Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à Radio France Internationale le 15 juin 2007, sur le projet de TVA sociale et le deuxième tour des élections législatives.

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Texte intégral

F. Rivière.- Bonjour V. Pécresse !
 
R.- Bonjour !
 
Q.- Le président de la République est intervenu personnellement hier soir dans le débat sur la TVA sociale pour affirmer, je cite, qu'il "n'accepterait aucune augmentation de la TVA dans sa forme actuelle", [ce] qui aurait pour effet de réduire le pouvoir d'achat des Français. Est-ce qu'il fallait remettre un petit peu d'ordre pour ne pas affoler les électeurs à deux jours du deuxième tour des législatives ?
 
R.- Il faut savoir que cette idée de la TVA sociale, N. Sarkozy l'a portée pendant toute la campagne présidentielle. Il s'agit d'une TVA anti-délocalisation. Quelle est l'idée ? D'ailleurs l'idée au départ, elle vient du Centre, elle vient de J. Arthuis, un sénateur UDF qui a énormément travaillé sur le sujet. L'idée c'est quoi ? C'est d'enlever les charges sociales sur les produits que nous produisons aujourd'hui, parce que ces charges sociales, elles font que nos produits sont trop chers, sont trop chers à l'exportation et conduisent les entreprises à aller les fabriquer ailleurs, dans des pays qu'on appelle des "pays à bas coûts", qui en réalité pratiquent- je vais utiliser des mots compliqués - le dumping social. C'est-à-dire qu'ils n'ont pas la même santé que nous, qui n'ont pas les mêmes protections sociales, la même retraite, etc., donc qui n'ont pas les mêmes charges, ce qui pèse sur les prix des produits. Et donc, moi j'ai Alcatel dans ma circonscription qui est en plan social, parce qu'aujourd'hui, si vous allez produire les biens d'Alcatel en Chine, ces produits sont beaucoup moins chers. Alors quel est l'intérêt d'enlever les charges sociales ? Les charges sociales, vous les enlevez et donc votre produit est moins cher et vous pouvez l'exporter moins cher et vous pouvez le produire en France. Alors, il faut remplacer ces charges sociales par un autre impôt, c'est la TVA sociale. C'est-à-dire que vous transférez ces charges sociales sur de la TVA. Il n'y a aucun effet normalement sur les prix, puisque c'est juste un effet de transfert.
 
Q.- Il y a quand même un peu d'affolement. Si le président de la République s'est senti obligé d'intervenir en disant "Oh, là, là, attention, rien n'est fait, il ne faut pas que cela réduise le pouvoir d'achat", il fallait quand même rassurer !
 
R.- Oui, parce que les socialistes ont joué sur l'idée que cela serait une augmentation de la TVA, ils n'ont pas parlé de la baisse des charges sociales qui allait avec. Donc, ils n'ont pas expliqué que ce serait neutre sur les prix, que cela n'empiéterait pas sur le pouvoir d'achat des Français.
 
Q.- Ils ne sont pas là pour faire votre campagne, en même temps.
 
R.- Non, mais ils ont joué sur l'ambiguïté, sauf que vraiment cette thématique de la TVA sociale, on en a parlé pendant toute la campagne. Moi je vais vous dire, j'ai eu cinq plans sociaux dans ma circonscription : Giat, Alstom, Alcatel, Nortel, aujourd'hui d'autres entreprises qui sont un peu en situation difficile comme Peugeot. Je veux dire que quand on parle de TVA sociale et qu'on leur explique ce que c'est, et que c'est pour permettre aux entreprises françaises d'être plus compétitives et de produire en France, je peux vous dire qu'ils comprennent bien.
 
Q.- V. Pécresse, le deuxième tour des législatives c'est dans 48 heures, dimanche. Toutes les projections vous donnent une très confortable majorité, autour ou un peu plus de 400 sièges. Le président N. Sarkozy et le Premier ministre ont répété- on l'entendait encore il y a quelques instant - qu'ils avaient besoin d'une "forte majorité" pour mettre en oeuvre les réformes qui ont été annoncées pendant la campagne. A quel seuil situez-vous une "forte majorité " ?
 
R.- A la majorité ! Il faut qu'on ait suffisamment de voix pour pouvoir faire passer un texte, sans avoir besoin d'aller demander l'aide de l'opposition ou d'être en difficulté. Donc, il nous faut la majorité des sièges, c'est-à-dire à peu près autour de 300 sièges...
 
Q.- Il n'est pas indispensable qu'elle soit "forte" donc ?
 
R.- C'est mieux une majorité forte, parce que vous savez, même dans un parti comme l'UMP, où on a le sentiment qu'il y a une très forte adhésion à N. Sarkozy, dans le concret de la gestion quotidienne des projets de loi, il y a différentes sensibilités qui s'expriment toujours. C'est-à-dire que contrairement à l'image qu'en ont les Français, un parti comme l'UMP, cela va du Parti radical jusqu'aux souverainistes, en passant par les libéraux, les gaullistes sociaux, tout ça... les centristes, il y a beaucoup de centristes à l'UMP. Donc tout ça cela forme en fait, j'allais dire une famille, mais dans cette famille il y a plein d'idées différentes. Et donc, quand vous arrivez, vous, avec votre projet de loi à l'Assemblée nationale - ce qui va m'arriver bientôt avec le projet de loi Université - j'aurai des familles qui seront pour un certain nombre de choses, d'autres qui seront contre.
 
Q.- Oui, mais à la fin tout le monde vote comme un seul homme quand même ?
 
R.- Ah oui, mais enfin, vous savez quelquefois vous avez des moments où c'est assez tendu dans l'Hémicycle et où les députés ne sont pas d'accord forcément avec la politique du ministre.
 
Q.- Alors justement, le nouveau Centre, c'est-à-dire les UDF ralliés à la majorité présidentielle, dont H. Morin est un peu l'incarnation - il pourrait prendre la direction de ce parti - qu'est-ce que vous attendez de ce groupe, puisque sans doute, le nouveau Centre aura un groupe entre vingt et vingt-cinq députés, qu'est-ce que vous attendez d'eux ?
 
R.- Moi, je crois qu'ils ont quelque chose à apporter, ils ont une sensibilité qui est un tout petit peu différente, même s'ils se rapprochent beaucoup des centristes de l'UMP, comme J.-L. Borloo par exemple. Mais ils ont une sensibilité qui est un petit peu différente, moi je le vois bien, j'ai travaillé avec eux : ils sont plus européens, ils sont plus décentralisateurs, ils ont des réflexes qui les poussent à avoir des idées un tout petit peu différentes, donc ils seront apporteurs d'idées dans une majorité d'idées.
 
Q.- N. Sarkozy leur avait dit " Vous pouvez nous rejoindre sans vous renier". Quelle indépendance vont-ils avoir ? Est-ce qu'ils pourraient aller jusqu'à l'idée par exemple que défendait F. Bayrou, et que certains ont défendue à ses côtés pendant la campagne présidentielle : "je vote oui quand cela me plaît, je vote non quand cela ne me plait pas" ?
 
R.- Je crois que quand on est dans la majorité présidentielle, il y a deux choses qui sont incontournables : on ne vote pas de motion de censure, comme l'avait fait F. Bayrou contre le Gouvernement, et on vote le budget. Je crois qu'il y a deux rendez-vous : on vote les déclarations de politique générale, on vote le budget et on ne dépose pas de motion de censure. Je pense que c'est ça la loyauté que l'on demande à un parti qui est dans la majorité. Après, que ce parti là nous dise...
 
Q.- Sur d'autres textes ?
 
R.- Voilà, que ce parti-là nous dise "sur ce texte-là, nous nous abstiendrons parce que cela ne nous correspond pas", ou même "nous voterons contre ce texte ponctuel, parce que cela ne correspond pas à nos engagements ou à nos idées", cela ne me choque pas. En revanche, je pense qu'adhérer à une politique c'est lui donner les moyens de se faire et c'est voter quand il y a des grands rendez-vous sur l'ensemble de cette politique.
 
Q.- V. Pécresse, on voit par exemple que le nouveau Centre, avec autour de 2% aux législatives, devrait avoir un groupe parlementaire, que le MoDem de F. Bayrou avec 7 % aura entre un et quatre députés, c'est la question du mode de scrutin, on en a beaucoup parlé, est-ce qu'il faut de la proportionnelle ? N. Sarkozy en avait parlé, mais plutôt pour le Sénat en ce qui le concerne. Est-ce que vous êtes favorable à ce que le mode de scrutin assure une meilleure représentativité à l'Assemblée nationale ?
 
R.- Je suis favorable à des majorités cohérentes, parce que vous savez, gouverner c'est tellement difficile et réformer la France c'est tellement difficile aujourd'hui. On est dans un pays où il faut vraiment faire la pédagogie de la réforme en permanence. Donc, en plus avoir des majorités fragmentées, être obligé d'aller négocier avec chaque groupe, j'allais dire, le bout de gras, comme cela se faisait jusqu'à la 3ème République pour avoir les voix, je crois que ça ce n'est pas un mode de fonctionnement rationnel pour la démocratie. Et j'ai toujours été favorable, de mon côté au scrutin majoritaire à l'Assemblée nationale, uninominal, pardon à l'Assemblée nationale. Pourquoi ? Parce que moi j'ai peur du scrutin proportionnel qui ferait arriver à l'Assemblée nationale des apparatchiks de la politique, des apparatchiks qui n'ont jamais vu un électeur de leur vie, qui n'ont aucun compte à rendre à personne. Moi, là, je viens d'être élue au premier tour, c'est une grande satisfaction pour moi et pour être élue, il a fallu que je retourne voir mes électeurs et j'ai fait vingt réunions avec eux et ils ont pu me poser toutes les questions qu'ils voulaient sur le cinq dernières années et mon bilan - et ça c'est quelque chose qu'un élu à la proportionnelle ne fera jamais. C'est-à-dire qu'on ne le verra jamais sur le terrain.
 
Q.- Oui, mais vous ne comprenez pas la frustration que peut générer le mode de scrutin chez les millions d'électeurs qui ne voient personne les représenter ?
 
R.- Si, c'est pour ça que je comprends tout à fait que le président de la République souhaite ouvrir ce débat et qu'il souhaite l'ouvrir d'ailleurs avec l'ensemble des formations politiques qui composent la vie politique française. A mon sens, la proportionnelle trouverait idéalement sa place au Sénat. Je vais vous dire pourquoi. Parce que je pense que cela fera du Sénat, cela revivifiera encore le Sénat, cela lui donnera un rôle d'expression des différents courants d'idées, en plus du rôle d'expression des collectivités locales et je pense que ce serait un atout pour le Sénat.
 
Q.- N. Sarkozy indiquait la semaine dernière que les nominations de secrétaires d'Etat confirmeraient l'ouverture. Vous avez des informations, on peut s'attendre à des surprises, à des nominations spectaculaires ?
 
R.- Vous savez avec N. Sarkozy, il faut toujours s'attendre à des surprises, mais je n'ai aucune information.
 
Q.- L'UMP a été depuis la prise de la présidence de N. Sarkozy à l'UMP, une formidable machine à gagner, machine électorale, que doit-elle devenir maintenant ?
 
R.- Il faut absolument que l'UMP continue de réfléchir, parce que, ce qui me frappe, c'est que vraiment, si on voit aujourd'hui le Parti socialiste, les raisons de son échec, c'est vraiment qu'il a arrêté de moderniser son logiciel de penser, pendant cinq ans. Et nous, nous devons, en permanence continuer à moderniser notre mode de réflexion sur le monde. Là, ce soir je serai au G8 en Slovénie, sur la recherche, on va parler de biodiversité, je veux dire, la prise de conscience environnementale à l'UMP est très récente, mais je peux vous dire qu'elle est portée par un grand nombre de députés et de ministres UMP. De la même façon, je pense qu'en matière universitaire, c'est aussi la première fois qu'un parti de droite s'intéresse à la question de l'enseignement supérieur et s'y intéresse vraiment et je crois que ça c'est très très important. Donc cela veut dire qu'il faut continuer à regarder le monde tel qu'il est aujourd'hui, il bouge énormément. Nous allons avoir bientôt un million de chercheurs en Chine, nous allons être concurrencés par les universités indiennes et chinoises. Je veux dire, il faut bien voir, alors ce n'est pas aux auditeurs de RFI que je le dirai, mais la politique française a trop souvent été autocentrée sur notre pays. Il faut absolument regarder le monde et il faut continuer à réfléchir.
 
Q.- D'un mot, sur un plan plus personnel, cela fait quoi d'être la benjamine du Gouvernement ?
 
R.- Ecoutez, je ne le vis pas comme ça du tout, mais je vais vous dire, cela ne change rien à l'importance des responsabilités qui m'ont été confiées. C'est sans doute un des ministères les plus exposés de ce Gouvernement, donc j'en suis très fière d'en être la titulaire, d'autant plus que c'est le ministère de l'avenir. Et je vais vous dire aussi, plus personnellement, que quand je rencontre les étudiants, qui sont mes partenaire de dialogue, je n'ai pas l'impression que la jeunesse soit pour eux un signe ni d'incompétence, ni forcément un défaut.
 
Q.- Merci, V. Pécresse. Bonne journée !
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 juin 2007