Déclaration de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur la politique culturelle, notamment la protection du patrimoine, l'édition, le droit d'auteur et la création artistique, Paris le 25 juillet 2007.

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Circonstance : Audition de la ministre devant la commission des affaires culturelels du Sénat le 25 juillet 2007

Texte intégral


Merci, Monsieur le Président, de me permettre d'être ainsi auditionnée par votre commission, dont je voudrais saluer très chaleureusement les membres, commission avec laquelle des liens forts se sont tout de suite noués. Vous me donnez aujourd'hui une occasion importante de m'exprimer, deux mois après ma nomination, sur la politique que j'ai la volonté de mettre en oeuvre, dans le respect des orientations définies par le Président de la République et le Premier Ministre.
La politique culturelle compte parmi les grandes politiques publiques de notre pays. Alors que s'approche le cinquantième anniversaire de la création du ministère, on invoque toujours, à juste titre, André Malraux, son ambition pour la France, sa clairvoyance, sa volonté de transmettre, de démocratiser la culture, d'irriguer l'ensemble de notre territoire, d'ouvrir notre pays à la création et à la modernité. Cette ambition est toujours vivante, et les étapes marquantes dans la vie du ministère ont été franchies en la poursuivant. Bien sûr, le paysage culturel a changé. Son périmètre, ses vecteurs, ses urgences, ne sont pas les mêmes qu'il y a 50 ans ou il y a 25 ans.
Sur la culture, pèsent aujourd'hui très lourdement des questions économiques, celles de son financement, en raison notamment de la multiplication des grandes institutions et de l'offre culturelle. Des questions technologiques, celles de la circulation des oeuvres sur les réseaux et de leur reproductibilité à l'infini. Des questions sociales, celles des conditions de vie et de travail des créateurs et des artistes. Ces questions ne sont pas toutes absolument nouvelles, mais elles se posent avec une acuité, voire une violence, qui, elles, le sont. Voyez l'explosion de la fraude sur les réseaux. Voyez la longue crise de l'intermittence.
Ces différentes questions, ces problèmes complexes, je souhaite les aborder, et tenter de leur apporter des réponses, avec l'aide et les conseils de tous ceux qui se sentent partie prenante dans le combat culturel, et au premier chef votre commission. Je souhaite le faire avec courage, persévérance, simplement pour retrouver des marges de manoeuvres. Pour assumer les missions essentielles de ce ministère. Pour être aux côtés des créateurs, de tous les créateurs, qui contribuent tellement au rayonnement de la France, à sa dimension internationale, à son identité qui, depuis des siècles, est d'abord culturelle.
Ces grandes missions, chacun les connaît : patrimoine. Création. Transmission. Chacune nécessite un engagement fort de l'Etat.
Ce n'est pas, un effet, entre les grandes missions du ministère qu'il faut choisir, en privilégiant l'une par rapport à l'autre. C'est au sein de chacune d'elles qu'il faut faire des choix, en fonction des enjeux, de l'utilité ou de la nécessité culturelle, de la qualité, voire de l'excellence. Nous nous devons autant au patrimoine qu'à la création, dans un pays riche d'un héritage exceptionnel, mais parfois en état de péril. Un pays où des créateurs nombreux, pleins de talents, ont parfois du mal à accéder à leur public.
Dans le domaine du patrimoine, les besoins de financement sont, comme vous le savez, considérables. Nous restons dans une situation difficile depuis les abattements de crédits de paiements réalisés entre 2002 et 2004, avec une traîne de dettes qui pèse lourdement sur l'engagement d'opérations nouvelles, alors que le patrimoine a besoin de moyens stables et suffisants. Je sais que vous estimez ces moyens entre 350 et 400 ME par an. Dans le cadre de la LFI 2007, une source de financement a été dégagée pour y parvenir, puisque nous atteignons 378 ME en crédits de paiements, mais chacun sait que cette somme a été atteinte en cumulant 70 ME de recette affectée en LFR 2006 et 70 ME en LFI 2007. D'autre part, le financement du patrimoine sur des crédits extra-budgétaires n'est pas sans conséquence sur l'organisation de la maîtrise d'ouvrage au ministère. Je sais votre préoccupation sur ce point. Financement et réorganisation ne sont pas dissociables. C'est un sujet qu'il faut traiter dans la clarté, et en prenant le temps de réfléchir et de se concerter. J'ai donc décidé de missionner, dès cette semaine, un groupe d'experts, qui devra prendre en compte l'ensemble de ces aspects, et qui me rendra ses conclusions avant la fin de l'année 2007.
La réorganisation de la maîtrise d'ouvrage, dont les principes seront dégagés par cette mission, pourra s'appuyer sur d'autres actions de modernisation et de simplification d'ores et déjà en cours. Je pense en particulier au décret sur le statut des architectes en chef des monuments historiques, que je vais signer très prochainement, et qui permettra au maître d'ouvrage de choisir son architecte, ainsi qu'à l'ordonnance de septembre 2005 relative à la maîtrise d'ouvrage, sur laquelle vous préparez votre rapport.
L'objectif est triple. Nous devons assurer, à un niveau suffisant, les moyens nécessaires à l'entretien de notre patrimoine, en veillant à leur stabilité et à leur pérennité. Nous devons gagner de l'efficacité, de la rapidité dans les études et les travaux. Nous devons aussi nous donner une politique rigoureuse de classement, en évitant des mesures de classement plus politiques qu'artistiques ou scientifiques, qui alourdissent la charge des collectivités publiques.
Une bonne économie du patrimoine suppose qu'on ne multiplie pas les chantiers nouveaux. Toutefois, s'agissant des « grands travaux », je veux vous confirmer mon attachement aux chantiers de Pierrefittes, pour les archives nationales, et du quadrilatère Richelieu, pour la BNF et l'INHA, chantiers importants, au coeur des missions de l'Etat. Je sais l'attention particulière de votre commission à ce dernier dossier.
Enfin, je voudrais faire valoir pleinement la place que la politique du patrimoine - et celle de l'architecture - doivent occuper dans la politique du développement durable. Comment imaginer un développement harmonieux de nos villes et de nos territoires ruraux, comment imaginer un tourisme respectueux des lieux et des paysages, de leur identité, sans prise en compte de ces deux enjeux portés par la Culture ?
Dans le domaine de la création, deux questions essentielles se posent. La première est celle de la condition des créateurs. La seconde est celle de l'offre culturelle française, avec ses modalités de financement, ses atouts et ses faiblesses.
Quelle condition notre société veut-elle faire aux créateurs, aux artistes ? Veut-elle les aider, les respecter, ou simplement se servir de leur travail et de leur talent ? Veut-elle célébrer et partager la création, ou seulement la consommer au meilleur prix, si possible gratuitement ? Le pillage des oeuvres sur les réseaux, mais aussi la question de l'intermittence renvoient à cette question, qui est celle de notre responsabilité collective. Je le dis clairement. Pour les industries qui produisent et diffusent les contenus, qu'il s'agisse de musique, de cinéma, du livre. Pour les patrons des équipements et de toutes les structures de spectacle vivant, et enfin pour le public, cette responsabilité consiste à assurer aux créateurs et aux artistes la juste rémunération de leur travail. Cela veut dire qu'on n'a pas le droit de considérer cette rémunération comme la variable d'ajustement d'un équilibre économique ou d'une rentabilité, ni de la faire assurer par certains dispositifs publics de soutien ou par la seule solidarité interprofessionnelle, dont ce n'est pas la fonction première. Une bourse d'auteur ne peut tenir lieu de droit d'auteur. Une allocation de chômage ne peut tenir lieu de salaire. Les crises récentes qui ont ébranlé le monde de la culture ont donné lieu à une prise de conscience, qui est tout simplement que la culture, l'offre culturelle ont un prix. Un prix qui vaut reconnaissance.
S'agissant de l'intermittence, un protocole a été signé fin 2006 après de très longues négociations, et il est entré en application en avril dernier. Il comporte des avancées certaines, et, de manière générale, ces avancées, jointes à la multiplication des contrôles, aux accords qui sont trouvés peu à peu dans le cadre des différentes conventions collectives, vont dans le sens d'une plus grande professionnalisation, qui est l'intérêt de tous. Naturellement, il faut rester attentifs, faire un état des lieux à la rentrée avec le Ministère du Travail, le Ministère de l'Emploi et les partenaires sociaux, notamment sur les conditions d'accès au Fonds de professionnalisation et de solidarité, et sur les aides apportées, en examinant ce qui doit être amélioré. Il faut absolument que les droits sociaux des artistes et des techniciens soient reconnus et pérennisés dans leur spécificité, et cela sur le long terme.
Quant au droit des auteurs et des créateurs, sa défense est pour moi une priorité, car c'est sur lui que repose toute l'économie de la création. Je sais que le Sénat, et en particulier votre commission, est à la fois son meilleur protecteur et son meilleur modernisateur. Le Président de la République, vous le savez, s'est engagé avec force à faire respecter le droit d'auteur et la propriété intellectuelle sur les réseaux. Cet enjeu appelle plusieurs actions absolument solidaires. D'abord, lutter efficacement contre la piraterie, en particulier la piraterie massive et organisée. Nous avons un bon instrument, c'est la loi DADVSI, qui doit tant à votre travail. Cette loi, il faut maintenant l'appliquer, et ce matin même en Conseil des ministres, j'ai fait valoir la nécessité que les services de l'Etat concernés, police et justice, soient correctement mobilisés pour ce faire.
Ensuite, favoriser une concertation entre les différents professionnels impliqués et les internautes, afin, d'une part de développer une offre légale digne de ce nom, et, d'autre part, d'amener les FAI, par voie de contractualisation, à assumer une pédagogie de la fraude, avec des processus d'alerte. Un groupe de travail sera désigné d'ici quelques semaines pour entendre chacun, explorer toutes les voies, et faire des propositions précises et réalistes, en tenant compte, bien sûr, des évolutions permanentes du secteur. C'est ainsi, en donnant des signaux de sévérité, et en même temps en organisant un accès aux oeuvres vraiment attractif que nous défendrons efficacement les créateurs.
Poser la question de la création, c'est poser celle de son financement.
Nous avons en France une grande tradition d'aide publique à la création. C'est une exception française qui nous place aux avants postes culturels sur le continent, et qui est d'ailleurs désormais pleinement reconnue par l'Europe. Je pense, par exemple, à la validation jusqu'en 2011 de nos systèmes d'aide à la création cinématographique, même si nous devons rester vigilants, puisque la Commission a d'ores et déjà engagé une réflexion sur la révision des critères de territorialisation des aides au cinéma.
Cette exception française, nous devons en être fiers, et cesser de nous en excuser. Aider nos industries culturelles n'est pas une concession que l'on nous fait. C'est un droit, un droit qu'est venu consacrer la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle. Ainsi, par exemple, nous avons su créer en France une industrie du jeu vidéo imaginative, créative, originale. Au nom de quoi nous serait-il interdit de l'aider, alors que les Américains, les Canadiens, les Indiens, les Chinois le font, et même massivement ?
Mais, naturellement, le financement public a ses exigences. Il faut d'abord évaluer nos dispositifs de soutien, afin de s'assurer qu'ils sont adaptés aux besoins. Il n'est pas normal qu'au moment où les aides publiques au cinéma n'ont jamais été aussi intenses et diverses, la réalisatrice Pascale Ferran puisse s'inquiéter de la paupérisation d'une partie de la production cinématographique, celle qu'elle juge la plus créative. Je souhaite en particulier qu'une priorité soit donnée par le CNC aux aides à l'écriture et au développement, pour toutes les oeuvres télévisuelles et cinématographiques, ainsi qu'à l'accompagnement du travail des auteurs en amont de la production. C'est ainsi que nous stimulerons l'innovation. Les orientations des COM de France Télévisions et d'Arte vont dans le même sens et favorisent les nouvelles écritures. Par ailleurs, la loi Télévision du Futur et la directive « Médias » contiennent des dispositions qui vont progressivement engager les fournisseurs de services à investir dans les programmes européens. L'enjeu, c'est la diversité et la qualité des programmes et des oeuvres, dans un contexte d'accroissement de l'offre. C'est un défi permanent.
L'autre exigence, c'est celle que nous portons au nom des publics. Car des financements publics supposent que des engagements soient pris pour rencontrer les publics et répondre à leurs attentes.
Ainsi, en ce qui concerne le spectacle vivant, qui est en France d'une exceptionnelle richesse, grâce notamment à l'effort considérable mené depuis des années par l'Etat et les collectivités locales, il est normal que les aides apportées à de très nombreuses compagnies, structures, institutions, aient des contreparties. La rencontre d'un public nombreux en est une, car qualité et attractivité ne sont nullement contradictoires. Les liens, les partenariats noués avec les établissements scolaires et universitaires, les organismes de jeunesse, doivent être aussi une contrepartie. La diffusion enfin, une diffusion suffisante, précisément pour pouvoir rencontrer les publics en est une troisième. Il y a déjà quelques années, le rapport Latarjet avait judicieusement souligné le hiatus entre une production toujours plus abondante et une diffusion toujours plus faible des spectacles produits. Il faut donc rechercher un nouvel équilibre entre production et diffusion.
Cette diffusion concerne aussi le cinéma. La France est le premier pays d'Europe pour la production de films avec plus de 200 films produits annuellement, qui ont maintenant les faveurs du public, puisqu'en 2006 les entrées des films français ont dépassé celles des films américains. Mais les conditions de diffusion des oeuvres en salles ne sont pas optimales. D'où la nécessité d'une vraie concertation entre les professionnels, que j'accompagnerai, pour améliorer les conditions et le calendrier de sortie des oeuvres. L'autre enjeu, c'est la transition de l'industrie cinématographique vers le tout-numérique, notamment la projection numérique dans les salles de cinéma. Le déploiement de cette nouvelle technologie ne doit pas affecter l'objectif de pluralisme et de diversité de l'offre de films, que nous voulons promouvoir. Il faudra donc que l'Etat accompagne et régule ce passage du cinéma au numérique, comme il le fait déjà pour la télévision avec la loi « télévision du futur ».
La diffusion audiovisuelle a connu une formidable accélération depuis le lancement de la TNT, le 31 mars 2005. Aujourd'hui, 70% de la population française peut avoir accès à la TNT et ce taux atteindra 85% en fin d'année grâce à la couverture de l'Alsace et de la Lorraine. Mais le Gouvernement ne s'arrêtera pas là. Vous le savez, puisque la Haute Assemblée y a pris une part très importante, la loi dite de « télévision du futur» prévoit que fin 2011, lors de l'extinction de la diffusion analogique, 95% de la population devra être couverte par le numérique terrestre, et 100% grâce aux autres technologiques comme le satellite. Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel vient de confirmer ce calendrier. Aucun département ne sera oublié puisqu'un minimum de 91% de couverture TNT sera exigé dans chaque département. Je me félicite du travail pleinement complémentaire conduit par le Parlement, le Gouvernement et le CSA afin que tous nos concitoyens puissent bénéficier de l'apport de la TNT : 18 chaînes gratuites et bientôt la télévision en haute définition.
La diffusion de l'offre dans sa diversité, et le soutien à l'exigence et à l'excellence éditoriales constituent le fil conducteur d'une nouvelle politique du livre qui devra rapidement être mise en chantier, politique à laquelle je suis personnellement attachée.
Pour décider des évolutions nécessaires, je dispose d'un récent audit de modernisation et surtout du rapport intitulé « Livre 2010 » que Sophie Barluet, malheureusement disparue il y a quelques jours, m'a remis au début du mois. Il comporte 50 propositions souvent innovantes qui sont actuellement à l'étude. Relever le défi du numérique auquel le livre est lui aussi confronté, ce qui suppose de promouvoir l'essor d'une offre légale en ligne. Aider les librairies à développer leur présence et leur offre sur les réseaux. Conforter ce maillage culturel exceptionnel de notre territoire qu'assurent les libraires. C'est d'ailleurs la mission que je viens de confier à Antoine Gallimard, qui va travailler sur l'avenir de la librairie indépendante. Oeuvrer en faveur d'une modernisation de la politique des bibliothèques, et je souhaite proposer à ma collègue Valérie Pécresse une réflexion sur les rapprochements envisageables entre réseau de lecture publique et réseau universitaire. Faire évoluer le Centre National du Livre, qui pourrait disposer de moyens supplémentaires et de missions élargies. Telles sont les lignes directrices de la réflexion actuellement menée, avec le souci d'anticiper plutôt que de subir. Tout simplement parce que le livre reste le fondement de tout apprentissage et de toute culture.
L'écrit, c'est aussi la presse, et sa diffusion est une question vitale pour le pluralisme de l'information, et donc la vitalité démocratique. Dès le 20 juin, j'ai pris l'engagement, au nom de l'Etat, d'accompagner le plan de réforme des NMPP. « Défi 2010 » va mettre en oeuvre une restructuration ambitieuse de la distribution de la presse en France. 150 millions d'euros seront consacrés en 4 ans par les éditeurs et l'opérateur des NMPP. En contrepartie, l'Etat apportera sa contribution via une revalorisation de l'aide à la presse d'information générale et politique. Le déploiement de nouveaux points de vente, mieux ciblés, est crucial ; la modernisation du réseau logistique aussi. La diffusion de la presse doit être moins rigide et donc plus efficace. Cet effort commun doit permettre à nos journaux, à nos magazines, nationaux et régionaux, de continuer à refléter la diversité et le pluralisme des expressions à Paris et dans les régions.
Si j'insiste à ce point sur la problématique de la diffusion, dans tous les domaines, c'est parce qu'une politique de l'offre culturelle n'a de sens que si elle s'accompagne d'une politique de la demande, une politique des publics. Il faut aller au devant des publics, proposer des oeuvres de qualité, avec le souci de la durée d'exposition et de la proximité. Il faut enfin initier les jeunes, parce que c'est ainsi que l'on crée les publics de demain.
C'est évidemment l'un des enjeux forts de l'éducation artistique et culturelle, qui figure dans les décrets d'attribution du Ministère de la Culture et du Ministère de l'Education Nationale, signe de l'importance qui s'attache à cette mission. Mon collègue Xavier Darcos et moi-même avons décidé de bâtir un plan d'action commun, avec pour objectif de parvenir enfin à la généralisation de l'éducation artistique et culturelle, envisagée comme un droit pour tout jeune scolarisé. Les lignes de force seront l'introduction de l'histoire de l'art et de la dimension culturelle dans tous les enseignements tout au long de la scolarité. L'impératif d'une pratique artistique pour tous les élèves. Le développement de la coopération entre les établissements scolaires et les établissements d'enseignement spécialisé, comme les conservatoires. Le rapprochement des IUFM avec les établissements d'enseignement supérieur relevant du Ministère de la Culture, afin de mieux former les futurs enseignants. Enfin, la multiplication de partenariats privilégiés, que j'évoquais à l'occasion des aides apportées au spectacle vivant, entre les établissements scolaires, et toutes les institutions, associations, compagnies culturelles, afin de démultiplier les contacts et les projets entre ces deux mondes qui s'ignorent trop souvent.
Ces objectifs nécessitent un partenariat très fort entre nos deux ministères, ainsi qu'avec les collectivités locales. A l'automne, nous avons l'attention d'annoncer en commun un véritable plan d'action.
Accroître la demande et attirer de nouveaux publics est aussi l'un des enjeux de l'expérimentation de la gratuité dans les musées demandée par le Premier ministre. Je me félicite de cette demande d'expérimentation qui permettra de bien apprécier toutes les données de ce sujet complexe. D'ores et déjà, nous travaillons à l'établissement d'un panel représentatif, afin que cette expérience puisse avoir lieu pendant tout le premier semestre de l'année 2008.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, quelques lignes directrices de l'action que je souhaite conduire. Je me battrai pour le patrimoine, qui est notre identité, notre mémoire, mais aussi une source majeure d'emplois, que l'on considère le tourisme, ou les métiers d'arts et les entreprises spécialisées. Je me battrai pour qu'il soit l'objet d'un effort suffisant et constant, car rien n'est pire que les chantiers qui s'arrêtent et dont il ne reste que des échafaudages. Le Premier Ministre, et je m'en réjouis, s'est exprimé avec force, dans ce sens, dans sa déclaration de politique générale. Je serai résolument aux côtés des créateurs pour défendre leurs droits, droits d'auteurs comme droits sociaux. Mais je souhaite en retour que notre politique de financement public s'accompagne de justes contreparties, et qu'en fonction d'un certain nombre de critères, des choix soient effectués. Je souhaite aussi qu'en mettant l'accent sur la diffusion, dans toutes les disciplines, dans tous les secteurs et sur tous les supports, et en portant une politique plus ambitieuse de l'éducation artistique, l'on fasse vivre davantage l'idéal malrucien de démocratie de la culture. Il parlait de donner à chacun « les clés du trésor ». Ces clés sont entre les mains des mêmes depuis des décennies. Tout doit être fait pour faire évoluer la structure même des publics.
Je me félicite de pouvoir m'appuyer, pour mener ces différents projets, sur toutes les équipes du ministère de la Culture et de la Communication. C'est un ministère où l'on ne travaille pas par hasard, mais bien plutôt par choix, par engagement personnel, et je me réjouis de pouvoir disposer d'une administration compétente, motivée, et souvent passionnée. Bien sûr, cette administration devra évoluer, pour mieux refléter, dans son organisation, les grands programmes de la LOLF. Je souhaite aussi que tous les acteurs du ministère, administration centrale, directions régionales, établissements publics et grands opérateurs, travaillent ensemble, et développent davantage de synergies. Les projets, les grandes orientations doivent être portés par tous, qu'il s'agisse de la culture du choix, qui doit présider à toute décision, ou encore de défis à relever, comme la promotion de la diversité culturelle ou la politique en faveur des handicapés. C'est ainsi que l'action de la rue de Valois aura sa pleine cohérence et sa pleine visibilité.
Je me réjouis également de l'étroit partenariat qui s'est instauré depuis longtemps avec les collectivités locales, et je veux vous dire mon souhait d'engager un dialogue très ouvert avec les régions. J'ai la conviction, en effet, que les régions peuvent aujourd'hui apporter une contribution nouvelle au service public de la culture, et nous permettre, aux côtés des communes et des départements -qui font tant ! -de répondre à des priorités comme le meilleur fonctionnement des équipements, en particulier ceux qui assurent les enseignements artistiques, comme la mise en valeur du patrimoine, et comme le développement des commerces culturels. Je pense qu'ensemble, sur une base concertée et contractuelle, on peut faire plus et mieux pour le développement culturel, qui est une chance pour le développement économique et touristique. Je veux inviter les régions, comme l'a fait la région alsace sur le patrimoine, à entrer de plain-pied dans un pacte rénové et élargi des collectivités pour le service public de la culture. En particulier, c'est avec elles, et sur la base des initiatives prises déjà par certaines d'entre elles, que nous devrons réfléchir à la création d'un « Pass Culture » pour les jeunes de notre pays.
Enfin, je me battrai pour que les financements si nécessaires à une politique culturelle ambitieuse soient mobilisés dans toute leur diversité. Je pense d'abord qu'il faut continuer à explorer les leviers non-budgétaires, et en particulier les leviers fiscaux. Les crédits d'impôt ont fait la preuve de leur efficacité et sont appropriés pour nos industries culturelles. La question de la TVA à l'importation, qui pèse lourdement sur notre marché de l'art, devra être posée. Les lois sur le mécénat, qui ont permis depuis 2003 l'acquisition de trésors nationaux à hauteur de plus de 63 ME, doivent encore être améliorées, et j'organiserai à cet effet, pour 2008, à l'occasion du 5ème anniversaire de ces lois, une grande concertation associant tous ceux qui sont intéressés au mécénat, fondations, entreprises, responsables publics et privés. D'ores et déjà le PLF 2008 proposera de nouveaux ajustements à l'examen du Parlement.
Je souhaite enfin encourager nos institutions à développer leurs recettes propres, à partir de leur expertise et de leur savoir-faire. Le Louvre d'Abou Dabi n'est-il pas une illustration exemplaire des possibilités qui s'offrent à elles dans un monde ouvert, où l'image de la France passe par celle de sa culture, et où cette culture est recherchée pour sa profondeur historique, son éclectisme, son universalisme ? Voilà un projet pour lequel une institution publique française a été préférée à une entreprise privée américaine ! Et c'est pour nous tous une source de fierté. Si l'Etat doit pleinement assumer son rôle, et être un partenaire actif pour les collectivités locales qui, toujours davantage, s'engagent pour le combat culturel, il doit aussi être un facilitateur, un catalyseur d'enthousiasmes et de projets.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les membres de la Commission, dans quel esprit j'aborde la mission qui m'est confiée. Avec réalisme, avec modestie, mais en même temps en considérant que l'on peut agir, même si ce n'est pas toujours simple, pour que ce ministère soit plus fidèle aux idéaux qui ont présidé à sa création. La fierté de ce qui nous fait ce que nous sommes, et d'abord notre patrimoine, dans sa diversité. L'ambition de tenir toute notre place dans la création contemporaine, et d'ouvrir des voies. La volonté de partager notre culture avec le plus grand nombre.
Je vous remercie. Source http://www.culture.gouv.fr, le 26 juillet 2007