Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur la fermeture du chantier naval de La Ciotat, à La Ciotat le 15 juin 2007.

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Circonstance : Meeting au chantier naval de la Ciotat le 15 juin 2007

Texte intégral


Cher(e)s ami(e)s, cher(e)s camarades,
Je vous remercie tout d'abord d'être venus si nombreux aujourd'hui pour ce meeting.
Merci aux militants, aux adhérents de la CGT de la région PACA et du département des Bouches du Rhône qui ont préparé et organisé cette initiative pour marquer syndicalement la réindustrialisation de ce site de La Ciotat.
Merci aux salariés et aux responsables de la SEMIDEP qui ont permis que se tienne cet évènement.
Nous sommes ici, sur ce chantier de La Ciotat, dans un lieu symbolique à plus d'un titre.
Des milliers d'ouvriers, de techniciens, de cadres se sont ici succédés au fil des décennies pour faire de La Ciotat un haut lieu de la construction maritime française.
Un haut lieu aussi de la conscience ouvrière de notre pays. Ici, les savoirs faire exceptionnels, les compétences et la technicité des salariés se sont toujours renforcés d'un engagement militant et syndical de haut niveau.
La Ciotat et son chantier incarnent tous les combats qui ont marqué le siècle passé. A ce titre, de nombreux dirigeants de la CGT s'y sont investis.
Mais La Ciotat c'est encore plus : c'est avant tout une formidable détermination de ses salariés de ne pas accepter l'inacceptable, de ne pas accepter la désindustrialisation, la perte des emplois et des savoirs faire.
La fermeture du chantier en 1988 n'a pas entamé cette détermination. 12 années d'occupation - c'est sans nul doute un record ! - auront été nécessaires pour qu'enfin, en 2000, un accord soit signé ouvrant la voie à la réindustrialisation de ce site. Il aura fallu 7 années de plus pour obtenir les investissements nécessaires pour une relance effective de cette activité. Mais le résultat est là devant nous aujourd'hui : plusieurs entreprises se sont installées sur le site rénové qui comptera 750 emplois d'ici la fin de l'année et plus de 1000 d'ici 2010, selon les prévisions actuelles.
Je voudrais saluer tous ceux qui ont pris part à ce combat et à ce qu'il convient d'appeler une victoire.
Je voudrais saluer leur constance dans ce combat de longue haleine mais aussi leur lucidité.
Dès le départ, leur lutte a été menée sous le double signe de la résistance et de la reconquête de l'outil industriel, à partir d'une multiplicité de propositions alternatives.
Une lutte menée aussi sous le signe de l'intérêt commun : pour la reconquête du chantier, bien sûr, mais aussi pour l'activité maritime et portuaire en général et plus largement pour la relance partout de nos atouts industriels.
Cette lutte pour une politique industrielle digne de ce nom est toujours d'actualité.
La saignée de l'emploi industriel a été sans précédent ces trente dernières années. Les batailles ont été dures, souvent très dures ... Nous sommes loin de les avoir toutes gagnées.
Certaines ont pu laisser un sentiment d'amertume et de désarroi auquel s'ajoute celui d'avoir été floué dans des régions entières.
Mais c'est grâce à elles qu'aujourd'hui la France peut encore se considérer comme un pays industriel, que nous avons encore les moyens de débattre d'un certain nombre de choix pour l'avenir.
N'hésitons pas à demander des comptes, n'hésitons pas à mettre sur le grill la gestion des firmes, la recherche effrénée de la rentabilité au seul profit des actionnaires, la vision à court terme qui fait sacrifier des milliers de salariés pour un hypothétique bénéfice supplémentaire.
La première exigence en matière industrielle que nous adressons au nouveau gouvernement est qu'il agisse pour réorienter les ressources disponibles des firmes vers les besoins.
Ces dernières années, ce sont des dizaines de milliards de cadeaux qui ont été faits aux actionnaires, des dizaines de milliards d'euros totalement stérilisés contre l'emploi et la croissance.
Les grandes firmes font des bénéfices record.
Mais, en dépit des gros mensonges du MEDEF, clairement démentis par les statistiques, c'est l'ensemble des entreprises qui, l'année dernière, ont globalement amélioré leurs résultats, tandis que les salaires régressaient, les investissements stagnaient et l'emploi industriel diminuait.
Quand un emploi industriel disparaît, ce sont 4 à 6 emplois qui sont directement menacés dans la filière, dans les services ou dans d'autres activités du bassin d'emploi.
Il n'y a pas de politique de l'emploi sans une dimension industrielle affirmée et, s'il existe d'autres potentialités, il est absurde et dangereux de penser qu'elles pourraient se développer sans lien étroit avec les activités productives.
Il n'y a pas de fatalité à la désindustrialisation.
Par contre, il y a des décisions des directions d'entreprise et des pouvoirs publics qui peuvent précipiter la ruine du tissu industriel ou, au contraire, le stabiliser et le développer.
C'est bien face à une telle alternative que nous nous trouvons.
Il est temps de faire place à une nouvelle politique industrielle et nous en avons les moyens.
Le nouveau Président de la République et son gouvernement y sont-ils prêts ?
Les premières annonces, en matière de fiscalité par exemple, ne nous portent pas à le croire. Il s'agit, pour l'heure, d'une politique pour les rentiers, pas pour ceux qui s'usent au travail.
Le projet de loi sur les heures supplémentaires va représenter une nouvelle aubaine financière pour les employeurs sans être générateur de travail supplémentaire pour ceux qui en sont exclus.
Pour les salariés, ce qui se dessine également c'est un nouvel alourdissement des prélèvements avec la TVA « sociale », qui n'a de social que le nom !
On veut nous présenter cela comme l'arme fatale anti-délocalisations. Voilà une nouvelle supercherie.
On ne nous fera pas prendre des vessies pour des lanternes. C'est une opération destinée à masquer une diminution de la rémunération du travail salarié, au travers des cotisations sociales payées par les entreprises, pour lui substituer une hausse de la TVA sur la consommation, c'est-à-dire l'impôt le plus injuste qui accroît les inégalités.
Nous ne laisserons pas faire !
Si les citoyens expriment une profonde aspiration au changement, le gouvernement aurait tort de considérer qu'ils plébiscitent ce genre de mesures.
Certes les thèmes de campagne du nouveau Président n'ont pas été sans échos.
Ainsi, le slogan doublement trompeur « travailler plus pour gagner plus » a pu laisser entendre à des travailleurs pauvres qu'enfin leur situation était prise en compte ; l'exaltation du mérite individuel a pu diffuser l'impression que chacun allait être reconnu .
Mais cela ne vaut pas approbation de tout et, je le réaffirme aujourd'hui, le débat social sur le contenu des réformes à entreprendre n'est pas clos avec le résultat des élections.
Il faudra que la future majorité parlementaire accepte la négociation avec les représentants des salariés.
Ce sont bien les préoccupations sociales qui sont jugées prioritaires - emploi, salaires, inégalités sociales - et elles sont le terrain privilégié de l'intervention syndicale.
Le discours volontariste et la détermination affichés par l'équipe gouvernementale ne peuvent masquer une évidence : après les discours de campagne électorale, toute majorité politique est confrontée à l'exercice concret du pouvoir, à ses imprévus et à ses réalités.
C'est dans le contexte nouveau issu des élections que la CGT entend déployer son activité et remplir un mandat : celui du premier syndicat de notre pays.
Celui de défendre, en toutes circonstances, les intérêts des salariés face aux employeurs et au gouvernement, quel qu'il soit.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire lors du grand meeting de Dunkerque la semaine dernière et je vous le répète aujourd'hui à La Ciotat : « la CGT n'est ni une organisation d'opposition par principe, ni un syndicat d'accompagnement de politiques ou de réformes dont les salariés seraient les victimes ».
Face à une droite décomplexée n'hésitant pas à afficher sa proximité, pour ne pas dire sa complicité, avec un patronat lui-même aux anges, nous sommes conscients que le mouvement syndical en général et la CGT en particulier ont à faire face à des questions décisives.
C'est peut-être cette attitude dérangeante qui explique les traitements médiatiques et politiques singuliers de la CGT et de ses militants au plan national et notamment dans ce département des Bouches-du-Rhône.
Plus encore que précédemment il nous faut parvenir par l'action et la négociation, combiner la résistance et la proposition et que cette double attitude, à la fois ferme et responsable, soit portée par un intense travail de mobilisation.
Le dernier bilan des élections aux comités d'entreprise pour 2005, publié début mai, place la CGT largement en tête des organisations syndicales et ce résultat doit nous conduire à honorer cette confiance grandissante.
Il nous encourage à poursuivre les efforts que nous avons déployés pour promouvoir une démarche syndicale qui, en toutes circonstances, part de ce que pensent et expriment les salariés, valorise l'élaboration collective des revendications et crée les conditions de la mobilisation et de l'unité syndicale.
C'est cette démarche qu'il nous faut plus que jamais déployer dans la période à venir. Nous allons donc aborder cette nouvelle période avec un état d'esprit offensif et responsable.
Offensif, parce que les impatiences sur le terrain social sont énormes et que les réponses que s'apprête à leur apporter le gouvernement apparaîtront, au fur et à mesure, pour ce qu'elles sont : inadaptées et source de plus grandes injustices.
Responsable, c'est-à-dire conscient que pour se faire entendre il faut rassembler largement les salariés, unir les organisations syndicales comme nous venons de le faire par exemple, pour s'opposer au projet du gouvernement en matière d'heures supplémentaires.
Comme organisation syndicale, nous jugeons aux actes et nous avons bien l'intention d'être partout où l'intérêt des salariés est en cause avec la volonté de faire avancer leurs revendications.
Nous serons présents sur tous les sujets : l'emploi, le SMIC et les salaires, la protection sociale, les retraites, les conditions de travail, les libertés syndicales . ! ...
Nous ne travaillons ni en fonction de l'agenda gouvernemental ni en fonction de celui du Medef - même si nous en tenons compte - mais en fonction des exigences sociales que les salariés n'ont cessé d'exprimer depuis de longues années.
Nous avons avant tout besoin d'être présents dans le débat d'idées, sur les solutions à mettre en oeuvre et cela dépend de notre capacité à porter des messages cohérents sur tous les lieux de travail, sur tous les lieux où nous sommes déjà organisés et ceux où nous sommes capables de nous déployer.
Pour porter les aspirations des salariés de notre pays, pour proposer des alternatives au programme brutal que le nouveau gouvernement nous annonce, nous avons absolument besoin d'organisations de la CGT renforcées.
Face à ce nouveau pouvoir, nous ne pèserons que par notre nombre, par notre rayonnement et notre détermination.
Nous avons de grandes ambitions sur le terrain des revendications, nous sommes conscients des obstacles à surmonter, du rapport de force qu'il nous faut créer pour parvenir à être entendus.
Les salariés savent pouvoir compter sur la CGT, mais la meilleure des garanties pour l'avenir c'est qu'un plus grand nombre de salariés prennent conscience qu'ils doivent eux-mêmes s'organiser, qu'ils doivent se syndiquer, créer leur syndicat CGT sur leur lieu de travail comme l'ont fait plus de 20 000 personnes qui, depuis le début de l'année, ont adhéré au syndicat.
Pour améliorer sa propre situation et participer à la défense des droits des salariés dans un cadre collectif, il faut se syndiquer à la CGT.
Aussi, j'invite l'ensemble des syndicats CGT de la région PACA et de ce département des Bouches du Rhône, et je vous invite vous les militants aujourd'hui présents à ce meeting à être offensifs aussi sur le terrain de l'adhésion à la CGT.
Allez vers les jeunes dont nous savons bien, depuis la belle victoire contre le CPE, qu'ils sont disponibles pour agir sur la construction de leur propre avenir.
Allez vers les travailleurs de toutes qualifications, parce qu'aujourd'hui ni le diplôme, ni la position hiérarchique ne protègent de la précarité et des restructurations.
Allez vers tous les salariés, parce qu'à la CGT on a sa place quelles que soient la couleur de sa peau, sa religion ou sa sensibilité politique.
Cher(e)s camarades,
Des travailleurs, ici à La Ciotat, ont fait la démonstration que, lorsque nous étions capables de rassembler toutes nos énergies, des résultats étaient possibles.
De l'énergie nous en avons et, dès demain, elle doit nous permettre de marquer des points dans la reconquête de nos outils industriels : des outils modernes durables, respectueux des femmes et des hommes qui y travaillent, respectueux de l'environnement. Après-demain, cette énergie servira pour d'autres conquêtes sociales !
Vive la lutte des salariés de La Ciotat !
Bon vent à toutes et tous pour le redémarrage de l'activité.
Je vous donne rendez-vous pour de nouvelles mobilisations et d'autres victoires.Source http://www.udcgt13.fr, le 28 juin 2007