Texte intégral
[Première partie à 8h20]
Jean-Jacques Bourdin.- F. Fillon, bonjour. Je vais vous poser des quantités de questions, qui me sont parvenues par l'intermédiaire des auditeurs. L'actualité pour commencer, on va parler de LU, qui va appartenir à une société américaine. Est-ce la loi du marché ou l'Etat doit intervenir ?
François Fillon.- Non, l'Etat doit intervenir quand il y a un danger pour l'emploi, quand il y a un danger stratégique pour un secteur industriel, sinon c'est la vie des entreprises. Les entreprises françaises achètent beaucoup d'entreprises aux Etats-Unis, et il n'y aurait pas de raison de s'opposer à ce que les entreprises américaines fassent de même, tant qu'on n'est pas sur des secteurs stratégiques et quand il n'y a pas de menaces sur l'emploi.
Q- Le service minimum, c'est l'actualité aussi. N. Sarkozy parlait de trois heures de service assuré le matin pour aller travailler, de trois heures de service le soir pour rentrer. En cas de grève, il n'y aura pas de réquisition, ce n'est pas dans le texte. Comment tenir les promesses ?
R- D'abord, ce que l'on a voulu faire avec ce texte, qui va être débattu à l'Assemblée dans quelques jours, c'est mettre en place dans toutes les entreprises de transport, le même processus de prévention des conflits qui a été mis en place à la RATP, et qui fonctionne. Parce qu'avant de chercher le moyen de lutter contre les effets de la grève, il faut déjà essayer d'empêcher la grève, c'est-à-dire de supprimer autant que possible ses causes. Je pense que ce sera déjà un progrès considérable. Si le processus n'aboutit pas, alors il doit y avoir une mise en place, par chaque entreprise, d'un service minimum. Ce service minimum va être négocié entreprise par entreprise. La loi ne pouvait pas fixer trois heures tous les matins et trois heures tous les soirs, pour n'importe quelle entreprise de transport, dans n'importe quelle condition. Le texte prévoit que ceux qui vont faire grève ou ceux qui choisissent de ne pas faire grève, vont devoir le déclarer, et le déclarer suffisamment à l'avance pour que l'entreprise puisse savoir de combien de personnels elle dispose pour organiser un service le plus satisfaisant possible.
Q- Deux jours avant...
R- Deux jours avant. Alors pourquoi pas de réquisition ? D'abord, parce que l'on ne peut pas aller contre le droit de grève, qui est un droit reconnu par la Constitution. Deuxièmement, parce que brandir le droit de réquisition, c'est brandir une arme qui n'a pas beaucoup d'efficacité. Au fond, ce qu'il faut, c'est convaincre ; ce qu'il faut, c'est mettre en place les dispositifs, par exemple, en rappelant que les jours de grève ne sont pas payés, en mettant en place le processus de prévention des conflits. C'est convaincre, c'est amener les salariés, les fonctionnaires, ceux qui travaillent dans les entreprises de transport, à comprendre que le droit de grève ne doit pas empêcher le fonctionnement d'un service minimum. On va voir si cela fonctionne, c'est déjà une avancée considérable par rapport à ce que nous avons connu dans notre pays. Si jamais cela ne fonctionnait pas, il sera toujours temps, à ce moment-là, de voir comment aller plus loin.
Q- Autre actualité du jour : le journal Les Echos, qui ne paraît pas aujourd'hui. Ce journal est repris par B. Arnault ; l'indépendance de la presse est-elle en danger ?
R- Non. Je crois que c'est normal que des journalistes s'inquiètent pour leur indépendance et qu'ils demandent des garanties. Et j'ai compris que les journalistes des Echos demandaient à B. Arnault des garanties. J'ai compris aussi que B. Arnault était prêt à donner ces garanties. Mais je voudrais dire que le problème de la presse française, ce n'est pas un problème d'indépendance, c'est un problème de capital. La presse française manque de lecteurs, elle manque d'argent, elle a des journalistes qui sont plutôt moins payés que dans les autres grands pays développés ; elle a besoin d'argent la presse française. Et quant à son indépendance, franchement, il suffit de lire le journal tous les matins pour comprendre que la presse française est une des plus indépendantes dans le monde. Donc la vraie question, c'est la question du financement de cette liberté et de cette indépendance, et c'est de ce point de vue-là, je crois, qu'il faut se placer.
Q- J'ai une question, qui est une question du député apparenté socialiste, R. Dosière, qui vous a posé cette question, et qui vous a saisi sur la question de l'utilisation par C. Sarkozy d'une carte de paiement, dont les sommes dépensées sont directement débitées sur le compte du Trésor public, ouvert à la présidence de la République. Et il vous demande à quel titre l'épouse du chef de l'Etat peut gérer l'argent public, dans la mesure où elle n'a pas d'existence juridique, et qu'elle ne fait pas partie des services de la présidence ? Il vous demande aussi le montant des plafonds de dépenses et de retraits en liquide autorisés pour cette carte de paiement ?
R- Monsieur Dosière s'est fait beaucoup de publicité en se faisant le spécialiste des finances de l'Elysée. Il sera répondu à monsieur Dosière : personne à l'Elysée n'utilise des cartes de crédit pour des besoins personnels. Tout cela, ce sont des petits débats très mesquins, et l'Elysée répondra dans le détail à monsieur Dosière, qu'il se rassure.
Q- Nous revenons sur votre discours de politique générale, et nous attendons évidemment des précisions. Les institutions pour commencer : création d'une commission de "personnalités incontestables" - ce sont les mots que vous avez prononcés - chargée de faire des propositions sur la modernisation des institutions, commission présidée par E. Balladur. J. Lang en fera-t-il partie ?
R- En tout cas, il y aura dans cette commission des membres du Parti socialiste.
Q- J. Lang ?
R- C'est à lui de répondre à cette question.
Q- Vous lui avez proposé ?
R- Je pense que la question lui a été...
Q- Est-ce que vous lui avez proposé F. Fillon ?
R- C'est trop tôt pour le dire. Il y a des discussions en cours, et les choses vont se faire dans...
Q- C'est une personnalité incontestable, J. Lang ?
R- J'ai dit deux choses : j'ai dit des personnalités incontestables sur le plan de leurs compétences en matière constitutionnelle, c'est-à-dire des constitutionnalistes qui ne font pas partie des noms que vous venez de citer. Et puis, des personnalités politiques représentant la diversité de la vie politique française. Il y aura des gens de droite, il y aura des gens de gauche. Mais quel est le rôle de cette commission ? Ce n'est pas de réformer la Constitution, c'est de donner un avis sur des propositions que nous avons déjà formulées, voire d'en faire d'autres, ou d'analyser les propositions que vont faire les groupes parlementaires. Parce que dans le même temps, chaque groupe parlementaire va être amené à se prononcer sur les évolutions constitutionnelles, et puis il faut qu'il y ait naturellement un endroit - et c'est le rôle de cette commission -, où l'on essaie de donner une cohérence à ce projet. Et puis, après, naturellement, c'est le Parlement qui va décider.
Q- Donc, une personnalité comme J. Lang serait une personnalité bienvenue dans cette commission ?
R- Bien sûr, et d'autres personnalités de gauche.
Q- Il y aura donc des hommes de gauche, des femmes de gauche ?
R- Bien sûr. On n'imagine pas de réformer la Constitution de notre pays sans rechercher un consensus avec toutes les forces politiques.
Q- Une dose de proportionnelle aux législatives : y êtes-vous favorable, vous ?
R- Je ne suis pas très favorable à la proportionnelle, parce que je pense que la proportionnelle a deux inconvénients : le premier, c'est qu'elle émiette le paysage politique, et qu'elle aboutit souvent - et dans notre pays, elle a souvent abouti - à l'absence de majorité, à la paralysie. Vous savez, quand on dit qu'il faut que toutes les forces politiques soient représentées, on oublie que, souvent dans notre pays, ce sont des minorités qui ont gouverné parce que quand l'Assemblée est trop émiettée, ce sont les minorités qui pèsent le plus. Parce qu'il est toujours plus facile de faire entendre un non, que de faire entendre un oui. Deuxièmement, la proportionnelle a un autre inconvénient, c'est qu'elle donne beaucoup, beaucoup de force aux états majors des partis politiques qui choisissent les candidats à la place des Français. Et donc, dire que c'est plus démocratique la proportionnelle, cela se discute. Parce que ce qui est très démocratique aussi, c'est qu'un homme ou une femme aille tout seul devant les électeurs, et que ces électeurs le choisissent. Alors, on me dit : "oui, mais il y a des partis politiques qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale avec ce système-là". Moi, je vois que dans les élections qui viennent de se produire, il y a quand même un choix des Français assez bipartisan : le Parti socialiste et l'UMP ont emporté, ensemble, la grande majorité des suffrages. S'il faut quand même aller vers une représentation des minorités, alors pourquoi pas introduire une dose de proportionnelle à l'Assemblée ? Mais ce que je dis avec beaucoup de force, c'est que je n'accepterai pas que cette dose de proportionnelle vienne mettre en péril le fait majoritaire, l'existence...
Q- Vous êtes très réservé ?
R- Donc, je suis réservé. Ou alors, il faut que cette dose de proportionnelle soit modeste, et qu'elle ne remette pas en cause le fait majoritaire.
Q- L'un des sujets, l'un des sujets majeurs qui agite évidemment les Français, c'est la Sécurité sociale. Vous avez dit hier, je cite : "Le plan de redressement de la branche maladie de la Sécurité sociale, proposé par l'assurance maladie, sera ratifié sans délais". C'est-à-dire aujourd'hui ?
R- C'est-à-dire, oui, dans les tout prochains jours.
Q- Ce plan prévoit une baisse de remboursement pour les patients qui n'ont pas de médecin traitant. On est d'accord ?
R- Pour ceux qui ne passent pas par un médecin traitant.
Q- Déplafonnement du forfait de 1 euro par acte médical. Je vais prendre un exemple : je vais dans la même journée chez un médecin généraliste, je paye 1 euro ; je vais ensuite dans un labo faire une prise de sang, je paye 1 euro ; je passe une radio, je paye 1 euro. Cela fait 3 euros sur la journée, c'est cela le déplafonnement ?
R- Absolument.
Q- Baisse des tarifs des biologistes et des radiologues aussi. Pourquoi, il y a des abus ?
R- Ce sont des professions dans lesquelles les revenus ont augmenté de façon considérable ces dernières années. Je rappelle que ces propositions ne sont pas les propositions du Gouvernement, ce sont les propositions qui sont faites par les responsables de l'assurance maladie.
Q- Baisse du prix de certains médicaments. Souhaitez-vous ajouter le déremboursement de certains antalgiques, par exemple, comme...
R- Non. Pour l'instant, ce que le Gouvernement souhaite c'est jouer à fond la carte de la responsabilité. Il y a une réforme qui dit que quand il y a dépassement des dépenses,
les gestionnaires de l'assurance maladie - qui, je le rappelle, sont des partenaires sociaux - font des propositions. Je dis que quand les gestionnaires de l'assurance maladie ont le courage de faire des propositions, le rôle du Gouvernement n'est pas d'aller contre ces propositions. Le Gouvernement doit - sauf s'il avait des choses qui soient absolument insupportables, ce n'est pas le cas - doit accepter les propositions qui sont faites par les gestionnaires de l'assurance maladie. On n'ira pas au-delà. En revanche, on réfléchit, vous le savez, sur des financements nouveaux pour permettre, à la fois, de réduire le déficit, mais surtout de financer des dépenses nouvelles.
Q- Oui, parce qu'il y a urgence : 11 milliards d'euros de déficit du régime général à la fin de l'année ! 8 milliards prévus, il y a donc un dérapage de 3 milliards. Alors que fait-on ? On instaure une franchise de soin, vous l'avez confirmé hier ?
R- Je pense que c'est un des engagements qu'avait pris N. Sarkozy durant sa campagne. Je pense que les élections, cela sert à valider des projets. Nous n'avons rien caché aux Français, nous avons dit exactement ce que nous allons faire, nous avons dit la vérité. Les Français se sont prononcés et la démocratie, c'est maintenant le fait de mettre en oeuvre ces engagements.
Q- Il y a un déficit qui sera donc comblé en partie par la franchise de soin ?
R- Il y a un déficit, et surtout, il y a des dépenses nouvelles à financer. Parce que non seulement il y a un déficit, mais nous savons tous bien que le vieillissement de la population, comme nous voulons que la qualité des soins progresse, amène à des financements nouveaux. Il faut aller plus loin dans la lutte contre le cancer, il faut aller plus loin dans la mise en place des soins palliatifs. Il n'est pas normal que dans notre pays on ne soit pas à la fin de sa vie. Il y a la maladie d'Alzheimer, pour laquelle il faut faire d'énormes progrès sur la recherche, sur les soins. Tout cela va coûter beaucoup d'argent. Que fait-on ? On laisse le déficit se creuser ? C'est évidemment impossible, c'est de la dette et ce sont les générations futures qui paieront. On augmente la CSG ? Elle est déjà à un niveau extrêmement élevé. Donc il y a la solution des franchises. La solution des franchises consiste à demander à chaque Français une participation aux soins qui lui sont apportés.
Q- Avec un plafond annuel par personne ?
R- Il faut évidemment un plafond annuel par personne. Pour l'instant, pour des raisons techniques, on est plutot sur des franchises qui sont des franchises par type d'acte, et on est en train d'étudier comment mettre en place des conditions de revenus qui permettraient d'avoir un plafond et un plancher. C'est-à-dire, au fond, on dit, il y a des franchises - elles existent déjà d'ailleurs les franchises, il y en a dans un certain nombre de domaines -, c'est normal, les Français doivent participer au financement de cet effort de santé, mais ils ne doivent pas y participer plus que leurs revenus ne le permettent.
Q- Vous tiendrez compte, donc, des conditions de revenus de chacun ?
R- On est en train d'étudier comment on peut le faire. Pour l'instant, il n'y a aucune
décision prise sur les franchises, mais c'est l'idée sur laquelle nous travaillons.
Q- Oui, mais l'idée c'est de tenir compte des conditions de revenus de chacun ?
R- Absolument.
Q- Quel pourrait être le montant de la franchise ?
R- Ce n'est pas fixé, on a encore une réunion aujourd'hui pour travailler sur ce sujet. De
toute façon, ce sont des sommes qui ne sont pas sommes très élevées. On a parlé de
franchises qui peuvent être de 50 centimes d'euros par boite de médicaments. C'est trop tôt pour le dire.
Q- Franchise sur les boîtes de médicaments, sur les visites, sur tous les actes médicaux ?
R- C'est trop tôt pour le dire, mais je pense que ce qu'il faut que les Français comprennent, c'est qu'il n'y aura pas d'amélioration de la qualité des soins d'il n'y p as un effort de financement de la part de chacun d'entre nous. Et vous savez, quand vous voyez avec quelle facilité, par exemple, nous avons intégré dans nos dépenses l'arrivée du téléphone portable, l'arrivée de l'Internet haut débit, l'arrivée de la télévision payante, on se dit que peut-être, quelques euros supplémentaires, payés par tous les Français pour financer l'amélioration de la qualité des soins, ce serait normal.
Q- Faut-il plafonner ce que chacun paye pour sa santé en fonction de ses revenus ? L'Allemagne l'a fait.
R- Oui, bien sûr, c'est ce que nous proposons, c'est l"idée du bouclier...
Q- C'est l'idée du bouclier sanitaire que vous reprenez ?
R- Voilà, absolument.
Q- Le contrat de travail, deuxième sujet de préoccupation des Français. Vous demandez la mise en place d'un contrat unique, plus souple pour l'employeur.
R- Non, plus souple pour l'employeur et plus sécurisant pour le salarié. Quel est le
problème en France...
Q- Est-ce que les salariés vont supporter les risques de l'activité économique, c'est la question ?
R- Aujourd'hui, ils les supportent à plein. On est dans un pays qui est d'une hypocrisie totale. Dans ce pays aujourd'hui, comme le contrat de travail à durée indéterminée est très rigide, et surtout, les conditions pour y mettre fin sont très rigides, que fait-on ? On augmente massivement le recours à l'intérim, on augmente massivement le recours aux CDD, on augmente la précarité parce qu'on contourne l'obstacle.
Q- Et on augmente aussi le recours aux préretraites...
R- C'est un autre sujet. Et donc, ce que nous disons, c'est qu'il y a beaucoup de pays européens qui ont travaillé cette question du contrat de travail en essayant d'avoir un contrat de travail à durée indéterminée, c'est-à-dire moins de précarité, et en même temps, des conditions de fin de contrat qui soient plus sécurisantes pour les entreprises. Aujourd'hui, les entreprises, lorsqu'elles sont obligées de mettre fin à des contrats pour des raisons liées à leurs carnets de commandes, à leurs charges, elles ont une incertitude financière et une incertitude juridique qui est considérable. A la limite, c e que demande les entreprises, ce n'est pas que les conditions de fin de contrat soient plus souples, c'est qu'elles soient plus sûres, c'est-à-dire que l'on sache exactement combien cela coûte et quel est le délai qui devra être mis en oeuvre. Qu'est-ce qu'on a fait ? On n'a pas décidé sur cette question, on a demandé aux partenaires sociaux de travailler sur le sujet.
Q- Et ils commencent d'ailleurs à en parler aujourd'hui.
R- Ils sont au travail, je les ai tous rencontrés et j'ai été frappé de voir que la plupart des responsables des organisations syndicales étaient très déterminés à faire des propositions innovantes dans ce domaine. Donc nous on attend sereinement le travail des partenaires sociaux.
Q- L'immigration. Je vous lis : les immigrés qui veulent venir en France doivent avoir les moyens de s'y intégrer, travailler par exemple. Que faites-vous de ceux qui travaillent depuis plusieurs années, qui payent des cotisations sociales, qui payent leurs impôts en France, et qui n'ont pas de papiers ? Vous les régularisez ?
R- Non. Non, pour une raison très simple...
Q- Par exemple, les salariés de Buffalo Grill ?
R- D'abord, il ne devrait pas y avoir de salariés de Buffalo Grill qui n'ont pas de papiers et s'il y a des employeurs qui emploient des personnes sans papiers, ces employeurs peuvent s'attendre à des sanctions extrêmement lourdes, parce que je considère que c'est un manque de civisme inacceptable que de ne pas vérifier la situation...
Q- Mais que faites-vous de celui qui travaille en France depuis plusieurs années et qui payent des impôts, qui payent des cotisations sociales ? Il y en a F. Fillon !
R- Les gens qui sont en situation irrégulière, ils n'ont pas vocation à rester dans notre pays, sinon, il n'y a plus de loi !
Q- Ils ont cotisé pour rien, ils ont payé des impôts pour rien ?
R- La loi c'est la loi pour tout le monde ! Quand on vient en France, on doit avoir des papiers, si on n'a pas de papiers, on a vocation à rentrer dans son pays. Naturellement, il y a des situations humanitaires que nous sommes obligés de prendre en compte, et que nous prendrons en compte. Mais moi je dis aux Français que jamais je n'accepterai de régularisation globale, parce que les régularisations globales, à chaque fois qu'elles ont lieu, elles ont provoqué un appel d'air considérable, c'est-à-dire qu'elles ont relancé des hommes et des femmes sur un chemin de l'exil qui souvent se termine pour eux dans des situations et dans des conditions qui sont catastrophiques. Donc c'est totalement irresponsable que de dire, "vous avez fraudé la loi française, mais parce que vous êtes là depuis longtemps, parce que vous travaillez, parce qu'il y a des gens malhonnêtes qui ont accepté de vous donner un travail, on va vous régulariser". La conséquence de ces actes, en Espagne quand cela a été fait, dans d'autres pays quand cela a été fait, c'est un accroissement de l'immigration, ce sont les réseaux mafieux qui profitent de ces régularisations massives pour aller promettent, pour aller faire miroiter à d'autres étranger à travers le monde, une sorte de pays de Cocagne que serait la France et qu'elle n'est pas aujourd'hui, parce que la France n'a pas les moyens d'être un pays de Cocagne.
Q- La TVA sociale, F. Fillon, oui ou non ? Oui, si j'ai bien compris ?
R- On y travaille. La question est très simple : la protection sociale, le coût de la protection augmente, et il va continuer d'augmenter parce qu'on est dans un pays qui veut du progrès et on est dans un pays où le vieillissement de la population amène à une protection sociale dont le coût augmente. Pour l'instant, la protection sociale pèse uniquement sur le travail, c'est-à-dire qu'à chaque fois que l'on augmente les dépenses sociales, on augmente le coût du travail, à chaque fois que l'on augmente le coût du travail, on détruit des emplois, on pousse vers l'extérieur, vers d'autres pays, nos industries et nos services. Peut-on continuer comme cela ? A gauche comme à droite, il y a des gens qui, depuis des années, disent qu'il faut changer l'assiette des cotisations sociales. En tout cas, il faut modifier pour une part l'assiette des cotisations sociales. C'est ce qu'écrivait dans son programme présidentiel le Parti socialiste, c'est ce que monsieur Strauss-Kahn dit depuis très longtemps, c'est ce qu'un certain nombre d'autres hommes et femmes, dont N. Sarkozy, disent à droite. Donc on va poser cette question sur la table, demander à des spécialistes d'y travailler pour voir comment on peut améliorer la base des cotisations sociales pour éviter qu'elles ne détruisent de l'emploi.
Q- Augmenter la TVA de 5 points, c'est ce que vous aviez dit ? D'ailleurs, regrettez-vous... ?
R- Non, ce n'est pas exactement comme cela que ça s'est passé. C'est un de vos confrères qui m'a dit "5 points", et j'ai dit que 5 points, c'est une hypothèse comme une autre, cela ne veut rien dire. On peut aussi dire les choses de façon différente : l'Etat dépense trop, il faut baisser les dépenses de l'Etat. Si l'on baisse les dépenses de l'Etat, on maintient le taux de TVA au niveau où il est aujourd'hui et que l'on transfère des cotisations sociales sur le taux de TVA, on obtient le résultat que l'on est en train de rechercher. Il faut aussi comprendre que l'augmentation ou le changement de la base des cotisations sociales ne doit pas nous empêcher de faire des économies sur le train de vie de l'Etat sur le volume des dépenses publiques. Il faut que nous ayons à coeur, à la fois, de réduire les dépenses publiques et de trouver des bases plus saines pour des cotisations sociales, qui, elles, ne peuvent pas diminuer parce que les besoins augmentent.
[Deuxième partie à 8h47]
Q- J'ai des questions très précises : est-ce que des détenus seront graciés le 14 juillet ?
R- En principe, le président de la République a dit non. Ceci étant, c'est son pouvoir, c'est un pouvoir qu'il ne partage avec personne, et donc c'est à lui...
Q- Sur quelles garanties avec les prisons françaises qui étaient déjà trop pleines.
R- C'est à lui d'y répondre. Oui mais en même temps, je crois que dans l'idée de N. Sarkozy, cette grâce automatique qui tombe le 14 juillet n'est pas conforme avec la philosophie qui est la sienne, quand il dit que les coupables doivent être punis, que ceux qui ont été condamnés doivent purger leur peine, il y a quelque chose d'anormal, quelque chose d'illogique au fond à faire tomber automatiquement ces grâces du 14 juillet. Ceci, encore une fois, est une décision du président de la République et il ne m'appartient pas de répondre à sa place.
Q- Est-ce que l'allocation de rentrée scolaire sera augmentée ?
R- L'allocation de rentrée scolaire augmente tous les ans de l'inflation.
Q- Pas plus ?
R- ... Pas plus, je pense. C'est une décision qui sera prise à la fin du mois de juillet, donc on est encore un peu tôt pour répondre, mais a priori, l'allocation de rentrée scolaire, comme ces dernières années, augmentera de l'inflation.
Q- De l'inflation et pas plus, bien. La gratuité des musées, vous y êtes favorable ?
R- C'est une idée que je défends et que j'avais défendue dans le projet de N. Sarkozy. C'est une idée qui est très contestée dans notre pays. Pourquoi je la défens ? Parce que dans beaucoup de pays anglo-saxons - c'est le cas en Angleterre, en particulier - les musées sont gratuits et la fréquentation des musées est considérable. Ce qui est gratuit en général, ce sont les collections permanentes des musées, et puis les musées font payer les entrées dans les expositions temporaires. Moi je crois que c'est une façon d'emmener vers les musées des gens qui n'y vont pas aujourd'hui. J'ai demandé qu'il y ait une expérimentation qui soit faite. Puisqu'on m'explique que c'est une mauvaise idée, que la gratuité au fond enlève de la valeur à l'acte d'aller voir des oeuvres d'art, eh bien, je demande qu'on fasse une expérimentation, qu'on choisisse quelques grands musées en France et en province, qu'on leur donne les moyens d'assumer ce choc, et puis qu'on regarde si cela a une vraie influence sur la fréquentation. Moi, je voudrais qu'on démocratise beaucoup plus l'accès au patrimoine. Nous sommes dans un pays qui a fait des efforts dans ce domaine, mais qui n'est pas en avance.
Q- Je vous pose une dernière question avant de vous laisser avec les auditeurs : F. Fillon, à quoi servez-vous ? Je vous dis cela parce que c'est Le Monde qui a posé la question et qu'autres grands journaux, alors je vous la pose : à quoi servez-vous ?
R- C'est une question qui revient périodiquement depuis le début de la Vème République. On la posait à propos du Premier ministre G. Pompidou - je profite d'ailleurs de l'occasion pour rendre hommage à son épouse qui vient de décéder, qui a joué un rôle très, très important, puisqu'on parlait des musées, j'allais dire dans la popularisation particulière [...] de l'art abstrait. C'est sain dans la Vème République qu'il y ait un président de la République qui est élu au suffrage universel. Il est le patron, c'est lui que les Français choisissent.
Q- C'est votre patron ?
R- C'est son projet que les Français choisissent. Le Premier ministre, son travail c'est de coordonner l'action du Gouvernement, c'est de faire en sorte que l'équipe gouvernementale fonctionne, qu'elle s'exprime de la façon la plus cohérente possible - ce qui n'est pas toujours facile compte tenu des personnalités qui peuplent un Gouvernement. Et ensuite, le rôle du Premier ministre, c'est d'aller devant le Parlement pour obtenir du Parlement le soutien à la mise en oeuvre du projet du président de la République. Voilà. C'est mon travail, c'est celui de tous les Premier ministre, et je l'accomplirai avec détermination et sans chercher...
Q- [Question inaudible...]
R- Non, vous savez, moi je...
Q- Vous dites qu'il y a des ajustements à faire.
R- C'est un problème de communication. Les ajustements sont sur le problème de communication. Mais sur le fond, cela ne me blesse pas. Je suis élu depuis plus de vingt ans. J'ai occupé presque tous les postes de la République ou dans les collectivités locales. Donc, aujourd'hui, je n'ai qu'une seule ambition : c'est de mettre en oeuvre les convictions qui sont les miennes et que je défends depuis longtemps, et que je désespérais de ne pas avoir mises en oeuvre. Et ces convictions, c'est quoi ? C'est de voir un président de la République qui met en oeuvre le programme sur lequel il a été élu, pour que la confiance des Français dans les institutions revienne. Donc, ma seule ambition c'est de faire en sorte qu'à la fin de cette législature, on ait coché toutes les cases du projet de N. Sarkozy.
Q- Mais rassurez-nous, il n'a pas les pleins pouvoirs ?
R- Il n'a pas les pleins pouvoirs. Il lui faut, pour faire accepter chacune de ses décisions, un vote du Parlement. Et c'est le Parlement qui dans notre pays contrôle l'exécutif.
Q- F. Fillon, Emma Strack est avec nous et écoute les auditeurs de RMC. Emma ?
Q- E. Strack (de RMC) : Oui, vous m'entendez ?
R- Oui, je vous entends, nous vous entendons, allez-y.
Q- E. Strack : Cette question de Marie pour commencer, « La France a-t-elle reçue des menaces terroristes ces dernières semaines ? ».
R- On ne peut pas dire ça. Les menaces terroristes aujourd'hui sont, on l'a vu, beaucoup plus tournées vers la Grande-Bretagne mais en même temps on sent monter en Europe un climat qui est un climat dangereux. La situation au Moyen-Orient se dégrade, à la fois au Liban et en Palestine, la situation en Irak n'est pas bonne, la situation en Afghanistan n'est pas non plus en voie de s'améliorer, et donc on sent monter une menace terroriste qui n'est pas pour le moment particulièrement tournée vers notre pays mais qui peut frapper notre pays. C'est pour ça que nous avons mis au niveau d'alerte maximum nos services de renseignement, c'est pour ça que nous pratiquons avec les autres pays européens une coopération très, très intense, c'est pour ça que nous maintenons le plan Vigipirate, c'est pour ça que nous regardons aussi ce qui a bien réussi dans certains pays pour essayer de déjouer les attentats, je pense à la mise en place du réseau de télésurveillance en Grande-Bretagne, pour voir s'il faut nous-mêmes nous engager dans cette voie.
Q- Vous êtes favorable à une généralisation de la télésurveillance en France ?
R- En tout cas, ce que je souhaite c'est qu'on vérifie les bénéfices que les Britanniques en ont tirés.
Q- Autres questions des auditeurs de RMC, Emma.
Q- E. Strack : Oui, celle de Gilles, « Avez-vous envisagé que la croissance ne soit pas à la hauteur de vos attentes ? »
R- Oui, évidemment, mais tout l'objectif de la politique du Gouvernement c'est d'aller chercher de la croissance, parce qu'au fond de quoi souffre la France depuis vingt ans ? C'est d'avoir un point de croissance de moins que les autres pays européens et deux points de chômage de plus. Donc, si on veut une rupture, si on veut changer de politique économique, si on veut redonner au travail toute sa valeur, si on veut réduire les contraintes qui pèsent sur les entreprises, c'est pour aller chercher de la croissance. Et pour l'instant, toute la volonté du Gouvernement est tournée vers ce point de croissance supplémentaire qu'il faut aller chercher.
Q- Emma, question précise.
Q- E. Strack : Oui, question de Brice, « Vous avez rappelé, hier, les réformes, les premières réformes que le Gouvernement va mettre en oeuvre : créations de logements, baisse du chômage et de la dette, universités. Mais laquelle, selon vous, est la plus essentielle ? »
R- Je pense que la plus essentielle c'est la réforme de l'université. Je pense que pour l'avenir de notre pays, la lente dégradation du niveau des universités françaises, le fait que nous soyons un des pays développés qui a le moins de jeunes qui accèdent à un diplôme de l'enseignement supérieur constitue un handicap considérable. Alors, bien sûr, à court terme, les mesures les plus importantes c'est celles qui permettent de relancer la croissance, mais à long terme, la réforme la plus fondamentale c'est celle que nous sommes en train d'engager, c'est celle de l'université. On veut que 50 % d'une classe d'âge ait un diplôme de l'enseignement supérieur. On veut que les universités françaises retrouvent leur place dans les premiers rangs des classements internationaux.
Q- Il faut trouver du travail derrière.
R- Oui, enfin...
Q- ... une fois qu'on est diplômé.
R- ... On trouve toujours plus de travail quand on a fait de bonnes études, c'est-à-dire
que les diplômés trouvent plus de travail que ceux qui n'ont pas de diplôme. Mais il y
a un effort d'insertion professionnelle à faire, il y a un effort d'orientation des
étudiants, il faut aussi orienter les étudiants vers les filières qui sont les plus porteuses
pour l'économie française. Bien, nous allons prendre Noël qui est artisan boulanger
dans le Gard. Bonjour Noël.
Q- Noël : Bonjour monsieur Bourdin, bonjour monsieur le Premier ministre.
R- Bonjour.
Q- Noël : Une question : je voulais savoir si vous étiez prêt à modifier la loi concernant l'ouverture des grandes surfaces le dimanche au détriment des commerces de proximité, avec toutes les difficultés que ça nous implique ?
On va discuter de tout ça, il faut voir les deux aspects de la question. Il y a effectivement la protection du petit commerce, en particulier dans les zones rurales, qui est un problème auquel je suis particulièrement attentif, mais il y a aussi la vie de nos concitoyens dans les grandes agglomérations. Il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui ont des horaires décalés, des horaires très compliqués qui font que le dimanche est une des seules journées où ils peuvent aller faire leurs courses. Donc, il faut essayer de marier toutes ces contraintes. Une des idées que nous avions, c'était de laisser une grande liberté aux maires pour fixer les conditions dans lesquelles les commerces pouvaient être ouverts le dimanche. Pour l'instant, cette décision n'est pas prise, on va organiser la concertation avec les associations de commerçants, avec les associations de consommateurs, pour voir quelle est la meilleure façon de répondre à cette question. Mais je suis très très préoccupé, comme vous, par l'avenir des petits commerces en milieu rural. Je pense que le milieu rural a besoin au même titre que les quartiers d'une attention toute particulière du Gouvernement.
Q- Jean-Louis est avec nous, dans le Val de Marne. Jean-Louis, bonjour, responsable d'un supermarché. Allez-y !
R- Jean-Louis : Bonjour J.-J. Bourdin, bonjour monsieur le Premier ministre... Hier, dans votre discours à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré vouloir créer ou construire 150 000 nouveaux logements sociaux. Dans l'intérêt de la mixité sociale et culturelle, ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable que ces logements sociaux soient créés prioritairement dans les villes qui ne respectent pas la loi qui impose aux municipalités 20 % de logements sociaux, comme à Neuilly-sur-Seine par exemple, qui n'en possède que 2 % ? Merci.
Je suis évidemment favorable à la mixité sociale, mais en même temps il faut arrêter de faire de cette question de Neuilly un arbre qui cache la forêt. On construit des logements sociaux là où il y a de la place, on construit des logements sociaux là où on peut. Je veux dire on ne va pas détruire la moitié d'une ville existante pour y construire des logements sociaux. A Paris aussi, il y a un énorme déficit de logements sociaux. Pourquoi est-ce qu'on cite toujours Neuilly et pourquoi on ne cite pas Paris ? Le déficit de logements sociaux à Paris il est encore bien plus important que dans la plupart des grandes villes.
Q- Proportionnellement, il y a moins de logements sociaux à Paris qu'à Neuilly.
R- Bien sûr ! A Paris, il y a très peu de logements sociaux, donc je ne dis pas qu'il y en a moins qu'à Neuilly, mais enfin Paris est une des villes parmi toutes les grandes villes de notre pays où le pourcentage de logements sociaux est relativement faible. Mais en même temps, Paris existe, il y a des contraintes architecturales, il n'y a pas des disponibilités foncières considérables pour construire des logements sociaux à Paris. Alors, il faut construire des logements sociaux partout, il faut que la mixité sociale soit assurée. Et moi, l'engagement que j'ai pris hier, c'est 120 000 logements sociaux...
Q- ... oui, chaque année pendant cinq ans.
R- ... et 500 000 logements toutes catégories confondues, parce que le logement social n'est pas la seule priorité du Gouvernement, parce qu'il faut construire des logements pour que les logements sociaux puissent être libérés par ceux qui pourraient aller dans le parc immobilier normal. Et puis, nous souhaitons beaucoup l'accession à la propriété et c'est pour ça que nous avons décidé de permettre la déduction des intérêts d'emprunt de l'impôt sur le revenu ou de mettre en place un impôt négatif pour ceux qui choisissent de devenir propriétaires.
Q- Alors, à propos des logements sociaux j'ai reçu un mail de Marie-Jo, [qui est à Anglet]. « Je vous ai écouté, monsieur le Premier ministre, je suis locataire de mon appartement HLM depuis 1981, je désirerais l'acheter, donc accéder à la propriété, mais j'ai un revenu de 700 euros/mois. Qui me prêtera l'argent ? ».
R- Alors, il faut que... Dans le système que nous proposons, votre auditrice aura le droit au prêt à taux zéro et elle pourra ajouter au prêt à taux zéro un crédit d'impôt correspondant à la mesure que nous prenons sur la déduction des intérêts d'emprunts de l'impôt sur le revenu, ce qui devrait faciliter considérablement sa proposition...
Q- Avec 700 euros par mois, je ne sais pas qui va lui prêter de l'argent, franchement, F. Fillon.
R- Le prêt à taux zéro il est automatique. Elle pourra avoir le prêt à taux zéro avec 700 euros/mois et elle aura en plus, par rapport à la situation précédente, un crédit d'impôt correspondant à la mesure sur les intérêts d'emprunt.
Q- Bien. Je me fais l'interprète des infirmières et infirmiers. La revalorisation de l'acte infirmier devait intervenir le 1er juillet, le décret n'est toujours pas paru au Journal Officiel. Pourquoi ?
R- Pour les raisons qu'on a évoquées tout à l'heure, c'est-à-dire celle du déficit des comptes sociaux. Les gestionnaires de l'Assurance maladie sont préoccupés du dérapage des dépenses sociales et il y a une discussion...
Q- Les médecins, eux, la consultation a augmenté d'un euro le 1er juillet.
R- Ce qui était naturel, d'ailleurs.
Q- Oui, oui, mais pour les infirmières et les infirmiers aussi c'est naturel.
R- Ce qui faisait partie d'un engagement et sur les infirmières, on souhaite aussi, je souhaite aussi que leurs tarifs augmentent.
Q- Vous allez intervenir ?
R- De même que je souhaite que le statut des infirmiers et des infirmières soit mieux reconnu en fonction de leur durée d'études, en fonction de leurs responsabilités. Je pense que ce sont des métiers, et ça nous ramène d'ailleurs à la question de la franchise qui montre bien qu'il y a besoin d'argent supplémentaire pour financer des dépenses de santé. Donc, on est en train de négocier avec l'ensemble des partenaires pour que cette revalorisation puisse avoir lieu dans les meilleures conditions.
Q- Vous allez intervenir pour que ça se fasse vite ?
R- C'est déjà fait, monsieur Bourdin.
Q- C'est déjà fait ! Vous êtes intervenu ? Parce que le décret n'est pas paru au Journal officiel.
R- Mais, c'est un sujet qui fait l'objet encore de quelques discussions.
Q- Encore de quelques discussions ! Bien. On va prendre, pour terminer, Jean-
Hugues qui est agent immobilier en Haute-Garonne. Bonjour, Jean-Hugues.
R- Jean-Hugues : Bonjour monsieur Bourdin, bonjour monsieur le Premier ministre.
R- Bonjour.
Q- Jean-Hugues : Ma question est assez simple, ça concerne la décentralisation. Qu'avez-vous envisagé de plus que le Gouvernement Raffarin en matière de décentralisation - c'est le premier volet de ma question - et le deuxième, c'est aurez-vous le courage de vous installer en région avec votre Gouvernement ne serait-ce que quelques semaines pour piloter de nouveaux projets ?
Bon, d'abord ce n'est pas une question de courage parce qu'aller en province ne nécessite pas du courage, c'est au contraire plutôt un bonheur. Moi, je suis un provincial qui ai toujours vécu en province et je peux vous indiquer qu'avec le Président de la République, nous avons le projet très rapidement de décentraliser un Conseil des ministres et, autour de la décentralisation de ce Conseil des ministres, de passer du temps avec l'ensemble du Gouvernement...
Q- Un Conseil des ministres en province !
R- ... Avec l'ensemble du Gouvernement, en province, pour permettre à chaque ministre d'aller au devant de son administration, d'aller au devant des habitants de la province. Donc, ça va se faire très vite. Sur les collectivités locales, nous ce qu'on pense, c'est qu'il y a eu beaucoup de réformes et en particulier celle qui a été conduite par le Gouvernement de J.-P. Raffarin, avec la décentralisation de responsabilités nouvelles vers les départements et vers les régions, il faut que les départements et les régions digèrent, il faut qu'ils digèrent ces responsabilités nouvelles qui sont très lourdes pour les départements. Par exemple, c'est la décentralisation du revenu minimum d'insertion qui est une affaire très lourde, qui demande une organisation, qui demande que se crée une culture de la gestion de ces questions. Pour les régions, c'est la formation professionnelle, un énorme sujet sur lequel il y a beaucoup, beaucoup à dire, 24 milliards d'euros de dépenses pour la formation professionnelle, 60 % des Français qui n'ont jamais droit à la formation professionnelle. Donc, voilà, on va faire la pause dans les réformes, s'agissant de la décentralisation pour que les collectivités locales puissent assumer leurs responsabilités. Et puis, une fois qu'elles les auront complètement assumées, alors on verra comment on peut simplifier le paysage.
Merci F. Fillon d'être venu nous voir ce matin.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 juillet 2007
Jean-Jacques Bourdin.- F. Fillon, bonjour. Je vais vous poser des quantités de questions, qui me sont parvenues par l'intermédiaire des auditeurs. L'actualité pour commencer, on va parler de LU, qui va appartenir à une société américaine. Est-ce la loi du marché ou l'Etat doit intervenir ?
François Fillon.- Non, l'Etat doit intervenir quand il y a un danger pour l'emploi, quand il y a un danger stratégique pour un secteur industriel, sinon c'est la vie des entreprises. Les entreprises françaises achètent beaucoup d'entreprises aux Etats-Unis, et il n'y aurait pas de raison de s'opposer à ce que les entreprises américaines fassent de même, tant qu'on n'est pas sur des secteurs stratégiques et quand il n'y a pas de menaces sur l'emploi.
Q- Le service minimum, c'est l'actualité aussi. N. Sarkozy parlait de trois heures de service assuré le matin pour aller travailler, de trois heures de service le soir pour rentrer. En cas de grève, il n'y aura pas de réquisition, ce n'est pas dans le texte. Comment tenir les promesses ?
R- D'abord, ce que l'on a voulu faire avec ce texte, qui va être débattu à l'Assemblée dans quelques jours, c'est mettre en place dans toutes les entreprises de transport, le même processus de prévention des conflits qui a été mis en place à la RATP, et qui fonctionne. Parce qu'avant de chercher le moyen de lutter contre les effets de la grève, il faut déjà essayer d'empêcher la grève, c'est-à-dire de supprimer autant que possible ses causes. Je pense que ce sera déjà un progrès considérable. Si le processus n'aboutit pas, alors il doit y avoir une mise en place, par chaque entreprise, d'un service minimum. Ce service minimum va être négocié entreprise par entreprise. La loi ne pouvait pas fixer trois heures tous les matins et trois heures tous les soirs, pour n'importe quelle entreprise de transport, dans n'importe quelle condition. Le texte prévoit que ceux qui vont faire grève ou ceux qui choisissent de ne pas faire grève, vont devoir le déclarer, et le déclarer suffisamment à l'avance pour que l'entreprise puisse savoir de combien de personnels elle dispose pour organiser un service le plus satisfaisant possible.
Q- Deux jours avant...
R- Deux jours avant. Alors pourquoi pas de réquisition ? D'abord, parce que l'on ne peut pas aller contre le droit de grève, qui est un droit reconnu par la Constitution. Deuxièmement, parce que brandir le droit de réquisition, c'est brandir une arme qui n'a pas beaucoup d'efficacité. Au fond, ce qu'il faut, c'est convaincre ; ce qu'il faut, c'est mettre en place les dispositifs, par exemple, en rappelant que les jours de grève ne sont pas payés, en mettant en place le processus de prévention des conflits. C'est convaincre, c'est amener les salariés, les fonctionnaires, ceux qui travaillent dans les entreprises de transport, à comprendre que le droit de grève ne doit pas empêcher le fonctionnement d'un service minimum. On va voir si cela fonctionne, c'est déjà une avancée considérable par rapport à ce que nous avons connu dans notre pays. Si jamais cela ne fonctionnait pas, il sera toujours temps, à ce moment-là, de voir comment aller plus loin.
Q- Autre actualité du jour : le journal Les Echos, qui ne paraît pas aujourd'hui. Ce journal est repris par B. Arnault ; l'indépendance de la presse est-elle en danger ?
R- Non. Je crois que c'est normal que des journalistes s'inquiètent pour leur indépendance et qu'ils demandent des garanties. Et j'ai compris que les journalistes des Echos demandaient à B. Arnault des garanties. J'ai compris aussi que B. Arnault était prêt à donner ces garanties. Mais je voudrais dire que le problème de la presse française, ce n'est pas un problème d'indépendance, c'est un problème de capital. La presse française manque de lecteurs, elle manque d'argent, elle a des journalistes qui sont plutôt moins payés que dans les autres grands pays développés ; elle a besoin d'argent la presse française. Et quant à son indépendance, franchement, il suffit de lire le journal tous les matins pour comprendre que la presse française est une des plus indépendantes dans le monde. Donc la vraie question, c'est la question du financement de cette liberté et de cette indépendance, et c'est de ce point de vue-là, je crois, qu'il faut se placer.
Q- J'ai une question, qui est une question du député apparenté socialiste, R. Dosière, qui vous a posé cette question, et qui vous a saisi sur la question de l'utilisation par C. Sarkozy d'une carte de paiement, dont les sommes dépensées sont directement débitées sur le compte du Trésor public, ouvert à la présidence de la République. Et il vous demande à quel titre l'épouse du chef de l'Etat peut gérer l'argent public, dans la mesure où elle n'a pas d'existence juridique, et qu'elle ne fait pas partie des services de la présidence ? Il vous demande aussi le montant des plafonds de dépenses et de retraits en liquide autorisés pour cette carte de paiement ?
R- Monsieur Dosière s'est fait beaucoup de publicité en se faisant le spécialiste des finances de l'Elysée. Il sera répondu à monsieur Dosière : personne à l'Elysée n'utilise des cartes de crédit pour des besoins personnels. Tout cela, ce sont des petits débats très mesquins, et l'Elysée répondra dans le détail à monsieur Dosière, qu'il se rassure.
Q- Nous revenons sur votre discours de politique générale, et nous attendons évidemment des précisions. Les institutions pour commencer : création d'une commission de "personnalités incontestables" - ce sont les mots que vous avez prononcés - chargée de faire des propositions sur la modernisation des institutions, commission présidée par E. Balladur. J. Lang en fera-t-il partie ?
R- En tout cas, il y aura dans cette commission des membres du Parti socialiste.
Q- J. Lang ?
R- C'est à lui de répondre à cette question.
Q- Vous lui avez proposé ?
R- Je pense que la question lui a été...
Q- Est-ce que vous lui avez proposé F. Fillon ?
R- C'est trop tôt pour le dire. Il y a des discussions en cours, et les choses vont se faire dans...
Q- C'est une personnalité incontestable, J. Lang ?
R- J'ai dit deux choses : j'ai dit des personnalités incontestables sur le plan de leurs compétences en matière constitutionnelle, c'est-à-dire des constitutionnalistes qui ne font pas partie des noms que vous venez de citer. Et puis, des personnalités politiques représentant la diversité de la vie politique française. Il y aura des gens de droite, il y aura des gens de gauche. Mais quel est le rôle de cette commission ? Ce n'est pas de réformer la Constitution, c'est de donner un avis sur des propositions que nous avons déjà formulées, voire d'en faire d'autres, ou d'analyser les propositions que vont faire les groupes parlementaires. Parce que dans le même temps, chaque groupe parlementaire va être amené à se prononcer sur les évolutions constitutionnelles, et puis il faut qu'il y ait naturellement un endroit - et c'est le rôle de cette commission -, où l'on essaie de donner une cohérence à ce projet. Et puis, après, naturellement, c'est le Parlement qui va décider.
Q- Donc, une personnalité comme J. Lang serait une personnalité bienvenue dans cette commission ?
R- Bien sûr, et d'autres personnalités de gauche.
Q- Il y aura donc des hommes de gauche, des femmes de gauche ?
R- Bien sûr. On n'imagine pas de réformer la Constitution de notre pays sans rechercher un consensus avec toutes les forces politiques.
Q- Une dose de proportionnelle aux législatives : y êtes-vous favorable, vous ?
R- Je ne suis pas très favorable à la proportionnelle, parce que je pense que la proportionnelle a deux inconvénients : le premier, c'est qu'elle émiette le paysage politique, et qu'elle aboutit souvent - et dans notre pays, elle a souvent abouti - à l'absence de majorité, à la paralysie. Vous savez, quand on dit qu'il faut que toutes les forces politiques soient représentées, on oublie que, souvent dans notre pays, ce sont des minorités qui ont gouverné parce que quand l'Assemblée est trop émiettée, ce sont les minorités qui pèsent le plus. Parce qu'il est toujours plus facile de faire entendre un non, que de faire entendre un oui. Deuxièmement, la proportionnelle a un autre inconvénient, c'est qu'elle donne beaucoup, beaucoup de force aux états majors des partis politiques qui choisissent les candidats à la place des Français. Et donc, dire que c'est plus démocratique la proportionnelle, cela se discute. Parce que ce qui est très démocratique aussi, c'est qu'un homme ou une femme aille tout seul devant les électeurs, et que ces électeurs le choisissent. Alors, on me dit : "oui, mais il y a des partis politiques qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale avec ce système-là". Moi, je vois que dans les élections qui viennent de se produire, il y a quand même un choix des Français assez bipartisan : le Parti socialiste et l'UMP ont emporté, ensemble, la grande majorité des suffrages. S'il faut quand même aller vers une représentation des minorités, alors pourquoi pas introduire une dose de proportionnelle à l'Assemblée ? Mais ce que je dis avec beaucoup de force, c'est que je n'accepterai pas que cette dose de proportionnelle vienne mettre en péril le fait majoritaire, l'existence...
Q- Vous êtes très réservé ?
R- Donc, je suis réservé. Ou alors, il faut que cette dose de proportionnelle soit modeste, et qu'elle ne remette pas en cause le fait majoritaire.
Q- L'un des sujets, l'un des sujets majeurs qui agite évidemment les Français, c'est la Sécurité sociale. Vous avez dit hier, je cite : "Le plan de redressement de la branche maladie de la Sécurité sociale, proposé par l'assurance maladie, sera ratifié sans délais". C'est-à-dire aujourd'hui ?
R- C'est-à-dire, oui, dans les tout prochains jours.
Q- Ce plan prévoit une baisse de remboursement pour les patients qui n'ont pas de médecin traitant. On est d'accord ?
R- Pour ceux qui ne passent pas par un médecin traitant.
Q- Déplafonnement du forfait de 1 euro par acte médical. Je vais prendre un exemple : je vais dans la même journée chez un médecin généraliste, je paye 1 euro ; je vais ensuite dans un labo faire une prise de sang, je paye 1 euro ; je passe une radio, je paye 1 euro. Cela fait 3 euros sur la journée, c'est cela le déplafonnement ?
R- Absolument.
Q- Baisse des tarifs des biologistes et des radiologues aussi. Pourquoi, il y a des abus ?
R- Ce sont des professions dans lesquelles les revenus ont augmenté de façon considérable ces dernières années. Je rappelle que ces propositions ne sont pas les propositions du Gouvernement, ce sont les propositions qui sont faites par les responsables de l'assurance maladie.
Q- Baisse du prix de certains médicaments. Souhaitez-vous ajouter le déremboursement de certains antalgiques, par exemple, comme...
R- Non. Pour l'instant, ce que le Gouvernement souhaite c'est jouer à fond la carte de la responsabilité. Il y a une réforme qui dit que quand il y a dépassement des dépenses,
les gestionnaires de l'assurance maladie - qui, je le rappelle, sont des partenaires sociaux - font des propositions. Je dis que quand les gestionnaires de l'assurance maladie ont le courage de faire des propositions, le rôle du Gouvernement n'est pas d'aller contre ces propositions. Le Gouvernement doit - sauf s'il avait des choses qui soient absolument insupportables, ce n'est pas le cas - doit accepter les propositions qui sont faites par les gestionnaires de l'assurance maladie. On n'ira pas au-delà. En revanche, on réfléchit, vous le savez, sur des financements nouveaux pour permettre, à la fois, de réduire le déficit, mais surtout de financer des dépenses nouvelles.
Q- Oui, parce qu'il y a urgence : 11 milliards d'euros de déficit du régime général à la fin de l'année ! 8 milliards prévus, il y a donc un dérapage de 3 milliards. Alors que fait-on ? On instaure une franchise de soin, vous l'avez confirmé hier ?
R- Je pense que c'est un des engagements qu'avait pris N. Sarkozy durant sa campagne. Je pense que les élections, cela sert à valider des projets. Nous n'avons rien caché aux Français, nous avons dit exactement ce que nous allons faire, nous avons dit la vérité. Les Français se sont prononcés et la démocratie, c'est maintenant le fait de mettre en oeuvre ces engagements.
Q- Il y a un déficit qui sera donc comblé en partie par la franchise de soin ?
R- Il y a un déficit, et surtout, il y a des dépenses nouvelles à financer. Parce que non seulement il y a un déficit, mais nous savons tous bien que le vieillissement de la population, comme nous voulons que la qualité des soins progresse, amène à des financements nouveaux. Il faut aller plus loin dans la lutte contre le cancer, il faut aller plus loin dans la mise en place des soins palliatifs. Il n'est pas normal que dans notre pays on ne soit pas à la fin de sa vie. Il y a la maladie d'Alzheimer, pour laquelle il faut faire d'énormes progrès sur la recherche, sur les soins. Tout cela va coûter beaucoup d'argent. Que fait-on ? On laisse le déficit se creuser ? C'est évidemment impossible, c'est de la dette et ce sont les générations futures qui paieront. On augmente la CSG ? Elle est déjà à un niveau extrêmement élevé. Donc il y a la solution des franchises. La solution des franchises consiste à demander à chaque Français une participation aux soins qui lui sont apportés.
Q- Avec un plafond annuel par personne ?
R- Il faut évidemment un plafond annuel par personne. Pour l'instant, pour des raisons techniques, on est plutot sur des franchises qui sont des franchises par type d'acte, et on est en train d'étudier comment mettre en place des conditions de revenus qui permettraient d'avoir un plafond et un plancher. C'est-à-dire, au fond, on dit, il y a des franchises - elles existent déjà d'ailleurs les franchises, il y en a dans un certain nombre de domaines -, c'est normal, les Français doivent participer au financement de cet effort de santé, mais ils ne doivent pas y participer plus que leurs revenus ne le permettent.
Q- Vous tiendrez compte, donc, des conditions de revenus de chacun ?
R- On est en train d'étudier comment on peut le faire. Pour l'instant, il n'y a aucune
décision prise sur les franchises, mais c'est l'idée sur laquelle nous travaillons.
Q- Oui, mais l'idée c'est de tenir compte des conditions de revenus de chacun ?
R- Absolument.
Q- Quel pourrait être le montant de la franchise ?
R- Ce n'est pas fixé, on a encore une réunion aujourd'hui pour travailler sur ce sujet. De
toute façon, ce sont des sommes qui ne sont pas sommes très élevées. On a parlé de
franchises qui peuvent être de 50 centimes d'euros par boite de médicaments. C'est trop tôt pour le dire.
Q- Franchise sur les boîtes de médicaments, sur les visites, sur tous les actes médicaux ?
R- C'est trop tôt pour le dire, mais je pense que ce qu'il faut que les Français comprennent, c'est qu'il n'y aura pas d'amélioration de la qualité des soins d'il n'y p as un effort de financement de la part de chacun d'entre nous. Et vous savez, quand vous voyez avec quelle facilité, par exemple, nous avons intégré dans nos dépenses l'arrivée du téléphone portable, l'arrivée de l'Internet haut débit, l'arrivée de la télévision payante, on se dit que peut-être, quelques euros supplémentaires, payés par tous les Français pour financer l'amélioration de la qualité des soins, ce serait normal.
Q- Faut-il plafonner ce que chacun paye pour sa santé en fonction de ses revenus ? L'Allemagne l'a fait.
R- Oui, bien sûr, c'est ce que nous proposons, c'est l"idée du bouclier...
Q- C'est l'idée du bouclier sanitaire que vous reprenez ?
R- Voilà, absolument.
Q- Le contrat de travail, deuxième sujet de préoccupation des Français. Vous demandez la mise en place d'un contrat unique, plus souple pour l'employeur.
R- Non, plus souple pour l'employeur et plus sécurisant pour le salarié. Quel est le
problème en France...
Q- Est-ce que les salariés vont supporter les risques de l'activité économique, c'est la question ?
R- Aujourd'hui, ils les supportent à plein. On est dans un pays qui est d'une hypocrisie totale. Dans ce pays aujourd'hui, comme le contrat de travail à durée indéterminée est très rigide, et surtout, les conditions pour y mettre fin sont très rigides, que fait-on ? On augmente massivement le recours à l'intérim, on augmente massivement le recours aux CDD, on augmente la précarité parce qu'on contourne l'obstacle.
Q- Et on augmente aussi le recours aux préretraites...
R- C'est un autre sujet. Et donc, ce que nous disons, c'est qu'il y a beaucoup de pays européens qui ont travaillé cette question du contrat de travail en essayant d'avoir un contrat de travail à durée indéterminée, c'est-à-dire moins de précarité, et en même temps, des conditions de fin de contrat qui soient plus sécurisantes pour les entreprises. Aujourd'hui, les entreprises, lorsqu'elles sont obligées de mettre fin à des contrats pour des raisons liées à leurs carnets de commandes, à leurs charges, elles ont une incertitude financière et une incertitude juridique qui est considérable. A la limite, c e que demande les entreprises, ce n'est pas que les conditions de fin de contrat soient plus souples, c'est qu'elles soient plus sûres, c'est-à-dire que l'on sache exactement combien cela coûte et quel est le délai qui devra être mis en oeuvre. Qu'est-ce qu'on a fait ? On n'a pas décidé sur cette question, on a demandé aux partenaires sociaux de travailler sur le sujet.
Q- Et ils commencent d'ailleurs à en parler aujourd'hui.
R- Ils sont au travail, je les ai tous rencontrés et j'ai été frappé de voir que la plupart des responsables des organisations syndicales étaient très déterminés à faire des propositions innovantes dans ce domaine. Donc nous on attend sereinement le travail des partenaires sociaux.
Q- L'immigration. Je vous lis : les immigrés qui veulent venir en France doivent avoir les moyens de s'y intégrer, travailler par exemple. Que faites-vous de ceux qui travaillent depuis plusieurs années, qui payent des cotisations sociales, qui payent leurs impôts en France, et qui n'ont pas de papiers ? Vous les régularisez ?
R- Non. Non, pour une raison très simple...
Q- Par exemple, les salariés de Buffalo Grill ?
R- D'abord, il ne devrait pas y avoir de salariés de Buffalo Grill qui n'ont pas de papiers et s'il y a des employeurs qui emploient des personnes sans papiers, ces employeurs peuvent s'attendre à des sanctions extrêmement lourdes, parce que je considère que c'est un manque de civisme inacceptable que de ne pas vérifier la situation...
Q- Mais que faites-vous de celui qui travaille en France depuis plusieurs années et qui payent des impôts, qui payent des cotisations sociales ? Il y en a F. Fillon !
R- Les gens qui sont en situation irrégulière, ils n'ont pas vocation à rester dans notre pays, sinon, il n'y a plus de loi !
Q- Ils ont cotisé pour rien, ils ont payé des impôts pour rien ?
R- La loi c'est la loi pour tout le monde ! Quand on vient en France, on doit avoir des papiers, si on n'a pas de papiers, on a vocation à rentrer dans son pays. Naturellement, il y a des situations humanitaires que nous sommes obligés de prendre en compte, et que nous prendrons en compte. Mais moi je dis aux Français que jamais je n'accepterai de régularisation globale, parce que les régularisations globales, à chaque fois qu'elles ont lieu, elles ont provoqué un appel d'air considérable, c'est-à-dire qu'elles ont relancé des hommes et des femmes sur un chemin de l'exil qui souvent se termine pour eux dans des situations et dans des conditions qui sont catastrophiques. Donc c'est totalement irresponsable que de dire, "vous avez fraudé la loi française, mais parce que vous êtes là depuis longtemps, parce que vous travaillez, parce qu'il y a des gens malhonnêtes qui ont accepté de vous donner un travail, on va vous régulariser". La conséquence de ces actes, en Espagne quand cela a été fait, dans d'autres pays quand cela a été fait, c'est un accroissement de l'immigration, ce sont les réseaux mafieux qui profitent de ces régularisations massives pour aller promettent, pour aller faire miroiter à d'autres étranger à travers le monde, une sorte de pays de Cocagne que serait la France et qu'elle n'est pas aujourd'hui, parce que la France n'a pas les moyens d'être un pays de Cocagne.
Q- La TVA sociale, F. Fillon, oui ou non ? Oui, si j'ai bien compris ?
R- On y travaille. La question est très simple : la protection sociale, le coût de la protection augmente, et il va continuer d'augmenter parce qu'on est dans un pays qui veut du progrès et on est dans un pays où le vieillissement de la population amène à une protection sociale dont le coût augmente. Pour l'instant, la protection sociale pèse uniquement sur le travail, c'est-à-dire qu'à chaque fois que l'on augmente les dépenses sociales, on augmente le coût du travail, à chaque fois que l'on augmente le coût du travail, on détruit des emplois, on pousse vers l'extérieur, vers d'autres pays, nos industries et nos services. Peut-on continuer comme cela ? A gauche comme à droite, il y a des gens qui, depuis des années, disent qu'il faut changer l'assiette des cotisations sociales. En tout cas, il faut modifier pour une part l'assiette des cotisations sociales. C'est ce qu'écrivait dans son programme présidentiel le Parti socialiste, c'est ce que monsieur Strauss-Kahn dit depuis très longtemps, c'est ce qu'un certain nombre d'autres hommes et femmes, dont N. Sarkozy, disent à droite. Donc on va poser cette question sur la table, demander à des spécialistes d'y travailler pour voir comment on peut améliorer la base des cotisations sociales pour éviter qu'elles ne détruisent de l'emploi.
Q- Augmenter la TVA de 5 points, c'est ce que vous aviez dit ? D'ailleurs, regrettez-vous... ?
R- Non, ce n'est pas exactement comme cela que ça s'est passé. C'est un de vos confrères qui m'a dit "5 points", et j'ai dit que 5 points, c'est une hypothèse comme une autre, cela ne veut rien dire. On peut aussi dire les choses de façon différente : l'Etat dépense trop, il faut baisser les dépenses de l'Etat. Si l'on baisse les dépenses de l'Etat, on maintient le taux de TVA au niveau où il est aujourd'hui et que l'on transfère des cotisations sociales sur le taux de TVA, on obtient le résultat que l'on est en train de rechercher. Il faut aussi comprendre que l'augmentation ou le changement de la base des cotisations sociales ne doit pas nous empêcher de faire des économies sur le train de vie de l'Etat sur le volume des dépenses publiques. Il faut que nous ayons à coeur, à la fois, de réduire les dépenses publiques et de trouver des bases plus saines pour des cotisations sociales, qui, elles, ne peuvent pas diminuer parce que les besoins augmentent.
[Deuxième partie à 8h47]
Q- J'ai des questions très précises : est-ce que des détenus seront graciés le 14 juillet ?
R- En principe, le président de la République a dit non. Ceci étant, c'est son pouvoir, c'est un pouvoir qu'il ne partage avec personne, et donc c'est à lui...
Q- Sur quelles garanties avec les prisons françaises qui étaient déjà trop pleines.
R- C'est à lui d'y répondre. Oui mais en même temps, je crois que dans l'idée de N. Sarkozy, cette grâce automatique qui tombe le 14 juillet n'est pas conforme avec la philosophie qui est la sienne, quand il dit que les coupables doivent être punis, que ceux qui ont été condamnés doivent purger leur peine, il y a quelque chose d'anormal, quelque chose d'illogique au fond à faire tomber automatiquement ces grâces du 14 juillet. Ceci, encore une fois, est une décision du président de la République et il ne m'appartient pas de répondre à sa place.
Q- Est-ce que l'allocation de rentrée scolaire sera augmentée ?
R- L'allocation de rentrée scolaire augmente tous les ans de l'inflation.
Q- Pas plus ?
R- ... Pas plus, je pense. C'est une décision qui sera prise à la fin du mois de juillet, donc on est encore un peu tôt pour répondre, mais a priori, l'allocation de rentrée scolaire, comme ces dernières années, augmentera de l'inflation.
Q- De l'inflation et pas plus, bien. La gratuité des musées, vous y êtes favorable ?
R- C'est une idée que je défends et que j'avais défendue dans le projet de N. Sarkozy. C'est une idée qui est très contestée dans notre pays. Pourquoi je la défens ? Parce que dans beaucoup de pays anglo-saxons - c'est le cas en Angleterre, en particulier - les musées sont gratuits et la fréquentation des musées est considérable. Ce qui est gratuit en général, ce sont les collections permanentes des musées, et puis les musées font payer les entrées dans les expositions temporaires. Moi je crois que c'est une façon d'emmener vers les musées des gens qui n'y vont pas aujourd'hui. J'ai demandé qu'il y ait une expérimentation qui soit faite. Puisqu'on m'explique que c'est une mauvaise idée, que la gratuité au fond enlève de la valeur à l'acte d'aller voir des oeuvres d'art, eh bien, je demande qu'on fasse une expérimentation, qu'on choisisse quelques grands musées en France et en province, qu'on leur donne les moyens d'assumer ce choc, et puis qu'on regarde si cela a une vraie influence sur la fréquentation. Moi, je voudrais qu'on démocratise beaucoup plus l'accès au patrimoine. Nous sommes dans un pays qui a fait des efforts dans ce domaine, mais qui n'est pas en avance.
Q- Je vous pose une dernière question avant de vous laisser avec les auditeurs : F. Fillon, à quoi servez-vous ? Je vous dis cela parce que c'est Le Monde qui a posé la question et qu'autres grands journaux, alors je vous la pose : à quoi servez-vous ?
R- C'est une question qui revient périodiquement depuis le début de la Vème République. On la posait à propos du Premier ministre G. Pompidou - je profite d'ailleurs de l'occasion pour rendre hommage à son épouse qui vient de décéder, qui a joué un rôle très, très important, puisqu'on parlait des musées, j'allais dire dans la popularisation particulière [...] de l'art abstrait. C'est sain dans la Vème République qu'il y ait un président de la République qui est élu au suffrage universel. Il est le patron, c'est lui que les Français choisissent.
Q- C'est votre patron ?
R- C'est son projet que les Français choisissent. Le Premier ministre, son travail c'est de coordonner l'action du Gouvernement, c'est de faire en sorte que l'équipe gouvernementale fonctionne, qu'elle s'exprime de la façon la plus cohérente possible - ce qui n'est pas toujours facile compte tenu des personnalités qui peuplent un Gouvernement. Et ensuite, le rôle du Premier ministre, c'est d'aller devant le Parlement pour obtenir du Parlement le soutien à la mise en oeuvre du projet du président de la République. Voilà. C'est mon travail, c'est celui de tous les Premier ministre, et je l'accomplirai avec détermination et sans chercher...
Q- [Question inaudible...]
R- Non, vous savez, moi je...
Q- Vous dites qu'il y a des ajustements à faire.
R- C'est un problème de communication. Les ajustements sont sur le problème de communication. Mais sur le fond, cela ne me blesse pas. Je suis élu depuis plus de vingt ans. J'ai occupé presque tous les postes de la République ou dans les collectivités locales. Donc, aujourd'hui, je n'ai qu'une seule ambition : c'est de mettre en oeuvre les convictions qui sont les miennes et que je défends depuis longtemps, et que je désespérais de ne pas avoir mises en oeuvre. Et ces convictions, c'est quoi ? C'est de voir un président de la République qui met en oeuvre le programme sur lequel il a été élu, pour que la confiance des Français dans les institutions revienne. Donc, ma seule ambition c'est de faire en sorte qu'à la fin de cette législature, on ait coché toutes les cases du projet de N. Sarkozy.
Q- Mais rassurez-nous, il n'a pas les pleins pouvoirs ?
R- Il n'a pas les pleins pouvoirs. Il lui faut, pour faire accepter chacune de ses décisions, un vote du Parlement. Et c'est le Parlement qui dans notre pays contrôle l'exécutif.
Q- F. Fillon, Emma Strack est avec nous et écoute les auditeurs de RMC. Emma ?
Q- E. Strack (de RMC) : Oui, vous m'entendez ?
R- Oui, je vous entends, nous vous entendons, allez-y.
Q- E. Strack : Cette question de Marie pour commencer, « La France a-t-elle reçue des menaces terroristes ces dernières semaines ? ».
R- On ne peut pas dire ça. Les menaces terroristes aujourd'hui sont, on l'a vu, beaucoup plus tournées vers la Grande-Bretagne mais en même temps on sent monter en Europe un climat qui est un climat dangereux. La situation au Moyen-Orient se dégrade, à la fois au Liban et en Palestine, la situation en Irak n'est pas bonne, la situation en Afghanistan n'est pas non plus en voie de s'améliorer, et donc on sent monter une menace terroriste qui n'est pas pour le moment particulièrement tournée vers notre pays mais qui peut frapper notre pays. C'est pour ça que nous avons mis au niveau d'alerte maximum nos services de renseignement, c'est pour ça que nous pratiquons avec les autres pays européens une coopération très, très intense, c'est pour ça que nous maintenons le plan Vigipirate, c'est pour ça que nous regardons aussi ce qui a bien réussi dans certains pays pour essayer de déjouer les attentats, je pense à la mise en place du réseau de télésurveillance en Grande-Bretagne, pour voir s'il faut nous-mêmes nous engager dans cette voie.
Q- Vous êtes favorable à une généralisation de la télésurveillance en France ?
R- En tout cas, ce que je souhaite c'est qu'on vérifie les bénéfices que les Britanniques en ont tirés.
Q- Autres questions des auditeurs de RMC, Emma.
Q- E. Strack : Oui, celle de Gilles, « Avez-vous envisagé que la croissance ne soit pas à la hauteur de vos attentes ? »
R- Oui, évidemment, mais tout l'objectif de la politique du Gouvernement c'est d'aller chercher de la croissance, parce qu'au fond de quoi souffre la France depuis vingt ans ? C'est d'avoir un point de croissance de moins que les autres pays européens et deux points de chômage de plus. Donc, si on veut une rupture, si on veut changer de politique économique, si on veut redonner au travail toute sa valeur, si on veut réduire les contraintes qui pèsent sur les entreprises, c'est pour aller chercher de la croissance. Et pour l'instant, toute la volonté du Gouvernement est tournée vers ce point de croissance supplémentaire qu'il faut aller chercher.
Q- Emma, question précise.
Q- E. Strack : Oui, question de Brice, « Vous avez rappelé, hier, les réformes, les premières réformes que le Gouvernement va mettre en oeuvre : créations de logements, baisse du chômage et de la dette, universités. Mais laquelle, selon vous, est la plus essentielle ? »
R- Je pense que la plus essentielle c'est la réforme de l'université. Je pense que pour l'avenir de notre pays, la lente dégradation du niveau des universités françaises, le fait que nous soyons un des pays développés qui a le moins de jeunes qui accèdent à un diplôme de l'enseignement supérieur constitue un handicap considérable. Alors, bien sûr, à court terme, les mesures les plus importantes c'est celles qui permettent de relancer la croissance, mais à long terme, la réforme la plus fondamentale c'est celle que nous sommes en train d'engager, c'est celle de l'université. On veut que 50 % d'une classe d'âge ait un diplôme de l'enseignement supérieur. On veut que les universités françaises retrouvent leur place dans les premiers rangs des classements internationaux.
Q- Il faut trouver du travail derrière.
R- Oui, enfin...
Q- ... une fois qu'on est diplômé.
R- ... On trouve toujours plus de travail quand on a fait de bonnes études, c'est-à-dire
que les diplômés trouvent plus de travail que ceux qui n'ont pas de diplôme. Mais il y
a un effort d'insertion professionnelle à faire, il y a un effort d'orientation des
étudiants, il faut aussi orienter les étudiants vers les filières qui sont les plus porteuses
pour l'économie française. Bien, nous allons prendre Noël qui est artisan boulanger
dans le Gard. Bonjour Noël.
Q- Noël : Bonjour monsieur Bourdin, bonjour monsieur le Premier ministre.
R- Bonjour.
Q- Noël : Une question : je voulais savoir si vous étiez prêt à modifier la loi concernant l'ouverture des grandes surfaces le dimanche au détriment des commerces de proximité, avec toutes les difficultés que ça nous implique ?
On va discuter de tout ça, il faut voir les deux aspects de la question. Il y a effectivement la protection du petit commerce, en particulier dans les zones rurales, qui est un problème auquel je suis particulièrement attentif, mais il y a aussi la vie de nos concitoyens dans les grandes agglomérations. Il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui ont des horaires décalés, des horaires très compliqués qui font que le dimanche est une des seules journées où ils peuvent aller faire leurs courses. Donc, il faut essayer de marier toutes ces contraintes. Une des idées que nous avions, c'était de laisser une grande liberté aux maires pour fixer les conditions dans lesquelles les commerces pouvaient être ouverts le dimanche. Pour l'instant, cette décision n'est pas prise, on va organiser la concertation avec les associations de commerçants, avec les associations de consommateurs, pour voir quelle est la meilleure façon de répondre à cette question. Mais je suis très très préoccupé, comme vous, par l'avenir des petits commerces en milieu rural. Je pense que le milieu rural a besoin au même titre que les quartiers d'une attention toute particulière du Gouvernement.
Q- Jean-Louis est avec nous, dans le Val de Marne. Jean-Louis, bonjour, responsable d'un supermarché. Allez-y !
R- Jean-Louis : Bonjour J.-J. Bourdin, bonjour monsieur le Premier ministre... Hier, dans votre discours à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré vouloir créer ou construire 150 000 nouveaux logements sociaux. Dans l'intérêt de la mixité sociale et culturelle, ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable que ces logements sociaux soient créés prioritairement dans les villes qui ne respectent pas la loi qui impose aux municipalités 20 % de logements sociaux, comme à Neuilly-sur-Seine par exemple, qui n'en possède que 2 % ? Merci.
Je suis évidemment favorable à la mixité sociale, mais en même temps il faut arrêter de faire de cette question de Neuilly un arbre qui cache la forêt. On construit des logements sociaux là où il y a de la place, on construit des logements sociaux là où on peut. Je veux dire on ne va pas détruire la moitié d'une ville existante pour y construire des logements sociaux. A Paris aussi, il y a un énorme déficit de logements sociaux. Pourquoi est-ce qu'on cite toujours Neuilly et pourquoi on ne cite pas Paris ? Le déficit de logements sociaux à Paris il est encore bien plus important que dans la plupart des grandes villes.
Q- Proportionnellement, il y a moins de logements sociaux à Paris qu'à Neuilly.
R- Bien sûr ! A Paris, il y a très peu de logements sociaux, donc je ne dis pas qu'il y en a moins qu'à Neuilly, mais enfin Paris est une des villes parmi toutes les grandes villes de notre pays où le pourcentage de logements sociaux est relativement faible. Mais en même temps, Paris existe, il y a des contraintes architecturales, il n'y a pas des disponibilités foncières considérables pour construire des logements sociaux à Paris. Alors, il faut construire des logements sociaux partout, il faut que la mixité sociale soit assurée. Et moi, l'engagement que j'ai pris hier, c'est 120 000 logements sociaux...
Q- ... oui, chaque année pendant cinq ans.
R- ... et 500 000 logements toutes catégories confondues, parce que le logement social n'est pas la seule priorité du Gouvernement, parce qu'il faut construire des logements pour que les logements sociaux puissent être libérés par ceux qui pourraient aller dans le parc immobilier normal. Et puis, nous souhaitons beaucoup l'accession à la propriété et c'est pour ça que nous avons décidé de permettre la déduction des intérêts d'emprunt de l'impôt sur le revenu ou de mettre en place un impôt négatif pour ceux qui choisissent de devenir propriétaires.
Q- Alors, à propos des logements sociaux j'ai reçu un mail de Marie-Jo, [qui est à Anglet]. « Je vous ai écouté, monsieur le Premier ministre, je suis locataire de mon appartement HLM depuis 1981, je désirerais l'acheter, donc accéder à la propriété, mais j'ai un revenu de 700 euros/mois. Qui me prêtera l'argent ? ».
R- Alors, il faut que... Dans le système que nous proposons, votre auditrice aura le droit au prêt à taux zéro et elle pourra ajouter au prêt à taux zéro un crédit d'impôt correspondant à la mesure que nous prenons sur la déduction des intérêts d'emprunts de l'impôt sur le revenu, ce qui devrait faciliter considérablement sa proposition...
Q- Avec 700 euros par mois, je ne sais pas qui va lui prêter de l'argent, franchement, F. Fillon.
R- Le prêt à taux zéro il est automatique. Elle pourra avoir le prêt à taux zéro avec 700 euros/mois et elle aura en plus, par rapport à la situation précédente, un crédit d'impôt correspondant à la mesure sur les intérêts d'emprunt.
Q- Bien. Je me fais l'interprète des infirmières et infirmiers. La revalorisation de l'acte infirmier devait intervenir le 1er juillet, le décret n'est toujours pas paru au Journal Officiel. Pourquoi ?
R- Pour les raisons qu'on a évoquées tout à l'heure, c'est-à-dire celle du déficit des comptes sociaux. Les gestionnaires de l'Assurance maladie sont préoccupés du dérapage des dépenses sociales et il y a une discussion...
Q- Les médecins, eux, la consultation a augmenté d'un euro le 1er juillet.
R- Ce qui était naturel, d'ailleurs.
Q- Oui, oui, mais pour les infirmières et les infirmiers aussi c'est naturel.
R- Ce qui faisait partie d'un engagement et sur les infirmières, on souhaite aussi, je souhaite aussi que leurs tarifs augmentent.
Q- Vous allez intervenir ?
R- De même que je souhaite que le statut des infirmiers et des infirmières soit mieux reconnu en fonction de leur durée d'études, en fonction de leurs responsabilités. Je pense que ce sont des métiers, et ça nous ramène d'ailleurs à la question de la franchise qui montre bien qu'il y a besoin d'argent supplémentaire pour financer des dépenses de santé. Donc, on est en train de négocier avec l'ensemble des partenaires pour que cette revalorisation puisse avoir lieu dans les meilleures conditions.
Q- Vous allez intervenir pour que ça se fasse vite ?
R- C'est déjà fait, monsieur Bourdin.
Q- C'est déjà fait ! Vous êtes intervenu ? Parce que le décret n'est pas paru au Journal officiel.
R- Mais, c'est un sujet qui fait l'objet encore de quelques discussions.
Q- Encore de quelques discussions ! Bien. On va prendre, pour terminer, Jean-
Hugues qui est agent immobilier en Haute-Garonne. Bonjour, Jean-Hugues.
R- Jean-Hugues : Bonjour monsieur Bourdin, bonjour monsieur le Premier ministre.
R- Bonjour.
Q- Jean-Hugues : Ma question est assez simple, ça concerne la décentralisation. Qu'avez-vous envisagé de plus que le Gouvernement Raffarin en matière de décentralisation - c'est le premier volet de ma question - et le deuxième, c'est aurez-vous le courage de vous installer en région avec votre Gouvernement ne serait-ce que quelques semaines pour piloter de nouveaux projets ?
Bon, d'abord ce n'est pas une question de courage parce qu'aller en province ne nécessite pas du courage, c'est au contraire plutôt un bonheur. Moi, je suis un provincial qui ai toujours vécu en province et je peux vous indiquer qu'avec le Président de la République, nous avons le projet très rapidement de décentraliser un Conseil des ministres et, autour de la décentralisation de ce Conseil des ministres, de passer du temps avec l'ensemble du Gouvernement...
Q- Un Conseil des ministres en province !
R- ... Avec l'ensemble du Gouvernement, en province, pour permettre à chaque ministre d'aller au devant de son administration, d'aller au devant des habitants de la province. Donc, ça va se faire très vite. Sur les collectivités locales, nous ce qu'on pense, c'est qu'il y a eu beaucoup de réformes et en particulier celle qui a été conduite par le Gouvernement de J.-P. Raffarin, avec la décentralisation de responsabilités nouvelles vers les départements et vers les régions, il faut que les départements et les régions digèrent, il faut qu'ils digèrent ces responsabilités nouvelles qui sont très lourdes pour les départements. Par exemple, c'est la décentralisation du revenu minimum d'insertion qui est une affaire très lourde, qui demande une organisation, qui demande que se crée une culture de la gestion de ces questions. Pour les régions, c'est la formation professionnelle, un énorme sujet sur lequel il y a beaucoup, beaucoup à dire, 24 milliards d'euros de dépenses pour la formation professionnelle, 60 % des Français qui n'ont jamais droit à la formation professionnelle. Donc, voilà, on va faire la pause dans les réformes, s'agissant de la décentralisation pour que les collectivités locales puissent assumer leurs responsabilités. Et puis, une fois qu'elles les auront complètement assumées, alors on verra comment on peut simplifier le paysage.
Merci F. Fillon d'être venu nous voir ce matin.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 juillet 2007