Conférence de presse conjointe de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et de M. Joschka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, sur l'avenir de l'Europe, le projet américain du système de défense antimissile (NMD), l'inscription de la question de la vache folle et l'épidémie de la fièvre aptheuse à l'agenda du prochain Conseil européen de Stockholm, la préparation de 2004 et les violences en Macédoine, Paris, le 8 mars 2001.

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Circonstance : Visite de M. Joschka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, à Paris, le 8 mars 2001

Texte intégral

Aujourd'hui, nous avons d'abord parlé d'un sujet d'actualité, c'est-à-dire la situation en Macédoine et nous avons rendu public un petit communiqué commun.
Nous avons repris nos discussions, qui avaient commencé à Stuttgart, sur l'élargissement, en étant les plus précis et les plus concrets possibles. Sur ce sujet, je considère que les positions françaises et allemandes sont infiniment plus proches et convergentes qu'on ne le croit en général en Europe.
Nous avons parlé de quelques sujets qui sont à l'ordre du jour du Conseil européen de Stockholm.
Nous avons repris la discussion sur la méthode d'organisation du débat sur l'avenir de l'Europe et nous en sommes là parce que ce sont de très gros sujets et nous allons continuer pendant le dîner.
Nous avons également parlé des questions stratégiques et de défense et notamment du projet NMD.
Il y a des avancées sur toutes ces questions et nos rencontres sont très constructives. Alors vous allez nous dire : "Mais à quoi cela se mesure ? Est-ce que l'on peut en avoir la preuve ?". Nous serons obligés de vous redire, comme la dernière fois, que l'évaluation ne pourra se faire qu'au bout de cet exercice. En tous cas, je crois que tous les participants de ces rencontres ont le sentiment de faire un vrai bon travail utile pour l'Allemagne, pour la France et pour l'Europe.
Q - Vous avez dit que vous allez aborder aujourd'hui les problèmes de la création du système antimissiles en Europe. Il y a la proposition américaine sur le système de défense antimissiles nationale et aussi l'initiative russe sur le système pour l'Europe. Quelles sont vos positions aujourd'hui sur ces questions ?
R - A propos des projets ou du projet du système NMD, la France, comme l'Allemagne, comme plusieurs pays d'Europe, a eu l'occasion déjà ces derniers mois d'exprimer un certain nombre de questions, d'interrogations. Mais il est un peu difficile à ce stade d'être très précis dans l'analyse car nous ne savons pas encore de quoi il s'agit en réalité. Il s'agit de projets, de systèmes qui sont envisagés. Ce qui était important et les Européens de l'Union européenne ont tous insisté là-dessus, c'est que des consultations s'engagent. Nous constatons que le secrétaire d'Etat M. Powell a commencé à avoir des discussions, non seulement avec les alliés au sein de l'OTAN, mais avec la Russie et M. Ivanov par exemple. Il faut donc que ces consultations se développent pour y voir plus clair à propos de ce que sont ces éventuels projets et pour savoir exactement comment se situer par rapport à cela.
Q - Monsieur le Ministre, je reviens sur les problèmes agricoles. Au Sommet de Stockholm, semble-t-il, la présidence suédoise estime que la crise de la vache folle ne doit pas être inscrite pour le moment à l'agenda. Estimez-vous que la crise de la vache folle plus l'épidémie de la fièvre aphteuse constituent des points à inscrire à l'agenda dans 15 jours au Sommet de Stockholm ?
R - Je crois que ce n'est pas dans l'ordre du jour prévu par les Suédois. Ensuite, il ne faut pas mettre les deux phénomènes sur le même plan, car ils n'ont pas les mêmes causes et ne posent pas les mêmes problèmes. Si le Conseil européen devait se ressaisir de ces sujets, il faudrait que ce soit sur une base bien préparée. Il y a eu un Conseil agricole il y a quelques temps qui a déjà travaillé sur ce sujet, qui ne réglera pas les choses en une seule réunion, bien sûr. Il faudra d'autres réunions au Conseil agricole pour bien maîtriser toutes les données de ce problème.
Le ministre français de l'Agriculture s'est exprimé ce matin dans une interview pour rappeler le travail déjà entrepris de réorientation de la Politique agricole commune, notamment en mettant à profit de nouvelles dispositions prévues à Berlin en 1999. C'est un travail qui doit se poursuivre.
Q - Vous avez dit que vous aviez abordé la question de la préparation de 2004. A Nice, il a été décidé que, dans une première étape, il devait y avoir un grand débat public pour mettre sur la table quelques idées déjà. Nous arrivons au printemps, vos gouvernements mettront-ils l'accélérateur sur ce débat public ? Y a-t-il des possibilités prévues, des rendez-vous prévus, des idées pour faire avancer tout cela ?
R - Nous avons fait le point des réflexions de part et d'autres sur le débat justement et il me paraît clair que la France et l'Allemagne souhaitent qu'il y ait dans leur pays, comme partout d'ailleurs, un grand débat démocratique. A Paris comme à Berlin, on réfléchit et on travaille sur la façon de lancer, de stimuler, nourrir et faire vivre ce débat, pour qu'il soit le plus large possible. Les choses ne sont pas encore tout à fait arrêtées dans le détail, nous nous sommes simplement informés de l'avancement de nos réflexions.
Q - Les violences récentes en Macédoine vous inquiètent-elles ? En avez-vous parlé ?
R - Nous en avons parlé au début, nous avons fait un petit communiqué commun. Nous sommes évidemment très attachés, l'un et l'autre, à la préservation de l'intégrité territoriale de la Macédoine qui est un pays clef de cette région. Nous rappelons l'importance de la stabilité de ce pays. J'aurai d'ailleurs l'occasion de le dire sur place car je serai à Skopje après-demain. Il faut que la KFOR et l'Union européenne prennent leurs responsabilités dans des rôles qui ne sont pas les mêmes évidemment, mais qui doivent être bien combinés.
Q - L'OTAN vient d'autoriser l'armée yougoslave à se déployer dans la petite zone de sécurité frontalière avec la Macédoine. N'y a-t-il pas un danger à remettre face à face les deux belligérants du conflit du Kosovo ? Et pourquoi l'OTAN ne s'est-elle pas déployée dans cette zone ?
R - Sans revenir sur le passé, je dirai que j'approuve tout à fait cette décision prise par l'OTAN. C'est très important en terme de stabilité justement. Je ne pense pas que l'on puisse dire que l'on remet face à face les belligérants car la situation a radicalement changé. Il y a un accord général pour maîtriser les tensions dans ces deux régions ; c'est la position de l'OTAN, la position de l'Union européenne, la position de Belgrade, de la Macédoine, de la Bulgarie et c'est même la position du Premier ministre d'Albanie, qui l'a dit ici même, il y a quelques jours.
Q - Vous avez évoqué l'élargissement et vous avez dit que les positions sont plus proches. Pouvez-vous être plus précis sur ce sujet ?
R - C'est simple, nous nous retrouvons exactement dans la ligne arrêtée à Helsinki à quinze. Il y a toujours des interprétations extraordinaires sur les positions de tel ou tel pays à propos de l'élargissement mais la réalité est plus simple. Nous souhaitons donc que les négociations entre la Commission et chacun des douze pays candidats avancent le mieux possible, le plus vite possible, que les problèmes soient mis en évidence le plus clairement possible et le plus tôt possible pour être réglés le mieux possible et en respectant la différenciation. Grâce à ce que nous avons fait à Nice, nous serons prêts à respecter nous-mêmes les engagements que nous avions pris pour accueillir, à partir de la fin 2002 ou début 2003, les pays candidats qui rempliront les conditions./.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2001)