Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à France Info le 21 juin 2007, sur le projet de réforme des universités.

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Média : France Info

Texte intégral

O. de Lagarde.- On va parler bien évidemment du projet de loi sur l'université. Peut-être un petit mot, une petite réaction à cette petite phrase assez tonitruante tout de même de S. Royal qui déclare que le Smic à 1.500 euros bruts ou la généralisation des 35 heures - deux engagements forts dans le projet socialiste - n'étaient pas crédibles, c'est une phrase de S. Royal.
 
R.- Je trouve ça assez grave. Cela veut dire que S. Royal a défendu pendant toute la campagne présidentielle un certain nombre d'idées auxquelles elle ne croyait pas. Je crois que c'est grave parce que je crois que le pays a besoin de savoir, il a besoin de savoir la vérité. Et sur la question des universités, dont nous allons parler tout à l'heure, je crois qu'il y a un état des lieux qui fait consensus, en réalité ,à droite comme à gauche. C. Allègre, J. Lang, beaucoup de socialistes disent tout bas, parfois même tout haut, que la réforme de l'université ne peut plus attendre. Madame Royal hier a dit qu'elle était favorable à l'autonomie des universités et qu'elle le demeurerait, c'est faire preuve de courage, dans le contexte actuel que de dire la vérité.
 
[Pause]
 
Q.- C'est une priorité du Gouvernement a dit N. Sarkozy hier : le texte "Réforme des universités", sera présenté en Conseil des ministres mercredi prochain. On va essayer d'être didactique pour commencer. En quoi, selon vous, il va permettre aux universités de mieux fonctionner ?
 
R.- Toute l'idée c'est de s'inspirer des règles de fonctionnement qui marchent le mieux dans tous les pays du monde. C'est-à-dire : un gouvernement resserré, un gouvernement stratège, un gouvernement légitime qui sera le conseil d'administration de l'université. Aujourd'hui vous avez jusqu'à 60 membre dans les conseils d'administration et le conseil d'administration s'occupe de toutes les plus petites décisions de l'université : l'installation du parcmètre devant l'université, les congés sabbatiques du personnel, l'organisation du travail... Il faut distinguer désormais. On aura un comité technique paritaire dans les universités qui sera le lieu du dialogue social et un conseil d'administration qui s'occupera de la formation et de la recherche. On aura un président qui sera beaucoup plus légitime, qui sera élu sur un projet, et qui sera jugé sur ses résultats, puisqu'il aura un mandat renouvelable. Donc vous voyez, on donne aux universités un vrai gouvernement.
 
Q.- Et cela va améliorer les cours ?
 
R.- Cela va améliorer considérablement les choses parce que ça veut dire que les universités pourront définir des politiques de formation, pourront se concentrer sur l'enseignement et la recherche, qui sont leurs deux missions prioritaires. Et sur une troisième que nous avons inscrite dans la loi, qui nous parait indispensable - et ça ce sont, j'allais dire, les conséquences de la crise du CPE - : l'insertion professionnelle. Nous souhaitons que les universités s'occupent d'insertion professionnelle désormais, c'est une demande des syndicats étudiants.
 
Q.- C'est ce que demandait effectivement la FAGE. Depuis trois semaines, vous les avez reçus, finalement vous n'avez eu de cesse que de les rassurer et puis la publication de votre avant-projet de loi a été vécue comme une douche froide. En clair : vous savez chercher un peu à les endormir avant les législatives ?
 
R.- Absolument pas, nous avons mené depuis un mois, une concertation qui a été intense, riche et utile. Intense, riche et utile pourquoi ? Parce que ce qu'ils nous on dit, c'est qu'ils souhaitent, parce que dans cette loi donc il y a un nouveau gouvernement pour les universités et puis il y a de nouvelles compétences qui sont données aux universités, de nouvelles responsabilités. Ce que nous ont dit tous nos partenaires de la concertation, c'est qu'il faut que les universités aillent toutes dans ce nouveau statut. C'est-à-dire que ce soit un statut qui soit offert à tout le monde. C'est comme ça qu'est conçu le projet de loi. Le projet de loi c'est la loi portant organisation de la nouvelle université, de l'université française du 21ème siècle. Nos souhaitons que toutes les universités s'approprient ce statut, mais ...
 
Q.- Ah oui, il y a un mais !
 
R.- Nous avons fait preuve d'un total pragmatisme, il y a un certain nombre de responsabilités - et nos partenaires de la concertation le savent, on en a discuté ensemble - qui ne peuvent pas être aujourd'hui données aux universités sans que celles-ci aient fait un effort pour acquérir de nouvelles compétences et sans aussi que l'Etat ne jette un regard vigilant sur ces nouvelles responsabilités. Parce qu'il ne s'agit pas de désengager l'Etat, il s'agit d'accompagner la réforme. Un exemple : l'immobilier. Est-ce que vous pensez aujourd'hui que toutes les universités peuvent gérer leur patrimoine immobilier ? C'est totalement impossible, il y a 85 universités, 85 situations différentes. Entre Créteil et La Sorbonne, vous imaginez qu'avec les monuments historiques de la Sorbonne, ce n'est pas la même gestion immobilière. A Créteil, il y a une très forte compétence immobilière, il y a des personnes dans l'université qui gèrent très bien l'entretien de l'immobilier. Donc on pourrait imaginer transférer l'immobilier à Créteil, à La Sorbonne ce sera plus compliqué.
 
Q.- L'immobilier c'est une chose mais ça ne concerne pas vraiment les étudiants, vous voulez instaurer une sélection à Bac + 3...
 
R.- Bac +4, non !
 
Q.- C'est après Bac +3, le Mastère...
 
R.- Oui mais pas à Bac +3, justement.
 
Q.- Cela coince du côté des étudiants ?
 
R.- J'ai pris l'engagement, dès le début de la concertation, de ne pas instaurer de sélection à l'entrée à l'université et les syndicats étudiants savent bien que c'est l'engagement que j'avais pris. Et donc que cet engagement a été tenu dans les textes...
 
Q.- C'est une sélection...
 
R.- L'entrée est libre, après le Bac, à l'université. Ensuite, il y a la question du Mastère, parce que vous savez que l'université est organisée en trois diplômes : licence, 3 ans, Bac +3 - Mastère, Bac +4, Bac +5 - et le doctorat ensuite. Le conseil national de l'Enseignement supérieur et de la recherche s'est prononcé l'année dernière sur cette question du Mastère et a décidé à la majorité, qu'il devait être possible - c'est une faculté - pour certains conseils d'administration, d'organiser la sélection à M1 et non pas à L3, c'est-à-dire à la première année du Mastère, Bac +4. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, vous le savez sûrement, la sélection est au milieu du Mastère, c'est-à- dire qu'elle est à la fin de la quatrième année. Cela veut dire qu'on laisse entrer des étudiants dans les Mastères, qui au bout de la quatrième année, vont sortir sans diplôme du Mastère, parce qu'ils auront été sélectionnés. Vous voyez bien que c'est une confusion, il faut donner de la cohérence au diplôme du Mastère. C'est ce que souhaite le Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la recherche et c'est aussi ce que souhaite le ministre. Alors ça veut dire que c'est une faculté et pas une obligation pour les conseils d'administration, pourquoi ? Parce qu'il y a certaines filières de formation comme les sciences humaines par exemple, où il y a des agrégations, agrégations du secondaire, l'histoire ou alors en mathématique. Dans ces filières-là, évidemment, il faut aller jusqu'à la maîtrise, l'ancienne maîtrise - donc Bac +4 sans sélection - et la sélection arrive à l'agrégation. Donc vous voyez, c'est l'autonomie, cela veut dire que les universités vont décider de leur politique de formation. Pourquoi ? Mais pour que les étudiants y gagnent, pour que les étudiants aient de meilleurs diplômes, plus adaptés au monde professionnel. Je crois que c'est tout l'objet de cette réforme.
 
Q.- Vous n'avez pas inscrit dans la loi, l'interdiction de l'augmentation des droits d'inscription, comme le demandaient les syndicats, vous savez ce qu'on dit : "qui ne dit mot consent", finalement vous l'autorisez par ce non-dit ?
 
R.- Ah non c'est l'inverse, c'est-à-dire qu'aujourd'hui les frais d'inscription, relèvent exclusivement de la décision du ministre, c'est une loi de finance des années 50, nous ne l'avons pas mis dans la loi, parce que ce texte existe. Ce que nous mettons dans la loi, ce sont les réformes, ce sont les changements de la législation. Quand les syndicats disent qu'il faut réinscrire les frais d'inscription dans la loi, ils me demandent de répéter une loi qui existe déjà. En réalité tout ça c'est à mon avis, plutôt un argument politique qu'un argument réel...
 
Q.- Les présidents d'université n'auront pas le loisir d'augmenter les frais d'inscription ?
 
R.- La loi est extrêmement claire, c'est un engagement aussi que j'ai pris vis-à-vis des syndicats, que je tiens. La loi dit : "les frais d'inscription sont fixés chaque année par arrêté du ministre". Ça va d'ailleurs être le cas à la fin du mois de juin.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 21 juin 2007