Texte intégral
Mesdames, Messieurs les Professeurs
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis ici pour marquer le lancement du programme national de lutte contre la tuberculose. Il m'a semblé que cette évolution importante méritait une explication et une mise en lumière particulière.
Parce que, tout d'abord, la tuberculose est une pathologie emblématique, lourde d'histoire mais aussi désespérément actuelle. Ensuite parce que le lancement de ce programme est porteur d'une annonce qui marque un tournant dans notre approche de la tuberculose en santé publique: il s'agit de la suspension de l'obligation de vaccination par le BCG chez les enfants et les adolescents. Cette mesure s'accompagne d'une recommandation forte de vaccination des enfants les plus exposés.
Aujourd'hui, pour nous autres Occidentaux, la tuberculose semble relever d'un monde épidémiologique ancien, d'un état révolu de la pathologie. Et en matière de tuberculose, c'est exact, la France est un pays à faible incidence, comme le sont aussi la plupart de ses voisins européens, ainsi que l'Amérique du Nord et l'Australie. L'incidence moyenne de la tuberculose y diminue de façon régulière et progressive. Elle a été divisée par six entre 1972 et 2005. Les cas déclarés en 2005 sont au nombre de 5374, ce qui donne environ 8000 cas après correction de ces données pour prendre en compte la sous déclaration. La France s'est, en outre, donnée les moyens de maintenir un faible taux de formes de tuberculose multirésistantes par son bon niveau de contrôle de la tuberculose.
Ces résultats le montrent, le système français de lutte antituberculeuse est loin d'avoir démérité. Mais il doit s'adapter, comme il l'a déjà fait par le passé, aux évolutions épidémiologiques françaises et mondiales, aux connaissances nouvelles et aux expériences acquises. C'est ce qui motive le lancement aujourd'hui du programme national de lutte contre la tuberculose.
Nous devons garder, face à la tuberculose, toute notre vigilance. L'incidence a baissé mais la maladie n'a pas disparu. Il faut maintenir intacts nos compétences et notre système de surveillance qui est performant et réactif. Nous devons aussi nous attaquer aux disparités. La diminution que nous avons saluée laisse en effet apparaître de fortes disparités territoriales et socio-démographiques. Les cas déclarés en France sont, tout d'abord, assez fortement concentrés géographiquement puisque c'est dans les régions Ile de France, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes qu'on recense plus de la moitié des déclarations. La tuberculose reste présente dans nos grands centres urbains, elle y est, en tout état de cause, plus fréquente.
On constate, par ailleurs, que l'incidence la plus élevée de la maladie se retrouve en Île de France et en Guyane. La tuberculose atteint préférentiellement les personnes âgées, les personnes en situation précaire et celles originaires de pays où l'incidence de la tuberculose est très élevée.
Le lancement du programme de lutte contre la tuberculose marquera, enfin, je l'ai dit une autre adaptation majeure. Il s'agit de celle du dispositif de prévention et, en son sein, de la politique de vaccination. C'est en 1950 que la vaccination par le BCG, du nom de ses inventeurs, Calmette et Guérin, a été rendue obligatoire.
Aujourd'hui, en 2007, à la faveur de la baisse de l'incidence de la tuberculose en France et du lancement du programme national de lutte contre la tuberculose, je suspens cette obligation de vaccination par le BCG chez les enfants et les adolescents sous certaines conditions sur lesquelles je reviendrai au cours de l'exposé du programme que nous lançons aujourd'hui.
Parce que la tuberculose demeure, on l'a vu, une menace, notre pays a besoin d'une adaptation de ses dispositifs. C'est le but du programme national de lutte contre la tuberculose.
Il est issu des travaux d'un comité d'élaboration du programme national de lutte contre la tuberculose qui a associé experts, représentants des agences sanitaires, des ministères concernés, assurance maladie et usagers. Je souhaite aujourd'hui leur rendre hommage.
A partir des éléments de diagnostic disponibles sur la lutte contre la tuberculose en France, ils ont élaboré des propositions en se fixant deux objectifs généraux : consolider la diminution progressive de l'incidence de la tuberculose maladie et réduire les disparités.
Ce programme, est décliné en six axes : le diagnostic précoce et traitement adapté pour tous les cas de tuberculose maladie ; l'amélioration du dépistage ; l'optimisation de l'approche vaccinale ; le maintien de la résistance aux antibiotiques à un faible niveau ; l'amélioration de la surveillance épidémiologique et des connaissances sur les déterminants de la tuberculose ; et enfin l'amélioration du pilotage de la lutte antituberculeuse.
Il s'agit, en effet, c'est le premier axe, de prévenir les retards au diagnostic en sensibilisant et informant sur la tuberculose tant les professionnels que les personnes à risque de tuberculose. Il faut également favoriser l'accès aux soins et renforcer la confiance dans le dispositif de soins. Nous devons impérativement maintenir la qualité des soins par la mise à disposition de protocoles de soins, par l'évaluation de la qualité des laboratoires et des pratiques professionnelles. Je souhaite que l'accent soit particulièrement mis sur la prévention de la transmission en milieu de soins. L'éducation thérapeutique doit être renforcée et l'observance facilitée. Il s'agit là de mesures d'une importance fondamentale. La tuberculose est une maladie, guérissable mais grave avec des risques d'apparition de multirésistances. Il est donc essentiel que, pour ces traitements longs et contraignants, les patients bénéficient d'un accompagnement adapté, médical, social, psychologique selon les cas, et que la continuité des soins soit assurée.
Le deuxième axe porte sur les actions de dépistage. Il importe de les renforcer. Le dépistage des formes contagieuses réduit les délais au diagnostic et diminue le risque de contaminations secondaires. Les enquêtes autour des cas de tuberculoses doivent être systématiquement déclenchées.
Le troisième axe du programme tend à optimiser la stratégie vaccinale par le BCG. Il faut tout d'abord rappeler que la proposition d'arrêt de la vaccination généralisée et obligatoire des enfants et des adolescents par le BCG et son remplacement par une recommandation de vaccination des enfants les plus exposés à la tuberculose a été affirmée dans une expertise collective de l'INSERM publiée en 2004, puis par le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France dans un avis du 30 septembre 2005.
Consciente que la proposition de vaccination des seules populations les plus à risque pourrait présenter un risque de stigmatisation, la direction générale de la santé a interrogé le Comité consultatif national d'éthique et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. En effet le groupe à risque est défini sur des critères faisant référence à des caractères sociaux et d'origine géographique. Il est aussi apparu souhaitable que la société civile et les acteurs de terrain soient associés à la réflexion au cours d'une audition publique sur l'obligation vaccinale par le BCG.
Tout en recommandant la plus grande vigilance, ces instances ont conclu que les mesures préconisées ne présentaient pas en elles-mêmes un caractère discriminatoire.
C'est à la suite de l'ensemble de ces expertises et consultations que le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France a été saisi de nouveau et a rendu un nouvel avis le 9 mars 2007. Il a recommandé la suspension, chez l'enfant et l'adolescent, de l'obligation vaccinale par le vaccin BCG simultanément à la mise en oeuvre du programme national de lutte contre la tuberculose. Il a fortement recommandé la vaccination BCG chez les enfants à risque élevé de tuberculose.
Cette décision repose sur un ensemble de motivations que je vais rappeler.
Le BCG protège, avant tout, mais pas totalement contre les formes les plus graves de tuberculose de l'enfant Il a un effet incertain sur la transmission de la maladie, ce qui lui vaut son surnom de « vaccin égoïste ». De plus, ses effets indésirables sont plus nombreux avec la forme intra dermique, seule disponible depuis 2006.
Une augmentation de fréquence des complications locales liées au changement de la technique vaccinale et de la souche a été constatée. Ces données font pencher la balance entre bénéfice et risque au détriment de son indication dès lors que le risque de tuberculose est faible.
C'est bien le cas puisque la baisse d'incidence de la tuberculose en France permet à notre pays de satisfaire aux critères proposés par l'Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires pour rendre envisageable l'arrêt de la vaccination généralisée des enfants. Par cette décision de suspension de l'obligation vaccinale par le BCG, qui se fait au profit d'une recommandation de vaccination pour les enfants les plus exposés, la France adopte une politique de vaccination par le BCG comparable à celle des pays européens bénéficiant d'une situation épidémiologique équivalente.
Pour autant, et je souhaite insister sur ce point, la suspension de l'obligation de vaccination des enfants et des adolescents par le BCG avant leur entrée en collectivité n'est pas, loin s'en faut, un abandon pur et simple du BCG en France. Ce vaccin, dont l'efficacité est unanimement reconnue contre les formes sévères de la maladie reste en effet indiqué chez les enfants les plus exposés à la tuberculose. En effet, vous le savez, lorsque, dans les années 70, la vaccination généralisée par le BCG a été, dans les faits, arrêtée en Suède, le nombre de tuberculoses chez tous les enfants a rapidement augmenté. Ce n'est que grâce à l'obtention d'une excellente couverture vaccinale des enfants à risque que cette évolution a pu être contrée. Servons-nous des expériences antérieures pour mener à bien cette mesure, en restant vigilants et exigeants sur la qualité de la couverture vaccinale des enfants « dits » à risque.
Ma décision de suspension de l'obligation de vaccination par le BCG des enfants et des adolescents est attendue par la plupart des professionnels de santé, des professionnels de la petite enfance et beaucoup de parents. Cette mesure n'est pas anodine. Je tiens à ce qu'elle n'entraîne aucune diminution de la couverture vaccinale des enfants les plus exposés.
C'est la raison pour laquelle, j'insiste sur ce point, la participation de tous les professionnels est indispensable.
L'efficacité du nouveau dispositif repose sur un suivi rigoureux et une définition pertinente de la notion d'exposition au risque de tuberculose pour les enfants. Les critères d'appartenance à ce groupe prennent en compte les expertises précédentes et la large consultation réalisée lors de l'audition publique sur le BCG. Ils incluent des caractéristiques d'ordre socio-démographique et territoriales de lieu de résidence. Principalement, il s'agit d'enfants nés ou ayant séjourné dans des pays de forte endémie, d'enfants ayant des antécédents familiaux de tuberculose, d'enfants résidant en Île-de-France ou en Guyane ou encore d'enfants dans toute situation jugée par le médecin à risque d'exposition au bacille tuberculeux, notamment ceux qui vivent dans des conditions de logement défavorables.
La vaccination par le BCG est donc indiquée chez ces enfants et ces adolescents jusqu'à l'âge de 15 ans, s'ils répondent à au moins un de ces critères. Par ailleurs, la décision de suspension de l'obligation de vaccination par le BCG doit être suivie et son impact doit être mesuré. Cela concerne la surveillance des cas de tuberculose chez les enfants et la mesure de la couverture vaccinale mais aussi les effets indésirables du BCG. Tout impact négatif me conduirait bien entendu à annuler la suspension de l'obligation vaccinale.
J'ai demandé au directeur de l'Institut national de veille sanitaire d'assurer la coordination de ce suivi et de cette surveillance. Il pourra s'appuyer sur les fiches de déclaration obligatoire de tuberculose qui ont été modifiées récemment afin que les critères d'appartenance au groupe d'enfants à risque de tuberculose apparaissent ainsi que le statut de vaccination par le BCG. Cette nouvelle fiche permettra de déceler les cas de tuberculose survenant chez des enfants non vaccinés qui auraient dû l'être et d'adapter immédiatement les mesures. A cet égard, le suivi par les DDASS des Déclarations obligatoires et des signalements immédiats permet de disposer, en temps réel, de signaux d'alerte. En outre, la mesure de la couverture vaccinale chez les enfants concernés par la recommandation sera assurée par les certificats de santé, adaptés à cet effet.
Cependant les délais de remontée et d'analyse de ces données me conduisent à demander que des mesures complémentaires permettent d'évaluer cette couverture vaccinale, sous la coordination de l'Institut national de veille sanitaire.
Le suivi des effets indésirables du BCG, d'ores et déjà mis en place par l'Afssaps, permettra de mesurer la diminution, attendue, des effets indésirables du BCG.
Tous ces avis, recommandations et mesures confortent à mes yeux, cette décision de suspension de la vaccination BCG que je considère comme partie intégrante de ce programme. La suspension de la vaccination sera effective dès la publication du décret dans les tous prochains jours.
Le quatrième axe a pour objectif de maintenir la résistance aux antibiotiques à un faible niveau. La multi-résistance n'est pas un problème majeur en France actuellement puisque notre pays connaît sur ce plan un taux faible et stable. Toutefois cet enjeu ne doit pas être sous estimé. Il est important de rappeler que des mesures primordiales pour la prévention des multi-résistances sont contenues dans les deux premiers axes du programme : diagnostic précoce des cas de tuberculose et traitements adaptés menés à leur terme. En complément, des mesures spécifiques à la prise en charge des tuberculoses multirésistantes sont proposées, visant à un diagnostic rapide en laboratoire et au renforcement de l'aide à la décision et à la prise en charge des patients par les cliniciens.
L'axe 5 du programme tend à améliorer la surveillance épidémiologique et les connaissances sur les déterminants de la tuberculose.
Le système de surveillance épidémiologique alerte sur des évènements nouveaux et suit l'évolution et la dynamique de l'épidémiologie de la tuberculose. Outil d'aide à l'adaptation de la politique de lutte contre la tuberculose, il sera aussi un des vecteurs d'évaluation du programme. L'InVS, coordonnera les mesures de cet axe. Elles visent à l'amélioration du dispositif de déclaration obligatoire et à une meilleure connaissance des déterminants de la tuberculose au travers d'études spécifiques. La déclaration des issues de traitement, outil internationalement utilisé dans l'évaluation des programmes de lutte antituberculeuse, vient également d'être mise en place et sera utilisée en ce sens.
Il faut enfin et c'est l'axe six, le dernier volet du programme, améliorer le pilotage de la lutte antituberculeuse. Les disparités de l'épidémiologie de la tuberculose justifient que l'organisation de la lutte contre cette maladie s'y adapte tout particulièrement. La diversité et la multiplicité des acteurs de la lutte contre la tuberculose, les caractéristiques épidémiologiques de la tuberculose et les mesures préconisées nécessitent aussi que soient formalisés des partenariats entre les différents intervenants de terrain en santé et hors du champ de la santé.
Voici donc les grands traits de ce programme national. Déjà, une dynamique et une mobilisation de terrain sont perceptibles et diverses mesures préconisées sont en cours de mise en oeuvre, telles que des actions de formation, la déclaration des issues de traitement...Ces actions sont encourageantes et me renforcent dans l'idée que les acteurs sont prêts pour mettre en oeuvre les axes de progrès déclinés dans le programme. Mais bien entendu nous resterons attentifs au plan national. Ainsi un comité de suivi constitué autour de la direction générale de la santé, va être mis en place. Il aura pour mission le suivi, l'analyse et l'évaluation des stratégies mises en oeuvre et il pourra proposer, le cas échéant, de nouvelles orientations en fonction de l'évolution des connaissances et de l'épidémiologie de la tuberculose.
Je conclurai en évoquant un domaine que je n'ai pas cité, celui de la recherche. Il est en effet fondamental pour l'avenir de disposer de nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques. Ces réflexions ouvrent sur un horizon de travail beaucoup plus vaste que le programme national mais ces chantiers sont tout à fait majeurs pour nos politiques de santé publique et, au-delà, pour beaucoup de nos partenaires internationaux qui sont engagés dans ce grand combat contre la tuberculose que nous ne gagnerons que d'une seule façon : ensemble.Source http://www.sante.gouv.fr, le 11 juillet 2007
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis ici pour marquer le lancement du programme national de lutte contre la tuberculose. Il m'a semblé que cette évolution importante méritait une explication et une mise en lumière particulière.
Parce que, tout d'abord, la tuberculose est une pathologie emblématique, lourde d'histoire mais aussi désespérément actuelle. Ensuite parce que le lancement de ce programme est porteur d'une annonce qui marque un tournant dans notre approche de la tuberculose en santé publique: il s'agit de la suspension de l'obligation de vaccination par le BCG chez les enfants et les adolescents. Cette mesure s'accompagne d'une recommandation forte de vaccination des enfants les plus exposés.
Aujourd'hui, pour nous autres Occidentaux, la tuberculose semble relever d'un monde épidémiologique ancien, d'un état révolu de la pathologie. Et en matière de tuberculose, c'est exact, la France est un pays à faible incidence, comme le sont aussi la plupart de ses voisins européens, ainsi que l'Amérique du Nord et l'Australie. L'incidence moyenne de la tuberculose y diminue de façon régulière et progressive. Elle a été divisée par six entre 1972 et 2005. Les cas déclarés en 2005 sont au nombre de 5374, ce qui donne environ 8000 cas après correction de ces données pour prendre en compte la sous déclaration. La France s'est, en outre, donnée les moyens de maintenir un faible taux de formes de tuberculose multirésistantes par son bon niveau de contrôle de la tuberculose.
Ces résultats le montrent, le système français de lutte antituberculeuse est loin d'avoir démérité. Mais il doit s'adapter, comme il l'a déjà fait par le passé, aux évolutions épidémiologiques françaises et mondiales, aux connaissances nouvelles et aux expériences acquises. C'est ce qui motive le lancement aujourd'hui du programme national de lutte contre la tuberculose.
Nous devons garder, face à la tuberculose, toute notre vigilance. L'incidence a baissé mais la maladie n'a pas disparu. Il faut maintenir intacts nos compétences et notre système de surveillance qui est performant et réactif. Nous devons aussi nous attaquer aux disparités. La diminution que nous avons saluée laisse en effet apparaître de fortes disparités territoriales et socio-démographiques. Les cas déclarés en France sont, tout d'abord, assez fortement concentrés géographiquement puisque c'est dans les régions Ile de France, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes qu'on recense plus de la moitié des déclarations. La tuberculose reste présente dans nos grands centres urbains, elle y est, en tout état de cause, plus fréquente.
On constate, par ailleurs, que l'incidence la plus élevée de la maladie se retrouve en Île de France et en Guyane. La tuberculose atteint préférentiellement les personnes âgées, les personnes en situation précaire et celles originaires de pays où l'incidence de la tuberculose est très élevée.
Le lancement du programme de lutte contre la tuberculose marquera, enfin, je l'ai dit une autre adaptation majeure. Il s'agit de celle du dispositif de prévention et, en son sein, de la politique de vaccination. C'est en 1950 que la vaccination par le BCG, du nom de ses inventeurs, Calmette et Guérin, a été rendue obligatoire.
Aujourd'hui, en 2007, à la faveur de la baisse de l'incidence de la tuberculose en France et du lancement du programme national de lutte contre la tuberculose, je suspens cette obligation de vaccination par le BCG chez les enfants et les adolescents sous certaines conditions sur lesquelles je reviendrai au cours de l'exposé du programme que nous lançons aujourd'hui.
Parce que la tuberculose demeure, on l'a vu, une menace, notre pays a besoin d'une adaptation de ses dispositifs. C'est le but du programme national de lutte contre la tuberculose.
Il est issu des travaux d'un comité d'élaboration du programme national de lutte contre la tuberculose qui a associé experts, représentants des agences sanitaires, des ministères concernés, assurance maladie et usagers. Je souhaite aujourd'hui leur rendre hommage.
A partir des éléments de diagnostic disponibles sur la lutte contre la tuberculose en France, ils ont élaboré des propositions en se fixant deux objectifs généraux : consolider la diminution progressive de l'incidence de la tuberculose maladie et réduire les disparités.
Ce programme, est décliné en six axes : le diagnostic précoce et traitement adapté pour tous les cas de tuberculose maladie ; l'amélioration du dépistage ; l'optimisation de l'approche vaccinale ; le maintien de la résistance aux antibiotiques à un faible niveau ; l'amélioration de la surveillance épidémiologique et des connaissances sur les déterminants de la tuberculose ; et enfin l'amélioration du pilotage de la lutte antituberculeuse.
Il s'agit, en effet, c'est le premier axe, de prévenir les retards au diagnostic en sensibilisant et informant sur la tuberculose tant les professionnels que les personnes à risque de tuberculose. Il faut également favoriser l'accès aux soins et renforcer la confiance dans le dispositif de soins. Nous devons impérativement maintenir la qualité des soins par la mise à disposition de protocoles de soins, par l'évaluation de la qualité des laboratoires et des pratiques professionnelles. Je souhaite que l'accent soit particulièrement mis sur la prévention de la transmission en milieu de soins. L'éducation thérapeutique doit être renforcée et l'observance facilitée. Il s'agit là de mesures d'une importance fondamentale. La tuberculose est une maladie, guérissable mais grave avec des risques d'apparition de multirésistances. Il est donc essentiel que, pour ces traitements longs et contraignants, les patients bénéficient d'un accompagnement adapté, médical, social, psychologique selon les cas, et que la continuité des soins soit assurée.
Le deuxième axe porte sur les actions de dépistage. Il importe de les renforcer. Le dépistage des formes contagieuses réduit les délais au diagnostic et diminue le risque de contaminations secondaires. Les enquêtes autour des cas de tuberculoses doivent être systématiquement déclenchées.
Le troisième axe du programme tend à optimiser la stratégie vaccinale par le BCG. Il faut tout d'abord rappeler que la proposition d'arrêt de la vaccination généralisée et obligatoire des enfants et des adolescents par le BCG et son remplacement par une recommandation de vaccination des enfants les plus exposés à la tuberculose a été affirmée dans une expertise collective de l'INSERM publiée en 2004, puis par le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France dans un avis du 30 septembre 2005.
Consciente que la proposition de vaccination des seules populations les plus à risque pourrait présenter un risque de stigmatisation, la direction générale de la santé a interrogé le Comité consultatif national d'éthique et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. En effet le groupe à risque est défini sur des critères faisant référence à des caractères sociaux et d'origine géographique. Il est aussi apparu souhaitable que la société civile et les acteurs de terrain soient associés à la réflexion au cours d'une audition publique sur l'obligation vaccinale par le BCG.
Tout en recommandant la plus grande vigilance, ces instances ont conclu que les mesures préconisées ne présentaient pas en elles-mêmes un caractère discriminatoire.
C'est à la suite de l'ensemble de ces expertises et consultations que le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France a été saisi de nouveau et a rendu un nouvel avis le 9 mars 2007. Il a recommandé la suspension, chez l'enfant et l'adolescent, de l'obligation vaccinale par le vaccin BCG simultanément à la mise en oeuvre du programme national de lutte contre la tuberculose. Il a fortement recommandé la vaccination BCG chez les enfants à risque élevé de tuberculose.
Cette décision repose sur un ensemble de motivations que je vais rappeler.
Le BCG protège, avant tout, mais pas totalement contre les formes les plus graves de tuberculose de l'enfant Il a un effet incertain sur la transmission de la maladie, ce qui lui vaut son surnom de « vaccin égoïste ». De plus, ses effets indésirables sont plus nombreux avec la forme intra dermique, seule disponible depuis 2006.
Une augmentation de fréquence des complications locales liées au changement de la technique vaccinale et de la souche a été constatée. Ces données font pencher la balance entre bénéfice et risque au détriment de son indication dès lors que le risque de tuberculose est faible.
C'est bien le cas puisque la baisse d'incidence de la tuberculose en France permet à notre pays de satisfaire aux critères proposés par l'Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires pour rendre envisageable l'arrêt de la vaccination généralisée des enfants. Par cette décision de suspension de l'obligation vaccinale par le BCG, qui se fait au profit d'une recommandation de vaccination pour les enfants les plus exposés, la France adopte une politique de vaccination par le BCG comparable à celle des pays européens bénéficiant d'une situation épidémiologique équivalente.
Pour autant, et je souhaite insister sur ce point, la suspension de l'obligation de vaccination des enfants et des adolescents par le BCG avant leur entrée en collectivité n'est pas, loin s'en faut, un abandon pur et simple du BCG en France. Ce vaccin, dont l'efficacité est unanimement reconnue contre les formes sévères de la maladie reste en effet indiqué chez les enfants les plus exposés à la tuberculose. En effet, vous le savez, lorsque, dans les années 70, la vaccination généralisée par le BCG a été, dans les faits, arrêtée en Suède, le nombre de tuberculoses chez tous les enfants a rapidement augmenté. Ce n'est que grâce à l'obtention d'une excellente couverture vaccinale des enfants à risque que cette évolution a pu être contrée. Servons-nous des expériences antérieures pour mener à bien cette mesure, en restant vigilants et exigeants sur la qualité de la couverture vaccinale des enfants « dits » à risque.
Ma décision de suspension de l'obligation de vaccination par le BCG des enfants et des adolescents est attendue par la plupart des professionnels de santé, des professionnels de la petite enfance et beaucoup de parents. Cette mesure n'est pas anodine. Je tiens à ce qu'elle n'entraîne aucune diminution de la couverture vaccinale des enfants les plus exposés.
C'est la raison pour laquelle, j'insiste sur ce point, la participation de tous les professionnels est indispensable.
L'efficacité du nouveau dispositif repose sur un suivi rigoureux et une définition pertinente de la notion d'exposition au risque de tuberculose pour les enfants. Les critères d'appartenance à ce groupe prennent en compte les expertises précédentes et la large consultation réalisée lors de l'audition publique sur le BCG. Ils incluent des caractéristiques d'ordre socio-démographique et territoriales de lieu de résidence. Principalement, il s'agit d'enfants nés ou ayant séjourné dans des pays de forte endémie, d'enfants ayant des antécédents familiaux de tuberculose, d'enfants résidant en Île-de-France ou en Guyane ou encore d'enfants dans toute situation jugée par le médecin à risque d'exposition au bacille tuberculeux, notamment ceux qui vivent dans des conditions de logement défavorables.
La vaccination par le BCG est donc indiquée chez ces enfants et ces adolescents jusqu'à l'âge de 15 ans, s'ils répondent à au moins un de ces critères. Par ailleurs, la décision de suspension de l'obligation de vaccination par le BCG doit être suivie et son impact doit être mesuré. Cela concerne la surveillance des cas de tuberculose chez les enfants et la mesure de la couverture vaccinale mais aussi les effets indésirables du BCG. Tout impact négatif me conduirait bien entendu à annuler la suspension de l'obligation vaccinale.
J'ai demandé au directeur de l'Institut national de veille sanitaire d'assurer la coordination de ce suivi et de cette surveillance. Il pourra s'appuyer sur les fiches de déclaration obligatoire de tuberculose qui ont été modifiées récemment afin que les critères d'appartenance au groupe d'enfants à risque de tuberculose apparaissent ainsi que le statut de vaccination par le BCG. Cette nouvelle fiche permettra de déceler les cas de tuberculose survenant chez des enfants non vaccinés qui auraient dû l'être et d'adapter immédiatement les mesures. A cet égard, le suivi par les DDASS des Déclarations obligatoires et des signalements immédiats permet de disposer, en temps réel, de signaux d'alerte. En outre, la mesure de la couverture vaccinale chez les enfants concernés par la recommandation sera assurée par les certificats de santé, adaptés à cet effet.
Cependant les délais de remontée et d'analyse de ces données me conduisent à demander que des mesures complémentaires permettent d'évaluer cette couverture vaccinale, sous la coordination de l'Institut national de veille sanitaire.
Le suivi des effets indésirables du BCG, d'ores et déjà mis en place par l'Afssaps, permettra de mesurer la diminution, attendue, des effets indésirables du BCG.
Tous ces avis, recommandations et mesures confortent à mes yeux, cette décision de suspension de la vaccination BCG que je considère comme partie intégrante de ce programme. La suspension de la vaccination sera effective dès la publication du décret dans les tous prochains jours.
Le quatrième axe a pour objectif de maintenir la résistance aux antibiotiques à un faible niveau. La multi-résistance n'est pas un problème majeur en France actuellement puisque notre pays connaît sur ce plan un taux faible et stable. Toutefois cet enjeu ne doit pas être sous estimé. Il est important de rappeler que des mesures primordiales pour la prévention des multi-résistances sont contenues dans les deux premiers axes du programme : diagnostic précoce des cas de tuberculose et traitements adaptés menés à leur terme. En complément, des mesures spécifiques à la prise en charge des tuberculoses multirésistantes sont proposées, visant à un diagnostic rapide en laboratoire et au renforcement de l'aide à la décision et à la prise en charge des patients par les cliniciens.
L'axe 5 du programme tend à améliorer la surveillance épidémiologique et les connaissances sur les déterminants de la tuberculose.
Le système de surveillance épidémiologique alerte sur des évènements nouveaux et suit l'évolution et la dynamique de l'épidémiologie de la tuberculose. Outil d'aide à l'adaptation de la politique de lutte contre la tuberculose, il sera aussi un des vecteurs d'évaluation du programme. L'InVS, coordonnera les mesures de cet axe. Elles visent à l'amélioration du dispositif de déclaration obligatoire et à une meilleure connaissance des déterminants de la tuberculose au travers d'études spécifiques. La déclaration des issues de traitement, outil internationalement utilisé dans l'évaluation des programmes de lutte antituberculeuse, vient également d'être mise en place et sera utilisée en ce sens.
Il faut enfin et c'est l'axe six, le dernier volet du programme, améliorer le pilotage de la lutte antituberculeuse. Les disparités de l'épidémiologie de la tuberculose justifient que l'organisation de la lutte contre cette maladie s'y adapte tout particulièrement. La diversité et la multiplicité des acteurs de la lutte contre la tuberculose, les caractéristiques épidémiologiques de la tuberculose et les mesures préconisées nécessitent aussi que soient formalisés des partenariats entre les différents intervenants de terrain en santé et hors du champ de la santé.
Voici donc les grands traits de ce programme national. Déjà, une dynamique et une mobilisation de terrain sont perceptibles et diverses mesures préconisées sont en cours de mise en oeuvre, telles que des actions de formation, la déclaration des issues de traitement...Ces actions sont encourageantes et me renforcent dans l'idée que les acteurs sont prêts pour mettre en oeuvre les axes de progrès déclinés dans le programme. Mais bien entendu nous resterons attentifs au plan national. Ainsi un comité de suivi constitué autour de la direction générale de la santé, va être mis en place. Il aura pour mission le suivi, l'analyse et l'évaluation des stratégies mises en oeuvre et il pourra proposer, le cas échéant, de nouvelles orientations en fonction de l'évolution des connaissances et de l'épidémiologie de la tuberculose.
Je conclurai en évoquant un domaine que je n'ai pas cité, celui de la recherche. Il est en effet fondamental pour l'avenir de disposer de nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques. Ces réflexions ouvrent sur un horizon de travail beaucoup plus vaste que le programme national mais ces chantiers sont tout à fait majeurs pour nos politiques de santé publique et, au-delà, pour beaucoup de nos partenaires internationaux qui sont engagés dans ce grand combat contre la tuberculose que nous ne gagnerons que d'une seule façon : ensemble.Source http://www.sante.gouv.fr, le 11 juillet 2007