Texte intégral
C. Barbier.- F. Fillon prononcera cet après-midi son discours de politique générale. Que peut bien signifier être Premier ministre, avec un Président aussi omniprésent ?
R.- Pourquoi dites-vous "omniprésent" ?...
Q.- Tous les dossiers, tous les sujets passent par lui !
R.- N. Sarkozy est, de mon point de vue, le premier Président du quinquennat dans notre pays. Fallait-il faire le quinquennat ou ne fallait-il pas le faire ? On l'a fait. Cela change beaucoup de choses que les deux élections aient lieu en même temps, l'élection du Président et ensuite d'une majorité qui rend possible le projet du Président. Et donc, que le Président soit le chef d'équipe, qu'il soit le chef d'orchestre, c'est tout à fait normal. J'ai conduit un certain nombre de grands chantiers dans ma vie, notamment les Jeux Olympiques en Savoie, avec J.-C. Killy, et dans les grands chantiers, comme celui qui s'ouvre pour la France, il y a toujours un maître d'ouvrage qui décide, qui finance, qui rend des comptes, et puis il y a des maîtres d'oeuvre. Eh bien, le Gouvernement, animé par F. Fillon, c'est le maître d'oeuvre. Nous sommes les maîtres d'oeuvre avec notre chef d'équipe, F. Fillon, mais sous l'autorité, sous l'impulsion du maître d'ouvrage, qui fait ce qu'il a dit aujourd'hui, et personne ne peut être surpris de cela.
Q.- C'est un quinquennat qui va être modifié en profondeur dans ses structures institutionnelles ; le Premier ministre en parlera cet après-midi. Si on vote les lois en commission, si les ministres qui quittent leur poste redeviennent députés sans élections partielles, si on limite tous les mandats à deux mandats consécutifs dans le temps, c'est un peu la VIème République qui s'annonce, non ?
R.- Que vous donniez un numéro nouveau à la République, ce n'est pas le sujet...
Q.- C'est une nouvelle République ! C'est le nom de votre club, vous devriez être content !
R.- Oui, j'ai créé un club qui s'appelle "Nouvelle République", donc je n'ai pas peur d'ouvrir ce sujet de la modernisation de notre République. Franchement, la Vème République n'est plus ce qu'elle était. Voilà bientôt cinquante ans qu'elle a été créée, nous sommes presque en 2008, cinquante ans après la création de la Vème République par le général de Gaulle. Est-ce qu'elle ressemble aux débuts ? Non. Elle a été touchée, retouchées - parfois de grandes retouches, comme le quinquennat - et rarement on a mis les choses en perspective. Donc je pense qu'il y a un toilettage, il y a une modernisation, il y a une nouvelle manière de faire de la politique, avec cette singularité française, si vous le permettez, qui est qu'en Europe, nous sommes le seul pays, le seul pays d'Europe, où le chef de l'exécutif est élu au suffrage universel. Dans aucun autre pays le Président, le responsable de l'exécutif, le Premier ministre, ne sont élus par les Français, par les citoyens, comme c'est le cas en France.
Q.- J. Lang va s'occuper, avec E. Balladur et P. Mazeaud, de ces chantiers ; H. Védrine prend une mission sur la mondialisation. Mais jusqu'où ira l'ouverture à gauche ?
R.- S'agit-il d'une ouverture à gauche ou au centre, ou plutôt de faire appel à toutes les intelligences ? Je trouve très important que quand on gouverne un pays, on n'abuse pas de sa victoire, qu'on la partage. C'est précisément ce que fait N. Sarkozy en allant chercher toutes les bonnes idées, en dehors de celles qui sont dans son camp, et qui sont nombreuses, comme celles qu'exprimera F. Fillon. Souvenez-vous, en 1984, j'étais président d'un conseil général, j'ai pris l'initiative d'inviter F. Mitterrand, à l'époque président de la République, devant mon conseil général...
Q.- Vous aviez été très critiqué...
R.- J'ai été très critiqué dans mon propre camp. C'était la première fois que je faisais le geste, que l'on faisait le geste d'une décrispation, d'une certaine modernité de la vie politique. Eh bien aujourd'hui, ce doit être la règle courante. Le sectarisme, c'est une preuve de faiblesse de mon point de vue.
Q.- Est-ce que les collaborateurs du Président ne parlent pas un peu trop dans les médias, ne devraient-ils pas être plus discrets ?
R.- Franchement, non. Je pense qu'ils parlent en harmonie et en loyauté avec le chef de l'Etat. Cela ne me choque pas qu'ils s'expriment, ce sont des gens importants, ce sont des gens qui jouent un travail d'équipe, donc je ne suis pas choqué par cela.
Q.- N. Sarkozy a expliqué hier à Strasbourg sa vision de l'Europe. Le traité simplifié, n'est-ce pas tout de même un enterrement de première classe pour la Constitution ?
R.- Mais qu'auriez-vous dit si on n'avait pas abouti à un accord dimanche dernier, s'il y avait eu un échec de cette négociation ? !
Q.- C'est mieux que rien ?
R.- Mais c'est la boîte à outils dont on a besoin ! Le préalable, quand on est 27 autour de la table, qu'il faut se parler, qu'il travailler, qu'il faut décider, c'est d'abord une boîte à outils. Donc on a la boîte à outils, notamment grâce à la présidence allemande et au travail considérable qu'a fait, avec A. Merkel, N. Sarkozy et d'autres Premiers ministres. Maintenant que l'on a cette boîte à outils, on va s'en servir, notamment pour faire ce qu'a dit le Président hier, c'est-à-dire ouvrir de grands chantiers critiques : la préférence communautaire, l'indépendance alimentaire, la nouvelle Politique agricole commune...
Q.- L'euro trop fort ?
R.-...la stratégie industrielle. Comment faire que l'euro ne soit pas seulement un bouclier mais un outil pour la croissance ? Voilà toutes les politiques que l'on va ouvrir, parce que c'est cela qui intéresse les gens. Mais d'abord, il fallait une boîte à outils. J'observe une dernière chose, si vous le permettez, c'est que non seulement N. Sarkozy fait maintenant ce qu'il a dit avant, et c'est assez nouveau, mais il explique ce qu'il fait, et notamment cette pédagogie de l'Europe et cette pédagogie du monde. Il faut expliquer ! Les Français sont intelligents, ils ont envie que l'on comprenne et qu'on leur dise ce qui se passe dans le monde et en Europe. C'est ce que fait le Président.
Q.- La boîte à outils ne sera-t-elle pas enterrée au Congrès, la majorité des trois cinquièmes n'est pas acquise...
R.- On parlait d'intelligence, tout à l'heure, de rassembler les intelligences. Franchement, il y a, à gauche, beaucoup de gens très intelligents, qui ne sont pas sectaires et qui ne vivent pas dans le passé. Ils savent raisonnablement, vous en avez cités quelques-uns, que cette boîte à outils on en a besoin. Donc j'espère qu'ils l'approuveront.
Q.- La France n'a-t-elle pas abdiqué avec le traité simplifié, son droit de veto sur les négociations, sur les positions européennes dans les négociations à l'OMC ?
R.- Sûrement pas, sûrement pas ! L'OMC est une négociation qui continue, et nous avons dit clairement quelles étaient nos ligne rouges, je les ai encore dites à monsieur Mandelson, qui est venu dans un colloque que j'ai organisé samedi, à Paris, sur "L'Europe ouverte ou l'Europe offerte ?", et je...
Q.- Il ne les a pas franchis, ces lignes rouges, Mandelson ?
R.- Je pense qu'il est en limite du mandat qui lui a été confié, mais comme vous le savez, il y a eu un échec de la dernière réunion à Potsdam, et donc, nous souhaitons franchement qu'il fasse attention, que la Commission fasse attention ; c'est notre rôle de le lui dire. On ne sacrifiera pas la PAC, elle ne sera pas la variable d'ajustement d'un accord à tout prix avec le Brésil, l'Inde ou les Etats-Unis, elle ne le sera pas.
Q.- La Commission européenne attaque la France devant la Cour de justice pour utilisation de filets illégaux dans la pêche au thon. Vous allez défendre les pêcheurs français ?
R.- Bien sûr que je les défendrai ! Parce que nous avons toujours été en désaccord avec cette analyse, selon laquelle la "thonaille", c'est-à-dire ce filet, était un filet dangereux pour les prises de thon, notamment. C'est une pêche artisanale qui concerne quelques dizaines de bateaux, avec des gens qui travaillent beaucoup et qui se lèvent tôt, comme l'ensemble des agriculteurs et des pêcheurs. Et j'ai donc annoncé hier, après avoir écouté les pêcheurs que j'ai rencontrés vendredi dernier, qu'à la suite d'éléments nouveaux scientifiques, nous pouvons plaider que cette méthode de pêche n'est pas dangereuse, elle ne devrait pas être interdite. Je ne sais pas si nous gagnerons mais nous allons défendre cette position.
Q.- Sur le thon, sur l'anchois, nos pêcheurs sont victimes de discrimination au profit d'autres nations, notamment les Espagnols ?
R.- Je vais rencontrer ma collègue espagnole dans quelques jours, avant le Conseil des ministres. Ce sont deux sujets différents, mais qui sont quand même liés à ce que l'on appelle "les réserves halieutiques". Combien y a-t-il de quantités de poissons disponibles ? Les pêcheurs sont les premiers à savoir qu'il faut préserver cette réserve, parce que c'est leur outil de travail, et c'est leur capacité de travailler. Nous souhaitons, je souhaite, je veux vérifier que les pêcheurs français sont traités équitablement par rapport, ici, aux pêcheurs espagnols, ou ailleurs, par rapport aux pêcheurs croates ou turcs qui pêchent le thon, notamment le thon rouge en Méditerranée.
Q.- Le Président va à Marseille, et les pêcheurs de thon seront présents à Marseille. Une rencontre aura-t-elle lieu ?
R.- Je pense que si les pêcheurs le souhaitent, les collaborateurs du Président les recevront. Moi-même, j'ai entrepris des négociations, j'ai rencontre le Comité national des pêches vendredi dernier. Je vais poursuivre cette négociation, notamment quand il n'y aura pas d'autre solution pour accompagner les pêcheurs financièrement, lorsqu'il y aura un manque à gagner s'ils ne peuvent pas pêcher normalement.
Q.- La ministre de L'Economie veut surveiller les prix des produits alimentaires cet été. Cela flambe sur le marché des matières premières alimentaires. Cela flambe sur le marché des matières premières alimentaires. Allez-vous surveiller les agriculteurs pour qu'ils tiennent leurs prix ?
R.- Mais est-ce que ce sont les agriculteurs qu'il faut surveiller ? Franchement, quand vous voyez la manière dont travaillent les gens ! Il faut aller voir dans les fermes, dans les exploitations agricoles, comment travaillent les agriculteurs, à quelle heure ils se lèvent, combien ils gagnent, réellement ! Ils gagnent difficilement leur vie ! Il faut respecter ce travail.
Q.- Alors c'est la grande distribution la fautive ?
R.- Il faut analyser comment est formé un prix et pourquoi certains prix flambent. Il y a parfois des conditions objectives, par exemple les conditions atmosphériques font que certains produits sont disponibles en plus ou moins grande quantité. Il y a des conditions objectives pour qu'un produit qui est rare coûte plus cher. Mais je ne souhaite pas que l'on montre du doigt les agriculteurs, même si, par exemple, je pense que pour respecter ce travail et pour le prendre en compte, je pense au secteur des fruits et légumes ou de la pêche, on pourrait peut-être étudier - je dis bien étudier - la mise en place de la TVA sociale. C'est sans doute un des secteurs dans lequel on pourrait étudier la faisabilité de la TVA sociale pour prendre en compte les charges qui pèsent sur le travail.
Q.- Bruxelles tolérera qu'on expérimente dans un secteur, par exemple, les fruits et les légumes, la TVA sociale ?
R.- D'abord, il faut se faire une propre opinion à nous, en France, nous allons étudier cette possibilité, ensuite, on peut plaider probablement, je crois ce dossier à Bruxelles.
Q.- Vous êtes optimiste, vous y croyez à la TVA sociale ?
R.- J. Monnet, qui a beaucoup compté pour moi, disait : "Je ne suis pas optimiste, je ne suis pas pessimiste, je suis déterminé".
Q.- La Commission européenne est déterminée, elle, à présenter un plan d'arrachage des vignes, et notamment des vignes françaises. Qu'allez-vous dire aux viticulteurs que vous rencontrez ce soir ?
R.- Je rencontre ce soir l'ensemble des professionnels du vin en France, qui, eux aussi, travaillent beaucoup, et produisent des produits de qualité. Je vais leur dire que nous serons en offensive. Je ne rejette pas toutes les propositions de la Commission, il y a parfois de bonnes propositions, par exemple, la modernisation des politiques d'étiquetage. Mais je n'accepte pas cette idée que l'on doive distiller ou arracher pour réduire les productions, alors que nous produisons des produits de qualité. Il s'agit plutôt d'aller à la conquête des marchés internationaux. Pourquoi aurait-on des complexes par rapport aux vins australiens ou américains ? Nous n'avons pas de complexes à avoir. Il faut vendre, être capables de vendre et pour cela, moderniser un certain nombre de choses pour être plus offensifs. Je suis dans cet état d'esprit, que l'on n'acceptera pas, sauf si on y est obligé, des politiques de régression, s'agissant de la production viticole.
Q.- La PAC changera en 2013. Etes-vous déjà dans sa réforme en ce moment ?
R.- Je pense, là aussi, qu'il ne faut pas être en défensive. Les agriculteurs savent bien, je leur ai dit plusieurs fois, avant même d'être leur ministre, que l'on devait maintenir la PAC en la rénovant, en la faisant bouger, en la mettant au coeur des sujets de société. La politique agricole, ce n'est pas seulement la question des agriculteurs, même si c'est d'abord la question des agriculteurs, c'est une question de société. Quand on parle d'emploi et de croissance, quand on parle de recherche, quand on parle de nouvelles énergies, quand on parle de sécurité alimentaire, de développement durable, on a l'agriculture et la pêche. Donc, on va mettre ce secteur productif au milieu des grands enjeux de société.
R.- Pourquoi dites-vous "omniprésent" ?...
Q.- Tous les dossiers, tous les sujets passent par lui !
R.- N. Sarkozy est, de mon point de vue, le premier Président du quinquennat dans notre pays. Fallait-il faire le quinquennat ou ne fallait-il pas le faire ? On l'a fait. Cela change beaucoup de choses que les deux élections aient lieu en même temps, l'élection du Président et ensuite d'une majorité qui rend possible le projet du Président. Et donc, que le Président soit le chef d'équipe, qu'il soit le chef d'orchestre, c'est tout à fait normal. J'ai conduit un certain nombre de grands chantiers dans ma vie, notamment les Jeux Olympiques en Savoie, avec J.-C. Killy, et dans les grands chantiers, comme celui qui s'ouvre pour la France, il y a toujours un maître d'ouvrage qui décide, qui finance, qui rend des comptes, et puis il y a des maîtres d'oeuvre. Eh bien, le Gouvernement, animé par F. Fillon, c'est le maître d'oeuvre. Nous sommes les maîtres d'oeuvre avec notre chef d'équipe, F. Fillon, mais sous l'autorité, sous l'impulsion du maître d'ouvrage, qui fait ce qu'il a dit aujourd'hui, et personne ne peut être surpris de cela.
Q.- C'est un quinquennat qui va être modifié en profondeur dans ses structures institutionnelles ; le Premier ministre en parlera cet après-midi. Si on vote les lois en commission, si les ministres qui quittent leur poste redeviennent députés sans élections partielles, si on limite tous les mandats à deux mandats consécutifs dans le temps, c'est un peu la VIème République qui s'annonce, non ?
R.- Que vous donniez un numéro nouveau à la République, ce n'est pas le sujet...
Q.- C'est une nouvelle République ! C'est le nom de votre club, vous devriez être content !
R.- Oui, j'ai créé un club qui s'appelle "Nouvelle République", donc je n'ai pas peur d'ouvrir ce sujet de la modernisation de notre République. Franchement, la Vème République n'est plus ce qu'elle était. Voilà bientôt cinquante ans qu'elle a été créée, nous sommes presque en 2008, cinquante ans après la création de la Vème République par le général de Gaulle. Est-ce qu'elle ressemble aux débuts ? Non. Elle a été touchée, retouchées - parfois de grandes retouches, comme le quinquennat - et rarement on a mis les choses en perspective. Donc je pense qu'il y a un toilettage, il y a une modernisation, il y a une nouvelle manière de faire de la politique, avec cette singularité française, si vous le permettez, qui est qu'en Europe, nous sommes le seul pays, le seul pays d'Europe, où le chef de l'exécutif est élu au suffrage universel. Dans aucun autre pays le Président, le responsable de l'exécutif, le Premier ministre, ne sont élus par les Français, par les citoyens, comme c'est le cas en France.
Q.- J. Lang va s'occuper, avec E. Balladur et P. Mazeaud, de ces chantiers ; H. Védrine prend une mission sur la mondialisation. Mais jusqu'où ira l'ouverture à gauche ?
R.- S'agit-il d'une ouverture à gauche ou au centre, ou plutôt de faire appel à toutes les intelligences ? Je trouve très important que quand on gouverne un pays, on n'abuse pas de sa victoire, qu'on la partage. C'est précisément ce que fait N. Sarkozy en allant chercher toutes les bonnes idées, en dehors de celles qui sont dans son camp, et qui sont nombreuses, comme celles qu'exprimera F. Fillon. Souvenez-vous, en 1984, j'étais président d'un conseil général, j'ai pris l'initiative d'inviter F. Mitterrand, à l'époque président de la République, devant mon conseil général...
Q.- Vous aviez été très critiqué...
R.- J'ai été très critiqué dans mon propre camp. C'était la première fois que je faisais le geste, que l'on faisait le geste d'une décrispation, d'une certaine modernité de la vie politique. Eh bien aujourd'hui, ce doit être la règle courante. Le sectarisme, c'est une preuve de faiblesse de mon point de vue.
Q.- Est-ce que les collaborateurs du Président ne parlent pas un peu trop dans les médias, ne devraient-ils pas être plus discrets ?
R.- Franchement, non. Je pense qu'ils parlent en harmonie et en loyauté avec le chef de l'Etat. Cela ne me choque pas qu'ils s'expriment, ce sont des gens importants, ce sont des gens qui jouent un travail d'équipe, donc je ne suis pas choqué par cela.
Q.- N. Sarkozy a expliqué hier à Strasbourg sa vision de l'Europe. Le traité simplifié, n'est-ce pas tout de même un enterrement de première classe pour la Constitution ?
R.- Mais qu'auriez-vous dit si on n'avait pas abouti à un accord dimanche dernier, s'il y avait eu un échec de cette négociation ? !
Q.- C'est mieux que rien ?
R.- Mais c'est la boîte à outils dont on a besoin ! Le préalable, quand on est 27 autour de la table, qu'il faut se parler, qu'il travailler, qu'il faut décider, c'est d'abord une boîte à outils. Donc on a la boîte à outils, notamment grâce à la présidence allemande et au travail considérable qu'a fait, avec A. Merkel, N. Sarkozy et d'autres Premiers ministres. Maintenant que l'on a cette boîte à outils, on va s'en servir, notamment pour faire ce qu'a dit le Président hier, c'est-à-dire ouvrir de grands chantiers critiques : la préférence communautaire, l'indépendance alimentaire, la nouvelle Politique agricole commune...
Q.- L'euro trop fort ?
R.-...la stratégie industrielle. Comment faire que l'euro ne soit pas seulement un bouclier mais un outil pour la croissance ? Voilà toutes les politiques que l'on va ouvrir, parce que c'est cela qui intéresse les gens. Mais d'abord, il fallait une boîte à outils. J'observe une dernière chose, si vous le permettez, c'est que non seulement N. Sarkozy fait maintenant ce qu'il a dit avant, et c'est assez nouveau, mais il explique ce qu'il fait, et notamment cette pédagogie de l'Europe et cette pédagogie du monde. Il faut expliquer ! Les Français sont intelligents, ils ont envie que l'on comprenne et qu'on leur dise ce qui se passe dans le monde et en Europe. C'est ce que fait le Président.
Q.- La boîte à outils ne sera-t-elle pas enterrée au Congrès, la majorité des trois cinquièmes n'est pas acquise...
R.- On parlait d'intelligence, tout à l'heure, de rassembler les intelligences. Franchement, il y a, à gauche, beaucoup de gens très intelligents, qui ne sont pas sectaires et qui ne vivent pas dans le passé. Ils savent raisonnablement, vous en avez cités quelques-uns, que cette boîte à outils on en a besoin. Donc j'espère qu'ils l'approuveront.
Q.- La France n'a-t-elle pas abdiqué avec le traité simplifié, son droit de veto sur les négociations, sur les positions européennes dans les négociations à l'OMC ?
R.- Sûrement pas, sûrement pas ! L'OMC est une négociation qui continue, et nous avons dit clairement quelles étaient nos ligne rouges, je les ai encore dites à monsieur Mandelson, qui est venu dans un colloque que j'ai organisé samedi, à Paris, sur "L'Europe ouverte ou l'Europe offerte ?", et je...
Q.- Il ne les a pas franchis, ces lignes rouges, Mandelson ?
R.- Je pense qu'il est en limite du mandat qui lui a été confié, mais comme vous le savez, il y a eu un échec de la dernière réunion à Potsdam, et donc, nous souhaitons franchement qu'il fasse attention, que la Commission fasse attention ; c'est notre rôle de le lui dire. On ne sacrifiera pas la PAC, elle ne sera pas la variable d'ajustement d'un accord à tout prix avec le Brésil, l'Inde ou les Etats-Unis, elle ne le sera pas.
Q.- La Commission européenne attaque la France devant la Cour de justice pour utilisation de filets illégaux dans la pêche au thon. Vous allez défendre les pêcheurs français ?
R.- Bien sûr que je les défendrai ! Parce que nous avons toujours été en désaccord avec cette analyse, selon laquelle la "thonaille", c'est-à-dire ce filet, était un filet dangereux pour les prises de thon, notamment. C'est une pêche artisanale qui concerne quelques dizaines de bateaux, avec des gens qui travaillent beaucoup et qui se lèvent tôt, comme l'ensemble des agriculteurs et des pêcheurs. Et j'ai donc annoncé hier, après avoir écouté les pêcheurs que j'ai rencontrés vendredi dernier, qu'à la suite d'éléments nouveaux scientifiques, nous pouvons plaider que cette méthode de pêche n'est pas dangereuse, elle ne devrait pas être interdite. Je ne sais pas si nous gagnerons mais nous allons défendre cette position.
Q.- Sur le thon, sur l'anchois, nos pêcheurs sont victimes de discrimination au profit d'autres nations, notamment les Espagnols ?
R.- Je vais rencontrer ma collègue espagnole dans quelques jours, avant le Conseil des ministres. Ce sont deux sujets différents, mais qui sont quand même liés à ce que l'on appelle "les réserves halieutiques". Combien y a-t-il de quantités de poissons disponibles ? Les pêcheurs sont les premiers à savoir qu'il faut préserver cette réserve, parce que c'est leur outil de travail, et c'est leur capacité de travailler. Nous souhaitons, je souhaite, je veux vérifier que les pêcheurs français sont traités équitablement par rapport, ici, aux pêcheurs espagnols, ou ailleurs, par rapport aux pêcheurs croates ou turcs qui pêchent le thon, notamment le thon rouge en Méditerranée.
Q.- Le Président va à Marseille, et les pêcheurs de thon seront présents à Marseille. Une rencontre aura-t-elle lieu ?
R.- Je pense que si les pêcheurs le souhaitent, les collaborateurs du Président les recevront. Moi-même, j'ai entrepris des négociations, j'ai rencontre le Comité national des pêches vendredi dernier. Je vais poursuivre cette négociation, notamment quand il n'y aura pas d'autre solution pour accompagner les pêcheurs financièrement, lorsqu'il y aura un manque à gagner s'ils ne peuvent pas pêcher normalement.
Q.- La ministre de L'Economie veut surveiller les prix des produits alimentaires cet été. Cela flambe sur le marché des matières premières alimentaires. Cela flambe sur le marché des matières premières alimentaires. Allez-vous surveiller les agriculteurs pour qu'ils tiennent leurs prix ?
R.- Mais est-ce que ce sont les agriculteurs qu'il faut surveiller ? Franchement, quand vous voyez la manière dont travaillent les gens ! Il faut aller voir dans les fermes, dans les exploitations agricoles, comment travaillent les agriculteurs, à quelle heure ils se lèvent, combien ils gagnent, réellement ! Ils gagnent difficilement leur vie ! Il faut respecter ce travail.
Q.- Alors c'est la grande distribution la fautive ?
R.- Il faut analyser comment est formé un prix et pourquoi certains prix flambent. Il y a parfois des conditions objectives, par exemple les conditions atmosphériques font que certains produits sont disponibles en plus ou moins grande quantité. Il y a des conditions objectives pour qu'un produit qui est rare coûte plus cher. Mais je ne souhaite pas que l'on montre du doigt les agriculteurs, même si, par exemple, je pense que pour respecter ce travail et pour le prendre en compte, je pense au secteur des fruits et légumes ou de la pêche, on pourrait peut-être étudier - je dis bien étudier - la mise en place de la TVA sociale. C'est sans doute un des secteurs dans lequel on pourrait étudier la faisabilité de la TVA sociale pour prendre en compte les charges qui pèsent sur le travail.
Q.- Bruxelles tolérera qu'on expérimente dans un secteur, par exemple, les fruits et les légumes, la TVA sociale ?
R.- D'abord, il faut se faire une propre opinion à nous, en France, nous allons étudier cette possibilité, ensuite, on peut plaider probablement, je crois ce dossier à Bruxelles.
Q.- Vous êtes optimiste, vous y croyez à la TVA sociale ?
R.- J. Monnet, qui a beaucoup compté pour moi, disait : "Je ne suis pas optimiste, je ne suis pas pessimiste, je suis déterminé".
Q.- La Commission européenne est déterminée, elle, à présenter un plan d'arrachage des vignes, et notamment des vignes françaises. Qu'allez-vous dire aux viticulteurs que vous rencontrez ce soir ?
R.- Je rencontre ce soir l'ensemble des professionnels du vin en France, qui, eux aussi, travaillent beaucoup, et produisent des produits de qualité. Je vais leur dire que nous serons en offensive. Je ne rejette pas toutes les propositions de la Commission, il y a parfois de bonnes propositions, par exemple, la modernisation des politiques d'étiquetage. Mais je n'accepte pas cette idée que l'on doive distiller ou arracher pour réduire les productions, alors que nous produisons des produits de qualité. Il s'agit plutôt d'aller à la conquête des marchés internationaux. Pourquoi aurait-on des complexes par rapport aux vins australiens ou américains ? Nous n'avons pas de complexes à avoir. Il faut vendre, être capables de vendre et pour cela, moderniser un certain nombre de choses pour être plus offensifs. Je suis dans cet état d'esprit, que l'on n'acceptera pas, sauf si on y est obligé, des politiques de régression, s'agissant de la production viticole.
Q.- La PAC changera en 2013. Etes-vous déjà dans sa réforme en ce moment ?
R.- Je pense, là aussi, qu'il ne faut pas être en défensive. Les agriculteurs savent bien, je leur ai dit plusieurs fois, avant même d'être leur ministre, que l'on devait maintenir la PAC en la rénovant, en la faisant bouger, en la mettant au coeur des sujets de société. La politique agricole, ce n'est pas seulement la question des agriculteurs, même si c'est d'abord la question des agriculteurs, c'est une question de société. Quand on parle d'emploi et de croissance, quand on parle de recherche, quand on parle de nouvelles énergies, quand on parle de sécurité alimentaire, de développement durable, on a l'agriculture et la pêche. Donc, on va mettre ce secteur productif au milieu des grands enjeux de société.