Point de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères, sur la situation au Liban et au Proche-Orient, la condamnation des attentats contre la FINUL et des crimes politiques, le dialogue avec la Syrie et le dialogue interlibanais, Paris le 27 juin 2007.

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Circonstance : Visite en France de Fouad Siniora, Premier ministre libanais : entretien avec Bernard Kouchner le 27 juin 2007 à Paris

Texte intégral

Vous pouvez imaginer la situation au Liban et au Proche-Orient. Nous avons réaffirmé - nous nous étions vus hier et nous nous téléphonons tout le temps - que la France a une position très claire : elle soutient le gouvernement de M. Fouad Siniora et elle soutient, plus que tout, l'unité et la souveraineté du Liban.
Nous déplorons et nous condamnons cette série d'attentats. Nous sommes absolument opposés aux crimes utilisés comme moyen politique. Nous restons aux côtés de nos amis libanais et aux côtés de toutes les communautés libanaises. Et si nous pouvons être utiles en les réunissant ou en leur offrant un endroit où ils peuvent se parler, nous le ferons.
Q - Vous avez qualifié, il y a quelques jours, le rôle de la Syrie au Liban comme négatif. Pourquoi ?
R - Dès que la Syrie exprimera, d'une manière ou d'une autre, sa volonté de participer au processus de paix, nous serons, bien entendu, d'accord pour ouvrir le dialogue avec elle.
Q - Etes-vous favorables au déploiement, sur les frontières libano-syriennes, d'experts internationaux pour surveiller le trafic ?
R - Le Secrétaire général de la Ligue arabe nous en a parlé. Nous avons parlé de cela avec le Premier ministre. Si c'est possible, nous serions intéressés mais cela ne peut pas être le rôle de la FINUL puisque, vous le savez, la FINUL a un mandat très précis. A propos de la FINUL, je suis absolument scandalisé, la France est scandalisée, par l'attentat qui a eu lieu contre nos amis espagnols. Nous déplorons la mort des six militaires qui servaient dans les unités espagnoles.
Ce n'est pas un bon signe. Cette tension supplémentaire est absolument insupportable.
Q - C'est donc la fin du dialogue avec la Syrie pour le moment ?
R - Je vous ai dit dans quelles conditions le dialogue était possible. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas parler aux gens. Cela veut dire qu'il faut leur parler de façon positive et qu'il faut s'adresser à tout le monde, dans un but de construction de la paix. Que les signes de participation à ce processus viennent. Il faut espérer la paix au Liban où la France a des responsabilités, des responsabilités non seulement historiques, économiques, politiques mais aussi sentimentales.
Q - Un dialogue du deuxième rang entre les Libanais semble trop difficile pour l'instant, pourquoi ne pas débattre devant le Parlement libanais ?
R - Le Parlement libanais est fermé.
Q - Mais en passant par des institutions officielles du Liban...
R -Elles sont bloquées, ce n'est une découverte pour personne.
Q - Le dialogue du deuxième rang peut-il débloquer les choses ?
R - Je ne sais pas, je l'espère. Est-il utile d'espérer pour entreprendre ? Et puis, il n'y a pas de premier ni de deuxième rang. Il y a des communautés qui peuvent se parler, ou non. Si nous pouvons aider à ce qu'elles s'adressent la parole - et elles le font, tout le monde se téléphone -, à ce qu'elles parlent ensemble de l'unité du Liban et de l'unité des institutions, ce serait bien.
Si vous pouvez me permettre d'ouvrir ce dialogue au Parlement libanais, alors je serais très heureux de venir avec vous.
Q - Il y avait un dialogue au Parlement libanais et vous savez où ils en sont aujourd'hui ! Merci beaucoup, vous aidez le Liban, nous vous remercions.
R - Je fais ce que je peux. Je pense que le dialogue est l'une des conditions de la solution. J'ai parlé à toutes les communautés et à tous leurs représentants, il y a quelques jours seulement. Malheureusement je n'ai pas trouvé de volonté expresse de renouer le dialogue.
Q - Où va le Liban selon vous ?
R - J'espère qu'il n'ira pas vers une autre guerre, ou vers une confrontation des communautés. J'espère qu'il ira vers l'unité et vers le dialogue. Je ne connais pas de régime démocratique qui refuse le dialogue, je ne connais pas de régime démocratique qui refuse d'aller vers des élections, selon la Constitution, selon la règle de chaque pays.
Nous maintenons notre offre de dialogue. C'est à nos amis libanais, à toutes les communautés, à réagir. Dans un premier temps, ils ont réagi positivement. Puis il y a eu cet horrible attentat contre M. Eido et sa famille.
Si les communautés qui avaient dit "oui" se décident à venir en France, nous serons très heureux de les accueillir et nous maintenons toujours cette date du 15 juillet. Nous verrons bien. Nous sommes, de façon informelle, sans préalable, sans texte écrit, désireux que toutes les communautés libanaises travaillent dans ce cadre pour l'unité, la souveraineté libanaise, pour la démocratie au Liban. S'ils se réunissent à Paris, c'est très bien.
Q - Avez-vous discuté du problème de la frontière ?
R - Nous en avons discuté mais la réunion informelle n'abordera pas ce sujet.
Q - Et l'avenir du Liban alors ?
R - Nous avons beaucoup parlé de l'avenir du Liban. Il y a une proposition de la Ligue arabe prévoyant une mission d'experts à la frontière qui surveilleraient le passage éventuel des armes et en garantiraient l'hermétisme. Ce n'est pas notre proposition, mais si elle devait voir le jour, nous serions très heureux de la voir se déployer. Mais ce ne peut pas être la FINUL. La FINUL a un mandat précis du Conseil de sécurité et elle n'a pas été mandatée pour cela.
Q - Et la France pourrait y contribuer ?
R - La France contribue déjà, considérablement, non seulement à l'aide de toutes les communautés, mais aussi au soutien du gouvernement de M. Siniora.
Q - Les programmes avec la Syrie sont-ils momentanément arrêtés ?
R - Rien n'est abandonné, dès lors que la Syrie se montre encline à trouver que la paix est préférable à la tension.
Q - Les politiques ont-ils été mis au diapason après la visite de Mme Rice ?
R - Personne ne s'est mis au diapason. Nous avons discuté de façon très précise et très positive sur la nécessité qu'un processus de paix démarre. Comment envisager que le Liban ne réussisse pas à faire vivre le dialogue. Y a-t-il une telle nécessité de se battre et de se tuer ? Je ne le crois pas et les Libanais sont fatigués de tout cela. Et, là-dessus, nous sommes tous d'accord.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2007