Texte intégral
Q - Quel commentaire feriez-vous à propos de ce qui se passe actuellement en Irak ?
R - Il y a eu des progrès, mais ce qui se passe maintenant n'est pas bon. De l'extérieur, de loin, nous sommes terrifiés par la situation sécuritaire, par l'absence de sécurité. Par tous ces malheurs qui tombent sur ces pauvres gens, des innocents; et des bombes, des attaques suicides. La situation n'est pas bonne mais j'espère qu'elle va s'améliorer.
Q - Monsieur le Ministre, qu'y a-t-il derrière cette visite que vous effectuez aujourd'hui, et pourquoi maintenant ?
R - Il n'y a que de l'amitié pour les populations irakiennes, toutes les communautés irakiennes et beaucoup d'intérêts pour cette région du monde qui est potentiellement pleine de risques pour l'ensemble de la planète.
Bien sûr d'abord, pour les habitants de la région, bien sûr pour les Irakiens, pour le Moyen-Orient en général, mais je crois que c'est ici que nous devons nous intéresser au déroulement des crises.
Q - Avez-vous décidé d'effectuer cette visite après la rencontre qui a eu lieu entre les deux présidents, Français et Américains, nous aimerions beaucoup une réponse ?
R - Tout le monde me pose la même question. J'ai répondu dix fois, non, non. J'avais décidé d'effectuer cette visite, dès le début, il y a trois mois. En effet, nous avons examiné les crises successives, le Liban, le Darfour, l'Irak. Sans oublier la Palestine bien évidemment. Entre M. Bush et M. Sarkozy, nous n'avons pas parlé de l'Irak. Je n'ai pas besoin de décider avec les Américains, la France peut décider seule. Elle peut aussi décider des choses avec ses amis américains, être ami avec les Américains, c'est aussi essayer de leur dire toujours la vérité.
Q - Il n'y a donc pas eu d'arrangement préalable de cette visite entre les deux présidents ?
R - J'ai déjà répondu.
Q - Cette visite vient-elle en tant qu'expression d'une nouvelle politique de la France envers les Etats-Unis, alors que la France était opposée à l'invasion de l'Irak ?
R - Non, la France était bien sûr opposée à l'invasion de l'Irak. Moi-même qui pensais que M. Saddam Hussein était un dictateur sanglant, je n'ai pas approuvé la façon dont les Américains ont tenté, après la victoire militaire, de construire une démocratie, mais la page est tournée.
Maintenant, presque cinq ans après, parce qu'il y a un nouveau gouvernement, parce qu'il y a un nouveau président, nous décidons de revenir vers nos amis Irakiens auxquels nous attachent des relations historiques, des relations sentimentales, des relations économiques. Et surtout, je l'espère, pour offrir de la fraternité, et de la compréhension, je suis d'abord venu les écouter, pour tenter de comprendre.
Q - Après l'invasion de l'Irak, après ce que les Etats-Unis ont fait depuis, êtes-vous convaincu qu'ils sont en mesure d'instaurer la démocratie en Irak?
R - Seuls, non. Je ne le crois pas. Mais vous appelez cela une invasion, mais ici, tous les gens qui m'ont parlé, les Irakiens, ils ont appelé cela "libération", même si en plus, après, ils n'ont pas approuvé la méthode et même s'ils souhaitent que les Américains quittent le pays. Et ceci parce qu'il y avait la dictature de Saddam Hussein.
Q - Mais, tout le monde n'est pas d'accord pour dire que c'est une libération ?
R - Je crois qu'ils se trompent. L'aspect d'occupation existe en effet et il faut très vite y mettre fin. Mais je crois que nos amis Américains sont d'accord avec cela. Quand, comment, c'est de cela qu'il faut parler.
Q - Monsieur le Ministre, êtes-vous venu, ayant dans vos bagages, quelques idées que vous pourriez offrir aux Irakiens et à la scène irakienne ?
R - Oui, ma bonne volonté, mon amitié pour eux, la nécessité de construire un Irak fraternel où les communautés s'entendraient, où les relations entre les religions seraient possibles. Car le monde en a besoin.
L'Irak se situe au centre d'un Moyen-Orient en crise. D'un côté l'Arabie Saoudite, de l'autre l'Iran, la Jordanie, la Syrie, la Turquie.
De l'argent, de l'énergie, de l'atome, des cultures différentes, une démocratie à bâtir, la France devait aussi se trouver à cet endroit du monde où tout se passe.
Mais, je n'ai pas de recette magique. Je n'ai pas de solution miracle. Si je l'avais, je vous la donnerai tout de suite. Mais la bonne volonté de la France est réelle.
Q - Mais la bonne volonté et l'amitié ne suffisent pas Monsieur le Ministre ! Ce que les Irakiens souhaitent à présent, c'est l'eau, l'électricité, les services, les infrastructures et pour obtenir tout cela, la volonté suffit-elle selon vous ?
R - Non, vous avez raison, elle ne suffit pas. Et avant tout, les Irakiens veulent de l'eau, de l'électricité, mais aussi de la fraternité et de la sécurité. Ils veulent que leurs enfants puissent sortir dans la rue sans être assassiné. Et cela, je crois qu'avec de la volonté politique surtout, on peut essayer, avec les Irakiens d'y parvenir, car c'est le problème des Irakiens. Moi je veux être à côté des Irakiens, ce qui n'est pas facile.
Q - Au cours des prochains jours, présenterez-vous des initiatives pour aider les Irakiens ?
R - Je l'espère. On m'a proposé un certain nombre de choses mais j'espère surtout faire partager l'intérêt français pour l'Irak aux autres Européens pour que l'Union européenne prenne la mesure de la nécessité d'être dans cet endroit du monde, aux côtés des populations qui souffrent et qui veulent trouver une solution.
La veille de ma venue, j'ai téléphoné aux Anglais, aux Allemands, à M. Solana, à Mme Rice et à la présidence portugaise.
Maintenant, je vais leur rendre compte de ce que j'ai vu. J'en parlerai tout d'abord aux Français bien sûr.
Q - Monsieur le Ministre, pensez-vous peut-être à une présence française sur la scène irakienne ? Une présence politique, diplomatique ou peut-être même militaire.
R - Oui, j'y pense, je ne sais pas quelle forme elle prendra. Une présence politique oui, la présence diplomatique existe déjà, notre ambassadeur et les diplomates sont restés ici durant toute la crise, toute la guerre et notre ambassade est la première qui a réouvert. Ils sont restés courageusement et pas dans la zone verte où tout le monde est protégé, mais dans Bagdad.
Q - Economiquement, pensez-vous être présent également ?
R - Oui, bien sûr. Nous avons reçu des propositions économiques et nous allons rouvrir un bureau diplomatique au Kurdistan et dans le sud.
Q - Dans l'avenir, le gouvernement irakien pourrait-il travailler avec vous dans ce sens, alors que l'on dit que le gouvernement irakien obéit aux ordres des Américains et qu'il n'est pas vraiment maître de sa propre décision ?
R - Je vous laisse cette appréciation mais le gouvernement est en effet sensible à l'opinion des dirigeants américains. J'espère qu'il sera aussi sensible, ce gouvernement, aux diverses composantes, qui ne sont pas d'accord entre elles. En Irak, personne n'est d'accord pour le moment, ou peu de gens le sont en tout cas.
Et puis, j'ai beaucoup d'amis, du président Talabani jusqu'aux militants des partis que je connais depuis 20 ou 30 ans, chez les Chiites comme les Sunnites ou encore chez les Kurdes.
Si la France peut jouer un rôle, elle le fera et j'ai eu l'impression que l'accueil réservé à la France, l'accueil de tous les partis, de tous les groupes que j'ai rencontrés était formidable. Un accueil plein d'amitié et peut-être plein d'espoir aussi.
Q - Cela signifie-t-il que vous avez eu des entretiens politiques avec tous les représentants des parties ou au moins avec la majorité des parties ?
R - Oui, j'ai eu des entretiens avec tous les partis parlementaires.
Q - Si vous avez des idées, pensez-vous que vous obtiendrez le soutien de l'administration américaine pour les réaliser ? Et d'après vous, jusqu'à quel point le gouvernement irakien sera-t-il prêt à aller pour soutenir ces idées avec vous ?
R - Je ne sais pas. J'ai l'impression que, de part et d'autre, dans toutes mes conversations, il a été admis que les Nations unies devaient jouer un rôle plus important. La France est membre permanent du Conseil de sécurité et dans ce sens, je pense que nous pourrions travailler avec tout le monde. Encore une fois, nous sommes amis avec les Américains, je pense qu'ils ont approuvé cette visite, qu'ils ont trouvé que c'était une bonne occasion de travailler ensemble mais il ne faut pas cacher la vérité à ses amis.
Je ne cacherai rien de ce que j'ai vu aux Américains. Les Irakiens, la population, ce n'est pas dans la zone verte qu'on peut la trouver, c'est dans le reste de la vile de Bagdad et dans tout le pays. Les gens sont très inquiets. Vous dites qu'ils ont besoin de l'eau et de l'électricité, oui. Ils ont aussi besoin de rentrer chez eux car, quatre millions de personnes sont réfugiées dans les pays avoisinants ou même réfugiés ou déplacés dans leur propre pays. C'est pour moi très important et je pense que l'Europe, qui fut très absente de cette crise, doit s'y intéresser.
Q - Certains pourraient expliquer ce nouvel accord avec les Etats-Unis comme si la France se mettait elle aussi à tourner dans l'orbite des Etats-Unis, après l'arrivée du président Sarkozy au pouvoir.
R - Mon cher Monsieur, nous ne tournons pas sur orbite. Nous avons nos propres idées, la France est un vieux pays sage, indépendant, membre du Conseil de sécurité des Etats-Unis qui a une Histoire un peu pus vieille que celle des Etats-Unis. Une Histoire faite de hauts et de bas, de guerres gagnées, de guerres perdues. Je crois qu'elle a surtout, cette vieille France, des rapports très particuliers avec le monde arabe et avec l'Afrique. Elle a une façon d'écouter, d'être près des gens, de les prendre par le bras ou par la main. La France ne tourne autour d'aucune orbite. Elle voudrait tourner elle-même et cela ne l'empêche pas d'avoir des amitiés et de savoir que nos alliés sont les Américains mais pas seulement et aussi que les Américains se trompent souvent et qu'il n'est pas toujours facile de travailler avec eux.
Le monde n'est pas parfait, le Moyen-Orient non plus, le monde arabe non plus. Ce n'est pas facile, obstinons-nous.
Q - La France ne tourne dans l'orbite de personne, vous ne tournez dans l'orbite de personne Monsieur le Ministre.
R - Merci.
Q - Vos réponses ont été extrêmement claires, j'aimerais savoir s'il y aura quelque chose de plus positif de la part de la France ?
R - Mais, d'abord, nous tournons quand même dans l'orbite européenne et l'Europe, c'est quelque chose que nous avons inventé et qui n'est pas si mauvais que cela et tout le monde veut l'imiter. J'espère que le monde arabe le voudra un jour. S'assembler, être ensemble, bâtir ensemble...
Vous savez, en Irak, un endroit du monde extrêmement dangereux, nous ne devons pas arriver avec des certitudes ; tous ceux qui sont venus de loin avec des certitudes se sont "cassé les dents".
La France vient à petits pas, elle vient à l'écoute des gens et elle essaie de les comprendre. Elle reviendra. Ce n'est pas un voyage éclair, ce n'est pas du tourisme, même pas du tourisme diplomatique.
Je n'ai pas de solution miracle maintenant, mais je sais qu'il faut s'acharner. Je sais qu'il faut être ensemble, aussi bien avec les Chiites qu'avec les Sunnites, aussi bien avec les Kurdes qu'avec les Turkmènes, ou bien avec les Chrétiens qui souffrent dans ce pays comme d'ailleurs la plupart des chrétiens qui souffrent souvent dans les pays arabes. Il faut faire attention à cela, toutes les communautés se valent et se ressemblent.
J'espère que, la prochaine fois, car je reviendrai, j'espère vous proposer des choses plus solides.
Q - Je voudrais une réponse claire et brève s'il vous plaît Monsieur le Ministre, votre visite est-elle fructueuse ?
R - Oui. Suffisante, non.
Q - Une dernière question, avez-vous l'intention d'organiser une visite présidentielle ?
R - Nous en avons parlé. Mais vous savez que le président Talabani est venu l'an passé en France. Je l'ai vu d'ailleurs et il m'avait invité d'ailleurs, mais sans les Américains.
Q - Je vous remercie beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 août 2007
R - Il y a eu des progrès, mais ce qui se passe maintenant n'est pas bon. De l'extérieur, de loin, nous sommes terrifiés par la situation sécuritaire, par l'absence de sécurité. Par tous ces malheurs qui tombent sur ces pauvres gens, des innocents; et des bombes, des attaques suicides. La situation n'est pas bonne mais j'espère qu'elle va s'améliorer.
Q - Monsieur le Ministre, qu'y a-t-il derrière cette visite que vous effectuez aujourd'hui, et pourquoi maintenant ?
R - Il n'y a que de l'amitié pour les populations irakiennes, toutes les communautés irakiennes et beaucoup d'intérêts pour cette région du monde qui est potentiellement pleine de risques pour l'ensemble de la planète.
Bien sûr d'abord, pour les habitants de la région, bien sûr pour les Irakiens, pour le Moyen-Orient en général, mais je crois que c'est ici que nous devons nous intéresser au déroulement des crises.
Q - Avez-vous décidé d'effectuer cette visite après la rencontre qui a eu lieu entre les deux présidents, Français et Américains, nous aimerions beaucoup une réponse ?
R - Tout le monde me pose la même question. J'ai répondu dix fois, non, non. J'avais décidé d'effectuer cette visite, dès le début, il y a trois mois. En effet, nous avons examiné les crises successives, le Liban, le Darfour, l'Irak. Sans oublier la Palestine bien évidemment. Entre M. Bush et M. Sarkozy, nous n'avons pas parlé de l'Irak. Je n'ai pas besoin de décider avec les Américains, la France peut décider seule. Elle peut aussi décider des choses avec ses amis américains, être ami avec les Américains, c'est aussi essayer de leur dire toujours la vérité.
Q - Il n'y a donc pas eu d'arrangement préalable de cette visite entre les deux présidents ?
R - J'ai déjà répondu.
Q - Cette visite vient-elle en tant qu'expression d'une nouvelle politique de la France envers les Etats-Unis, alors que la France était opposée à l'invasion de l'Irak ?
R - Non, la France était bien sûr opposée à l'invasion de l'Irak. Moi-même qui pensais que M. Saddam Hussein était un dictateur sanglant, je n'ai pas approuvé la façon dont les Américains ont tenté, après la victoire militaire, de construire une démocratie, mais la page est tournée.
Maintenant, presque cinq ans après, parce qu'il y a un nouveau gouvernement, parce qu'il y a un nouveau président, nous décidons de revenir vers nos amis Irakiens auxquels nous attachent des relations historiques, des relations sentimentales, des relations économiques. Et surtout, je l'espère, pour offrir de la fraternité, et de la compréhension, je suis d'abord venu les écouter, pour tenter de comprendre.
Q - Après l'invasion de l'Irak, après ce que les Etats-Unis ont fait depuis, êtes-vous convaincu qu'ils sont en mesure d'instaurer la démocratie en Irak?
R - Seuls, non. Je ne le crois pas. Mais vous appelez cela une invasion, mais ici, tous les gens qui m'ont parlé, les Irakiens, ils ont appelé cela "libération", même si en plus, après, ils n'ont pas approuvé la méthode et même s'ils souhaitent que les Américains quittent le pays. Et ceci parce qu'il y avait la dictature de Saddam Hussein.
Q - Mais, tout le monde n'est pas d'accord pour dire que c'est une libération ?
R - Je crois qu'ils se trompent. L'aspect d'occupation existe en effet et il faut très vite y mettre fin. Mais je crois que nos amis Américains sont d'accord avec cela. Quand, comment, c'est de cela qu'il faut parler.
Q - Monsieur le Ministre, êtes-vous venu, ayant dans vos bagages, quelques idées que vous pourriez offrir aux Irakiens et à la scène irakienne ?
R - Oui, ma bonne volonté, mon amitié pour eux, la nécessité de construire un Irak fraternel où les communautés s'entendraient, où les relations entre les religions seraient possibles. Car le monde en a besoin.
L'Irak se situe au centre d'un Moyen-Orient en crise. D'un côté l'Arabie Saoudite, de l'autre l'Iran, la Jordanie, la Syrie, la Turquie.
De l'argent, de l'énergie, de l'atome, des cultures différentes, une démocratie à bâtir, la France devait aussi se trouver à cet endroit du monde où tout se passe.
Mais, je n'ai pas de recette magique. Je n'ai pas de solution miracle. Si je l'avais, je vous la donnerai tout de suite. Mais la bonne volonté de la France est réelle.
Q - Mais la bonne volonté et l'amitié ne suffisent pas Monsieur le Ministre ! Ce que les Irakiens souhaitent à présent, c'est l'eau, l'électricité, les services, les infrastructures et pour obtenir tout cela, la volonté suffit-elle selon vous ?
R - Non, vous avez raison, elle ne suffit pas. Et avant tout, les Irakiens veulent de l'eau, de l'électricité, mais aussi de la fraternité et de la sécurité. Ils veulent que leurs enfants puissent sortir dans la rue sans être assassiné. Et cela, je crois qu'avec de la volonté politique surtout, on peut essayer, avec les Irakiens d'y parvenir, car c'est le problème des Irakiens. Moi je veux être à côté des Irakiens, ce qui n'est pas facile.
Q - Au cours des prochains jours, présenterez-vous des initiatives pour aider les Irakiens ?
R - Je l'espère. On m'a proposé un certain nombre de choses mais j'espère surtout faire partager l'intérêt français pour l'Irak aux autres Européens pour que l'Union européenne prenne la mesure de la nécessité d'être dans cet endroit du monde, aux côtés des populations qui souffrent et qui veulent trouver une solution.
La veille de ma venue, j'ai téléphoné aux Anglais, aux Allemands, à M. Solana, à Mme Rice et à la présidence portugaise.
Maintenant, je vais leur rendre compte de ce que j'ai vu. J'en parlerai tout d'abord aux Français bien sûr.
Q - Monsieur le Ministre, pensez-vous peut-être à une présence française sur la scène irakienne ? Une présence politique, diplomatique ou peut-être même militaire.
R - Oui, j'y pense, je ne sais pas quelle forme elle prendra. Une présence politique oui, la présence diplomatique existe déjà, notre ambassadeur et les diplomates sont restés ici durant toute la crise, toute la guerre et notre ambassade est la première qui a réouvert. Ils sont restés courageusement et pas dans la zone verte où tout le monde est protégé, mais dans Bagdad.
Q - Economiquement, pensez-vous être présent également ?
R - Oui, bien sûr. Nous avons reçu des propositions économiques et nous allons rouvrir un bureau diplomatique au Kurdistan et dans le sud.
Q - Dans l'avenir, le gouvernement irakien pourrait-il travailler avec vous dans ce sens, alors que l'on dit que le gouvernement irakien obéit aux ordres des Américains et qu'il n'est pas vraiment maître de sa propre décision ?
R - Je vous laisse cette appréciation mais le gouvernement est en effet sensible à l'opinion des dirigeants américains. J'espère qu'il sera aussi sensible, ce gouvernement, aux diverses composantes, qui ne sont pas d'accord entre elles. En Irak, personne n'est d'accord pour le moment, ou peu de gens le sont en tout cas.
Et puis, j'ai beaucoup d'amis, du président Talabani jusqu'aux militants des partis que je connais depuis 20 ou 30 ans, chez les Chiites comme les Sunnites ou encore chez les Kurdes.
Si la France peut jouer un rôle, elle le fera et j'ai eu l'impression que l'accueil réservé à la France, l'accueil de tous les partis, de tous les groupes que j'ai rencontrés était formidable. Un accueil plein d'amitié et peut-être plein d'espoir aussi.
Q - Cela signifie-t-il que vous avez eu des entretiens politiques avec tous les représentants des parties ou au moins avec la majorité des parties ?
R - Oui, j'ai eu des entretiens avec tous les partis parlementaires.
Q - Si vous avez des idées, pensez-vous que vous obtiendrez le soutien de l'administration américaine pour les réaliser ? Et d'après vous, jusqu'à quel point le gouvernement irakien sera-t-il prêt à aller pour soutenir ces idées avec vous ?
R - Je ne sais pas. J'ai l'impression que, de part et d'autre, dans toutes mes conversations, il a été admis que les Nations unies devaient jouer un rôle plus important. La France est membre permanent du Conseil de sécurité et dans ce sens, je pense que nous pourrions travailler avec tout le monde. Encore une fois, nous sommes amis avec les Américains, je pense qu'ils ont approuvé cette visite, qu'ils ont trouvé que c'était une bonne occasion de travailler ensemble mais il ne faut pas cacher la vérité à ses amis.
Je ne cacherai rien de ce que j'ai vu aux Américains. Les Irakiens, la population, ce n'est pas dans la zone verte qu'on peut la trouver, c'est dans le reste de la vile de Bagdad et dans tout le pays. Les gens sont très inquiets. Vous dites qu'ils ont besoin de l'eau et de l'électricité, oui. Ils ont aussi besoin de rentrer chez eux car, quatre millions de personnes sont réfugiées dans les pays avoisinants ou même réfugiés ou déplacés dans leur propre pays. C'est pour moi très important et je pense que l'Europe, qui fut très absente de cette crise, doit s'y intéresser.
Q - Certains pourraient expliquer ce nouvel accord avec les Etats-Unis comme si la France se mettait elle aussi à tourner dans l'orbite des Etats-Unis, après l'arrivée du président Sarkozy au pouvoir.
R - Mon cher Monsieur, nous ne tournons pas sur orbite. Nous avons nos propres idées, la France est un vieux pays sage, indépendant, membre du Conseil de sécurité des Etats-Unis qui a une Histoire un peu pus vieille que celle des Etats-Unis. Une Histoire faite de hauts et de bas, de guerres gagnées, de guerres perdues. Je crois qu'elle a surtout, cette vieille France, des rapports très particuliers avec le monde arabe et avec l'Afrique. Elle a une façon d'écouter, d'être près des gens, de les prendre par le bras ou par la main. La France ne tourne autour d'aucune orbite. Elle voudrait tourner elle-même et cela ne l'empêche pas d'avoir des amitiés et de savoir que nos alliés sont les Américains mais pas seulement et aussi que les Américains se trompent souvent et qu'il n'est pas toujours facile de travailler avec eux.
Le monde n'est pas parfait, le Moyen-Orient non plus, le monde arabe non plus. Ce n'est pas facile, obstinons-nous.
Q - La France ne tourne dans l'orbite de personne, vous ne tournez dans l'orbite de personne Monsieur le Ministre.
R - Merci.
Q - Vos réponses ont été extrêmement claires, j'aimerais savoir s'il y aura quelque chose de plus positif de la part de la France ?
R - Mais, d'abord, nous tournons quand même dans l'orbite européenne et l'Europe, c'est quelque chose que nous avons inventé et qui n'est pas si mauvais que cela et tout le monde veut l'imiter. J'espère que le monde arabe le voudra un jour. S'assembler, être ensemble, bâtir ensemble...
Vous savez, en Irak, un endroit du monde extrêmement dangereux, nous ne devons pas arriver avec des certitudes ; tous ceux qui sont venus de loin avec des certitudes se sont "cassé les dents".
La France vient à petits pas, elle vient à l'écoute des gens et elle essaie de les comprendre. Elle reviendra. Ce n'est pas un voyage éclair, ce n'est pas du tourisme, même pas du tourisme diplomatique.
Je n'ai pas de solution miracle maintenant, mais je sais qu'il faut s'acharner. Je sais qu'il faut être ensemble, aussi bien avec les Chiites qu'avec les Sunnites, aussi bien avec les Kurdes qu'avec les Turkmènes, ou bien avec les Chrétiens qui souffrent dans ce pays comme d'ailleurs la plupart des chrétiens qui souffrent souvent dans les pays arabes. Il faut faire attention à cela, toutes les communautés se valent et se ressemblent.
J'espère que, la prochaine fois, car je reviendrai, j'espère vous proposer des choses plus solides.
Q - Je voudrais une réponse claire et brève s'il vous plaît Monsieur le Ministre, votre visite est-elle fructueuse ?
R - Oui. Suffisante, non.
Q - Une dernière question, avez-vous l'intention d'organiser une visite présidentielle ?
R - Nous en avons parlé. Mais vous savez que le président Talabani est venu l'an passé en France. Je l'ai vu d'ailleurs et il m'avait invité d'ailleurs, mais sans les Américains.
Q - Je vous remercie beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 août 2007