françaises les moyens de fonctionner beaucoup plus vite, beaucoup mieux, beaucoup plus rapidement. Un exemple tout simple : pour recruter un enseignant aujourd'hui, un professeur à l'université, il faut entre un an et un an et demi. Alors, vous imaginez, quand arrive un professeur d'université, très bon dans son domaine, l'incapacité de réagir de nos universités...
E. Chavelet : Il va ailleurs, oui.
R.- Evidemment, il va à l'étranger et donc comme on est dans une compétition mondiale pour la bataille de l'intelligence, il faut absolument qu'on les attire. Donc cette loi autonomie est absolument cruciale et nécessaire car c'est le socle de la réforme. Mais au-delà du socle, et je réponds à votre question, il y a toute une série de chantiers que nous lançons, je l'ai dit, sur la condition de vie étudiante, sur l'immobilier universitaire, sur les jeunes chercheurs, sur la réussite en licence, parce que là aussi le drame du CPE, le drame des banlieues, le lieu de l'égalité des chances aujourd'hui dans la société française, c'est l'université, s'étend à l'université avec 1 500 000 étudiants qui sont aujourd'hui à l'université, que nous pourrons amener, dans la classe moyenne des jeunes des milieux défavorisés et donc cette réforme « réussir en licence » est très importante. Et enfin, il y a cette notion d'innovation à l'université, c'est la question des zones franches universitaires, qui sera aussi un chantier que nous allons ouvrir dès l'été. Vous voyez que ça fait une feuille de route extrêmement vaste.
E. Chavelet : Ça fait beaucoup.
G. Bonos : Vous n'allez pas avoir beaucoup de vacances. V. Pécresse, vous restez avec nous, on fait une pause, et on continue, cette fois vous avez commencé la transition, on continue à propos de l'université. A tout de suite.
[Pause]
G. Bonos : Nous sommes en compagnie jusqu'à 9H00, de V. Pécresse, ministre de la Recherche et de l'Enseignement supérieur, que j'interroge en compagnie de ma chère consoeur E. Chavelet, de Paris-Match, qui vous pose la question, V. Pécresse.
E. Chavelet : Ma question elle est simple. Quand on regarde aujourd'hui, que ce soit les parents ou les élèves, quand on va dans n'importe quelle université, on est souvent frappé par le délabrement de ces universités. Qu'on aille à Jussieu, mais qu'on aille même à Dauphine - on a fait à Paris-Match, par exemple, des reportages où on voyait que les lieux étaient délabrés, plein de... enfin c'était impossible...
G. Bonos : Assez sales !
E. Chavelet : Est-ce que - vous avez parlé beaucoup de vos priorités - une de vos priorités ça ne sera pas de donner beaucoup d'argent, de faire des appels d'offre, pour les rénover ?
G. Bonos : Et pour donner envie aux étudiants justement de...
E. Chavelet : De travailler.
G. Bonos : Et d'y rester.
R.- On est effectivement, pour certains locaux, parce que là aussi il faut sortir de Paris, il y a des universités régionales qui sont superbes, qui ont été construites de manière très récente, et qui sont magnifiques, qui ont de très beaux bâtiments ; moi, à Versailles Saint-Quentin, dans les universités nouvelles qui ont été créées il y a une quinzaine d'années, vous avez des locaux qui sont très beaux, et d'une qualité architecturale magnifique. Le problème c'est après, il faut les entretenir, il faut les empêcher de se dégrader, l'immobilier universitaire est très hétérogène, mais c'est vrai qu'on est aujourd'hui, pour un grand nombre d'universités, aux limites des conditions, j'allais dire attractives d'exercice des missions.
E. Chavelet : Et qui va le décider ça, c'est le Président ?
R.- Non, non, c'est nous, enfin c'est... le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche - si je peux parler de moi à la troisième personne - lance un chantier là-dessus, ça s'appelle « les conditions matérielles d'exercice de la mission enseignement supérieur et recherche de l'université », puisque 50% des laboratoires, y compris les unités mixtes du CNRS, sont dans des locaux universitaires.
E. Chavelet : Et sur le milliard affecté chaque année, il y en aura combien pour ça ?
R.- Ecoutez, nous sommes en pleine discussion budgétaire, madame Chavelet.
G. Bonos : Elle va vite en besogne !
R.- Donc nous allons présenter nos propositions à Bercy la semaine prochaine. Il y aura une bonne part de ces crédits supplémentaires, qui sera consacrée à trois
G. Bonos : Attendez, Bercy ça sera qui ? Ça sera monsieur Woerth ou monsieur Borloo qui fera ça ?
R.- C'est le budget.
E. Chavelet : Ça sera les Comptes... Ça sera monsieur « Non. »
R.- Nous sommes dans la phase de négociation budgétaire avec le ministère des Finances, et évidemment moi je me sens garante du fait que les engagements du président de la République vis-à-vis de l'université vont être tenus, donc garante du fait de récupérer ces crédits. Mais là encore, je vous l'ai dit, en les affectant à des priorités claires. Il se trouve que nous avons fait réaliser l'année dernière, ce qui va nous être très utile, un audit de l'état des bâtiments universitaires, donc nous savons aujourd'hui, très clairement, les endroits où il faut réaliser les investissements, et ceux qui n'en ont pas besoin, et ça commence par la mise en sécurité des locaux, vous avez parlé du cas du chantier de Jussieu, mais il n'y a pas que Jussieu, il y a un certain nombre de bâtiments qui doivent être mis en sécurité. Au-delà de la mise en sécurité, il y a l'amélioration globale de l'état des bâtiments, les rénovations, et puis il y a aussi une troisième chose dont vous n'avez pas parlé, c'est la mise aux standards internationaux des bâtiments, c'est-à-dire qu'il faut absolument - moi je suis arrivée dans un ministère qui restait encore dans son jus, si je puis dire, si je le dis comme ça, c'est-à-dire que dans les salles de réunion, nous n'avons pas de visioconférence, nous avons quand même un peu...
E. Chavelet : Quelques ordinateurs...
R.- Nous avons des ordinateurs et du haut débit, mais enfin !
G. Bonos : C'est tout le charme des bâtiments haussmanniens.
R.- Quand j'ai vu le téléphone portable qu'on ne proposait, j'ai dit « ah bon, parce que le ministère de la Recherche n'a pas de Smartphone ou de téléphone intelligent avec de l'Internet, par exemple », bon ! Donc, si vous voulez je crois qu'il faut passer aux standards internationaux. Mais vous avez raison de dire qu'on est au stade, aujourd'hui, de l'urgence, sur l'immobilier, parce qu'on a des étudiants et des enseignants chercheurs qui viennent visiter les campus, et qui repartent...
E. Chavelet : Donc vous prenez l'engagement d'y remédier ?
R.- Oui, oui, ils repartent...
E. Chavelet : Vous vous donnez combien de temps pour remédier à ça, parce qu'on voit beaucoup de chantiers, beaucoup de promesses, mais est-ce qu'il y a des engagements... ?
R.- On va « phaser » les travaux. Le problème, vous l'avez bien compris, c'est un problème de financement ...
E. Chavelet : C'est ça qui est inquiétant.
R.- Non mais attendez...
E. Chavelet : Est-ce que vous les aurez ?
R.- Ce n'est pas inquiétant. J'ai des crédits publics, qui vont arriver, ces crédits publics on va les affecter aux priorités. Après, il faut absolument que j'aille chercher d'autres crédits, et moi, je vais vous dire, je ne me mets aucune barrière, je vais aller tendre ma sébile, la sébile de l'université et de la recherche, auprès de tous les grands investisseurs qui pourraient être concernés par ces sujets...
E. Chavelet : Privés même ? Privés ?
R.- D'abord ceux qui sont dans la sphère parapublique, mais j'imagine qu'on peut aussi avoir des financements privés pour l'université. Pour l'immobilier universitaire proprement dit, je ne pense pas, mais peut-être pour l'immobilier étudiant, les logements étudiants par exemple, on peut tout à fait imaginer de faire financer des résidences étudiantes. Moi j'ai été très choquée - cette semaine, j'ai visité l'Ecole Physique - Chimie de Paris...
G. Bonos : Qui collectionne quelques prix Nobel dans son histoire.
R.- Exactement.
E. Chavelet : Oui, mais qui a un statut tout à fait autonome.
R.- Ça ne vous a pas échappé, monsieur Bonos.
G. Bonos : Tout à fait.
R.- Et donc, l'Ecole Physique-Chimie de Paris, nous l'avons visitée avec le président de la République parce que le président de la République souhaitait rendre un hommage national à P.-G. de Gennes, et, en visitant Physique-Chimie, nous nous sommes aperçus que les grandes entreprises françaises ne finançaient plus les bourses doctorales de l'Ecole Physique-Chimie de Paris.
G. Bonos : Pourquoi ?
R.- On n'en sait rien. Ces bourses sont financées par tous les grands laboratoires du monde, qui veulent avoir des doctorants à l'Ecole Physique-Chimie de Paris. Mais les responsables de l'école nous ont dit : "des grandes entreprises du secteur pharmaceutique, du secteur des cosmétiques - enfin bon, je ne donne pas de nom, mais vous voyez de qui je veux parler -, eh bien ne financent pas de bourses doctorales".
G. Bonos : L'école ne le veut pas, c'est ça ?
R.- Non, je crois que c'est en réalité parce que peut-être, peut-être parce que nous avons négligé l'enseignement supérieur, nous avons oublié que c'était un investissement absolument nécessaire pour le pays.
G. Bonos : Madame Pécresse, c'est dans ce cadre-là aussi que les salaires des étudiants, si on en croit l'Agence France Presse, dans le projet de loi sur l'emploi et la fiscalité, les salaires des étudiants seront exonérés d'impôt dans la limite de trois fois le SMIC, jusqu'à l'âge de 25 ans, alors que jusqu'à présent c'était 21 ans ?
R.- Sur la défiscalisation du revenu étudiant, c'est vraiment une mesure qui est dans le cadre du programme "travail" du président de la République, revaloriser le travail. L'idée c'est quoi ? C'est de faire en sorte que quand les étudiants travaillent, ils ne soient pénalisés ni pour l'octroi de leur bourse, ni pour l'octroi des aides au logement, et que ce soit neutre pour eux et qu'ils gardent le fruit de leur travail. Je trouve que c'est une très bonne mesure. Simplement, moi en tant que ministre de l'Enseignement supérieur, ce que je veux, je suis favorable au travail étudiant, ça leur permet de voir le monde de l'entreprise, ça leur permet aussi d'avoir un peu d'argent pour leurs loisirs, pour...
G. Bonos : Pour vivre.
R.- Non, non, pour mettre du beurre dans les épinards, mais je ne veux pas qu'ils travaillent pour vivre, je veux que ce soit un choix, je ne veux pas que ce soit une nécessité. Or, moi, la situation que j'ai constatée, et qui est très bien relatée dans un rapport de mon collègue L. Wauquiez, qui est un rapport remarquable et une base de travail remarquable pour moi, il faut absolument que les bourses étudiantes suivent et que nous n'ayons pas, dans la classe moyenne, et plus encore dans les milieux défavorisés, des jeunes qui sont obligés de travailler pour vivre, des étudiants qui sont obligés de travailler pour vivre, parce que les étudiants ils doivent étudier.
G. Bonos : Dernière question, politique. V. Pécresse, vous vous présentez dans votre circonscription, la 2ème des Yvelines, c'est Versailles/ Chevreuse.
R.- Versailles Sud, Vélizy et Chevreuse.
G. Bonos : Voilà, mais vous gardez votre place de ministre, donc c'est une élection pour rire ?
R.- C'est tout le contraire, c'est uniquement mon élection qui me donne la légitimité d'être ministre, c'est-à-dire que si je ne suis pas capable d'avoir le soutien de mes électeurs localement, c'est la règle républicaine, ça veut dire que je ne suis pas capable d'être au Gouvernement, donc en réalité cette élection c'est une sorte de validation, par mes électeurs Yvelinois, de ma nomination.
G. Bonos : Et c'est votre suppléant ou votre suppléante qui va être... ?
R.- Oui, je fais aujourd'hui ma campagne, en allant présenter mon suppléant dans l'ensemble de ma circonscription, mais simplement ce que les électeurs de Yvelines ont très bien compris, c'est que s'ils ne votent pas pour moi le 10 et 17 juin, en réalité, je ne serai plus députée, ni ministre.
G. Bonos : C'est tout le contraire qu'on vous souhaite madame Pécresse. Merci beaucoup.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 7 juin 2007