Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme, à "France 2" le 27 juillet 2007, sur la baisse de la fréquentation touristique surtout due à la mauvaise météorologie estivale et à la concurrence accrue, sur l'ouverture des commerces le dimanche.

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Média : France 2

Texte intégral

M. Darmon Il aime entendre le bruit des tirelires que l'on casse et le bruit des autocars de tourisme qui passent et avec lui dépenser c'est une vertu. Bonjour L. Chatel.

R.- Bonjour M. Darmon.

Q.- Alors c'est l'heure des bilans, tourisme et consommation à la fin du mois de juillet qui approche. Qu'est-ce que l'on peut dire sur le tourisme ? En net recul quand même apparemment à cause de la météo ?

R.- Alors, c'est l'heure des premiers bilans, il faut être très prudent, parce qu'on on est à mi saison. Les premiers éléments que nous avons, qui sont des remontées des offices de tourisme, des comités départementaux du tourisme et un peu les informations que nous avons des professionnels, nous disent qu'en gros, malgré la météo capricieuse, les professionnels restent plutôt optimistes sur la fin de la saison. C'està- dire que si on regarde, nous avons eu une bonne avant saison, puisque vous savez, avril a été un bon mois en matière de météo et les fréquentations ont été supérieures à l'année dernière. On a eu un début de saison difficile, juin, juillet...

Q.- On parle de 5 % en recul quand même. Que vous soyez optimiste, c'est normal, mais enfin la réalité est un peu différente non ?

R.- Oui, mais il faut être très prudent sur les chiffres, encore une fois, nous ne publions des chiffres qu'en fin de saison. Et effectivement, juin/juillet est en recul par rapport à l'année dernière, mais ce qui nous laisse plutôt optimiste, c'est que les réservations pour le mois d'août sont au niveau de l'année dernière, qui avait été une bonne année. Qu'on a un retour d'un certain nombre de touristes internationaux, comme les Néerlandais, les Espagnols, les Britanniques se tiennent plutôt bien et les Américains, bonne surprise, se tiennent plutôt bien.

Q.- Oui, malgré l'euro fort, qui reviennent oui.

R.- Et au total en gros, ce qui fera la saison, c'est le mois de septembre. Tous les professionnels que j'ai rencontrés depuis un mois me disent : juillet est régulièrement depuis quelques années un mois difficile, et finalement, ce qui fait le bilan de l'année, c'est de savoir si septembre ou pas est un mois qui tient la route, voilà !

Q.- Pourtant, si on établit une carte de France, un peu de votre secteur du tourisme, dans cette première partie de saison, du mois de juillet, il y a quand même des régions sinistrées : la Bretagne, la montage, d'une manière plus générale, à cause de la météo. Alors que faire, pour... ?

R.- Alors effectivement le bilan que j'évoquais à l'instant, il se traduit par de fortes disparités régionales. Il est évident que le Nord de la France, globalement a souffert en ce mois de juillet des questions météo. Il y a eu un attrait vers le soleil, donc vers le Sud-Est. Et puis, il y a des phénomènes plus structurels, qui est effectivement la question de la montage. Moi j'ai été samedi dernier à Chamonix au Mont-Blanc pour rencontrer les élus de la montagne et voir avec eux...

Q.- Ils sont inquiets ?

R.- Oui, ils sont inquiets et à juste titre, pourquoi ? Parce que la montagne aujourd'hui est la dernière destination de vacances en été. Alors qu'au moment où l'environnement, les questions de développement durable, la nature sont des valeurs prégnantes dans la société, on pourrait imaginer que ce soit une destination plus porteuse. Mais je crois qu'on a un problème global de l'offre montagne et de l'offre France - on va y venir - de l'offre montagne par rapport à la concurrence, si vous voulez. La France est leader en matière d'offre montagne, parce qu'elle a su investir énormément en matière de ski. Nous avons 30 % du domaine skiable européen et c'est vrai que quand on veut faire du ski, on est les champions en Europe. Sauf qu'on voit bien que les attentes des consommateurs ont évolué. Nous étions champions quand c'était l'époque du tout ski intensif, où les touristes voulaient skier huit heures par jour. Aujourd'hui, il y a des aspirations différentes qui font qu'on a envie d'aller skier quelques heures, mais on veut aussi un peu de bien-être, on veut aller à la piscine, on veut pouvoir se balader en famille.

Q.- D'autant plus qu'au mois de juillet, on skie quand même beaucoup moins.

R.- Oui, mais ça c'est un des autres enjeux, c'est de désaisonnaliser la montagne. Et c'est vrai que la montagne - et c'est pour ça que j'insistais sur le ski - c'est que pendant de nombreuses années, elle a misé en grande partie sur l'hiver. Et l'arrière-saison et l'avant saison, c'est-à-dire printemps et automne étaient peu utilisés et l'été, je viens de vous le dire, est la dernière destination, alors qu'il y a des réservoirs et un potentiel importants.

Q.- Alors votre analyse, est-ce que finalement, elle n'est pas à l'image de ce qui se passe d'une manière plus générale sur le secteur ? C'est-à-dire au fond, il y a un problème d'attractivité, il y a des pays qui sont maintenant plus compétitifs et on vient moins en France, parce que c'est trop cher et que le parc touristique, comme on dit chez les professionnels, ne s'est pas assez renouvelé ?

R.- Il ne faut pas se tirer une balle dans le pied, mais il faut voir la situation d'une manière objective. Ne pas se tirer une balle dans le pied, cela veut dire, n'oublions pas que la France reste la première destination d'accueil des touristes avec 79 millions par an. En même temps, c'est un chiffre un peu en trompe l'oeil, puisque, si on regarde les dépenses des touristes, ce qu'ils laissent sur le territoire français, nous sommes troisième derrière les Etats-Unis et l'Espagne. Donc ça, c'est un premier élément important.

Q.- Pourquoi, c'est trop cher, c'est le coup de bambou à chaque fois dans les régions qui savent où on sait que les touristes vont arriver ?

R.- Si vous voulez, pendant longtemps, la France a été leader mondial du tourisme, j'allais dire presque un peu à l'insu de son plein gré, c'est-àdire que, parce qu'elle était la France et donc on a une offre touristique formidable, on a des professionnels dynamiques, mais on avait peu de concurrence. Aujourd'hui, on a de nouveaux pays émergents, et on a...

Q.- Lesquels par exemple ?

R.- On a toute l'Europe de l'Est avec le tourisme vert. Nous avons des pays, en Asie, en particulier, qui font des efforts considérables en matière de qualité de service. On a l'Afrique du Nord qui commence à s'y mettre, moi je vais aller au Maroc dans les prochaines semaines. Donc on a une vraie concurrence mondiale et la France, pour rester dans le coup, elle doit être capable, avec les professionnels, de se remettre en question, de se fixer une stratégie. Parce que le tourisme c'est très important dans notre économie, c'est 6,5 % du produit intérieur brut. C'est le premier poste de notre balance des paiements et c'est plus de 2 millions d'emplois non délocalisables. Donc quand on regarde aujourd'hui les secteurs porteurs, le président de la République nous dit "j'ai besoin d'aller chercher un point de croissance supplémentaire nouveau", eh bien le tourisme est un réservoir de croissance très important.

Q.- Justement, est-ce que ce point de croissance se trouve vraiment dans la consommation ? Parce qu'au fond, lorsque les Français ont plus de pouvoir d'achat, on s'aperçoit qu'ils n'achètent pas français, ne consomment pas français. Donc il n'y a pas de rapport entre consommation et croissance. Alors au fond, est-ce que ce n'est pas aussi en trompe l'oeil de dire ça ?

R.- Alors M. Darmon, au risque de vous contredire, je vous rappellerai que la consommation c'est 55 % du produit intérieur brut, c'est-à-dire que c'est le moteur de la croissance.

Q.- Mais pourtant, ils n'achètent pas français les consommateurs français.

R.- L'année dernière, on a eu 2 % de croissance en France, 1,2 vient de la consommation des ménages. Et n'oubliez pas qu'à chaque fois qu'un ménage achète un produit, d'où qu'il vienne, il paie la TVA qui rentre directement dans les revenus français.

Q.- Oui, mais ça, cela n'aide pas les entreprises françaises.

R.- Et c'est donc l'intérêt également de l'industrie touristique, c'est que vous faites de la publicité en avril, partout dans le monde pour défendre l'offre France et vous récupérez de la TVA au mois de juillet au moment où les touristes viennent en France.

Q.- Sur le dossier consommation, également, alors il y a un terme qui est à la mode, c'est l'ouverture. Alors pour vous c'est l'ouverture du dimanche qui est vraiment très à la mode. Qu'est-ce que vous dites sur ce dossier, il faut encourager l'ouverture des magasins le dimanche ?

R.- Il faut moderniser notre pays. Vous savez que N. Sarkozy a été très volontariste sur ce sujet, il y a un certain nombre de zones géographiques en France, de grandes agglomérations où les modes de consommation ont changé, où aujourd'hui il y a une vraie aspiration à la fois des consommateurs d'aller, à certaines périodes où ils ne le peuvent pas aujourd'hui, faire leurs courses. Et puis il y a également une volonté des professionnels qui quand ils font leurs comptes, s'aperçoivent qu'il y a peut-être un réservoir de croissance marginale et de créations possibles d'activités économiques.

Q.- On vous sent très prudent là-dessus, parce que c'est politiquement, un peu difficile aussi pour un électorat comme le vôtre. Est-ce que vous portez ou pas ce dossier d'ouverture le dimanche ?

R.- Vous savez, l'important ce n'est pas d'être prudent, c'est de regarder la réalité en face et de trouver des solutions. La réalité en face c'est qu'on a des grandes agglomérations comme je le disais, c'est le cas de la région parisienne. On parle en ce moment beaucoup de la région des Bouches-du-Rhône avec le centre commercial « Plan de campagne » où là, il y a à la fois une volonté des acteurs locaux, des professionnels, des commerçants, des galeries commerçantes et des consommateurs d'y aller. En même temps, on voit bien que la France ce n'est pas uniquement les grandes agglomérations, les grandes galeries commerçantes. En Haute-Marne, dans ma ville de Chaumont, la préoccupation première n'est pas, tous les dimanches d'aller faire ses courses. Donc, notre mission à nous va être de tenir compte de cela, de faire en sorte que sur les grandes agglomérations on débloque la situation, on libère le travail, on donne cette liberté aux Français de pouvoir faire leurs courses quand ils le souhaitent. Et en même temps, de tenir compte des zones urbaines rurales ou de moyennes villes où il y a du commerce indépendant, qui est très important dans notre tissu local, et où les aspirations ne sont pas forcément les mêmes.

Q.- Eh bien, voilà, affaires à suivre, au pluriel. Eh bien écoutez, bonnes vacances et à bientôt !