Déclaration de Mme Valérie Pécrese, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la campagne contractuelle avec les universités, notamment la signature des contrats quadriennaux des universités de la vague A, Paris le 18 juillet 2007.

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Circonstance : Signature des contrats quadriennaux avec les universités à Paris le 18 juillet 2007

Texte intégral


A Mesdames et Messieurs les présidents et directeurs,
Nous sommes réunis aujourd'hui pour un événement exceptionnel : la signature simultanée de tous les contrats quadriennaux des universités, grands établissements, écoles normales supérieures, écoles d'ingénieurs, instituts universitaires de formation des maîtres, instituts d'études politiques de la vague contractuelle 2007-2010, dite « vague A ».
Au total, ce sont 44 établissements qui sont représentés, soit la quasi-totalité des établissements de la vague.
Cela ne s'était jamais fait ainsi et jamais dans un calendrier aussi avancé. Certains d'entre vous se souviennent que vos précédents contrats ont été signés avec 1 an à 18 mois de décalage par rapport au calendrier théorique. C'est donc une « première » que j'ai souhaité organiser pour, dans le contexte particulier de ce mois de juillet 2007, lancer, au sein de la communauté universitaire et scientifique nationale, le chantier de l'élaboration du nouveau contrat qui liera demain l'Etat aux universités auxquelles la loi aura apporté des libertés nouvelles.
J'ai voulu que vous soyez aujourd'hui tous rassemblés avec les partenaires essentiels que sont les organismes de recherche. Permettez-moi de vous remercier de vous être rendus disponibles pour donner à l'objectif commun de la démarche contractuelle une force toute nouvelle.
Car je n'oublie pas que le contrat est une oeuvre collective. Pour contracter, il faut être au moins deux et l'événement d'aujourd'hui prouve assez que, lorsqu'il y a une volonté commune, le chemin peut être trouvé d'objectifs partagés.
Ce travail que nous avons mené ensemble, je veux d'abord, devant vous, en rappeler les grandes lignes, indiquer les acquis de la campagne et, tout en ne cachant pas les difficultés qui subsistent, mettre en lumière les perspectives qu'ouvre cette vague contractuelle.
Je souhaite également vous parler de la nouvelle place du contrat dans le paysage que la loi en discussion va créer avec des universités plus autonomes, plus libres mais aussi plus responsables. Il n'est, de ce point de vue, nullement indifférent que notre rencontre ait lieu, après l'examen par le Sénat du projet de loi, avant son passage à l'Assemblée Nationale et son adoption définitive.
Une vague contractuelle de grande ampleur, une nouvelle procédure, des expérimentations prometteuses
La campagne contractuelle qui s'achève aujourd'hui est singulière à plus d'un titre.
D'abord par son ampleur
La vague A « pèse lourd ». Elle représente :
- plus de 400 000 étudiants ;
- plus de 30% des enseignants-chercheurs et chercheurs publiant et travaillant dans des unités classées en A ou A+,
- 750 Millions d'euros qui sont répartis aujourd'hui entre vos établissements, soit un engagement de l'Etat qui a augmenté de 16% par rapport à la période précédente ; encore cette somme ne représente-t-elle qu'une partie des moyens alloués par l'Etat aux établissements et qui auront vocation à être transférés en totalité dans le contrat futur ;
- 49 établissements dont la presque totalité sont représentés ici ;
- 5 des 6 plus importants sites universitaires en province
- une forte implication des organismes de recherche, avec près de 5 000 chercheurs dans des unités mixtes, soit 1/3 des chercheurs d'UMR.
Mais surtout, par les enjeux qui s'y attachent
Cette vague a été à la fois une vague de transition et une vague expérimentale, anticipant les nouveaux enjeux contractuels :
Des enjeux méthodologiques
La campagne de contractualisation des établissements de la vague A, démarrée au printemps 2006, a été l'occasion d'expérimenter une nouvelle forme de dialogue avec les établissements et, en amont, de renforcer les modes de collaboration avec les grands organismes de recherche.
Tout nous incitait en effet à renforcer l'approche contractuelle. La mise en oeuvre de la LOLF, les évolutions induites par la loi de programme pour la recherche constituaient un contexte favorable pour repenser le processus contractuel. Les objectifs poursuivis à travers la réforme méthodologique que vous avez expérimentée ont été de plusieurs ordres.
Il s'agissait :
- d'intégrer plus étroitement recherche et formation et d'associer davantage l'ensemble des partenaires, en particulier les grands organismes, au processus ;
- d'inscrire fortement le nouveau contrat dans la LOLF et de s'engager avec les établissements dans une logique de performance et d'efficience, afin de parvenir à des textes plus stratégiques et exigeants en terme de définition des objectifs à poursuivre et des cibles à atteindre ;
- de renforcer la logique d'évaluation et donc de responsabilisation des établissements en articulant davantage le contrat avec les différentes procédures évaluatives (habilitations des formations, évaluations des unités de recherche).
Une nouvelle forme d'évaluation et de dialogue a ainsi été expérimentée avec vos établissements. L'accent a été mis sur la caractérisation des établissements et l'évaluation de leur projet. Il s'agissait de partir d'un diagnostic précis de l'établissement, de ses points forts, de ses contraintes et de ses faiblesses éventuelles, puis d'évaluer le projet de l'établissement dans toutes ses dimensions (recherche, formation, relations internationales, vie étudiante, gouvernance...), à la lumière des différentes expertises et des discussions menées avec vous.
La nouvelle procédure a permis de créer les conditions d'un dialogue stratégique avec vos équipes et vous-mêmes. Elle a renforcé la cohérence globale de la démarche par l'association étroite des grands organismes aux phases de caractérisation et d'évaluation. Elle a permis de moduler de manière significative les montants attribués dans le cadre contractuel sur la base des résultats obtenus et en fonction des objectifs affichés.
Des enjeux pédagogiques
La vague A avait été la première à adapter son offre de formation au schéma LMD lors de la précédente période contractuelle. La contractualisation 2007 a été l'occasion de faire un bilan de ce passage au LMD mais aussi d'en tirer les enseignements et d'adopter les correctifs nécessaires. L'objectif était d'arriver à une offre globalement plus lisible tout en gardant le principe fondateur du LMD : chaque offre de formation doit être l'expression fidèle de l'identité de l'établissement, de la réalité de ses forces scientifiques, de ses champs de compétence, bref sa meilleure « carte de visite » au niveau national comme international.
Un gros travail de réflexion a été fait par vos établissements dont on voit les fruits dans les résultats de la campagne d'habilitations que vous venez de présenter au CNESER : des offres mieux structurées et plus resserrées, des cohabilitations renforcées au niveau des sites, la prise en compte systématique dans vos contrats des problématiques de l'orientation, de l'aide à la réussite des étudiants et de l'insertion.
Ce travail de réflexion et de restructuration a été accompli également sur les écoles doctorales de la vague A ; les discussions nourries avec les établissements et le travail mené par la communauté universitaire ont permis d'aboutir à une reconfiguration de ces écoles sur la base de champs thématiques cohérents et visibles à l'international, avec le développement de co-accréditations entre établissements - universités et écoles - d'un même site ou d'une même région.
Des enjeux scientifiques
Là encore, les négociations menées avec vos établissements ont permis plusieurs avancées importantes :
- D'abord le renforcement de la cohérence des politiques scientifiques : face à la dispersion des forces de recherche entre de multiples établissements d'enseignement supérieur ou organismes de recherche, le contrat est la garantie d'une cohérence dans l'emploi des crédits publics de recherche. C'est la raison pour laquelle il a été décidé d'associer étroitement les organismes à l'ensemble de la procédure contractuelle.
- Ensuite l'émergence de stratégies d'établissement : le contrat doit permettre à la politique scientifique d'un établissement d'être autre chose que la simple addition des stratégies de l'ensemble de ses laboratoires. En déterminant sa stratégie et ses priorités, l'établissement évite la dispersion de ses moyens et construit la cohérence et la complémentarité de ses activités scientifiques. L'objectif a été poursuivi lors des discussions qui ont eu lieu avec les équipes dirigeantes de vos établissements ;
- Enfin la globalisation des crédits scientifiques et des allocations de recherche ; la contractualisation de la vague A a permis de mettre en oeuvre une expérimentation à grande échelle de la globalisation de crédits : 48% des crédits scientifiques de la vague ont ainsi été globalisés ; 12 établissements ont bénéficié de cette globalisation sur les sites de Bordeaux, Grenoble et Lyon. Dans le cadre de cette expérimentation, les instances dirigeantes des établissements ont désormais l'entière responsabilité de la répartition des crédits et en rendront compte à l'échéance du contrat, au vu des résultats obtenus. On est déjà entré dans la logique de l'autonomie assumée et de la responsabilisation des établissements.
La dernière caractéristique de cette vague et l'un de ses enjeux les plus importants aura été le renforcement de la logique de site.
Vos établissements, là encore, auront été les expérimentateurs et les précurseurs d'une nouvelle approche contractuelle.
La vague A se caractérise en effet par la force des dynamiques de site qui se sont développées. En témoignent les trois sites de Bordeaux, Lyon et Toulouse , qui sont parmi les neufs premiers PRES à s'être constitués en EPCS mais aussi les réflexions actuellement menées sur les sites de Grenoble et du Languedoc-Roussillon.
Cette dynamique a été accompagnée de manière significative par l'Etat, vous le savez, au moment de la création des EPCS mais aussi à travers les contrats d'établissement signés aujourd'hui.
On le voit, cette campagne a marqué un vrai changement dans la pratique contractuelle ; elle est allée sans doute aussi loin qu'elle le pouvait dans un cadre qui, cependant, demeurait contraint et pour l'Etat, et pour les établissements. Ces contraintes, il fallait les lever et c'est bien entendu toute l'ambition du projet de loi aujourd'hui en discussion au Parlement.
Un nouveau contrat pour une nouvelle université
Chacun sait que l'enseignement supérieur a joué, dans notre pays, un rôle de pionnier pour initier une démarche contractuelle et de modernisation au sein du service public. De ce point de vue, la loi de 1984 a promu une vision renouvelée de la relation entre le ministère et les établissements, même si elle n'avait prévu que la possibilité de contrats alors que la loi de 2007 en fait le principe unique d'organisation du rapport entre l'Etat et les universités ou les autres établissements d'enseignement supérieur.
Il y a des raisons profondes à la pertinence de la démarche contractuelle dans l'enseignement supérieur et la recherche. Dans notre pays, il y a consensus à la fois pour des établissements autonomes jouissant des libertés dont disposent leurs homologues dans les pays comparables et pour un Etat, garant d'un service public national et de l'égalité des chances sur tout le territoire. A la fois donc, la diversité et l'égalité, la liberté et la norme, l'homogénéité et la différenciation...
Toute l'histoire de no
tre système d'enseignement supérieur, depuis près d'un demi-siècle désormais, s'explique par la recherche du meilleur équilibre entre ces deux pôles qui, selon que l'on porte l'accent sur l'un ou sur l'autre, peuvent conduire à des politiques fort différentes.
Dans ce contexte, le contrat permet de résoudre cette tension contradictoire, car il apparaît comme le point de rencontre entre le projet de l'établissement - ce par quoi il veut affirmer son identité, sa spécificité et ses objectifs propres - et la politique nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche portée par l'Etat.
L'exercice contractuel n'est donc pas nouveau mais vous savez bien que, jusqu'à présent, il se heurtait aux limites qui lui étaient imposées.
Comment en effet, pour une université, être pleinement responsable de son action, dès lors qu'elle n'a pas de visibilité sur ses moyens, qu'elle n'a pas la maîtrise du recrutement et de la gestion de ses personnels, qu'elle est enfermée dans un carcan de règles qui l'empêchent de déployer son initiative ?
Comment, pour l'Etat, « oser la confiance », dès lors qu'on ne disposait pas d'un système d'évaluation performant ?
Aujourd'hui les conditions sont réunies et la volonté politique est là pour lever ces obstacles et faire du contrat cet instrument de la qualité et de la performance que l'on n'a jusqu'à présent fait qu'apercevoir.
Désormais le choix est fait : plus de 20 ans après que le principe de la contractualisation a été posé, le nouveau contrat sera inscrit au coeur même des relations entre l'Etat et les établissements d'enseignement supérieur.
Ce contrat sera un « contrat global », incluant l'ensemble des moyens alloués aux universités dans le cadre des compétences nouvelles qui leur seront transférées par la loi : il marquera la volonté de l'Etat de s'engager pluri-annuellement sur un budget couvrant, pour la première fois, non seulement la totalité des crédits dévolus jusqu'ici à l'établissement à travers les dotations critérisées mais aussi la masse salariale ; il pourra accompagner et encadrer la dévolution des nouvelles responsabilités et compétences dont bénéficieront les universités. L'enjeu n'est pas que financier ; il est d'abord politique et stratégique ; les établissements auront désormais les moyens de leurs ambitions et c'est à travers le projet d'établissement et le contrat qu'ils pourront articuler de manière cohérente leurs objectifs à terme et les moyens qu'ils entendent mobiliser sur ces objectifs.
Dans l'exercice de la nouvelle autonomie, la maîtrise de gestion des ressources humaines est un levier essentiel. Il s'agit d'attirer dans nos établissements les meilleurs éléments, enseignants et chercheurs, et de leur offrir ainsi qu'aux personnels administratifs et techniques des conditions de travail et de rémunération valorisant leurs compétences et leur engagement au service de l'excellence pédagogique et scientifique. Le contrat, sur ce point, se trouvera enrichi d'un véritable aspect managérial qui jusqu'ici faisait défaut, faute pour les universités de pouvoir maîtriser leurs recrutements et leur politique d'intéressement.
Le nouveau cadre législatif va permettre également de construire des relations renforcées entre universités et organismes de recherche dans le cadre du contrat. Les universités, dotées d'une vraie gouvernance, jugées sur leur performance et responsables de leurs engagements, ont vocation à devenir les acteurs centraux du développement de la recherche française ; elles disposeront de nouvelles responsabilités et de capacités de négociation réelles tant avec l'Etat qu'avec les organismes. Le nouveau contrat va être ainsi, pour les organismes, le cadre dans lequel s'organiseront leurs activités et leurs relations avec les universités. Les chercheurs, quant à eux, voient leur rôle reconnu dans les universités et peuvent participer à la vie démocratique de l'établissement de l'établissement où ils exercent leur activité.
Le nouveau contrat doit permettre enfin de valoriser toutes les formes d'excellence
Il n'y a pas qu'une seule excellence ; toutes les formes d'excellence doivent être soutenues par l'Etat : en formation comme en recherche, qu'elles s'adressent au jeune bachelier entrant à l'université ou au prix Nobel étranger venant passer une année en France. Tous les établissements ont vocation à l'excellence ; ils y parviendront dès lors qu'ils choisiront leur domaine d'excellence et définiront les priorités et les moyens adéquats pour y parvenir. Là encore, la loi va donner à chaque établissement l'opportunité d'exercer ses responsabilités et d'assumer ses choix.
Mais qui dit excellence, dit évaluation ; l'effort consenti par l'Etat en faveur de l'université a pour corollaire le renforcement de l'évaluation.
Cela veut dire, en interne, l'engagement systématique de chaque établissement dans une démarche d'autoévaluation, qui sera mesurée à travers les contrats.
Cela veut dire, et le Président de la République s'y est engagé, un effort financier accru de l'Etat qui mettra en place les moyens nécessaires sur les cinq années à venir. L'objectif d'augmentation de 50 % des moyens de l'enseignement supérieur sera tenu.
Le corollaire, ce sont des dotations allouées non plus sur des critères uniquement quantitatifs de type « San Remo » mais également sur des critères qualitatifs avec des établissements désormais comptables de leurs résultats.
Le renforcement de l'évaluation s'appuie sur la création d'une autorité administrative indépendante, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), à qui est désormais est confiée la mission d'apprécier, en amont des négociations contractuelles, la qualité des équipes scientifiques et de l'offre de formation mais aussi les résultats de la politique menée par les établissements et leurs performances au regard des objectifs qu'ils se sont fixés. C'est sur la base des résultats de l'évaluation de chaque établissement réalisée par l'AERES et rendue publique que seront désormais négociés les futurs contrats.
Dans cette démarche contractuelle renouvelée, le passage de l'évaluation a priori à un mode d'évaluation a posteriori devient essentiel ; le principe en était déjà acquis en matière de recherche et va être renforcé grâce à l'intervention de l'AERES ; le nouveau mode d'allocation des moyens prendra pleinement en compte les résultats mesurés ; enfin le processus d'habilitation des formations devra, pour sa part, sans doute être profondément repensé dans cette perspective.
Conclusion
La construction de cette nouvelle université, plus autonome et plus responsable, est une des priorités du Président de la République ; il accompagnera cette autonomie, il s'y est engagé en réservant à cette ambition 1 milliard d'euros par an sur les 5 ans de la législature.
Certains doutaient, de la capacité de nos universités à assumer de nouvelles compétences.
Nous avons laissé cinq ans aux établissements pour s'y préparer. Mais on ne peut plus attendre, nos universités doivent pouvoir jouer dans la compétition internationale avec les mêmes atouts que leurs homologues. C'est notre unique objectif qui s'appuie sur une philosophie claire : c'est en confiant aux acteurs des responsabilités qu'on leur permet d'être responsables et d'aller de l'avant. A attendre on ne sait d'ailleurs pas trop quoi, il sera bientôt trop tard.
Dans cette démarche, la loi propose un instrument commun à tous les partenaires du monde universitaire, le contrat ; il devient l'instrument privilégié par lequel s'exprime la politique de l'établissement, le cadre unique dans lequel seront négociés les engagements réciproques et l'instrument de mesure de la qualité et de la performance de nos établissements pour les étudiants, pour la science et pour le développement de notre pays et sa place en Europe et dans le monde.
Nous arrivons maintenant au moment symboliquement important de la signature de ces contrats.
Source http://www.recherche.gouv.fr, le 19 juin 2007